Le conditionnement collectif

27/02/2023 (2023-02-27)

Par Bernard Thoorens

Ce texte attribué généralement à Aldous Huxley, auteur du Meilleur des mondes (« Brave New World »), et parfois à Gunther Anders « Extrait de l’obsolescence de l’homme » est en fait celui de Serge Carfantan, philosophe et professeur de philosophie. Il date de 2007 (Leçon 163 : Sagesse et révolte). Carfantan utilise une prosopopée, figure de style consistant à faire parler Aldous Huxley comme s’il vivait en 2007 : « Si nous devions formuler dans un discours une prosopopée du cynisme politique incarné par le personnage cynique d’Huxley, cela donnerait quoi ? »

Il lui fait dire :

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur — qu’il faudra entretenir — sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste, et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »

En matière de tranquillisant social, en 2023 on fait mieux que la sexualité, ou plus : les jeux et la drogue. Cela ne vous rappelle-t-il pas les jeux du cirque lors de l’effondrement de l’Empire romain ? Les jeux, tout aussi addictifs, s’apparentent également à une drogue. L’industrie du jeu vidéo a réalisé un chiffre d’affaires en France de 5,6 milliards d’euros en 2021 ; cela montre son envahissement dans la vie des Français. La drogue a malheureusement envahi la France elle aussi (et le monde) avec la complicité criminelle de nos dirigeants, à tel point que depuis 2018 on inclut son chiffre d’affaires dans le PIB ! la comptabilité nationale s’enrichit de la vente de produits qui esclavagisent et qui tuent. Ce ne sont pas les seuls (pesticides, additifs alimentaires nocifs, cigarettes, armement), mais ce simple fait traduit bien la déliquescence avancée de notre société.

Et le comble, c’est le mensonge que l’on nous présente pour façonner notre pensée/opinion/croyance : en opposition totale avec ce fait parfaitement avéré, profitant de l’émotion suscitée par l’affaire Pierre Palmade, le ministre de l’Intérieur nous annonce dans le Journal du dimanche vouloir prendre des mesures fortes, comme « le retrait des 12 points du permis en cas de consommation de drogue » au volant.

Ah, la belle déclaration vertueuse que voilà ! Il utilise une des armes les plus puissantes de son armurerie, la communication politique…

Au chapitre IV (Propaganda in a Democratic Society) de son livre « Brave New World Revisited » (Retour au meilleur des mondes) écrit en 1958, 26 ans après le Meilleur des mondes, Aldous Huxley écrit :

« Utilisés dans un sens, la presse, la radio et le cinéma sont indispensables à la survie de la démocratie. Utilisées d’une autre manière, elles sont parmi les armes les plus puissantes de l’armurerie du dictateur. […] Dans l’Est totalitaire, il y a une censure politique et les moyens de communication de masse sont contrôlés par l’État. Dans l’Occident démocratique, il existe une censure économique et les moyens de communication de masse sont contrôlés par des membres de l’élite au pouvoir. »

C’est-à-dire les mêmes !

Et en guise de conclusion, ou de sujet de réflexion, au choix, voici un court extrait du livre de Jean-Marc Bot, « Osons reparler de l’enfer » :

L’état d’esprit des damnés.
Les réprouvés se sont piégés eux-mêmes en se créant un monde illusoire fondé sur le mensonge. Ils sont entièrement attachés à leurs rêves, comme des drogués. Les désirs qui les habitent ont pour objet une jouissance à eux, complètement indépendante de Dieu. Les démons et les damnés sont des enragés obsessionnels centrés sur eux-mêmes. Inlassablement, ils cherchent à tirer un maximum de plaisir de leurs tendances perverties par l’orgueil et l’égoïsme. Leurs fantasmes déploient un écran impénétrable entre eux et le monde réel voulu par Dieu. Comme ils sont créés pour être élevés par grâce au bonheur divin, ils ne peuvent qu’éprouver un sentiment effrayant de frustration et d’échec.

[…] En enfer l’orgueil dévore tout. Ce qui domine, c’est la fureur contre Dieu et le prochain, causée par l’incapacité radicale d’aimer et de se laisser aimer.

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