09/01/2023 (2023-01-09)
[Source : Nexus]
De plus en plus nombreuses sont les personnes qui vivent en habitat léger ou qui envisagent de le faire, et qui se posent des questions au sujet des menaces administratives potentielles et des moyens appropriés pour y répondre.
Dans une vidéo du 15 décembre 2022 divisée en quatre parties, Jonathan Attias de Désobéissance fertile explique la stratégie à déployer pour obtenir le droit de vivre en habitat léger sur des terrains non constructibles, et résister efficacement face aux injonctions administratives.
◆ Partie 1 : Récapitulatif des lois (à partir de 1mn14)
Avant de commencer à entrer dans le vif du sujet, Jonathan Attias fait un récapitulatif de la loi et l’application qui en est faite. Avant 2014, il n’existait pas de véritable statut qui expliquait ce qu’est l’habitat léger. Depuis la loi ALUR, la notion de « résidence démontable » est définie. C’est un habitat qui n’a pas d’emprise au sol, autrement dit qui n’a pas de fondation, sans limite de taille. Contrairement à ce qu’on imagine avec le terme « habitat léger », on peut tout à fait disposer d’espace et d’une yourte de 50 m2 par exemple.
La loi ALUR détermine également le cadre juridique qui s’applique pour la résidence démontable, à travers les STECAL (secteurs de taille et capacité d’accueil limitées) qui sont des zones au sein des plans locaux d’urbanisme qui peuvent déroger aux zones constructibles traditionnelles pour permettre à l’habitat léger d’y être installé.
Avant 2014, les STECAL pouvaient être déterminés seulement par les mairies. Depuis la loi ALUR et les dernières réformes territoriales, ça s’est complexifié : si on veut mettre un STECAL dans une commune, il faut à la fois passer par une commission départementale, la CDPENAF, et se mettre d’accord avec l’ensemble des communes environnantes, dans le cadre du plan d’urbanisme local intercommunal.
Tous ceux qui vont aller frapper à la porte d’une mairie pour lui demander de l’aide ne doivent pas s’attendre à ce qu’elle vous ouvre les bras, parce qu’elle a perdu son droit de décision. En revanche, elle a gagné le droit de vous dénoncer.
« Les mairies aujourd’hui sont dépossédées de ce droit de décider. Cela ne vaut donc pas le coup de leur demander l’autorisation parce que ça les met dans l’embarras », souligne Jonathan Attias.
Aujourd’hui, ce qu’une mairie peut faire de mieux, c’est de tolérer cette manière de vivre, de fermer en quelque sorte les yeux.
◆ Partie 2 : Que faire quand on reçoit un courrier administratif ? (à partir de 4mn)
Jonathan expose ensuite le cas des personnes qui se sont installées en habitat léger et qui ont reçu un courrier administratif leur demandant de retirer leurs habitats légers sous 30 jours, ce qui peut sembler de prime abord assez menaçant. La peur par rapport à l’institution peut alors les envahir.
Pour lui, « c’est du bluff, parce que malgré tout on est dans un pays de droit. On ne peut pas virer les gens comme ça du jour au lendemain ». De plus, les mairies et l’administration ont bien compris que l’opinion publique est en faveur de l’habitat léger.
« La loi va forcément évoluer en notre faveur. Si on va en justice et si on porte ces affaires politiquement et médiatiquement, on obtiendra gain de cause d’une façon ou d’une autre. »
Ce courrier est souvent rédigé à cause de la dénonciation d’un voisin, et c’est une façon pour la mairie de se protéger, de se couvrir.
Quand on le reçoit, la première des choses à faire est de solliciter un rendez-vous avec les élus et la commune pour présenter son choix de vie, lever les fantasmes qu’il peut susciter, et expliquer à quels besoins il répond : à des besoins économiques, parce que l’habitat léger, c’est peu coûteux. A des besoins agricoles, parce qu’aujourd’hui, quand on veut cultiver la terre tout en l’accompagnant au quotidien de manière respectueuse, que ce soit par l’élevage ou le maraîchage, on peut avoir besoin de vivre sur place au quotidien. Cela peut répondre aussi à des préoccupations écologiques, pour avoir un impact le plus léger possible, à la fois en matière énergétique et en matière d’habitat.
On peut aussi proposer à la mairie de trouver des solutions notamment grâce au PLU. Même si c’est plus compliqué depuis 2014 comme indiqué plus haut, il reste des possibilités légales autour des STECAL que les mairies ne connaissent pas. Arriver avec un dossier bien préparé pour montrer votre volonté de coopération et non entrer dans une lutte d’opposition pourra être un atout.
Des articles de loi à ce sujet se trouvent sur le site de Désobéissance fertile et dans le livre de Jonathan Attias.
Si cela se passe bien, comme cela arrive parfois, les élus vont tenter de régulariser la situation.
