La pierre angulaire de Big Pharma

Par Joseph Stroberg

Sur quoi reposent les larges bénéfices financiers de l’industrie pharmaceutique mondiale ?

Réponse : sur la croyance en l’existence de méchants ou vilains virus et autres germes ou microbes dont l’existence serait simplement vouée à emmerder l’Humanité et accessoirement les animaux et les végétaux en les rendant malades.

Pourquoi ?

Parce que cette croyance permet de vendre des antiviraux, des antibactériens, des vaccins et des pseudo vaccins.

Qu’est-ce qui finance en grande partie la formation universitaire des médecins ?

Réponse : l’industrie pharmaceutique.

Qu’est-ce qui subventionne largement les médias mainstream ?

L’industrie pharmaceutique.

Qu’est-ce qui a permis la justification soi-disant scientifique des mesures « sanitaires » [lire « totalitaires »] ?

La croyance en l’existence de méchants virus.

Qu’est-ce qui a tout intérêt à étouffer les effets secondaires de ses poisons pétrochimiques (appelés « médicaments » et « vaccins ») ?

L’industrie pharmaceutique.

Qu’est-ce qui a tout intérêt à étouffer le nouveau paradigme médical (aux sources anciennes) qui s’appuie sur la théorie du terrain ?

L’industrie pharmaceutique.

Qu’est-ce qui n’est pas prêt de favoriser la reconnaissance de la réfutation scientifique de la théorie des germes et de sa fille virale ?

L’industrie pharmaceutique.

Qu’est-ce qui gagne à entretenir la peur de virus augmentés créés en labos P4, au besoin via le concours de « résistants » ou prétendus tels ?

L’industrie pharmaceutique.

Qu’est-ce qui s’effondrerait si les êtres humains réalisaient qu’ils peuvent être leur propre médecin selon la manière dont ils corrigent leurs déséquilibres divers (par excès ou déficiences) à l’origine première de leurs maladies ?

L’industrie pharmaceutique.

Conclusion

La croyance dans les méchants virus et germes représente la pierre angulaire de Big Pharma. Faites tomber cette pierre et l’édifice s’effondre, entraînant dans sa foulée la chute du Nouvel Ordre Mondial.

[Voir le dossier
Vaccins et virus]




Sur quel rocher le Christ a-t-il bâti son Église ?

Par Joseph Stroberg

Mention préliminaire

Cet article pourrait choquer certains croyants, surtout s’ils se comportent comme les pharisiens du temps du Christ au lieu de s’efforcer de suivre quotidiennement son enseignement dont les piliers sont l’Amour, le Pardon, la Charité et l’Humilité.

La question de la pierre fondatrice

Tout part de la petite phrase traduite le plus souvent en français par :

« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. »

Matthieu 16:18

[Source : gotquestions.org]

La question de savoir si le « rocher » sur lequel Christ construira son église est Pierre, ou s’il s’agit de la confession que Jésus est « le Messie, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu 16.16), fait débat. En toute honnêteté, il est impossible de savoir avec certitude qui a raison. La construction grammaticale permet les deux possibilités.

Le premier point de vue est que Jésus déclare que Pierre serait le « rocher » sur lequel il construirait son Église. Il semble s’agir d’un jeu de mots : « Tu es Pierre (petros) et sur ce rocher (petra) je construirai mon Église », Christ faisant le lien entre le nom de Pierre, qui signifie « rocher », et son Église qu’il construira sur un rocher. Dieu a beaucoup utilisé Pierre au moment de la naissance de l’Église : il a été le premier à annoncer l’Évangile au jour de la Pentecôte (Actes 2.14-47), était présent quand les Samaritains ont reçu le Saint-Esprit (Actes 8.14-17) et a annoncé le premier l’Évangile aux non-juifs (Actes 10.1-48). En un sens, Pierre était la « pierre fondatrice » de l’Église.

L’autre interprétation courante du rocher est que Jésus ne se référait pas à Pierre, mais à sa confession de foi de Pierre au verset 16 : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » Jésus, qui n’avait jamais pleinement dévoilé son identité à Pierre et aux autres disciples, a reconnu que Dieu, dans sa souveraineté, lui avait ouvert les yeux et révélé qui il était réellement. Sa confession de Jésus comme le Fils de Dieu émanait de lui et était une affirmation sincère de sa foi personnelle en Christ, qui caractérise le chrétien authentique. Tous ceux qui, comme Pierre, ont mis leur foi en Christ constituent l’Église. Pierre exprime cette vérité en 1 Pierre 2.4 : « Approchez-vous de Christ, la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu, et vous-mêmes, en tant que pierres vivantes, laissez-vous édifier pour former une maison spirituelle, un groupe de prêtres saints, afin d’offrir des sacrifices spirituels que Dieu peut accepter par Jésus-Christ. »

Après la confession de Pierre, Jésus lui dit que c’est Dieu qui lui a révélé la vérité. Le terme « Pierre », Petros, signifie « petite pierre » (voir Jean 1.42). Jésus a ensuite employé un mot apparenté, petra, qui signifie « pierre fondatrice ». Le même mot est employé en Matthieu 7.24,25, pour le roc sur lequel le sage bâtit sa maison. Pierre lui-même emploie la même image dans sa première Épître : l’Église est constituée de nombreux petits petros, des « pierres vivantes » (1 Pierre 2.5) qui partagent la confession de Pierre que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Ces confessions de foi sont le fondement de l’Église.

De plus, le Nouveau Testament montre clairement que Christ est le fondement de l’Église (Actes 4,11, 12, 1 Corinthiens 3.11). C’est une erreur de penser que Jésus a donné ce privilège à Pierre. En un sens, tous les apôtres ont joué un rôle fondamental dans la construction de l’Église (Éphésiens 2.20), mais la primauté est réservée à Christ seul, la « pierre angulaire » (1 Pierre 2.6, 7, Éphésiens 2.20, Luc 20.17 et Actes 4.11). Si Christ est la pierre angulaire, comment Pierre peut-il être le rocher sur lequel l’Église est construite ?

La meilleure interprétation des paroles de Jésus en Matthieu 16.18 est donc qu’il s’agit d’un simple jeu de mots. Pour paraphraser : « Pierre, tu t’appelles “petite pierre”, mais ta bouche a confessé une vérité bien plus grande qui deviendra la pierre fondatrice de l’Église ».

L’Église catholique soutient que Pierre est le rocher à laquelle Jésus fait référence et se fonde sur cette interprétation pour revendiquer le titre de seule véritable Église, mais, comme nous l’avons vu, ce n’est pas la seule interprétation possible. Même si Pierre est le rocher en Matthieu 16.18, cela ne donnerait aucune autorité à l’Église catholique. Les Écritures ne mentionnent pas que Pierre a été à Rome, ne le décrivent pas comme ayant autorité sur les autres apôtres ou comme le principal responsable de l’Église primitive. Il n’était pas le premier pape. Les origines de l’Église catholique ne sont pas fondées sur les enseignements de Pierre ou d’aucun autre apôtre.

Comment accéder au Père ?

« Je suis, moi, le chemin, répondit Jésus, la vérité et la vie. Personne ne va au Père sans passer par moi. »

Jean 14:6

« Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Ce que je vous dis, je ne le dis pas de moi-même : le Père demeure en moi et c’est lui qui accomplit ainsi ses propres œuvres. Croyez-moi : Je suis dans le Père et le Père est en moi. Sinon, croyez au moins à cause des œuvres que vous m’avez vu accomplir. Vraiment, je vous l’assure : celui qui croit en moi accomplira les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes parce que je vais auprès du Père. »

Jean 14:10-12

Le Christ ne dit pas que pour atteindre le Père il faut passer par Pierre, ni même par son Église. Il faut simplement passer par lui, avoir foi en lui, reconnaître et appliquer son enseignement.

Et s’il mentionne qu’ainsi nous pouvons aussi à notre tour faire même de plus grandes œuvres que lui, c’est parce que, comme lui nous sommes tous fils de Dieu et fils de l’Homme. Si nous comprenons intimement son enseignement, nous réalisons que nous aussi nous sommes en Dieu (par sa dimension transcendante et sa Création) et Dieu est en nous (par sa dimension immanente).

Quid de l’Église de pierres (celle dite « catholique ») ?

Cette église qui a fait de Rome (le cœur de l’Empire romain) son siège ? Cette église assise ainsi sur la ville aux sept collines ? Cette église qui s’est parée de pourpre (les évêques), d’écarlate (les cardinaux), d’or et de pierres précieuses (les richesses du Vatican) ?

Cette église est née en 538, grâce au général romain Bélisaire qui en instaura le cadre juridique. Elle a été blessée mortellement en 1798 par Napoléon qui s’approprie les terres de cette église et emprisonne le pape de l’époque. Elle a miraculeusement ressuscité en 1929 grâce à Mussolini qui lui donne le royaume du Vatican, une enclave dans Rome.

1798 – 538 = 1260 ans

« … et il lui fut donné le pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois [1260 jours1] »

Apocalypse 13:5

« … la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie. »

Apocalypse 13:12

« Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or, remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution. »

Apocalypse 17:4

« Les sept têtes sont sept montagnes, sur lesquelles la femme est assise. »

Apocalypse 17:9

L’Église catholique romaine correspond très probablement à la Bête de la mer.2

La Bête de la terre

« Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon. Elle exerçait toute l’autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie. Elle opérait de grands prodiges, même jusqu’à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes. Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l’épée et qui vivait. Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués.
Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. C’est ici la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence calcule le nombre de la bête. Car c’est un nombre d’homme, et son nombre est six cent soixante-six. »

Apocalypse 13:11-18

L’élément chimique le plus abondant de la croûte terrestre en dehors de l’oxygène est le silicium, base des transistors composant les microprocesseurs au cœur des ordinateurs et autres technologies informatiques.

L’informatique, avec ses deux cornes que sont le hardware (le matériel) et le software (les logiciels) est ce qui a permis les nombreux « miracles » technologiques modernes : communication visuelle quasi instantanée d’un bout à l’autre de la planète, robotique, fusées, satellites, technologie médicale, etc.

L’image parlante de la bête adorée par presque tous est celle donnée par le téléphone cellulaire et les autres écrans.

Bientôt, par le biais de l’informatique et de la technologie dérivée, la conjugaison des CBDC, de la nanotechnologie graphénisée dans les vaxins (dont l’adresse MAC perçue comme code Bluetooth et qui représente un identifiant universel) et du crédit social à la chinoise, la marque de la Bête sera fonctionnelle et obligatoire pour acheter et vendre des produits et des services.

Sous le pseudopape actuel, la Bête de la mer fonctionne de pair avec celle de la terre pour établir le Nouvel Ordre Mondial, le règne de la triple bête, la troisième étant le Dragon/Satan.

Conclusion

Le christianisme originel a été attaqué par Satan dès sa fondation, car le Christ n’a pas vaincu ce dernier il y a deux mille ans, même s’il n’a pas lui-même succombé à ses tentations. En 538, avait lieu une première phase cruciale dans ce long processus de dégradation, celui de la transformation d’une Église3 faite d’Hommes en une église matérialiste faite de pierres. Les nombreux saints et martyrs qui ont jalonné heureusement par ailleurs cette période, même au sein de cette déviation, ont cependant contribué à maintenir vivant l’enseignement du Christ.

Au moment de la Révolution française, la blessure mortelle de la Bête de la mer s’est accompagnée de la décapitation du lieutenant du Christ dans le pays représentant la fille aînée de l’Église — la France. Ce pays se voyait alors coupé du lien vertical avec le divin et ramené à une dimension purement horizontale, de plus en plus matérialiste. Le reste du monde en a rapidement subi les conséquences.

L’étape finale de la déchéance chrétienne est vécue depuis 1929, avec l’infiltration maçonnique (les maçons pas francs du tout achevant le processus de transformation en pierres) et la transformation de l’Église en royaume terrestre (celui du Vatican) au lieu de sa préoccupation pour le royaume des cieux.

Avec le pseudopape actuel, qui ne peut être pape du fait qu’il est jésuite, nous assistons à l’apothéose de la corruption de l’esprit chrétien. L’Église de pierres a laissé entrer les marchands du temple dans son univers, alors que le Christ les avait chassés. Elle valide la technologie d’inspiration satanique au lieu de guider les êtres humains vers la libération de la matière et l’épanouissement de leur spiritualité et de leurs aptitudes naturelles.

« Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin qu’il ne marche pas nu et qu’on ne voie pas sa honte ! »

Apocalypse 16:15

Est-ce qu’un chrétien qui ne suit pas les enseignements du Christ, un chrétien pharisien qui a remplacé l’esprit par la lettre se prépare pour un éventuel retour de celui en lequel il dit croire ? Il y a deux mille ans, le Christ reprochait aux hypocrites et aux religieux matérialistes de l’époque d’avoir pour père Satan. Que dirait-il aujourd’hui ? Dirait-il qu’il faut s’accrocher aux propos et interprétations de Paul ou de Pierre ? Ou de retenir la substance de ses propres paroles ? Dirait-il qu’il faut s’en remettre à un pape ou à un prêtre ? Ou qu’il suffit de croire en lui et d’agir en conséquence ? Chasserait-il les juifs, les musulmans, les bouddhistes… ou lirait-il dans leur cœur pour en connaître le véritable contenu et les accueillir en son royaume s’ils le méritent par les fruits qu’ils ont produits ?

