Les attaques contre le Droit continental s’intensifient

18/02/2023 (2023-02-18)

[Source : valeriebugault.fr via RI]

Par Valérie Bugault

En marche vers l’esclavagisme et l’abandon de notre civilisation

Contextualisation du débat

Je dénonce depuis des années l’infiltration de notre modèle de droit européen, fondé sur un droit civil commun, par des instances et autres organisations, y compris académiques, dévouées à la cause « commercialiste » chère au droit anglo-saxon.
Il faut encore préciser que, par « droit anglo-saxon », je parle précisément du droit britannique en tant qu’arme absolue au service exclusif des puissances financières dominantes. Cette bifurcation malheureuse du droit anglo-saxon résulte de deux évènements historiques majeurs, à savoir :

  • la disparition de sa concurrence par le droit canon à la suite de l’éviction de l’Église catholique du territoire britannique par Henri VIII en 1531, suivi de :
  • l’avènement d’Olivier Cromwell qui a positionné la haute finance comme tête de proue du développement de l’empire britannique.

À l’opposé de ce contre-modèle juridique « moderne » d’origine britannique, se trouvait notre Droit continental – assez généralement commun aux pays européens – fondé sur la prééminence d’un droit civil commun, au service de la justice, de la vérité et de la protection de la personne humaine.
Il faut comprendre que ce modèle de Droit prit, après la Révolution française, la forme d’un droit civil commun, issu de la fusion du pouvoir règlementaire temporel, Roi et seigneurs inclus, avec le pouvoir normatif spirituel développé autour des principes de droit naturel développés tout au long du Moyen-Âge par les grands docteurs de l’Église, souvent issus du clergé régulier. Nous parlons ici du fameux Code civil de 1804.

Si les attaques systémiques contre ce modèle de Droit, appelé Droit continental, se manifestent ouvertement en France depuis 2004, elles arrivent aujourd’hui à leur terme : notre Droit civil commun, en soin intensifs et sous assistance respiratoire depuis une bonne quinzaine d’années, fait désormais l’objet d’un opération coordonnée tendant à son élimination par « mort assistée ».

On constate que le modèle de Droit axé autour de la défense de la dignité, du libre-arbitre et de l’intégrité de la personne humaine suit, logiquement, le sort réservé par les « puissants de ce monde » aux individus ordinaires, vaguement consentants… En d’autres termes, il en va, logiquement, du modèle de Droit comme de la personne humaine… leur obsolescence est programmée par les principaux argentiers d’un monde à la dérive.

Les faits

Les attaques, débutées en 2004 à l’occasion du bicentenaires du Code civil, par la mise en accusation générale des « maux du droit », se sont au fil du temps précisées, notamment, par :

  • La mise en avant par les milieux académiques d’une prétendue « propriété économique », laquelle s’oppose directement au droit de propriété traditionnel et confère la disposition des biens et des choses aux principaux détenteurs de capitaux. Le modèle utilisé pour la théorie de la « propriété économique », est celui du contrôle juridique de la monnaie (seul bien dont la fongibilité juridique est absolue) par les banques ;
  • La lente et insidieuse marche vers l’assimilation du droit réel avec le droit personnel, aidé en cela par les fondamentaux de la « comptabilité en partie double », laquelle ne fait aucune distinction entre une « créance », non susceptible d’appropriation (sauf à considérer l’esclavage comme une « valeur sociale »), et un « bien matériel » susceptible d’appropriation ;
  • L’assimilation des conditions de la cession de créance civile avec celles de la cession de créance commerciale, dans laquelle le débiteur cédé n’a plus son mot à dire ;
  • La falsification de notre modèle de droit économique au moyen, notamment, de :
    • L’avènement en droit français de la « fiducie » – qui s’en passait très bien jusqu’alors – qui eut pour objectif de rendre compatible notre Droit continental avec le « trust », dont usent et abusent les paradis fiscaux sous juridictions anglo-saxonne, accélérant dès lors la financiarisation de notre économie ;
    • L’avènement d’une pseudo « Société à mission », frauduleusement présentée comme un modèle de « participation » Gaulliste, mais qui n’a strictement rien à voir avec un quelconque alignement du statut des apporteurs de travail avec les apporteurs de capitaux. Tout au contraire de la véritable « participation », l’objectif de la « Société à mission » est, rien de moins, que la disparition de la liberté d’entreprendre par la soumission de l’entreprenariat aux banques globales via l’objectif mondialement revendiqué de décarbonisation. La mise en œuvre de la décarbonisation revient à faire passer les victimes (PME et citoyens) de la pollution généralisée de l’environnement pour les coupables dans le mêmes temps que les multinationales réellement coupables s’offrent une blancheur paradisiaque sur le dos de leurs victimes !
  • Enfin, et dernièrement par la mise en cause de notre modèle d’état civil comme relevant d’une prétendue fiducie ayant pour objet, et pour effet, de mettre la personne humaine sous le joug commercialiste d’un État lui-même prétendument entité commerciale1  !