◆ Partie 3 : Comment entamer le rapport de force face aux autorités ?
En cas de refus de la mairie de coopérer, ce qui arrive aussi assez fréquemment, c’est à ce moment-là qu’on commence à changer de stratégie, à réfléchir à monter un comité de soutien local, à obtenir le soutien des habitants du lieu dans lequel on se trouve. Il y a plusieurs façons d’obtenir ce soutien :
– Montrer ses valeurs aux habitants à travers ce que nous réalisons, peut-être en répondant aux besoins du territoire. Les territoires ruraux étant bien souvent oubliés et désertés, proposer une activité qui les dynamise pourra être bienvenu.
– Pour créer l’émulsion au sein de comité local, créer des journées portes ouvertes sur notre lieu, ce qui permettra aux gens de voir où nous habitons, comment nous gérons nos eaux usées, nos toilettes sèches, notre habitat.
– Proposer des évènements qui soient à la fois militants et festifs pour rassembler, fédérer et tenir informés de ses actualités ceux qui nous soutiennent.
Ce comité de soutien est très précieux parce que c’est avant tout un soutien moral, en plus du soutien matériel, qui va nous être donné et qui va nous faire un bien fou pour tenir bon.
Quand on est dans une situation où on est face à une mairie, et globalement face à l’État, pour défendre l’habitat léger, cela prend beaucoup d’énergie. Moralement, c’est épuisant.
Désobéissance fertile conseille aussi de lancer une pétition pour obtenir un soutien massif, qui dépasse l’échelle locale, avec des dizaines de milliers de signatures, dans toute la France, voire à l’international. Cela permet de montrer que la cause que l’on défend n’est pas le simple fait de notre famille. Ces soutiens sont importants, car il sera possible ensuite de les solliciter à des moments clés : ces soutiens virtuels pourront également venir physiquement soit chez nous, soit à la mairie, soit devant la cour de justice et autres endroits stratégiques pour mettre la pression sur les autorités.
Créer des campagnes de médiatisation auprès de médias locaux comme France 3 régions ou France Bleu pourra être utile, ainsi qu’auprès de la presse papier locale ou régionale. On pourra expliquer pendant les interviews l’état global actuel des choses, que nous traversons des crises successives : premièrement, une crise sociale avec le manque de logements. Des millions de gens n’ont pas les moyens de se loger décemment. Une crise agricole, parce que, d’une part, la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite dans moins de dix ans, et d’autre part parce qu’on a la nécessité de penser à de nouveaux modèles agricoles qui cessent de polluer la terre et d’empoisonner les êtres vivants. Et enfin une crise environnementale, notamment par rapport aux énergies : les habitats légers permettent, grâce à leur sobriété, d’avoir un d’impact qui soit le plus vertueux possible. La plupart des gens qui vivent ainsi sont dans une recherche d’autonomie et ne sont raccordés ni à l’eau ni à l’électricité, et n’apporteront aucun coût supplémentaire à la commune.
On pourra donner aux médias la réponse que nous apportons à ces crises en ayant choisi les habitats légers, en aggradant les terres agricoles, en intégrant les territoires ruraux et en les redynamisant, de telle façon que l’opinion publique nous soit favorable et que nous puissions entamer un rapport de force.
Ce qui va se passer très probablement, c’est que la mairie va se ranger derrière la loi, et répondre qu’il faut s’y conformer et que personne n’est au-dessus d’elle. Jonathan Attias insiste sur un point : dès le début de la médiatisation, il est important de signifier notre volonté de rester quelles que soient les décisions de justice et que, s’il le faut, si elles nous étaient défavorables, nous continuerons à nous battre pour vivre en habitat léger et pour faire valoir nos droits, quitte à monter une ZAD avec potentiellement des centaines de gens qui viennent nous soutenir.
Si on signifie dans notre rapport de force qu’on peut céder, on « donne le bâton pour se faire taper dessus », d’après Jonathan. Il faut montrer notre détermination quoi qu’il se passe, tout en étant irréprochables dans notre façon de vivre.
Les maires n’ont pas intérêt à ce qu’il y ait des centaines de personnes qui viennent manifester et troubler la quiétude de leur petite commune rurale.
Une fois le comité de soutien créé, la pétition et la campagne de médiatisation lancées, il est fort probable que nous soyons auditionnés par la gendarmerie. Avant cela, la mairie va venir, accompagnée de la DDTM, pour dresser un procès-verbal de constatation d’infraction à l’urbanisme, qui est une façon de nous mettre la pression parce que c’est impressionnant de voir des officiels débarquer sur son terrain. Mais il faut savoir que tout cela fait partie à nouveau d’un grand bluff. Ne pas céder, ne pas se laisser décontenancer, ne pas entretenir de complexe d’infériorité. Conserver sa droiture et son respect parce que, bien sûr, il faut distinguer les êtres humains des institutions qui se tiennent derrière elles, tout en affichant de la détermination pour faire valoir cette façon de vivre.