Quand tout semblera perdu pour les Hommes, à cause de l’emprise satanique sur le monde, cette fois il a annoncé qu’il reviendrait pour vaincre l’Adversaire et pour libérer l’Humanité par la Vérité. Un chrétien dans l’âme peut-il y prêter foi ? Un non-chrétien spirituel le peut-il aussi ?


1 En matière de prophétie, un jour prophétique est égal à une année littérale [Ezéchiel 4:6].

2 La mer représente à la fois des foules nombreuses ou des peuples, et la mer méditerranée autour de laquelle l’Empire romain était fondé.

« Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations, et des langues. »

(Apocalypse 17:16)

3 « église » signifie « assemblée de fidèles ».




Pour en finir avec la Terre plate — Et s’instruire un peu

[Livre]

https://www.babelio.com/livres/Langlet-Pour-en-finir-avec-la-Terre-plate-Et-sintruire-u/939894

[NDLR Pour ceux qui n’auront pas la curiosité ou la patience de lire jusqu’au bout la présentation du livre (ou qui s’attarderaient sur la mention inutile et contre-productive du 11 septembre par son auteur, notamment parce que cet événement n’a aucun rapport avec la question de la forme de notre planète et que même l’explication officielle est « complotiste ») pour voir la seconde partie de l’article, voici la reprise de cette dernière :
Expérience à deux pour démontrer que la Terre ne peut pas être plate]

Par André Langlet

Depuis quelques années, un des acquis fondamentaux de la science commence à être remis en question : la forme de la Terre et sa place dans l’Univers. Elle serait comme l’imaginaient comme les anciens mythes : plate et recouverte d’un dôme tenant lieu de ciel.

Comment est-ce possible en 2017 ? Il semble bien que le fanatisme religieux soit responsable. Ce mouvement de pensée vient des USA, où des fondamentalistes tiennent à imposer une vision du monde strictement conforme à la Bible. Presque tous les acquis de la science sont niés. N’y échappe que ce qui est utile à ces gens, notamment à leur propagande sur Internet. Celle-ci se fait avec l’appui du complotisme, selon lequel nous vivons dans un mensonge généralisé. Les gouvernements font tout pour nous cacher que la Terre est plate. Les agences spatiales n’ont lancé aucun satellite et n’ont envoyé personne sur la Lune, ce qui rejoint une vieille thèse complotiste.

Les nombreux arguments avancés sont capables de convaincre des personnes crédules et très peu informées. C’est l’astronomie qui a appris à l’Humanité quelle était la forme de la Terre. Or si les découvertes les plus récentes sont rapportées par les médias, les bases de cette discipline restent mal connues. Ce livre donne les informations qui permettent de réfuter la théorie de la Terre plate en insistant sur le rôle des mathématiques, indispensables en astronomie. Il permet de saisir pleinement le caractère pseudo-scientifique des arguments des « platistes ». C’est le même type d’argument que les créationnistes utilisent, toujours en se basant sur la Bible, mais il est plus difficile de trouver les failles de leur raisonnement et ils n’ont pas besoin de s’appuyer sur les théories du complot.

Extrait

Il y a peu de temps, j’ai découvert avec stupéfaction qu’une théorie commence à se répandre en France, selon laquelle la Terre n’est pas sphérique, mais plate. Comment est-ce possible en 2017, après tant de progrès scientifiques ? En ce moment, les théories dites complotistes ou conspirationnistes se répandent grâce au Web, en particulier aux réseaux sociaux. Un grand classique du genre, ce sont les attentats du 11 septembre 2001, qui auraient été perpétrés par les autorités américaines selon la plus radicale des versions. On nous explique qu’aucun avion ne s’est écrasé contre les tours du World Trade Center ni sur le Pentagone. Tout cela, pour je ne sais quelle raison, mais peu importe… L’essentiel est de comprendre que les gouvernements nous mentent. Loin de moi l’idée que cela ne se produit jamais. Nous savons tous que Georges W. Bush a commandé l’invasion de l’Irak sous le prétexte que le régime de Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive. Armes qui n’ont jamais existé. On pourrait sûrement établir une liste très longue des mensonges d’État.

Mais faire croire aux peuples du monde entier que la Terre est sphérique, alors qu’en réalité, elle est plate ? Ça m’en bouche un coin. Les adeptes de cette théorie, que l’on qualifie le plus souvent de platistes, s’efforcent de l’imposer en nous faisant croire que c’est encore un complot. Ils surfent sur la vague du complotisme. En réalité, leur théorie a commencé à se répandre aux USA avec la fondation de la Flat Earth Society, c’est-à-dire la Société de la Terre Plate, en 1956. Cette société a failli mourir en 2001 en même temps que son fondateur, mais elle a repris vie en 2009 avec la création d’un forum. Un Français très actif, dont personne ne connaît le vrai nom, a sous-titré un grand nombre de vidéos américaines pour les diffuser chez nous. Il a déclaré cesser son activité en fin 2016, estimant qu’il en avait assez fait et que la graine de la « vérité » était plantée. De fait, on assiste maintenant à un véritable matraquage sur le Web. Un fait notable est que cette personne se présente ouvertement comme chrétienne. D’après les informations dont je dispose, la Flath Earh Society est issue d’une secte évangélique, le Christian Flat Earth Ministry. Ses membres sont également des créationnistes : des personnes pensant que toutes les espèces d’animaux ont été créées telles quelles par Dieu et n’ont jamais évolué. Ce sont des gens qui abhorrent Darwin. Accessoirement, ils affirment que la Terre a été créée il y a 6 000 ans et que les dinosaures ont côtoyé les hommes. On ne doit pas les sous-estimer, car en ce moment, un créationniste est vice-président des USA. Le platisme apparaît alors, au moins au début, comme une forme extrême de rejet de la science au nom de la foi chrétienne. Ses adeptes ont une vision du monde strictement conforme à la Bible, y compris du point de vue cosmologique : la Terre est plate, immobile et au centre de l’Univers. Les étoiles sont des luminaires placés sur un dôme qui la recouvre. J’ai trouvé des musulmans qui se sont ralliés à cette idée. Mais il existe des platistes non-croyants, qui sont guidés par le conspirationnisme. Ils sont convaincus de vivre dans un mensonge permanent et cherchent la vérité en regardant des vidéos sur YouTube — les gens qui les mettent en ligne devant gagner une certaine quantité d’argent.

Faut-il craindre que cette idée puisse se répandre en France ? Honnêtement, je ne crois pas que le phénomène prendra une grande ampleur. Penser que la Terre est plate, qu’aucun satellite artificiel ne tourne autour d’elle et que l’Antarctique n’existe pas, ça va vraiment très loin. Néanmoins, j’ai pensé qu’il ne serait pas inutile d’écrire ce petit livre.

Je veux d’abord illustrer l’utilité des mathématiques. Les arguments des platistes sont en apparence bien structurés et ils n’hésitent pas à faire des raisonnements géométriques, mais si l’on regarde attentivement ce qu’ils affirment, on arrive à voir que leurs arguments ne tiennent pas. Le plus simple est l’absence de courbure visible de la Terre. Quand l’horizon est dégagé autour de nous et qu’il n’y a pas de relief, nous avons l’impression d’être sur un plan et non sur une sphère. Dans ce livre, je vais expliquer, chiffres à l’appui, pourquoi la courbure est trop faible pour être visible. J’utiliserai la trigonométrie et je vous conseille d’aller à l’annexe pour revoir la définition du sinus, du cosinus et de la tangente d’un angle. Les mathématiques sont l’arme ultime contre le platisme, mais il faut faire des démonstrations et des calculs corrects, ce qui demande un certain effort.

L’astronomie n’est pas réellement enseignée à l’école. S’il existe de nombreuses personnes qui s’y intéressent, achètent des télescopes pour regarder les astres et s’efforcent de s’informer d’une manière ou d’une autre, on ne peut pas dire que les bases en soient connues de tout le monde. Il paraît qu’en Europe, une personne sur trois ne sait pas que la Terre tourne autour du Soleil.

Le paradoxe est que tout le monde a entendu parler des trous noirs, une des grandes réussites de la vulgarisation scientifique avec les dinosaures, ainsi que des missions de la NASA, alors que les bases de l’astronomie restent très mal connues. Mais c’est ainsi : les médias parlent des découvertes les plus spectaculaires, et les romanciers et les cinéastes s’en emparent, tandis que les connaissances basiques, parfois rébarbatives ou difficiles à comprendre, restent dans l’ombre. Le résultat est que notre conception de l’Univers est bâtie sur du sable.

Pour prouver que la Terre est sphérique, on pense avant tout aux photos prises depuis l’espace. Mais la voie la plus facile n’est pas forcément la meilleure. Je vais montrer comment des hommes ont eu cette idée, il y a plus de deux millénaires. C’étaient des Grecs. Ils ont effectué des observations que tout le monde peut faire et il serait bien surprenant que l’on ne puisse pas en tirer les mêmes conclusions que dans l’Antiquité. Je montrerai ensuite comment Copernic, Kepler et Newton ont prouvé que la Terre et les autres planètes tournent autour du Soleil. Cela donne une petite idée de ce qu’est une démarche scientifique avec la précision et la rigueur requises. Ces hommes ont jeté les bases du raisonnement scientifique qui a conduit à tous les progrès que nous constatons aujourd’hui. Il est important d’avoir connaissance de leur œuvre : cela devrait faire partie de la culture générale.

1. Le mouvement des étoiles

Imaginez que vous vous trouvez au milieu des champs par une nuit sans nuage. Il ne faut pas que les lumières d’une ville ou d’un village viennent masquer le faible éclat des étoiles. En France, malheureusement, c’est une condition quasiment impossible à remplir. Les lumières d’une agglomération forment toujours un halo autour d’elle. Si vous vous éloignez de votre ville pour y échapper, vous allez vous rapprocher d’une autre ville. Cette pollution lumineuse est bien regrettable, car c’est le ciel nocturne qui nous donne une idée de ce qu’est l’Univers. Je ne l’ai vu clairement qu’à une seule occasion jusqu’à présent : dans les steppes mongoles, à des centaines de kilomètres de tout lieu habité. Je peux vous dire que c’est une expérience marquante.

Il ne faut pas non plus que la Lune soit visible, car de même que la lumière des villes, elle masque l’éclat des étoiles.

Le ciel vous apparaît comme une sphère au centre de laquelle vous vous trouvez. Les étoiles y forment des figures qu’on peut relier en imagination par des traits et qu’on appelle des constellations. Je précise dès maintenant que les étoiles d’une même constellation ne se trouvent pas à égale distance de la Terre. Dire qu’elles sont réparties sur une sphère, c’est juste une impression. Certaines peuvent être loin de la Terre tandis que d’autres sont proches. Vous pouvez également contempler une sorte de fleuve de lumière, la Voie Lactée.


Par Joseph Stroberg

Pour ceux qui veulent faire l’économie de lire un livre entier, la simple observation illustrée suivante et la connaissance de la géométrie de base suffit à démonter l’idée d’une Terre plate.

Voici ce que l’on devrait avoir si la Terre était plate avec un observateur regardant le Soleil descendre sous l’horizon en soirée en France, en comparaison avec un autre observateur situé dans la région de Montréal au Québec :

L’observateur français, représenté par le X rouge (sous le centre de la figure), voit le Soleil en train de descendre sous l’horizon vers l’Ouest, à gauche de la carte. Et donc l’observateur de Montréal (représenté par le X pourpre) devrait voir le Soleil se coucher aussi approximativement vers l’Ouest, et donc être aussi en train de descendre sous l’horizon.

Or, ce qu’il voit au même moment est représenté sur la figure suivante avec le Soleil en position 2, encore haut dans le ciel, en direction approximative du Sud, puisque pour lui le moment correspondant de la journée n’est qu’environ midi (à une ou deux heures près selon la saison) :

Le point 1 est la position du Soleil pour l’observateur français en soirée locale. Le point 2 est la position qu’aurait le Soleil au même moment vers midi pour un observateur québécois si la Terre était plate. L’angle de la direction du Soleil par rapport au plan horizontal serait d’environ 40 degrés vers midi local au printemps, mais plus grand en été et plus faible en hiver. Cependant, quelle que soit la saison, il serait nettement différent du zéro degré représenté par l’angle du soleil couchant, descendant sous l’horizon. Le point 3 est en direction du sud de Montréal.

