France — Un rapport accablant dénonce des maltraitances dans les crèches

11/04/2023 (2023-04-11)

[Source : lesechos.fr]

L’Inspection générale des affaires sociales a interrogé plusieurs milliers de professionnels travaillant dans des crèches et dresse un constat accablant.

Par Sarah Dumeau

Des enfants laissés toute la journée dans la même couche « parce qu’ils ne pleuraient pas et n’étaient pas prioritaires », privés de sieste faute de lits, « des bébés de 4 mois qui hurlent de faim, de sommeil, besoin d’être rassurés et doivent attendre, en silence si possible »… Dans un rapport affligeant publié ce mardi, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dénonce des maltraitances sur les enfants dans les crèches.

Les inspecteurs – qui ont été missionnés par le gouvernement après la mort en juin dernier d’un bébé de 11 mois dans une crèche privée à Lyon – ont visité 36 établissements et ont interrogé environ 5.000 directeurs, 12.000 salariés de crèches et 27.000 parents. Parmi les répondants , un quart estime avoir déjà travaillé dans un établissement qu’il considérait comme « maltraitant à l’égard des enfants », indique le document.

Ces données ne sont pas représentatives, donc ces résultats « ne signifient pas qu’un quart des établissements connaîtraient des faits de maltraitance : une telle interprétation serait abusive et erronée », tempère le rapport. Néanmoins, l’Igas pointe une qualité d’accueil « très disparate » en fonction des établissements et s’alarme de l’existence de crèches « de qualité très dégradée » ce qui peut entraîner « des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil » des tout-petits.

Humiliations et manque de soins

Les témoignages anonymes collectés par les inspecteurs à l’aide d’un questionnaire font état d’un manque de soins apporté aux enfants, ou d’humiliations. « Oublier de nourrir un bébé une journée entière », « ne pas donner à boire comme ça on change moins les couches », « enfant insulté, ‘tu chouines pour rien’, ‘tu sens mauvais’, ‘tes parents sont trop riches’ », énumère le rapport. « La directrice la forçait à manger jusqu’à la faire vomir, j’ai vu la directrice lui redonner son vomi », écrit un interrogé. Des punitions humiliantes sont rapportées : « enfermer un enfant seul dans un dortoir parce qu’il ne voulait pas manger dans son assiette ».

Pour limiter ces abus, l’institut recommande de renforcer les contrôles, de relever le taux d’encadrement et le niveau de qualification des professionnels et enfin de conditionner le financement de ces établissements à un objectif de qualité. Les rapporteurs soulignent la nécessité de remédier au manque d’attractivité des métiers de la petite enfance, « facteur aggravant autant que symptôme » des difficultés à bien accueillir les enfants.

Dans les témoignages, les professionnels du secteur décrivent leur désarroi de ne pas pouvoir faire correctement leur travail, faute de moyens : « nous ne répondions qu’aux besoins primaires et souvent nous finissions la journée en pleurs, en train de donner un biberon à un enfant par frustration de mal faire notre travail », d’autres racontent devoir « accueillir 23 enfants, à deux, de 7 h 30 à 9 h 45, sans aucune aide ».

« Agir rapidement »

Sur Twitter, la secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, a réagit en comparant les conclusions du rapport à la crise qui avait secoué le secteur de la dépendance, après la publication du livre-enquête « Les fossoyeurs », de Victor Castanet, révélant des maltraitances dans les Ephad du groupe Orpea . « Pas question de vivre une crise des EHPAD 2.0 », a-t-elle affirmé.

Face à ces constats, « l’ensemble des recommandations » de ce document seront prises en compte, a assuré ce mardi dans un communiqué le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, qui souhaite « agir rapidement ». Le ministre devrait annoncer des mesures dans le courant du printemps, dans le cadre du « service public de la petite enfance » promis par le président Macron : ce chantier a une dimension quantitative, avec la création nécessaire de davantage de places, mais aussi une dimension qualitative, a souligné l’entourage du ministre.

Avec AFP
Sarah Dumeau

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