L’arbre

Par Joseph Stroberg

Dans le jardin d’Eden,
Vivait un arbre immense,
Le témoin éternel,
La sagesse infinie.
Cet arbre portait des fruits,
Depuis l’aube des temps,
Et les nourrissait,
Comme une mère ses enfants.
Cet arbre aimait ses fruits,
Pommes d’or par myriades,
Et ceux-ci étaient l’arbre,
Et ceux-ci s’entraimaient.
Univers à lui seul,
Il n’était qu’harmonie,
Et son sein vibrait,
Et son cœur chantait,
Vers le grand Créateur
Dont il émanait,
Vers le Un cosmique
Qu’il était aussi.
Mais un jour, mais une nuit,
Il y eut un éclair,
Il y eut un nuage.
Mais un jour, une nuit,
Naquit l’ombre en ses branches,
Et ses fruits dans la lumière,
De mille feux resplendirent,
Ses fruits dans la lueur,
L’un l’autre découvrirent.
Peaux lisses et nues sous l’informe,
Chairs dorées sur le vide,
Ses pommes virent l’ailleurs,
Respirèrent l’infini
Et souhaitèrent s’y fondre.
Un instant translucide,
Dans une goutte de temps,
Les deux tiers quittèrent l’arbre,
Pour tomber vers quoi ?
Pour tomber jusqu’où ?
Les deux tiers quittèrent l’arbre
Et churent longtemps,
Longtemps.
Et un jour ou une nuit,
Le sol, elles heurtèrent
Et amèrement s’y meurtrirent.
Et un jour d’une nuit,
Elles se coupèrent, se déchirèrent,
Et furent depuis lors
Séparées, désunies,
Et furent depuis lors
Par moitiés, perdues…