Il est bien évident que le Soleil ne pouvant pas se trouver simultanément en deux positions distinctes, la géométrie d’une Terre plate est totalement incompatible avec l’observation. Par contre, la géométrie d’un globe terrestre reste totalement compatible avec l’observation du Soleil quel que soit le lieu terrestre considéré et quel que soit le moment de la journée, ceci pour n’importe quelle saison. Les astronomes amateurs et professionnels peuvent prévoir et repérer précisément la position des astres et leurs heures de lever et de coucher, grâce au modèle sphérique conforme aux faits observés, alors qu’aucun modèle de Terre plate n’a pu faire l’équivalent.

Avec Internet et la téléphonie vidéo, il est maintenant facile pour deux observateurs vivant en deux lieux distants de vérifier cela par jour ensoleillé aux deux endroits.

[Voir aussi :
La « vérité révélée », la Terre est plate et j’en aurais la preuve ?]




Sauver la planète ?

Par Joseph Stroberg

La conjugaison de la peur de mourir et d’une certaine connaissance des limitations de notre environnement terrestre a conduit un nombre croissant d’êtres humains à se lancer dans une cause idéologique, celle de la sauvegarde de notre planète. Cette cause qui sert parfaitement les mondialistes, comme excellent prétexte pour instaurer leur totalitarisme planétaire avec l’agenda 21 et ses différents corollaires, est largement stimulée par des activistes écologiques et par des scientistes du climat. Abusant de sophismes et d’incohérences manifestes, ces derniers ont fini de facto par créer un nouveau dogme de la religion technoscientiste et humaniste moderne, celui de l’effet de serre climatique(([1] Voir La Physique du Climat.)). Si leurs motifs peuvent sembler nobles, ils engendrent trop souvent des actions fanatiques et pourraient conduire au suicide de l’Humanité elle-même.

Depuis un peu plus de deux siècles, avec des prémisses légèrement antérieures à la Révolution française, l’Humanité a connu deux tendances évolutives, ou plus probablement « involutives » parallèles et liées dans une certaine mesure. La première est la destruction progressive et croissante des grandes religions (plus particulièrement du christianisme), à partir de leur état déjà relativement éloigné de leurs conditions et caractéristiques originelles. La seconde est la naissance de la science matérialiste moderne, progressivement remplacée à grande échelle par le scientisme. Celui-ci se fait passer pour de la « science », alors que le véritable esprit scientifique (caractérisé par le doute sain, l’observation, l’investigation et l’expérimentation) se trouve de plus en plus rarement, mais se voit au contraire remplacé par une collection grandissante de rituels procéduraux (appelés par exemple « protocoles » en médecine), de dogmes incontestables, de textes bibliques (« études » publiées dans les revues à comité de lecture, et manuels de référence) et de grands prêtres, d’idoles, de saints, de dieux…

Comme il semble qu’une des caractéristiques de l’Homme soit le besoin d’un système de croyances ou au moins de se faire une représentation interne, une image du monde, à défaut de pouvoir l’appréhender en totalité et de manière objective (ceci du fait même de ses capacités mentales et sens limités), la destruction des grandes religions ne pouvait alors que favoriser l’expansion du matérialisme scientiste technologique que l’on observe de nos jours à l’échelle planétaire. Cette nouvelle religion est mondiale, toute puissante, suivie par les grands de ce monde aussi bien que par la masse des peuples. Ses gourous, ses cardinaux et ses inquisiteurs sévissent autant dans les médias que dans les diverses chapelles scientistes (climatologie, virologie, épidémiologie, écologie, etc.). Les peuples la suivent par leurs multiples écrans ou interfaces avec le nouveau paradis divin : le monde virtuel informatique, l’univers artificiel des robots et du transhumanisme.

Une des croyances de cette nouvelle religion est que l’Homme est mauvais, qu’il pollue la Terre, qu’il se multiplie comme des lapins, et qu’il vaut mieux l’enfermer dans des cages (les villes 15 minutes qui se profilent à l’horizon), le stériliser et diminuer sa population grâce aux vaxins. Il faut lui retirer son libre arbitre en le soumettant à l’Intelligence artificielle programmée par les nouveaux dieux. Il faut pour cela le transformer en machine, réduire au maximum la taille de sa cage, la qualité et la quantité de sa nourriture et de ses ressources, son intelligence propre… Pendant ce temps, les dieux milliardaires pourront continuer à utiliser leurs yachts et leurs jets hyperpollueurs, habiter dans leurs nombreux châteaux, chasser animaux (et êtres humains) dans leurs immenses parcs naturels et forêts réservés, manger des aliments sains, biologiques, sans OGM et sans insectes…

Les activistes écologiques qui sont prêts à sacrifier leur train de vie et à vivre le martyre(([2] voir par exemple https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/hauts-de-seine/120-jours-en-autonomie-dans-un-appartement-de-boulogne-billancourt-on-veut-un-mode-de-vie-respectueux-de-la-planete-2924808.html)) réalisent-ils que pendant ce temps et grâce à eux, les nouveaux dieux pourront créer leur paradis terrestre, alors que les masses soumises subiront un pseudoparadis artificiel à coup de graphène vaxinal et de drogues diverses généreusement dispensées par la sorcellerie pharmaceutique ? Réalisent-ils que par peur de la mort, ils vont droit au suicide ? Sont-ils conscients de l’incohérence de leur approche ?

Au lieu d’élever la conscience de l’Humanité pour notamment stimuler le sens de la responsabilité individuelle dans la vie collective, les nouveaux dieux et leurs idiots utiles ont stimulé les pires tendances humaines (l’égoïsme, la luxure, l’avarice, la gourmandise, la vanité, l’orgueil…) pour subordonner la vie individuelle à un prétendu intérêt collectif qui n’est en définitive que celui des milliardaires. Ils l’ont réalisé par la destruction progressive de la famille, des valeurs traditionnelles, de l’instruction scolaire, puis des nations.

Si la planète est un être vivant que l’on voudrait « sauver », est-il pour autant besoin de le faire en sacrifiant l’Humanité ? Est-ce même cohérent ? Cette idée que l’Homme serait un virus pour la Terre, un méchant microbe tout juste bon à la détruire provient directement de l’hypothèse pourtant scientifiquement réfutée de l’existence de méchants germes (bactéries et virus) tout juste bons à rendre malades et à tuer les êtres humains, les animaux et même les plantes. Pourtant, dans le même temps, la nature démontre tout autre chose : notre corps lui-même vit en symbiose avec des milliards de bactéries (dans son microbiome) et lesdits « virus » sont des composants cellulaires endogènes(([3] Voir notamment :
Le Covid à travers la théorie des germes, 150 ans d’escroquerie scientifique sur les virus ?
La théorie des exosomes contre celle des virus
La légende du vaccin
Sortir de la caverne
La fraude qu’est la virologie expliquée en 19 minutes)) habituellement conséquences des agressions diverses subies par les cellules, selon les découvertes scientifiques d’avant-garde en biologie, rejoignant en cela celles d’Antoine Béchamp ; et d’autre part, les plantes elles-mêmes vivent en symbiose avec des champignons et des bactéries(([4] Voir Le langage secret des arbres)). Sans ces symbioses, ni les plantes ni les êtres humains ne pourraient survivre. Ce sont elles qui permettent notamment l’assimilation de certains nutriments indispensables à l’organisme. L’Homme apporte des aliments aux bactéries et en retour ces dernières lui permettent d’assimiler des nutriments dans les intestins et de se purifier de toxines. Il existe également une telle collaboration dans les règnes végétal et animal. Dans cette même optique, l’Homme peut parfaitement vivre en symbiose avec la Terre.

Les élites milliardaires ont préféré donner vie aux fraudes pasteuriennes et à sa perception négative de la vie, plutôt qu’au paradigme de Béchamp qui lui avait eu une démarche réellement scientifique et honnête. De nos jours, toutes les erreurs et les errements qui en découlent sur le plan de la santé humaine, animale, végétale et planétaire sont propagés du fait de la mainmise des nouveaux dieux sur les systèmes « éducatifs » et médiatiques mondiaux, facultés de médecine et universités incluses. Et comme il ne faut surtout pas les remettre en question, les grands-prêtres et les inquisiteurs écartent les gêneurs par le discrédit (« complotistes », « antivax », « extrémistes de droite », « antisémites », « négationistes »…) et par l’interdiction des thèses et des pratiques alternatives (spécialement en médecine et dans le domaine du climat).

Un « Nouveau Monde » qui ne soit pas en fait le « Nouvel Ordre Mondial » sera possible, non pas par le sacrifice inutile de l’Humanité, mais par sa participation pleine et active à sa création, ce qui impliquera probablement de faire tomber les pseudodieux de l’Olympe, ceci en leur enlevant tout pouvoir de nuisance et en n’écoutant plus leur chant de sirènes. S’il est souhaitable de modérer grandement l’esprit consommateur, hédoniste, gaspilleur et infantile moderne, ceci gagne à se faire non pas par la coercition, le mensonge, la manipulation et des prétextes, mais par l’enseignement, en particulier par l’exemple. Ainsi, ce sont les dirigeants (théoriquement au service des peuples) et les divers guides de l’Humanité qui doivent commencer par réduire leur propre train de vie, cesser d’habiter dans des palaces, de voyager dans des jets privés, de chercher la jouissance de multiples biens matériels… Et les peuples gagneraient de leur côté à ne se doter de chefs ou de guides que parmi les plus humbles, les réellement humbles, pas ceux qui disent à longueur de temps « en toute humilité, je… ». L’humilité se mesure dans les gestes et les actes, pas dans les paroles, surtout lorsque celles-ci sont prononcées par des « langues fourchues ».

Vivante, la Terre peut survivre à la disparition de l’Humanité (de nombreuses espèces animales et végétales sont plus résistantes que l’Homme). Sur une Terre inerte, l’Humanité n’aurait qu’à se préoccuper de sa propre survie. Ce n’est donc pas tant de la survie de la planète dont l’être humain gagne à se préoccuper, mais de celle de l’Humanité, attendu que sa disparition découlerait de celle de sa conscience par sa transformation en machine. Un transhumain robotique perdrait sa conscience propre, deviendrait coupé du plan des âmes, perdrait la vie éternelle spirituelle et trouverait un enfer matériel multimillénaire, survivant dans la matière aussi longtemps que son corps mécanisé le permettrait. Quasi immortalité infernale et contrainte ici-bas, ou liberté éternelle dans l’au-delà ? Que souhaitons-nous pour nous-mêmes et pour nos descendants ?





Note sur le conflit ukrainien et autres événements

Par Joseph Stroberg

Comme si les commentateurs du conflit ukrainien pouvaient être dans les bottes de Poutine.

Depuis 2022 on voit presque tout le monde se tromper d’une manière ou d’une autre en ce qui concerne le conflit en Ukraine. Il n’y a notamment pas grand monde qui envisage le fait probable que Poutine ne ment et ne bluffe jamais.

Et peu de personnes perçoivent tous ces événements terrestres comme un grand théâtre de marionnettes, avec le marionnettiste Satan. Pourtant cela fait des milliers d’années que l’existence de cette entité est connue.

En passant, on voit de plus en plus la théorie que les entités démoniaques (Archontes, Reptiliens, Dracos…) se nourrissent des émotions humaines. Et récemment ses partisans ajoutent l’argument des villes 15 minutes comme moyen plus rapide de récolte de ces émotions.

Ceci ne tient pourtant pas vraiment la route pour les raisons suivantes :

  • – la tendance du mouvement satanique, en accord avec la mythologie biblique, est celle de la transformation de l’Homme en machine, le coupant ainsi définitivement du plan des âmes ;
  • – les machines, pilotées ou non par IA, sont dénuées d’émotion et de conscience ;
  • – Satan est l’adversaire de la Création, en produit une imitation artificielle (avec les machines) et a pour objectif de démontrer l’erreur d’avoir accordé le libre arbitre à l’Homme ;
  • – les machines ne disposent d’aucun libre arbitre et répondent seulement à leur maître via leur programmation ;
  • – les émotions les plus grandement stimulées depuis des siècles ont été de basse qualité vibratoire (peur, colère, haine) et ne sauraient ainsi apporter une nourriture émotionnelle de grande qualité ;
  • – les Hommes sont manipulés par les émotions, et plus facilement par les basses ;
  • – Satan divise l’Humanité par la manipulation des émotions, dans le but de la démonstration de l’erreur supposée du libre arbitre ;
  • – la télépathie émotionnelle, comme la mentale, s’affranchit des distances et n’a pas besoin de voir les cibles concentrées en un lieu particulier ;
  • – les entités, comme les êtres humains sur les plans oniriques (en décorporation), peuvent se téléporter et percevoir à distance.



Note sur Poutine et Gates

Par Joseph Stroberg

ST. PETERSBOURG, 6 juin/TASS/. Les gouvernements commenceront à l’avenir à verser un revenu de base universel aux citoyens de leur pays, a déclaré Alexei Kudrin, président de la Chambre des comptes de Russie, lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision Rossiya-24 en marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF).

