22/06/2021 (2021-06-22)
[Source : La Minute de Ricardo]
Par Delphine Volange
Je suis Delphine Volange et j’appartiens à la société du beau sexe.
N’étant la mère de personne j’escomptais que celles qui le sont iraient enragées par les rues de France défendre en lionnes la vitalité et le visage outragés de leurs petits qui vivent depuis des mois sous la chiffe.
Comme j’avais cru que celles proclamées féministes iraient ensemble gonfler une vague irrépressible contre l’affront sans nom fait à leurs sœurs en couche tenues jusqu’à l’automne dernier de donner la vie sous un masque.
Mais je vis hier encore une jeune mère indigne gourmander son petit garçon déjà emmuselé qui risquait de rendre des gens fort malades en portant trop négligemment sa chiffe.
J’ai dû rêver enfant d’un Armageddon où nous serions unis d’évidence contre l’épouvante, où le roi mon père saluerait mes bravoures, où nous serions les héros flamboyants et solidaires dans le roman.
Je croyais que les ailes de l’amour tiendraient tous les gentils blottis ensemble contre l’adversité par-delà les abîmes.
Je n’avais pas imaginé que ce cauchemar où nous sommes serait doublé d’un autre mauvais rêve, non moins insidieux.
Car nos frères, nos sœurs et nos parents cachent encore je ne sais quelle honte sous un chiffon chimique et envisagent le sérum salvateur comme une heureuse fatalité.
Au sein de nos liens chéris, spéciaux et uniques ces désaccords caricaturaux, communs s’insinuent effrontément, avec pour nous leur dure leçon d’humilité.
Mais tout cela trahit bien pire qu’un différend sous le ciel de la matrice.
Si nos érudits bien-aimés et civilisés peinent à comprendre ce que des grands-mères roumaines ou inuit sentent d’instinct dans les plaines de l’Arctique c’est parce qu’elles savent les choses de la Nature, les hauts secrets de la Vie et qu’aucuns poisons artificiels aucuns sortilèges malfaisants de l’Apocalypse ne sauraient jamais se soustraire à leur éminence.
Pour moi, à défaut d’herbes folles et de Carpates j’ai grandi au jardin des Tuileries quelque part dans la Voie lactée où la lune fait luire dans le noir le marbre des statues. Mais dans ces tragédies d’amour qui vous dérobent le monde et le goût des fleurs, les fils de mes bas ont fini par se prendre à ces voiles qui dit-on recouvrent la conscience, me laissant entrevoir un peu ce qui est caché et que je ne saurais raconter sans mystère ni précautions infinies de délicatesse envers mes frères humains.
Faut-il donc s’être éveillé souventes fois d’un lieu crépusculaire de l’intelligence et d’une sorte d’hypnose pour n’être plus dupe du pervers ou grossier cours des choses…sous le ciel de la matrice où la fausse lumière, les mensonges et le ridicule tuent ?
Nous la Légion des Doux qui avons surmonté en secret de vertigineux scandales, la profanation de notre tendresse, nos allégeances insensées et de cruels vaudevilles, nous n’avons plus peur de voir en face : la Ténèbre.
Et nous brillons dans le noir.
Mais nous tremblons aussi pour ceux que nous aimons.
En plus de saigner chaque jour face à l’humiliation consentie et à l’héroïsme châtré de beaucoup.
Nous craignons pour eux, quand bien même ils s’agacent de nous ou nous mésestiment.
Nous brûlons d’amour.
Serait-ce parce que l’ange d’amour est sans pitié ?
Parce qu’il nous veut toujours plus grands et sages et bienveillants et pleins de courage ?
Et nous fait passer ici l’épreuve de la plus haute flamme.
Pour qu’une fois conquise elle embrase tous ceux que nous chérissons et les protègent surnaturellement des dangers encourus, des bêtes cornues, des enfers et de tous les venins.
Et qu’elle éclaire notre passage à tous depuis les caves de l’Empire vers la lumière du jour.
Bien que la nuit fasse peser sur nous son lourd manteau, l’aube viendra.
À propos de l’auteur
Delphine Volange est née parmi les roses d’un jardin sarthois. Elle fut élevée au cœur de Paris, chez les Sœurs qui ne contrarient pas son goût pour les crépuscules inquiétants, les romans d’amour impossible ni les mystères de l’Au-delà… Dès son enfance, elle invoque les Muses et le Saint-Esprit, invente avec allégresse ses spectacles et chante des incantations à l’âme ardente des étoiles : Sirius, Bételgeuse, Aldébaran… Elle obtient ses premiers succès dans les salons du tout-Paris, où elle rencontre – parmi de nombreux personnages du Roman de sa vie – les acteurs de ses futures destinées musicales…
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