19/07/2024 (2024-07-19)
[Source : herodote.net]
[Illustration : Maquette de la ferme de Verberie (aristocratie gauloise). Cité des Sciences et de l’Industrie (Paris), « Les Gaulois, une expo renversante », 2012.
Photo par Claude Valette — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20784151
(Wikipédia)]
Par André Larané
Avant notre ère, le territoire compris entre les Pyrénées, les Alpes et le Rhin (France, Benelux, Suisse et Rhénanie actuels) avait une unité toute fictive.
Il appartenait à l’immense domaine de peuplement celte qui s’étendait des îles britanniques jusqu’au bassin du Danube et même jusqu’au détroit du Bosphore (le quartier de Galatasarai, à Istamboul, rappelle encore aujourd’hui la présence de Galates, cousins des Gaulois, dans la région).
C’est la conquête romaine qui allait lui donner un semblant d’unité avant que n’en sortent la France et ses voisins. Et contrairement aux idées véhiculées du Moyen Âge au début du XXe siècle, contrairement aussi à l’imagerie sympathique d’Astérix le Gaulois, ce n’était en rien un pays de sauvages avec d’épaisses forêts pleines de sangliers. Les historiens et archéologues de la fin du XXe siècle ont fait litière de ces préjugés.
Une unité fictive
La Gaule proprement dite est partagée entre Rome et des tribus indépendantes celtes, mais aussi ibères ou encore germaniques.
Jules César lui-même a perçu cette diversité : « La Gaule, dans son ensemble, est divisée en trois parties, dont l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui dans leur propre langue, se nomment Celtes, et, dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples diffèrent entre eux par la langue, les coutumes, les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par le cours de la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les plus braves de tous ces peuples sont les Belges, parce qu’ils sont les plus éloignés de la civilisation et des mœurs raffinées de la Province, parce que les marchands vont très rarement chez eux et n’y importent pas ce qui est propre à amollir les cœurs, parce qu’ils sont les plus voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin et avec qui ils sont continuellement en guerre » (La guerre des Gaules).
Avant que les légions de César ne pénètrent en Gaule, les Romains occupent déjà la partie méditerranéenne du pays, dont la capitale a été Narbonne avant de devenir Lyon. Cette région, la Gaule Narbonnaise, est aussi appelée la Province (dont nous avons fait Provence) car c’est dans l’ordre chronologique la première province de Rome.
La Gaule qui échappe à Rome est communément appelée « Gaule chevelue » du simple fait qu’elle est plus boisée que la Gaule méditerranéenne ! Les 64 pays gaulois (« pagus ») sont très différents les uns des autres et sensibles aux influences des pays riverains (Italie, Germanie, Espagne) et même plus lointains (Grèce). Certains sont des chefferies héréditaires, d’autres des républiques plus ou moins démocratiques.
Le trésor de Vix
En 1953, on a découvert à Vix, en Bourgogne, la tombe d’une princesse celte morte vers 480 avant JC.
Son trésor funéraire incluait un cratère (vase) en bronze de 1,64 mètre, originaire de l’Italie du Sud qu’on appelait alors la Grande Grèce !
Cette découverte atteste que, très tôt, les Celtes de l’hexagone, plus tard appelés Gaulois, avaient des liens commerciaux nombreux avec les civilisations de la Méditerranée.
Les limites des pays gaulois recoupent plus ou moins celles des futurs comtés carolingiens et des départements créés par la Révolution ! Les noms de leurs habitants se retrouvent d’ailleurs dans les noms des actuels chefs-lieux de département : Vénètes (Vannes), Cadurques (Cahors), Nemnètes (Nîmes), Parisii (Paris), Tarbèles (Tarbes), etc. Cette organisation territoriale, qui se perpétue envers et contre tout à travers plus de deux millénaires, est l’un des marqueurs principaux de l’histoire de France (on peut s’inquiéter que d’aucuns veuillent y mettre fin en supprimant les départements).
Un pays prospère et fortement peuplé
Dans son ensemble, la Gaule se caractérise par une forte densité de population. On évalue à douze millions le nombre de ses habitants, soit davantage qu’à certaines époques du Moyen Âge.
Loin d’être un pays de forêts impénétrables uniquement peuplées de sangliers comme le laisseraient croire certaines bandes dessinées, la Gaule est en grande partie défrichée et couverte de belles campagnes comme l’atteste l’archéologie aérienne. Ses habitants manifestent un exceptionnel savoir-faire dans l’agriculture et l’élevage. D’ailleurs, le potentiel agricole de la Gaule compte pour beaucoup dans l’intérêt que lui portent les Romains.
En retour, les Gaulois portent beaucoup d’intérêt pour les ressources de leurs voisins romains. Ainsi les archéologues ont-ils évalué à une centaine de millions le nombre d’amphores de vin que les Gaulois auraient achetées aux Romains dans les siècles précédant la conquête.
Des dieux et des hommes
Nous avons peu de traces des dieux gaulois. Quatre divinités semblent attestées : Esus, dieu forestier ; Teutatès (le Toutatis d’Obélix), dieu de la tribu ; Taranis, maître du ciel ; Cernunnos, maître du bétail et de la faune sauvage.
Contrairement à ce que laisse croire le druide Panoramix, les prêtres ne célèbrent pas le culte dans la forêt, mais dans des temples sans doute assez semblables à ceux que l’on rencontre en Grèce et autour de la Méditerranée.
Les Gaulois pratiquent en général l’incinération, avec inhumation de l’urne funéraire. Ils croient que la mort est une étape dans un cycle de réincarnations successives qui mène pour finir aux demeures célestes. Les guerriers morts au combat échappent au lot commun. Leur dépouille reste à l’endroit où ils sont tombés. Eux-mêmes ont le privilège d’accéder directement aux demeures célestes en grillant les étapes intermédiaires.
[Voir aussi :
Jésus le Gaulois ?]
Les Gaulois reviennent à la vie
En janvier 1789, à la veille de la Révolution française, l’abbé Joseph Sieyès publie un opuscule retentissant : Qu’est-ce que le tiers état ? Dans ce petit ouvrage, il présente les Gaulois et plus précisément les Gallo-Romains comme les ancêtres du tiers état (le peuple), en les opposant aux Francs, ancêtres des nobles et aristocrates. C’est ainsi que sortent de l’ombre « nos ancêtres les Gaulois », éclipsés jusque-là par les chroniqueurs officiels qui se contentaient de relater les exploits de la monarchie et faisaient remonter celle-ci à Clovis (Ve siècle de notre ère).
Les Gaulois vont acquérir leurs lettres de noblesse avec Napoléon III ! Féru d’histoire antique, l’empereur écrit en collaboration avec Victor Duruy une biographie de Jules César et par la même occasion, se pique de passion pour Vercingétorix. Il le fait représenter sous ses traits à Alise-Sainte-Reine, lieu supposé de la bataille d’Alésia.
C’est le début d’une étrange dichotomie chez les Français cultivés qui considèrent les Gaulois comme leurs ancêtres et dans le même temps, les voient comme des sauvages que les Romains ont eu le bon goût de soumettre et civiliser.
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