Une convocation va nous être remise pour être auditionnés à la gendarmerie afin de constituer un dossier qui sera transmis au procureur, qui va décider s’il veut aller en justice ou non. Tout ce que nous aurons entrepris pourra permettre que notre affaire soit classée. Il pourra préférer abandonner les charges plutôt que de voir une ZAD se créer.
◆ Partie 4 : Que faire si nous allons en justice ?
Cela peut être tout à fait possible aussi que nous allions en justice. Même si c’est long et éprouvant, c’est important de le faire, parce que selon Jonathan Attias, il faut qu’il y ait « de la jurisprudence, des décisions de justice qui soient assez fortes et impactantes pour donner le droit de vivre en habitat léger, et ensuite qu’il y ait un changement de loi ». Une décision de justice peut tout à fait dire : « La loi est faite ainsi, mais pour autant, on trouve ça injuste que ces gens ne puissent pas vivre en habitat léger sur leur terrain. On va donc prendre une décision de justice qui leur donne ce droit-là. »
Cette décision va devenir une sorte d’exception à la loi et les autres personnes qui seront jugées bénéficieront de cette décision pour la faire valoir à leur tour quand elles iront au tribunal.
Pendant cette période, on peut être aidés : d’abord, si on a de faibles revenus, afin de bénéficier d’un avocat qu’on ne paiera pas, on peut avoir droit à l’aide juridictionnelle qui s’occupera de notre dossier. On peut également choisir son propre avocat. Dans chacun des deux cas, il y a l’association Halem qui peut vous accompagner et vous aider à constituer votre dossier juridique. Elle existe depuis une dizaine d’années, et l’association Désobéissance fertile travaille avec elle et est en train de préparer pour elle une cagnotte solidaire.
Entre Halem qui s’occupe du juridique, et Désobéissance fertile qui s’occupe du politique et du médiatique, il existe de solides bases sur lesquelles s’appuyer pour défendre la cause des habitats légers à condition de souhaiter être dans la lumière et devenir des porte-drapeaux.
Si nous allons en justice, c’est aussi à ce moment-là que notre comité de soutien local va avoir toute son importance et pouvoir nous aider. S’il y a parmi ses membres quelqu’un qui connaît le droit, il faut en profiter. Nous tiendrons informés notre groupe de soutien national ou international qui pourra cotiser à travers des cagnottes solidaires et dont certains membres pourront se mobiliser physiquement et venir sur place. Organiser un jour un rassemblement devant les autorités comme la mairie, ou intervenir pendant les évènements qu’elle organisera, pour lui mettre la pression.
De manière pacifique ou non ? Selon Jonathan Attias, « il faut que les moyens d’action soient toujours au service de l’objectif », et il annonce que cette question sera évoquée dans une prochaine vidéo. En tout cas, il est conseillé de toujours laisser de la place à la discussion, à la négociation, à la bienveillance et à la paix afin que les choses puissent s’arranger malgré notre force de caractère et notre ténacité. Une ténacité qui pourrait aller jusqu’à mettre en place des barricades…
« Lorsqu’on vit de cette façon-là, notre objectif n’est pas d’être en guerre, loin de là, mais véritablement de vivre en paix, avec notre milieu, avec les autres êtres vivants, et que ça puisse se résoudre par le fait que la mairie retire sa plainte », déclare Jonathan Attias.
« Le combat que l’on mène, c’est un combat contre l’État qui exerce une injustice sociale, mais pas contre les individus derrière ces États. »
Lorsqu’on devient un ambassadeur de Désobéissance fertile, de l’habitat léger en général, de cette façon d’aggrader et de régénérer les terres, il est important qu’on maintienne une forme d’exemplarité, à la fois dans notre comportement et nos actions. « Du côté des institutions, chaque argument sera pris et exagéré de façon à vous diaboliser », souligne Jonathan.
Il conclut :
« Avec tout ce que je vous ai dit là, soyez certains d’une chose, que vous alliez en justice ou non, la pression sera sur les autorités. Ces autorités céderont parce qu’elles n’ont pas d’autre choix que de céder. C’est le cours de l’Histoire qui est en train de s’écrire aujourd’hui. Nous sommes en train de réinventer la place des humains sur la terre. Cette façon de vivre, à travers l’habitat léger, répond à cette nécessité que nous avons. »
Pendant la vidéo, il évoque le cas de deux personnes vivant en roulotte qui ont gagné face à la mairie qui a retiré sa plainte et sur lequel il a fait une autre vidéo et écrit un article dans le Nexus n° 144 de janvier-février 2023 actuellement en kiosque.
Vidéo retranscrite par Estelle Brattesani
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