L’analyse juridique de l’état civil au regard des principes du Droit continental, à l’origine, rappelons-le, de la civilisation européenne

Il est parfaitement incroyable de devoir rappeler des choses aussi évidentes que le fait qu’en Europe continentale, l’état civil, successeur laïc des registres paroissiaux du Moyen-Âge, n’a jamais été une « fiducie2 »  chargée d’une quelconque mission patrimoniale3.
L’état civil est tout au contraire le fondement indispensable de la Nation formant un groupe politique en ce qu’il a pour mission de donner à chaque individu une reconnaissance sociale et, par là-même, de lui donner une juste place dans le groupe.
En effet, des droits et obligations résultent de la reconnaissance des personnes par leur inscription à l’état civil. Dit autrement, les droits et obligations sont des attributs de la personnalité juridique. Ce qui ne signifie évidemment pas qu’un enregistrement à l’état civil mettrait les individus sous le joug d’une entité commerciale. Rappelons à cet égard, puisqu’il le faut, que les articles 16 et suivants du Code civil assurent et garantissent la protection et l’inviolabilité de la personne humaine. Notamment l’article 16 dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». L’article 16-5 ajoutant que « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».

Il faut en l’espèce se garder de confondre « reconnaissance sociale » et « appropriation économique ».
L’état civil garantit à l’individu sa place, de droit, au sein de la société humaine et politique à laquelle il appartient ; ainsi compris l’état civil est la première pierre de la Nation permettant d’organiser politiquement la vie collective. L’état civil en droit continental n’a absolument pas pour effet de le rendre les personnes esclaves d’une entité juridique qui serait de nature commerciale ; il répond exactement à l’objectif inverse de libérer l’individu en lui reconnaissant une juste place dans le groupe humain auquel il appartient.

En effet l’État est, en droit continental, une personne morale de droit public et non, en aucun cas, une entreprise commerciale ! Quelques soient par ailleurs les attaques consistant à inscrire des personnes morales de droit public sur des registres commerciaux, il existe une différence fondamentale, existentielle, entre une « entreprise », personne morale de droit privé régie par le droit commercial et par le Code de sociétés, et une « personne morale de droit public » qui n’est soumise ni aux lois sur les Sociétés commerciales, ni aux règles générales du droit commercial.
Il n’en va évidemment pas de même en droit anglo-saxon, dérivé du droit issu de l’empire maritime britannique, pour lequel toute entité autre que la personne physique relève, grosso modo, du droit commercial4

Il faut noter que ces tentatives pour faire disparaître le Droit continental, s’incluent dans un mouvement géopolitique plus vaste dénoncé par des États étrangers, notamment la Russie, consistant à changer le droit international pour le transformer en vagues « règles », mouvantes en fonction des intérêts supérieurs bien compris de l’empire commercialo-maritime anglo-saxon.

