L’Élection de Macron est-elle un chèque en blanc pour passer sa réforme ?

13/03/2023 (2023-03-13)

[Source : maximetandonnet.wordpress.com]

Réforme des retraites : et si la classe politique avait tout faux ?

Par Maxime Tandonnet

« Le résultat des élections de 2022 doit impérativement prévaloir sur les sondages et sur “la rue” » : cette affirmation domine le discours officiel, politique et médiatique, pour justifier la volonté du pouvoir actuel et de ses alliés de mener à son terme, quoi qu’il arrive, l’emblématique réforme des retraites. Ainsi, le report à 64 ans du départ de l’âge à la retraite, dérivé de la promesse de campagne de M. Macron de porter cet âge à 65 ans, serait comme gravé dans le marbre. Un tel raisonnement se heurte à l’esprit initial de la Ve République. Dans l’esprit de son fondateur, Charles de Gaulle, l’élection ne valait pas une sorte de chèque en blanc pour les dirigeants politiques, dont la légitimité pour réformer le pays reposait, au-delà du scrutin initial, sur la confiance populaire préservée. D’où les referendums successifs où le Général engageait sa confiance et la poursuite de son mandat. Présider ou gouverner la France contre son gré, sans la confiance et le soutien populaire, était inconcevable à ses yeux.

Les faits lui donnent raison. C’est une erreur profonde de prétendre qu’en élisant le président Macron en 2022, une majorité des Français (globalement) lui a accordé un feu vert pour mettre en œuvre les 65 ou 64 ans. La présidentielle de 2022 s’est déroulée sans véritable campagne, sans le moindre débat de fond, entre les terreurs covidesques et le déclenchement de la guerre d’Ukraine. Le choix de nombreux électeurs de l’actuel président était dominé par la crainte de voir M. Mélenchon ou Mme Le Pen parvenir à l’Élysée. Certes à un moment de la campagne, pour couper l’herbe sous le pied de la candidate de droite, le candidat-président a annoncé un report de l’âge de la retraite à 65 ans (tandis que quelques mois auparavant, il fustigeait cette mesure comme hypocrite). Mais il est abusif d’affirmer que les électeurs (dans leur ensemble) avaient cette mesure à l’esprit quand ils ont voté dans un contexte global extrêmement anxiogène. Quant au message principal, des législatives qui ont suivi, avec 46 % de participation, le refus d’accorder une majorité absolue au chef de l’État manifestait bien au contraire une volonté populaire de ne pas accorder au président un blanc-seing, y compris sur les 65 ans.

La séquence politique actuelle est dramatique pour la démocratie française. La mesure phare des 64 ans est immensément impopulaire et rejetée par les trois quarts des Français et les neuf dixièmes des actifs comme le prouvent toutes les enquêtes d’opinion, confirmant une réalité que chacun peut percevoir dans sa vie quotidienne. Or, sous de mauvais prétextes, la classe dirigeante donne le sentiment de n’en tenir aucun compte. Elle s’enfonce dans une attitude qui manifeste une sorte de fuite dans le mépris et la déconnexion. Pire : dans ce bras de fer entre les élites dirigeantes et le peuple, c’est le peuple qui a raison sur le fond. Les 64 ans ne servent strictement à rien compte tenu de la règle des 43 annuités. Leur unique effet sera d’obliger à travailler plus de 43 ans quelques catégories de travailleurs ayant commencé avant 21 ans donc ayant peu fait d’études (et échappant aux dérogations prévues pour les carrières longues). Le reproche d’inutilité et d’injustice envers cette mesure totémique est avéré. L’image d’une classe politique obtuse, refusant d’écouter le pays, à l’abri de ses palais et engoncée dans l’indifférence pendant que la France populaire s’enfonce dans une nouvelle galère — le blocage de l’économie et des transports — est dévastatrice.

Selon le discours dominant, le président « ne pourrait plus gouverner s’il renonçait à cette mesure ». Pourtant, qu’il cède ou non, la confiance, déjà fragile, sera définitivement rompue avec le pays, obérant gravement la suite de son mandat. Et quasiment toute la classe politique sortira perdante de cette épreuve de force entre elle-même et la Nation. Les leaders officiels de la droite LR se sont gravement compromis avec la majorité présidentielle dans une logique d’arrogance au prétexte de coller à un programme qui, à quatre reprises (présidentielles et législatives), a contribué à leur défaite. La Nupes a fait naufrage dans l’outrance. Cette crise sociale a aussi montré les limites de la « dédiabolisation » du RN, avec lequel les syndicats rejettent tout contact, un parti qui ne parviendra jamais à incarner l’apaisement et une réconciliation dont la France a tellement besoin. Dans cette débâcle qui signe peut-être le paroxysme de la décomposition politique et semble ouvrir sur un abîme, seuls les « frondeurs » de la droite LR pourraient éventuellement tirer leur épingle du jeu. Ils sont une vingtaine de la jeune génération LR. Ils ont compris (contrairement aux leaders du parti) qu’au-delà de l’emblématique report à 64 ans (encore une fois inutile et injuste) se jouait un bras de fer entre les « élites dirigeantes » incarnées par la présidence Macron et la France populaire, le monde du travail. À condition cependant de ne pas faire naufrage à leur tour dans la mégalomanie, la prétention solitaire et le culte de la personnalité. 

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