« À l’avenir, je pense que le revenu de base garanti, qui est également appelé revenu de base inconditionnel, est ce à quoi les pays finiront par aboutir », a-t-il souligné. « Toutefois, ce revenu sera trop faible pour permettre de vivre pleinement sa vie », a ajouté M. Kurdin.

Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg 2021, organisé par la Fondation Roscongress, s’est déroulé du 2 au 5 juin. TASS était le partenaire d’information du forum et l’agence officielle d’hébergement des photos.

https://tass.com/economy/1299497

La plupart des pays semblent s’aligner mine de rien vers un revenu de base universel qui ne sera cependant pas gratuit, mais devra se mériter, comme pour le crédit social à la chinoise. La Russie n’y échappe visiblement pas. Et donc s’il s’avère que Poutine veut vraiment au fond de lui du bien pour son pays1, soit il est plus ou moins complètement dépassé par les événements, soit il est très mal conseillé, soit il n’a en réalité pas grande possibilité d’action, n’ayant qu’un pouvoir de façade (comme les autres dirigeants), ou une combinaison des trois.

De son côté, Bill Gates s’affiche en grand philanthrope qui veut le bien de l’Humanité et adopte une approche qui passe résolument par la technologie : informatique, intelligence artificielle, nanotechnologie vaxinale, pilotage logiciel de l’agroalimentation, etc.. Pour mener à bien ses nombreux projets censés améliorer la vie humaine, il utilise son immense fortune accumulée après des années à avoir été considéré comme l’Homme le plus riche du monde et figurant toujours dans le top 5 des multimilliardaires. Est-ce pur hasard si Gates est un grand ami de Xi Jinping2 et s’il s’affiche avec les grands apparents de ce monde3 ?

Dans la pratique et les faits, autant les Russes sous le règne apparent de Poutine que les êtres humains en général sous le règne antéchristique de Gates4 semblent se diriger tout droit vers l’asservissement complet sous l’effet d’une approche purement matérialiste de la vie, même si Poutine valorise encore une démarche spirituelle et témoigne de sa foi chrétienne. S’il est sincère dans sa démarche, alors il devient de plus en plus manifeste qu’il est sur le point d’être vaincu par le NWO (Nouvel Ordre Mondial) comme Trump l’a été avant lui5, notamment par la dimension financière, car le salaire moyen russe est en train de baisser nettement sous le coup des mesures économiques occidentales.

En poursuivant l’analyse des événements sous un angle eschatologique, alors il est hautement probable qu’aucune solution purement humaine ne pourra faire tomber ce NWO et mettre fin au règne de la triple Bête apocalyptique (mer, terre et Dragon). La seule qui le pourrait passerait par la destruction de la pierre angulaire de l’édifice — la théorie virale et sa mère la théorie des germes —, car c’est sur ces théories réfutées et non scientifiques6 que reposent les mesures sanitaires et les vaxins et que sans elles ces mesures et ces poisons injectés n’ont plus la moindre justification, alors qu’a contrario ceci permet pour l’instant la poursuite du plan d’asservissement total de l’Humanité.





L’atomisation de l’Homme et de l’Humanité

Par Joseph Stroberg

S’il est souvent connu que certains groupes humains souhaitent faire naître leur ordre à partir du chaos, les raisons pour cela le sont moins. Nous verrons cependant ici comment ces dernières impliquent l’atomisation de l’Humanité, jusqu’à celle de l’individu, selon le degré de chaos recherché, et quelle forme d’ordre peut en émerger.

L’idée que l’on se fait souvent du chaos est celle de destruction, de désorganisation ou d’anarchie. Cependant, le sens que lui donne la physique, et peut-être celui que lui donnent certaines élites qui souhaitent faire naître un Nouvel Ordre Mondial à partir du chaos, n’est pas tout à fait cela. En physique, la notion de chaos est simplement équivalente à celle de désordre, dans le sens où rien n’est organisé, rien n’est trié, tout reste indifférencié, mélangé dans un tout qui paraît globalement homogène. Le lait peut donner une idée d’un tel chaos. À l’œil nu, il paraît blanchâtre, uniforme, sans éléments distinctifs ou différentiés. Néanmoins, lorsqu’on y verse du citron ou qu’il gèle complètement puis dégèle, ses constituants principaux se séparent et il sort de l’état proche du chaos pour trouver un semblant ou un début d’ordre : d’un côté le petit-lait, liquide transparent ; de l’autre le fromage blanc qui tombe au fond du liquide.

On doit fournir de l’énergie, chimique (provenant de l’action acide du citron) ou physique (produisant les changements d’État de la matière qui passe du liquide au solide puis inversement), pour produire de l’ordre à partir du chaos. Par contre, l’augmentation du chaos ne nécessite pas nécessairement de dépense d’énergie, puisque selon les lois de la thermodynamique (qui n’ont pour l’instant jamais été mises en défaut, à notre connaissance), l’entropie (qui caractérise le degré de désordre ou de désorganisation d’un système matériel ou vivant ne peut que croître au cours du temps). Autrement dit, sous les seules conditions et lois de la matière, l’Univers glisserait naturellement et implacablement vers le chaos. Pourtant, de l’ordre est né à partir du chaos primordial supposé, mais ceci parce qu’il existait une grande quantité d’énergie disponible et parce qu’un principe d’Intelligence ou de Conscience est intervenu pour organiser la matière en formes distinctes à de multiples niveaux, depuis les quarks et les atomes jusqu’aux galaxies, en passant par les étoiles, les planètes et les êtres vivants à la surface de certaines planètes.

Le niveau de complexité et d’intelligence organisationnelle de l’Univers est tel, ne serait-ce déjà que dans une minuscule cellule végétale, animale ou humaine (agencée de composants formels qui doivent être créés de manière synchrone tellement ils sont interdépendants et imbriqués), que le seul hasard n’est pas une explication plausible ni même probable1. L’implication logique et cohérente est la nécessité de l’intervention d’une forme de Volonté consciente ou de Conscience volontaire capable de conception intelligente pour produire un tel degré de complexité fonctionnelle aussi élaborée.

Pour créer quelque chose de fonctionnel, comme une automobile avec son moteur, l’Homme doit déployer son intelligence et sa volonté de manière suffisamment consciente et responsable. Il doit généralement d’abord penser sa future création, la visualiser dans son mental, l’imaginer, la concevoir… Il lui faut prévoir la forme et l’agencement adéquats de tous les composants pour qu’il s’imbriquent le jour venu en un tout fonctionnel et cohérent. Il ne doit pas mettre des années entre la fabrication des différentes pièces, car autrement certaines seraient rouillées ou dégradées le temps que les autres soient matérialisées. Il doit au contraire les créer toutes dans un laps de temps réduit. La complexité d’une cellule est relativement aussi grande.

L’Hermétisme considère que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et réciproquement. Autrement dit, ce qui vaut pour l’Homme vaut pour l’Univers et réciproquement. Ils sont à l’image l’un de l’autre, ou encore le premier est un élément fractal du second. Chaque élément de l’univers est une image fractale2 ou réduite de celui-ci, essentiellement au niveau fonctionnel. Si l’Homme crée en mettant en œuvre la succession suivante de ses capacités, il en est de même pour l’Univers : Volonté (de créer, de manifester, de matérialiser), conception mentale Intelligente des formes intermédiaires et de la forme globale résultante, Production des formes, puis l’Organisation finale (ou l’Ordre) pour aboutir à la forme globale voulue, à la Manifestation concrète du projet. Certaines aptitudes n’ont pas été mentionnées ici, car elles ne sont pas nécessairement utilisées par l’Homme : l’Amour (ici du travail bien fait) et la Sagesse (notamment d’attendre le moment propice à chaque étape de la création). Leur absence risque d’amener des conséquences nuisibles ou néfastes de l’utilisation ultérieure de la forme ou du système créé.

Les mondialistes et autres élites qui cherchent à finaliser leur Nouvel Ordre Mondial sont des êtres humains et en tant que tels utilisent ou font utiliser par d’autres les mêmes capacités pour concrétiser leur propre projet. Or ce dernier doit passer au moins à un moment du processus créateur (ou de manifestation) par le chaos, au moins selon l’idée qu’ils s’en font. Si une partie de ce chaos peut se déceler actuellement dans l’incohérence gouvernementale, économique, financière, industrielle, etc. ainsi que dans les nombreux conflits armés qui existent encore, il ne s’agit probablement pas de la plus importante pour l’aboutissement du plan. Son importance secondaire réside dans le fait qu’il sera transitoire. Le type primordial de chaos recherché est celui contre l’Humanité elle-même, car il pourrait être permanent, du moins si rien ne venait faire tomber le NOM.

Le chaos contre l’Homme vise à son homogénéisation, à son uniformisation, à son nivellement par le bas (sachant par exemple que s’il est quasi impossible de transformer un crétin en génie, il est beaucoup plus facile de transformer un génie en crétin). Il ne doit plus exister qu’un seul modèle d’Homme/Femme, un androgyne robotisé qui proviendra d’un seul exemplaire humain : moyen, médiocre, normalisé, mi-homme, mi-femme (ou sans sexe, la reproduction étant alors effectuée par des machines). Et pour parvenir à un tel niveau d’uniformité, il faut faire disparaître toutes les formes intermédiaires non vitales (aux yeux des élites) : les nations, les religions, les petites et moyennes entreprises (pour ne laisser que les multinationales monopolistiques), les structures indépendantes (ayant toutes des formes spécifiques), les maisons individuelles (il n’y aura plus que des cellules habitables indifférenciées dans des tours à logement), les médias alternatifs (à ceux de la pensée unique et de la propagande officielle), les médecines alternatives (à l’allopathique pétrochimique), les modèles de vêtements (il n’y aura plus qu’un uniforme monocolore à la Star-Treck), les véhicules autres qu’électriques (qui seront réservés aux élites et à leurs serviteurs directs), les écoles de pensées, les opinions alternatives (qui sont des formes mentales, éventuellement colorées d’émotions), etc.

La disparition des formes gênantes se fait par atomisation : on divise et fractionne pour mieux régner ou pour que les adversaires artificiels se détruisent mutuellement ; on multiplie les courants et les mouvements (notamment politiques ou religieux) ; on éparpille les forces résistantes ; on ajoute des frontières artificielles (notamment administratives territoriales) ; on en détruit d’autres qui permettaient de préciser des formes ; on pulvérise certaines des organisations ou des structures les plus coriaces (par la taxation abusive, par le dénigrement systématique, par une compétition déloyale, par l’assèchement des ressources, par de nouvelles lois qui asphyxient, par l’expropriation, par le vol [par exemple de brevets], par de nouvelles interdictions, etc., et même au besoin par le recours aux incendies, aux meurtres ou aux explosifs, éventuellement nucléaires)… L’Homme lui-même est atomisé. Au lieu de favoriser sa cohésion interne et son alignement physique, émotionnel, mental, psychique et spirituel, on le tire dans différentes directions, on l’écartèle entre des préoccupations vitales, des émotions, des désirs et des centres d’intérêt peu compatibles, on le plonge en perpétuel état de dissonance cognitive avec des contes de fées et d’autres récits officiels qui entrent en contradiction flagrante avec les faits observables.

L’Homme moderne est devenu un déséquilibré chronique, cherchant en particulier à combler son vide existentiel, psychique et spirituel par l’expérimentation de drogues, par celle d’émotions ou de sports extrêmes, ou encore par une frénésie d’achats de biens matériels. La supposée « civilisation » humaine est à son image. Ses drogues sont notamment le prétendu « progrès » et la non moins prétendue « information » (qui n’est trop souvent que propagande, rumeurs, hypothèses non vérifiées ou pure désinformation). Ses sports extrêmes sont la guerre et les révolutions. Son vide existentiel provient d’un matérialisme de plus en plus profond, jusque dans les domaines qui devraient au contraire élever l’âme, tels que la religion et l’art.

Pour contrôler efficacement les foules, les élites doivent préalablement déconnecter les êtres humains des plans psychique et spirituel (ce qui est facilité par la destruction des religions révélées), puis elles doivent leur enlever toute possibilité de discernement mental (à l’aide d’une prétendue « éducation » qui écarte le développement du sens critique et la logique). Alors, il leur suffit de stimuler les instincts, les désirs, les émotions (dont la colère, la haine et la peur), le vice et les passions (notamment pas la publicité), ce qui est facilement fait par la télévision, le cinéma, les réseaux sociaux et l’addiction au téléphone mobile. Et lorsqu’il n’existe plus qu’un modèle unique d’être humain (asexué ou androgyne), il est d’autant plus aisé de prédire et de manipuler le comportement, les actions, les émotions et même les croyances et les idées de l’Humanité dans son ensemble.