En conclusion : nous assistons à la mise en œuvre d’une propagande massive en vue de faire disparaître le Droit continental, dernier bastion de défense de l’intégrité et de la dignité de la personne humaine

La « fraude du nom légal » est une analyse valide dans les pays soumis au droit anglo-saxon – qui ne connait pas le concept de personne morale de droit public – dans lesquels la personne humaine peut effectivement être mise sous emprise de fiducies appartenant à des entités commerciales.
En revanche, prétendre imposer cette analyse dans les pays de Droit continental relève d’une imposture doublée d’une opération psychologique. Cette dernière opération, évidemment non dénuée d’intention chaotique, tend à insinuer dans l’esprit d’un public non averti le fait que toute personne qui n’est pas une personne physique relève du principe commercialiste.
Désormais, les promoteurs de la prétendue « fraude au nom légal » sur les territoires relevant du droit continental, se réfèrent au code civil5  pour prétendre faussement que l’état civil serait compatible avec la fiducie. Si l’état civil existe en Europe depuis toujours, au moins depuis le Haut Moyen-Âge après la chute de l’empire romain, la fiducie n’existait pas en droit civil français jusqu’à l’intervention de la loi de 2007.

Cette tactique, qui s’intègre parfaitement dans la stratégie d’ensemble tendant à rendre le droit civil perméable au droit commercial, a pour objectif, à terme, de remplacer les principes protecteurs du droit civil par le droit commercial esclavagiste. Il s’agit, pour les grands détenteurs de capitaux, de mettre en œuvre le principe de la servitude volontaire sur des populations rendues passives par la désinformation de masse.

Au fur et à mesure des « modernisations » successives dont il a fait l’objet, notre légendaire « Code civil » se transforme inexorablement en coquille juridique vide destinée à amorcer le virage du tout commercial, c’est-à-dire à valider la dictature commercialiste des grands argentiers de ce monde global.

Finalement, le Droit, censé garantir la protection des personnes et la sécurité juridique se transforme, sous les incessants coups de boutoirs de l’empire financier apatride anglo-saxon agonisant, en un magma informe qui organise, au double niveau national et international, l’insécurité juridique et le chaos.


⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.

  1. [1] Voir par exemple : https://www.change.org/p/procureur-de-la-r%C3%A9publique-fran%C3%A7aise-la-fraude-du-nom-legal[]
  2. [2] La Fiducie n’existait pas en droit français jusqu’à ce que le sénateur Philippe Marini estime nécessaire de l’y faire entrer en 2007 (année de l’arrivée du scélérat Traité de Lisbonne).[]
  3. [3] Rappelons que la fiducie, avant l’avènement de la loi Marini de 2007, était « un acte juridique par lequel une personne, nommée « fiduciant » transfère la propriété d’un bien corporel ou incorporel à une autre personne nommée « fiduciaire », soit à titre de garantie d’une créance (fiducie à fins de sûretés) sous l’obligation de rétrocéder le bien au constituant de la sûreté lorsque celle-ci n’a plus lieu de jouer (sauf si le bien acquis, par exemple une créance, a permis de désintéresser le créancier), soit en vue de réaliser une libéralité (fiducie à fins de libéralités) sous l’obligation de retransférer le bien à un tiers bénéficiaire après l’avoir géré dans l’intérêt de celui-ci ou d’une autre personne pendant un certain temps, soit afin de gérer le bien dans l’intérêt du fiduciant sous l’obligation de le rétrocéder à ce dernier à une certaine date (fiducie à fins de gestion). » Vocabulaire juridique, association Capitant, de Gérard Cornu.[]
  4. [4] Lire à cet égard, par exemple : https://cours-de-droit.net/droit-public-anglais-a126577482/[]
  5. [5] Cf. le récent fil Télégram intitulé « Le Bureau Juridique » avec, notons-le, les majuscules de rigueur en anglais pour les noms communs… utilise le Code civil comme illustration.[]