L’atomisation de l’Humanité en général et de l’Homme en particulier permet l’établissement d’un chaos sociétal permanent, condition particulièrement propice au contrôle quasi absolu de la première comme du second. Contrairement aux autres formes de chaos déjà expérimentées ou en cours d’expérimentation, celui concernant les êtres humains eux-mêmes, collectivement comme individuellement, n’est pas destiné à disparaître tant que le NOM ne tombera pas. Étant donné le niveau de contrôle déjà obtenu par les élites mondialistes non seulement sur l’Homme, mais aussi sur son environnement dans tous les domaines de l’existence incarnée, il est peu probable que l’Humanité puisse se libérer de son asservissement croissant uniquement par elle-même. Pour cela, il lui faudrait rapidement développer des qualités et des manières de voir et de vivre qu’elle a en grande partie perdues : Amour, Pardon, Charité et Humilité (les quatre piliers de l’enseignement du Christ) ; ou parole juste, action juste, moyens d’existence justes, effort ou persévérance juste, attention juste, vision juste et pensée juste (l’équivalent qui provient de l’enseignement du Bouddha Gautama). Tout ceci constitue en particulier un antidote efficace contre la peur (notamment de la mort) et favorise l’épanouissement de la Conscience, seule à même de sortir de la néfaste influence et planification mondialiste. Cependant, en absence de telles qualités et manières de voir et de vivre, ou en absence d’un degré collectif suffisant de maturité et de Conscience, l’Humanité peut toujours prier pour qu’un miracle se produise. Des miracles ont déjà eu lieu dans l’Histoire des nations. Et elle peut aussi tenter de nous prouver que nous la sous-estimons. Quoi qu’il en soit, le NOM démontre de plus en plus qu’il est opposé et adversaire de l’ordre naturel et de ce fait, il finira par s’effondrer, d’une manière ou d’une autre et l’Humanité ressuscitera.





Changer le Système ?

Par Joseph Stroberg

Si par « Système » on entend l’organisation de la vie collective humaine et ceci plus particulièrement à notre époque et donc dans ses circonstances actuelles, dans quelle mesure et de quelle manière peut-on alors le changer volontairement ? Est-il humainement faisable et facile de changer la forme des gouvernements, les institutions administratives, financières ou juridiques diverses, le tissu économique, les bases culturelles et éducatives, etc. qui à eux tous représentent le Système ?

L’Histoire et la mémoire humaine tendent à indiquer que cette vie commune ou d’ensemble a déjà changé de forme et d’expression selon les lieux et les ères. Cependant, ces changements apparaissent le plus souvent aux historiens comme fortuits ou involontaires, résultats d’événements extérieurs, éventuellement catastrophiques, de concours de circonstances qui peuvent demander de nouvelles formes de réponses et d’organisation, rarement ou jamais le fruit d’une volonté collective exprimée dans une direction bien définie.

Par contre, de nos jours, il existe d’un côté une petite minorité puissamment organisée qui cherche à « réinitialiser » la société, voire la civilisation entière, sur un modèle qui en gros conserverait pourtant le pire du système actuel pour le peuple et offrirait ainsi son meilleur matériel aux élites dominantes. Et d’un autre côté, une autre minorité, en volume croissant, n’en peut plus de la situation, et peut en venir non pas à vouloir changer « le » Système pour en faire une énième variante tout aussi dysfonctionnelle que les précédentes, mais souhaiterait même carrément changer « de » système. Malheureusement, elle ne sait pas vraiment quoi créer d’autre ou comment le faire, à part quelques rares individus qui ont une idée plus précise de ce qu’ils souhaitent. Néanmoins, elle ne veut surtout pas du modèle proposé par la première minorité. Est-ce qu’au moins l’une d’elles est susceptible de concrétiser son objectif ?

Un système d’organisation collective humaine peut trouver deux sources principales d’inspiration : l’une que l’on qualifiera ici de « verticale », d’origine cosmique, spirituelle, ou encore « divine » ; et l’autre qualifiée d’« horizontale », de conception matérialiste ou artificielle. Paradoxalement, chacune portant sa croix, la seconde est fortement hiérarchique en disposition pyramidale verticale, avec les dominateurs tout au sommet et les esclaves à la base. Mais la première offre à chacun la même chance de s’exprimer et de vivre, considérant tous les individus sur un pied d’égalité, sans qu’aucun ne cherche à dominer les autres. Au contraire, les idées de service et d’humilité dans ce service y sont mises en avant : le vrai « roi » sert son peuple, mais ne se fait pas servir par lui.

Le premier système est verticalement relié au divin et agit horizontalement. Le second est horizontal matérialiste, mais agit verticalement, en écrasant la base. Comme l’écrasement ne pourrait se faire sous le seul poids de l’infime minorité du sommet, la verticale est découpée en une série de niveaux hiérarchiques de plus en plus « bas », caractérisés chacun par un nombre d’individus inversement proportionnel au pouvoir et à la liberté d’action dont dispose chaque membre de cet étage. Comme le second niveau depuis le haut compte plus d’individus que le premier, mais comme chacun de ces derniers dispose de moins de pouvoir (et se laisse écraser par les individus du sommet), le premier niveau se sert des individus du second pour écraser indirectement le troisième niveau, car par vengeance ou par simple continuité ou transfert de la même logique, les individus du second étage hiérarchique écrasent à leur tour ceux du troisième pourtant plus nombreux. Et ainsi de suite jusqu’au rez-de-chaussée où la base se trouve écrasée de proche en proche finalement par le sommet. Chaque niveau écrase celui immédiatement sous lui et se trouve écrasé par celui du dessus.

Une société matérialiste ne peut ainsi s’organiser que sur le modèle de la pyramide hiérarchique. Le poids du matériel est transféré progressivement aux étages inférieurs de la pyramide hiérarchique pendant que le sommet s’allège matériellement, en bénéficiant de nombreux privilèges, sous le prétexte d’avoir plus de responsabilités. Mais une société d’inspiration spirituelle ne peut s’organiser que sur le modèle de la croix debout : une inspiration verticale pour éclairer le monde ; l’égalité de traitement, de considération et des chances sur la branche horizontale ; le service et le sacrifice du « roi » ou du « messie » pour son peuple, à l’intersection des deux branches de la croix. Ce guide ou cet éclaireur ne s’y trouve pas plus privilégié matériellement que les autres et le seul privilège dont il dispose est celui de servir le plus grand nombre.

Tous les systèmes organisés par les êtres humains sont des expressions plus ou moins parfaites ou au contraire plus ou moins combinées de ces deux modèles de base. Plus l’Humanité se laisse inspirer par le divin, et plus elle développe l’approche de la croix tout en utilisant des analogies tirées de la nature en général ou de la forme humaine en particulier pour la mise en forme détaillée de sa société ou de sa civilisation. À l’inverse, plus elle développe l’approche matérialiste, et plus elle est artificielle, pyramidale, et tend à inverser les modèles proposés par la nature et à se forger une vision des choses opposée aux grands principes cosmiques. C’est ainsi, par exemple, qu’une humanité dominée par le matérialisme en est venue à croire que la nature reposait sur la compétition, la survie des plus forts, la « loi de la jungle », jusqu’à des niveaux microscopiques, au lieu de percevoir la fabuleuse coopération qui existe entre les myriades d’espèces vivantes, humaines, animales, végétales et même minérales, ceci effectivement jusqu’aux niveaux microscopiques. La maladie dans l’un de ces règnes provient d’un déséquilibre et ce dernier naît d’excès (ou d’empoisonnements) ou de déficiences dans l’acquisition, la distribution et/ou l’assimilation des ressources alimentaires ou énergétiques d’un ordre ou d’un autre.

Actuellement, le nouveau système voulu et promu par l’élite mondialiste est d’essence profondément matérialiste et artificielle. Pour la plus grande partie des populations du monde, il se traduit par une souffrance croissante sous le poids de l’écrasement par le sommet pyramidal. Celui-ci tend à monopoliser les ressources(([1] Voir aussi :
L’asservissement des peuples par le contrôle des ressources)) énergétiques, minérales, alimentaires, informationnelles (en en faisant des organes de propagande, de désinformation et d’abrutissement), éducationnelles (idem), culturelles (idem), etc. grâce aux échelons intermédiaires qui collaborent, volontairement ou aveuglément, au processus de « réinitialisation ». L’inversion de la Création ou des lois cosmiques se traduit en particulier par la montée de la théorie du genre et du transhumanisme et par la destruction croissante des religions et des valeurs traditionnelles qui avaient déjà perdu depuis des siècles leurs fondements au profit de la lettre et des codes (idéologiques, superstitieux, juridiques… et plus récemment informatiques et normatifs).

En réalité, l’élite mondialiste ne veut surtout pas changer le Système, et encore moins changer de système. Elle s’efforce seulement de le redémarrer avec un ensemble de conditions qui lui soient encore plus favorables qu’à l’époque de Nimrod et de la tour de Babel. Le chaos qu’elle produit lors du redémarrage n’est certainement pas pour elle, mais uniquement pour le peuple. Du moins si elle parvient à réaliser son plan jusqu’au bout. Elle veut toujours un monde basé sur les pyramides et le matérialisme, le culte du veau d’or qui lui a si bien réussi par le passé, les sacrifices humains, des enfants et des vierges pour en aspirer la vie… Elle se réserve des bases de repli, des abris antiatomiques, de véritables villes souterraines, et en surface des territoires immenses volés aux nations, les zones « protégées » où les individus ordinaires n’ont pas le droit d’aller. Elle a accaparé les ressources multiples de la planète, n’en laissant que des miettes aux milliards d’êtres humains du commun des mortels. Et ceux-ci n’ont guère bronché, car aveuglés, rendus sourds, fainéants, oisifs et abrutis, non seulement par le pain et les jeux, mais aussi par un petit confort matérialiste auquel ils s’attachent, par la destruction des grandes religions, par la propagande éducative, par l’encouragement au vice, par la déresponsabilisation, par les sortilèges modernes qui les maintiennent dans la peur, la confusion, les mirages et l’illusion…

Si certains êtres humains désirent ou veulent plus ou moins ardemment changer complètement de système et ne surtout pas risquer de retomber dans l’un des vieux schémas éculés, ils doivent se donner les moyens de le faire et cette fois abandonner les pyramides, pour viser la croix. L’Église Catholique Romaine a peut-être cru que donner aux églises de pierre une forme de croix suffirait à amener le règne d’un Christ, d’un Messie ou d’un Grand Monarque sur Terre. Cependant, celle-ci était couchée, tombée sur le sol, déracinée, sans plus de dimension verticale, et finalement réduite symboliquement au matérialisme concrétisé par les pierres, alors que l’Église du Christ était faite d’Hommes de chair et de sang. À un moment de cette aventure chrétienne déracinée, peut-être sous l’impulsion de quelques-uns des nombreux saints qui survivaient malgré tout en terre de France, la fille aînée de l’Église, on tenta de redonner une dimension verticale aux églises de pierre en érigeant alors les cathédrales gothiques. Cela ne fut visiblement pas suffisant, car ce pays connut ensuite la Révolution matérialiste. Cette dernière décapita d’abord la royauté — le lieutenant du Christ en terre de France — en 1793, avant de décapiter ensuite la bête ecclésiale de pierres elle-même, en 1798. Le tyran napoléonien lui enleva son terrain de chasse et la blessa mortellement en enfermant le pape.

S’il existe effectivement un Créateur, bien des chrétiens en général, et des catholiques en particulier, peuvent se demander comment un tel fait a été rendu possible si la France était bien la fille aînée de l’Église et si en le sein du Catholicisme romain subsistait encore au moins quelques traces d’esprit christique grâce notamment à des saints, à des prêtres de campagnes à forte vocation, ou encore à des moines serviteurs retirés en leur monastère. Eh bien, est-ce que cette Église de pierres suivait les traces et les enseignements du Christ, surtout aux plus hauts niveaux de sa pyramide hiérarchique ? Se montrait-elle humble, réellement charitable (et donc matériellement désintéressée), parangon d’amour et de pardon ? Qu’en était-il avec par exemple l’inquisition, les croisades, l’extermination des Albigeois ou encore le bûcher de Jeanne d’Arc ? Qu’aurait dit ou fait le Christ en voyant de tels « œuvres » ? Ne disait-il pas que l’on reconnaît l’arbre à ses fruits ?

La Création ne s’est pas opposée à la blessure mortelle du Catholicisme Romain, parce que celui-ci s’était dangereusement écarté de sa source christique. La Révolution française et Napoléon ont ainsi largement contribué au fait que nombre de Français confondent maintenant le christianisme originel avec sa déflexion catholique romaine au point que certains sont devenus de purs matérialistes ou que d’autres haïssent les chrétiens sans distinction. Maintenant, quel rapport avec la possibilité ou non de changer de système ? Eh bien, ceci a été mentionné ou au moins esquissé : pour réellement changer de système, comme l’actuel est basé sur la pyramide depuis plusieurs millénaires, l’alternative est de baser le nouveau sur la croix. Et tant qu’à faire, autant profiter de la voie indiquée il y a 2000 ans.

Les fondements de l’enseignement du Christ sont l’Amour, le Pardon, la Charité et l’Humilité. Et nul être humain ne peut réclamer le système alternatif à l’actuel s’il ne démontre pas lui-même suffisamment de telles qualités ou manières d’être et de se comporter. Il doit devenir le changement qu’il réclame pour la société. De manière naturelle, lorsqu’un volume suffisant d’êtres humains suivra une telle voie démonstratrice au niveau individuel, alors le changement civilisationnel se fera spontanément et en douceur. Ou bien, la condition sera présente pour qu’un changement soudain et plus ou moins miraculeux ou surnaturel se produise. « Aide-toi et le Ciel t’aidera ». Cela vaut aussi pour l’Humanité comme être collectif.

Les variations autour d’un système de type croix sont aussi nombreuses que celles qui ont pu avoir lieu principalement d’après la pyramide. L’Humanité n’aura que l’embarras du choix pour peaufiner la ou les formes de gouvernements, d’institutions, d’organisations ou de communautés diverses à adopter dans son Nouveau Monde radicalement différent du Nouvel Ordre Mondial. Chaque nation, chaque région, chaque groupe devrait alors être en mesure de s’autodéterminer et de choisir la forme qui lui convient le mieux. Ils seront tous libres d’en changer en fonction des circonstances. Et si par malheur certains d’entre eux voulaient de nouveau expérimenter des formes pyramidales, il conviendrait tout au plus de chercher à les en dissuader par la discussion raisonnable, leur rappelant les souffrances qui généralement en découlent (à part éventuellement pour ceux du sommet). Si nous avons été créés dotés de libre arbitre, il y a peu de chances que ce soit pour restreindre la liberté d’autrui.

Un nouveau système basé sur la croix, dans lequel l’Humanité se met à l’écoute de sa dimension spirituelle, se laisse ainsi inspirer par le divin, s’accompagne par essence du respect de la liberté individuelle et collective, ce qui se traduit notamment par la souveraineté aussi bien des nations que des divers groupes humains jusqu’au niveau individuel lui-même. Nul ne cherche plus à imposer sa volonté, ses idées ou ses croyances à d’autres, car le faire ferait automatiquement retomber dans les hiérarchies pyramidales oppressantes. Cependant, une telle liberté reste illusoire, factice ou seulement très temporaire si elle n’est pas fondée à la fois sur la responsabilité et sur la vérité, car l’irresponsabilité et le mensonge la détruisent plus ou moins rapidement.

Un individu irresponsable, par exemple lorsqu’il ne peut pas ou ne veut pas se préoccuper des conséquences possibles de ses choix et de ses actes (y compris de ses paroles), ou qui laisse porter aux autres ce qui devrait relever de sa propre responsabilité permet ainsi ou demande inconsciemment aux autres de décider à sa place, lui enlevant donc automatiquement la partie correspondante de liberté qui se trouve désormais assumée par autrui. C’est d’ailleurs la raison fondamentale pour laquelle les individus qui cherchent à se propulser au sommet des pyramides hiérarchiques mettent en œuvre des moyens ou des techniques pour amener les peuples à se comporter de manière de plus en plus irresponsable (notamment par la stimulation de la frivolité, de l’infantilisation et de l’addiction à des drogues) ou à réclamer la sécurité matérielle au détriment de leur liberté (par la stimulation de la peur, notamment via le terrorisme d’État, des psyops [opérations psychologiques] ou divers récits ou contes de fées plus ou moins terrorisants, comme le récent de la Covid…). En procédant ainsi, ils volent la liberté des autres ainsi d’ailleurs que leurs capacités créatrices afin d’en profiter des fruits. Ces individus se comportent comme des parasites prédateurs et n’ont aucune volonté de fonctionner de manière harmonieuse et symbiotique avec le reste de l’Humanité.

Un individu qui s’enferme dans le mensonge construit de fait une prison mentale qui peut s’accompagner d’une prison affective ou émotionnelle, surtout si la culpabilité, la honte, la peur d’être « découvert » ou d’autres sentiments négatifs s’en mêlent. C’est la raison fondamentale pour laquelle une liberté réelle ne peut s’obtenir dans ou par le mensonge. À l’inverse, la vérité nous affranchit.

« Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. »

Jean 8:32

La France est le pays des Francs, littéralement « les hommes libres », affranchis du mensonge. Elle est considérée par certains juifs et par certains chrétiens comme la seconde Jérusalem. Fille aînée de l’Église du Christ, elle est la terre des Français, ou des « François » en ancien français. Eh théorie, elle est donc particulièrement prédisposée à accueillir la Jérusalem céleste (Apocalypse 21.9-22,5), que l’on peut voir comme un nouveau système d’organisation humaine inspiré non plus sur la pyramide, mais sur la croix (qui est aussi un cube déplié ou « déployé ») :

Si l’on s’en tient aux dimensions exprimées par Jean de Patmos dans son texte prophétique et qu’on veut y voir une interprétation au moins partiellement concrète, alors la taille d’un côté du cube étant d’environ 2200 kilomètres, cela déborderait bien sûr la taille de la France seule et la surface d’une de ses faces représenterait environ 4,84 millions de kilomètres carrés, soit un peu plus que celle de la stricte Europe actuelle. Et si l’on considère la superficie totale du cube, soit 6 fois plus ou encore 29 millions de kilomètres carrés, cela pourrait inclure la totalité de la Russie et du Proche-Orient. En traduction plus symbolique, ceci pourrait signifier que la matérialisation de la Croix démarrant en France se propagerait dans un premier temps à l’Europe entière, puis déborderait sur le reste de la Russie, du Proche-Orient, et possiblement de l’Afrique du Nord, avant de se répandre sur la Terre entière. Aussi sûrement que le modèle antichristique imposé par la Révolution Française a fini par contaminer la planète entière, un réel nouveau système reposant enfin sur autre chose que la pyramide pourrait gagner le monde entier à partir de ce même pays.

Bien des êtres humains en général et des Français en particulier se plaignent de leurs gouvernements, de leurs leaders politiques, de leurs institutions, etc. sans réaliser la cause profonde de leur état corrompu. Ils ne peuvent pourtant pas réclamer et surtout obtenir un nouveau système s’ils ne réunissent pas auparavant les conditions nécessaires et suffisantes pour cela. L’une d’elles est d’accepter de voir la réalité en face, ceci en déchirant les voiles de l’illusion matérialiste et les multiples mensonges qu’elle a produits. Une autre est de se reconnecter à son âme et à sa dimension spirituelle. Une autre encore est de devenir soi-même le changement que l’on souhaite voir apparaître dans le monde. Et en fait, la seconde favorise les deux autres et elle tend à nous faire suivre spontanément l’exemple du Christ ou la voie du Bouddha et d’autres grands sages du passé qui au final aboutissent au même résultat : la libération par l’éveil au Réel et par le déploiement des qualités divines en l’Homme. Le bourgeon se transforme en fleur, puis en fruit. La chenille se transforme en papillon. Le plomb se transforme en or. Les ténèbres sont dissipées par la lumière.

On ne peut pas réclamer de l’Univers, de Dieu ou des autres ce que l’on n’est pas prêt soi-même à offrir. Si l’on souhaite une vie collective harmonieuse, il est nécessaire de commencer par trouver l’harmonie, et notamment la santé, en soi-même, car la maladie, y compris mentale ou affective, est le signe d’un déséquilibre, d’un manque d’harmonie : on absorbe trop de certaines choses, mais pas assez d’autres ; et souvent, on ne donne pas suffisamment. La vie sur Terre pourrait devenir une sorte de petit paradis, car cette planète est merveilleuse de vie et de beauté. Mais tout ce que l’Homme a trouvé à faire a été de la blesser, de l’enlaidir, de la corrompre, par paresse, avidité, recherche du confort, égoïsme… Et maintenant il se plaint, il souffre, il subit les conséquences de ce qu’il a produit par le passé. Il veut changer de Système : la forme des gouvernements, de l’économie, de la justice, de l’éducation, etc. Il doit commencer par se laver, par enlever sa propre corruption, par ouvrir ses oreilles, ses yeux, son esprit et son cœur. Aide-toi, le Ciel t’aidera.






Le Tétralogue — Roman — Chapitre 47 & épilogue

Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 42
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 45
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 46]

Par Joseph Stroberg

​47 — Le Tétralogue

Une fois la porte du mausolée franchie, les quatre compères se retrouvèrent dans une pièce rectangulaire qui semblait plus vaste à l’intérieur que le bâtiment perçu de l’extérieur. Celui-ci était vide, à part une urne — qui devait logiquement contenir les cendres du Saint-Homme — et un empilement de quatre caisses cubiques de la taille d’une coudée. Le sol était lisse et poussiéreux, alors que les murs avaient la même apparence que ceux du temple où Tulvarn avait passé ses dernières années avant de se lancer dans cette folle quête : de la lave vitrifiée de couleur rouge sombre. De manière inusitée, un plafond plat et blanchâtre masquait la toiture.

— Quoi ? C’est tout ?! lança Gnomil quelque peu dépité. C’est ça le Tétralogue ? Quatre vulgaires caisses de bois en piteux état ?

— Patience, mon ami, répondit Tulvarn. Nous ignorons ce qu’elles contiennent. Il ne faut peut-être pas se fier à leur apparence. Elles pourraient aussi bien contenir des pierres précieuses.

— J’en doute fort. D’habitude elles se trouvent enfermées dans de solides coffres métalliques.

— Tu en as vu si souvent, intervint Jiliern ?

— En fait, non, mais c’est ce qui circule parmi les voleurs. Je n’ai pu voler que deux petits coffrets à bijoux qui ne contenaient que quelques poignées de gemmes. Cependant, ils étaient bien en fer.

— Quoi qu’il en soit, commençons donc par ouvrir la première, si vous le voulez bien.

— Sûr que je veux ! répondit Gnomil, qui espérait malgré tout vraiment se tromper.

Le moine souleva alors la première caisse, la déposa sur le sol et l’examina avant de tenter de l’ouvrir. Sur le dessus étaient mentionnées en écriture symbolique, utilisée seulement dans les temples, trois courtes phrases  : « Souviens-toi d’où tu viens. L’univers est ton berceau. Laisse-toi guider par ses étoiles. ». En palpant les bords, il détecta la présence d’une charnière qui courait le long d’un des côtés de la face supérieure. Il la fit facilement pivoter pour découvrir l’intérieur. Sur sa face opposée se trouvait la simple mention : « Résurrection en terre étrangère ». Plus bas, il releva aussi : « Yul Dal Rachid ». Et dans la caisse, se trouvaient 49 rouleaux, disposés verticalement sur sept rangées et autant de colonnes. Il tira au hasard l’un d’eux et se demanda de quelle matière il pouvait bien être constitué. Celle-ci était incroyablement lisse, souple, difficilement froissable et arborait une étrange luminosité, un peu comme si elle était vivante. Peut-être l’était-elle, après tout. Le déroulant, il vit un long texte, également en écriture symbolique, les mots suivants : « Chapitre neuf. L’élève ». Il en tira quelques autres et ils commençaient aussi par le même mot « Chapitre » et en parcourut quelques passages.

— Tu comprends cette écriture ? interrogea la cristallière.

— Oui. Heureusement. Je l’ai apprise au temple, répondit le moine. Elle est utilisée pour les textes sacrés, poursuivit-il avant de rapporter brièvement ce qu’il avait lu. Mais pourquoi se trouve-t-elle sur ces étranges rouleaux ? Ces écrits ne semblent rien avoir de sacré. Il s’agit de prime abord seulement d’une histoire rapportée, un genre de conte ou de récit historique, quelque part sur une autre planète. Voyons ce que contient la seconde !

Tulvarn se saisit alors de la seconde caisse de la pile et la posa à son tour sur le sol. Sur la face externe se trouvaient les trois courtes phases suivantes : « Les autres sont ton miroir. Les observer t’enseigne. Aime-les. ». Sur le côté intérieur, il pouvait lire : « Projet Vulcain », puis plus bas : « Ilmina ». La boîte contenait aussi quarante-neuf rouleaux organisés en sept rangées et sept colonnes. Il en tira aussi quelques-uns au hasard et en déduisit également qu’il s’agissait aussi d’un genre de récit. Au fur et à mesure de ses découvertes, il en informait ses compagnons. Mais ni lui-même ni eux ne comprenaient le sens de ce qu’ils voyaient. La troisième caisse comprenait également 49 rouleaux rangés pareillement, avec les mentions respectives : « Tes émotions et tes pensées sont vivantes. Apprends à les dompter. Elles participent à la création de ton destin. », « La voie du Rinn’Dual » et « Zénovia ». Enfin, la dernière caisse contenait aussi 49 rouleaux rangés identiquement, et cette fois avec les mentions : « La vie et la matière sont tes parents. Elles sont sacrées. Respecte-les et honore-les », « Le Tétralogue » et « Le Saint-Homme ».

— Par le Grand Satchan ! Mais qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?! s’exclama Tulvarn qui se trouvait presque aussi dépité que précédemment l’avait été son ami le voleur. Je n’y comprends rien ! Pourquoi se lancer dans cette quête insensée, vivre toutes ces aventures périlleuses durant lesquelles nous avons failli plusieurs fois perdre la vie, pour nous retrouver devant ceci ?

— C’est en effet à n’y rien comprendre, concéda Jiliern.

— C’est sûr ! approuva Gnomil. C’est vraiment décevant !

— Je dois dire que je ne m’attendais pas non plus à ce genre de chose, ajouta à son tour Reevirn. Que faisons-nous de ces caisses ? On les emporte, au détriment de nos vivres ? On les laisse sur place ? On les brûle pour qu’elles rejoignent les cendres de ce Saint-Homme bien farceur ?

— Allons donc ! entendirent-ils tous simultanément dans leur tête.

— Hein ? C’est quoi ça ? questionna brutalement le voleur. Qui parle dans ma tête ?

— Vous, plus tard, ou ailleurs.

— Qu’est-ce que vous racontez ? Ce n’est pas moi qui me parle ! Et je ne suis pas ailleurs, répliqua le voleur quelque peu décontenancé.

— Depuis votre point de vue actuel, c’est vrai, je ne suis pas vous. Cependant, depuis le mien, depuis cet ailleurs, ou plus tard pour vous dans l’avenir, nous sommes beaucoup plus proches que vous ne le pensez maintenant. Je représente ce que vous allez tous devenir, un jour. J’étais celui dont vous trouvez les cendres dans cette urne, celui qui vous a légué ces caisses, ce Tétralogue : quatre récits, quatre paroles, et quatre noms pour quatre compagnons dans la matière. Lorsque j’étais encore dans un corps de chair, j’ai accédé un beau jour à d’anciennes mémoires remontant à plusieurs centaines de milliers de vos cycles, sur cette lointaine planète insignifiante dont vous avez récemment entendu parler. Je me suis d’abord comme retrouvé branché sur celui qui alors se nommait Yul Dal Rachid, bien avant que n’y apparaisse le crucifié. C’était étrange. Je me suis vu comme pénétrant soudain son corps, puis vivant ce qu’il vivait, mais davantage comme un spectateur qu’en tant qu’acteur. Je ne commandais pas ses gestes, mais ressentais ses émotions et percevais ses pensées. Un autre jour, un peu plus tard, je me suis d’une manière similaire retrouvé sous la forme d’une femme, une certaine Ilmina, qui elle avait vécu plusieurs milliers de cycles après le crucifié. J’ai découvert ainsi le souvenir de maintes autres formes humanoïdes de cette planète-là et d’autres avant de revivre l’intégralité de ma vie sur Zénovia, puis mon arrivée ici. Quel lien existe-t-il entre ces différents êtres ? Je ne saurais dire, si ce n’est que le Grand Satchan, pour ce que j’en éprouve maintenant, expérimente simultanément toutes les formes pour y développer la Conscience.

Il existe apparemment une succession logique entre ces vies individuelles ainsi découvertes, un genre de lien de causalité, une poursuite expérimentale autour d’une voie particulière… Malgré tout, j’ai perçu ce lien d’une manière tellement intense que je comprends pourquoi tant de Véliens croient en la réincarnation. Pourtant, il n’y a qu’un Grand Satchan, qu’une seule cause créatrice fondamentale, qu’un seul principe de Vie universelle, même si celui-ci imprègne simultanément toutes les formes, dans le temps et dans l’espace. Du moins, c’est ainsi que m’apparaît clairement maintenant le cosmos.

Et puisque la Vie est unique, la Conscience qu’elle engendre au travers de l’infinité des formes est aussi unique, bien qu’au travers de ces dernières elle se perçoive de manière divisée et séparée. Au travers de chaque forme, la conscience se croit unique spécimen au sain d’une multitude d’autres, alors qu’elle est Unique sous une multitude de formes illusoires.

Si maintenant, je suis définitivement désincarné, ou « ascensionné » (comme auraient dit certains de nos très lointains ancêtres sur cette planète oubliée, la Terre, comme ce crucifié l’a été avant moi et comme vous le serez tous un jour), en même temps, je suis Tulvarn, Jiliern, Gnomil, Reevirn et tous les autres. Nous sommes tous des fils du Grand Satchan, et tous des fils de notre humanité lorsque nous nous incarnons. Le paradoxe est qu’en incarnation, nous ne pouvons nous percevoir que de manière limitée, isolée, séparée, parce que la matière qui nous accueille présente une structure infiniment morcelée.

Vous êtes actuellement des fils du Vélien, de même que ce crucifié était un fils de l’Homme autant qu’un fils de Dieu. Un jour, vous le rejoindrez, et vous me rejoindrez et vous réaliserez dans ce nouvel état l’unicité de la conscience à un degré tel que les individualités véliennes et humaines vous paraîtront bien étranges.

Nous provenons tous du même endroit et nous y retournons à la fin de notre voyage volontaire ici-bas. C’est ainsi que nous prenons, que nous gagnons Conscience.

Petit détail : le récit du Tétralogue est le vôtre. Il finit en ce moment même de s’écrire sur ces rouleaux que j’ai matérialisés pour vous. Autre précision : Jiliern a été sauvée d’une mort autrement certaine par Pastor dont vous lirez le récit dans « la voie du Rinn’Dual ». Il vous observe actuellement quelque part au-dessus de vos têtes, à bord d’un vaisseau interstellaire. Lui et plusieurs de ses amis vont très prochainement me rejoindre. Ils vivent leur dernière existence incarnée. Ils vont retourner dans l’Éden, le « jardin » des êtres sans forme, un jardin dont les arbres n’ont pas davantage de formes, mais sont au mieux de purs concepts abstraits, comme la « liberté », la « connaissance » et la « vie ». Pour l’instant, vous n’avez pas terminé votre voyage, ni même votre quête. La découverte de ce Tétralogue ne représente pour vous que le début d’une nouvelle étape. Dernière précision : le Tétralogue, c’est aussi dans une certaine mesure votre groupe ; vous êtes quatre Véliens et vous représentez quatre paroles, quatre voies d’action et de création : une cristallière artiste de la guérison sur un chemin finalement parallèle de celui de son actuel compagnon ; un voleur qui se transformera en constructeur ; un chasseur qui deviendra découvreur et un moine veilleur qui est devenu maître de son art et de lui-même.

J’allais oublier. Votre fameuse prophétie s’est bien réalisée : par son obsession du Tétralogue recherché par Tulvarn, celui que vous considériez comme étant une sorte de sorcier guerrier, mais qui en fait était un super soldat et agent secret en provenance de Zénovia a fait en sorte d’exterminer tous les guerriers qui s’étaient mis à son service avant de succomber lui-même de la main du moine. Sans Tulvarn et sa quête, il aurait très probablement transformé dans un premier temps Veguil en champ de bataille, puis aurait fini par en faire un champ de ruines, à l’image de ce labyrinthe.

Au revoir, amis — frères et sœur.

Lorsqu’ils retrouvèrent leurs pensées plus coutumières, ils se sentirent quelque peu hébétés — ces révélations les avaient plutôt sonnés. Après un assez long moment de silence, Tulvarn finit par rompre ce dernier :

— Et maintenant, que faisons-nous ? Passons-nous les quelques jours suivants à lire tous ces rouleaux ? Ou bien emportons-nous les caisses pour les lire plus tard chez Jiliern ? Devrions-nous les remettre au temple ?

— Faire tout ce chemin et avoir eu tous ces problèmes pour ne rien ramener ? questionna Gnomil sur un ton mi-plaintif, mi-révolté. Ah non ! Je suis d’avis de tout emporter, et même le plus vite possible, avant que quelqu’un d’autre l’embarque.

— Qui veux-tu que cela intéresse à part nous ? lui demanda Jiliern légèrement amusée. Personne d’autre n’a entendu parler de ce Tétralogue.

— Eh bien, on ne sait jamais, rétorqua Gnomil sur la défensive. Des voleurs pourraient nous avoir suivis. Et d’abord le sorcier en a bien eu connaissance, alors pourquoi pas des voleurs ?

— Ah oui ? Et nous ne les aurions pas vus ?

— Hum, pour ça, certains de ces « animaux » sont très rusés et fort capables de se fondre dans le paysage, intervint Reevirn avec un ton légèrement mécontent en se remémorant quelques mésaventures. Pour ce qui est du Tétralogue, je pense aussi qu’il vaut mieux l’emporter, car il n’est pas sûr que nous en comprenions tout le sens en une première lecture, surtout si elle est trop hâtive.

Les quatre compagnons échangèrent encore quelques avis sur la question, puis se mirent d’accord pour emporter chacun une caisse, avec Tulvarn qui prendrait le sac du voleur en plus du sien, vu le gabarit de ce dernier. Elles étaient étrangement légères et Jiliern n’aurait aucun mal à soulever l’une d’elles. Avant de prendre le chemin du retour, ils s’accordèrent une bonne nuit de repos, tout en prenant la garde à tour de rôle, au cas où les craintes de Gnomil auraient été fondées.

​Épilogue

Le Livre ne fournit que très peu de détails sur la suite de l’histoire de ces quatre compagnons véliens. Celle-ci continue-t-elle de s’y écrire ? Des morceaux ont-ils disparu lors de quelques incendies ? Ce qui reste présente quelques extraits de voyages interstellaires en compagnie du terrien Pastor et des amis de ce dernier. Le Tétralogue lui-même n’a pas été retrouvé, mais des copies en existent, au moins sur la planète du Crucifié.




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 46

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Par Joseph Stroberg

​46 — Le mausolée

La porte était garnie de multiples symboles parmi lesquels ils reconnurent rapidement divers objets usuels : un marteau, un récipient, un tripode, un sabre, une épée, un cristal, un rouleau de parchemin, un arc, une flèche, un appeau, un piège, etc. Ils comptèrent 12 rangées verticales contenant chacune 33 symboles alignés horizontalement, ce qui représentait une grille de presque 400 symboles, ou plus exactement 400 moins 4.

— Pourquoi tous ces dessins ? s’interrogea le voleur à haute voix.

— Il y a peut-être une clef à découvrir parmi eux, proposa la cristallière.

— Ce qui m’interpelle est leur nombre, intervint le moine. On peut le décomposer de bien des manières, et le fait qu’il rate les quatre cents de peu a peut-être son importance.

— Comment donc ? questionna de nouveau Gnomil.

— Eh bien, on attribue souvent au nombre quatre, l’idée de stabilité, parce qu’une table à quatre pieds est plus stable qu’un tripode et encore plus qu’un Vélien qui se tient seulement sur deux jambes. Le problème ici est que l’on a trois au niveau des centaines et que si on rattache celles-ci au mental, alors cela pourrait indiquer qu’il manque le quatre des unités — symboliquement rattachables à la matière — au mental pour être totalement stable. Enfin, on a zéro au niveau des dizaines que l’on peut, elles, relier aux émotions, ce qui peut signifier que la stabilité mentale s’obtient alors grâce au maintien d’une connexion à la matière, mais en s’affranchissant du plan émotionnel ou en le court-circuitant. La porte elle-même à quatre côtés et se trouve donc être aussi un symbole de matérialité. Et elle représente bien un obstacle matériel pour pénétrer dans le mausolée.

— C’est bien beau, mais à quoi ça nous avance ? demanda le voleur insatisfait par la réponse ?

— Patience, mon ami, répondit Tulvarn. Nous allons peut-être le découvrir en poursuivant. Par cette première intuition, si elle est juste, il nous vient que l’ouverture nécessite un mental stable connecté à la matière et donc prenant en compte les symboles inscrits sur la porte. Le nombre 396 de ces derniers nous offre le 3 qui peut représenter le juste milieu entre deux opposés ou encore nous indiquer qu’il est nécessaire de peser le pour et le contre, d’analyser. Le 9 se ramène au zéro dans le jeu des multiplications et ce chiffre dans les dizaines demande aussi d’éviter les réactions émotionnelles. Quant au six, il est composé de deux triangles entrelacés qui ainsi forment une étoile à six branches. J’y vois la nécessité de coopération entre approches ou natures opposées ou bien différentes, par exemple entre nous tous. D’ailleurs, il est présent ici, poursuivit le moine en pointant le symbole correspondant à la sixième rangée verticale, en partant de la gauche, et à la sixième place en partant du haut.

— Et également ici, fit remarquer aussitôt le chasseur, en désignant lui la sixième rangée partant de la droite, et la sixième place en partant du bas.

— Et apparemment, c’est le seul symbole qui est présent deux fois, ceci en deux emplacements symétriques par rapport au centre de la porte, poursuivit le moine.

— Mais alors, pourquoi ne pas avoir placé aussi le symbole dans les deux autres positions qui correspondent au six ? s’étonna la cristallière.

— Peut-être parce qu’il n’y a que deux triangles dans cette étoile, proposa le chasseur.

— En effet, approuva Tulvarn. Donc maintenant, à quoi peuvent correspondre le 12 et le 33 ? Le rêve qui est à l’origine de notre présence ici incluait aussi ce nombre particulier. Par contre, il n’était pas accompagné de 12, mais de 30. Cependant, 1 plus 2 égal 3. Ceci semble indiquer que nous approchons vraiment du but. Mais comme nous n’avons pas exactement la même condition numérique, cela pourrait vouloir dire que nous ne trouverons pas ce à quoi nous nous attendons.

— Pas de relique ? en déduisit le voleur sur un mode interrogatif.

— Ou pas sous la forme que nous pourrions attendre ou facilement concevoir, proposa plutôt le moine. Par exemple, tu ne trouveras sans doute pas un trésor tel que tu le souhaiterais.

— Oh ! Par le Grand Satchan, j’espère que vous vous trompez, sieur Tulvarn.

— Nous le saurons quand nous parviendrons à franchir la porte.

— Et donc, pour cela, nous devons poursuivre l’analyse, intervint Jiliern déterminée à trouver la solution. Que pouvons-nous encore déduire du 12 et du 33 ?

— Le 12, c’est aussi 3 fois 4, le trois de l’analyse ou du mental et de 4 de la matière. Et le 33, c’est aussi de nouveau le 6 en ajoutant le trois des unités et celui des dizaines, et aussi 3 fois 11. Mais là, je pense que nous nous éloignons du but, car au lieu de trouver une voie simple, nous multiplions les possibilités d’interprétation. Je propose plutôt maintenant que nous observions les symboles, pour voir notamment si certains d’entre eux nous parlent plus particulièrement ou nous attirent.

— Eh bien pour ça, j’ai repéré le cristal de dame Jiliern, l’arc de Reevirn, ma dague et votre sabre, révéla le voleur avec vivacité.

— Bien observé ! le félicita le moine. Que pouvons-nous en déduire ?

— Possiblement que nous devons agir tous les quatre pour ouvrir la porte, proposa le chasseur. Mais comment ?

— Concrètement, pour en revenir au 4, suggéra à son tour la cristallière.

— Alors comment ? lui demanda aussitôt Gnomil.

— Et si nous touchions chacun le symbole qui semble nous représenter ? proposa Reevirn, en joignant le geste à la parole, aussitôt suivi par ses trois compagnons.

Lorsque les quatre Véliens furent simultanément en contact avec la porte sur les symboles visés, ces derniers s’enfoncèrent légèrement, libérant un mécanisme d’ouverture. La porte pivota alors lentement vers l’intérieur du bâtiment autour de gonds situés sur sa gauche. L’intérieur était sombre, mais en s’habituant à la pénombre, les aventuriers purent pénétrer plus avant.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 47 & épilogue)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 45

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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 44]

Par Joseph Stroberg

​45 — Combat mortel

— Je vous attendais, dit simplement le Vélien d’un ton ferme et pleinement assuré.

— Vous nous attendiez ? interrogea Gnomil avec surprise, lui qui n’avait vu que la fin de la précédente rencontre.

— Il se trouve que cet endroit m’est interdit d’accès et j’ai besoin de l’un de vous pour y pénétrer, poursuivit-il en ignorant la question du voleur, mais en fixant le moine. Vous arrivez juste à temps. Plus tard, je me serais quelque peu impatienté.

— Pourquoi donc ? lui demanda cette fois Tulvarn.

— Parce que vous le cherchez aussi et qu’il n’est pas question de vous le laisser. Cela mettrait en péril ma mission.

— Votre mission ?

— N’espérez pas que je vous en dise plus. Contentez-vous de pénétrer dans ce bâtiment ! Je me charge du reste.

— N’y comptez pas trop, répondit le moine en faisant signe à ses compagnons de reculer. Vous ne pénétrerez pas vivant en ce tombeau.

— Si vous ne vous exécutez pas, je vous exécute, affirma le sorcier guerrier quelque peu amusé par sa trouvaille. Vous avez déjà eu l’occasion de voir que je ne plaisante pas, poursuivit-il néanmoins.

— Eh bien, les armes en décideront, conclut le moine en sortant son sabre lumière.

L’imitant, le sorcier guerrier brandit lui-même deux épées, puis fonça sur son adversaire. Le moine ne le regardait déjà plus, fermant les yeux pour mieux combattre. Il évita à la fois le choc du corps adverse et des lames par un puissant saut qui l’éleva à deux fois la hauteur d’un Vélien, alors que dans le même temps il frappait verticalement vers le bas en direction de la tête du guerrier. Celui-ci évita tout juste le sabre en s’écrasant vers le sol, pendant que le moine retombait un peu plus loin et se retournait aussitôt. Toujours aveugle, il se rapprocha du sorcier avec une roulade, bras droit écarté, puis se releva en effectuant une rotation du poignet avec sa lame tenue fermement, visant cette fois le flanc. Là encore, le sorcier évita de justesse la lame lumière, puis riposta avec une succession de moulinets rapides effectués avec ses deux bras, figure plus impressionnante qu’efficace, qui bien sûr laissa de marbre le maître aux yeux clos puisqu’elle ne le mettait pas en danger. L’échange évolua alors vers une succession de chocs des lames, le moine parant efficacement chacun des assauts du guerrier. Celui-ci frappait fort, mais pas aussi violemment que sa stature le laissait supposer, comme si son poids était moitié moindre que celui d’un Vélien moyen. Il était obligé de compenser par une vitesse plus grande d’exécution et risquait ainsi de s’épuiser plus vite que Tulvarn. Sa technique était quasiment parfaite, bien qu’étrangère et inconnue du moine, mais comme ce dernier y réagissait instinctivement sous l’effet de sa perception spéciale, adoptant automatiquement et presque chaque fois la meilleure défense possible, l’étrangeté ne jouait qu’en très faible mesure. En fait, il était bien plus déroutant pour le sorcier de devoir combattre un moine qui se rendait volontairement aveugle que pour ce dernier de faire face à cet étranger agressif formé il ne savait où.

Le combat se poursuivit avec une série d’attaques cette fois presque systématiquement évitées par diverses contorsions du corps et de quelques parades qui impactaient durement le métal des épées alors que le sabre laser n’en ressentait que l’équivalent d’une caresse. Les deux combattants utilisaient pratiquement l’ensemble de la zone entre les murs en ruines, jusqu’à l’entrée du mausolée, marchant, courant ou sautant selon les moments et les tentatives d’en finir par un coup mortel. Ni la pointe ni la tranche des armes n’avaient pour l’instant touché le cuir, mais les gestes les plus divers pour y parvenir se succédaient rapidement. Cependant, la fatigue se faisant progressivement sentir chez les deux protagonistes, le rythme diminua sensiblement jusqu’à ce que subitement le moine pris d’une soudaine impulsion lance son sabre en direction de l’abdomen du sorcier et profite de l’évitement de celui-ci pour le cueillir d’un violent coup de pied au visage. On entendit les os du cou craquer sous l’impact, puis le corps inerte s’effondra. Ce faisant, les quatre compagnons eurent la surprise de voir ce dernier se brouiller et révéler son véritable aspect, celui d’un étranger trois fois plus léger qu’un Vélien, un tiers plus petit, et dont la musculature pourtant entraînée et souple n’avait pu complètement rivaliser avec la puissance et le poids d’un massif Vélien.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? interrogea aussitôt le voleur.

— On dirait une sorte d’illusion, comme nous l’avions pressenti, répondit Jiliern.

— Il devait disposer d’un genre de sorcellerie pour faire cela, mais ça s’est arrêté lorsqu’il est mort, ajouta Reevirn.

— Elle devait fonctionner sur la vision alors, et comme je combattais les yeux fermés, je ne pouvais cette fois-ci en être victime. Il était un excellent combattant. Cependant, ce subterfuge a sans doute été au moins partiellement la cause de sa mort. Se reposer sur ce type d’artifice est problématique le jour où ce dernier fait défaut ou ne peut plus atteindre son objectif.

— Manifestement ! approuva le chasseur.

— Ce guerrier sorcier en a été la preuve vivante au moment de son trépas, ajouta Gnomil sur un ton espiègle.

— Ha ! Ha ! Ha ! s’esclaffa Jiliern qui ainsi décompressait après le moment de haute tension qu’ils venaient de vivre.

— Eh bien, merci à notre ami pour son humour bienvenu en la circonstance, ajouta le moine. Cela ne peut que faire du bien. Maintenant, il nous reste une dernière étape : pénétrer dans le mausolée. Et si l’on en croit ce qu’a mentionné l’étranger avant notre combat, il semble y avoir un problème. Il a sacrifié en vain tous ces Véliens, poursuivit-il en tournant la tête vers les cadavres les plus proches.

— Pas si vainement que ça, si je puis me permettre, Sieur Tulvarn, rectifia Gnomil. S’ils ne s’étaient pas offerts eux-mêmes à ces pièges, nous y aurions probablement eu droit nous-mêmes…

— Et qui sait si nous aurions peu y échapper ? poursuivit Reevirn.

— Très juste, approuva le moine. Cependant, j’évoquais la vanité pour ce qui concernait cet étrange sorcier. Lui-même n’aura pas pu bénéficier de ces milliers de sacrifices.

— Étrange destinée ! intervint Jiliern. Venir d’on ne sait où, créer une armée comme probablement jamais il n’en eut d’aussi nombreuse sur Veguil, et finir ainsi juste avant d’atteindre son but !

— Au moins, il nous a simplifié la tâche ! ajouta le voleur, très satisfait de la tournure des événements après tout ce que le quatuor avait vécu. Je vais peut-être lui faire une sépulture.

— Je serais d’avis de laisser son corps aux animaux, ainsi que celui de ses acolytes, tant qu’à continuer dans le sens du sacrifice, proposa le chasseur.

— Et pourquoi celui-ci mériterait-il plus une tombe que tous ceux-là ? questionna la cristallière.

— Eh ! je plaisantais, se défendit le voleur. Je n’ai pas du tout l’intention d’offrir une tombe à son cadavre. Pas de temps à perdre avec ça, alors que nous devons trouver comment entrer dans celle du Saint-Homme.

— Je sais, rassure-toi, répondit Jiliern en souriant.

Sur ces considérations, les quatre compagnons se rapprochèrent ensemble de la porte du Mausolée, tous d’avis qu’il était temps d’en finir.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 46)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 44

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Par Joseph Stroberg

44 — Grosse surprise

Lorsque les quatre aventuriers débouchèrent enfin de la jungle, le spectacle qui s’offrit à leurs yeux leur causa un choc. S’ils avaient envisagé l’éventualité de squelettes éparpillés ici et là, de vieux tas d’os depuis longtemps rongés, ce qu’ils virent n’y correspondit que dans une faible mesure. S’il existait bien quelques squelettes déjà visibles à l’entrée de la vaste zone labyrinthique, il y avait depuis probablement peu de temps également des tas de cadavres, presque alignés sur chacun des chemins possibles. L’odeur caractéristique était encore faible, indice d’un trépas assez récent, de tout au plus quelques jours. La plupart étaient transpercés d’un dard métallique, d’autres avaient la tête tranchée, et d’autres encore portaient de récentes traces d’autres blessures mortelles, généralement accompagnés de mares brunâtres de sang séché. La mort semblait chaque fois avoir été rapide, voire instantanée. Aucune trace de lutte ! Elle les avait cueillis brutalement, sans le moindre égard, quel que fût l’âge de ces intrépides inconscients ou de ces valeureux explorateurs. Diverses armes, de toutes sortes, se trouvaient pêle-mêle à côté d’eux, parfois encore serrées dans la main, d’autres fois également brisées. Tout ce qui avait pu être conçu par les forgerons locaux se trouvait là, de même que les cadavres étaient tous véliens. Aucun étranger à la planète ne s’était apparemment aventuré en ces lieux.

Après un bref temps d’arrêt, les quatre compagnons décidèrent de suivre l’une des pistes jonchées de cadavres pour s’aventurer vers le cœur du labyrinthe, le moine en tête avec son sabre prêt à intercepter d’éventuels projectiles et autres dangers. Cependant, à leur surprise, rien ne se passa, aucune flèche ne tenta de transpercer l’un d’eux, aucune lame ne se manifesta pour les couper en rondelles ou pour les écraser sous un énorme poids. Rien ! Ils en conclurent que les récents morts avaient simplement saturé les défenses du lieu, avaient fini par les épuiser, par les désactiver toutes. Pourquoi ? Et comment se faisait-il que ces suicidaires ou ces martyres sacrifiés se soient trouvés ici en si grand nombre tout récemment ? Aucun des quatre n’avait de réponse.

En suivant le parcours qui présentait la plus grande densité de cadavres, ils étaient amenés à de fréquents changements de direction parmi les ruines, à escalader des murs partiellement détruits, à se baisser sous des arches plus ou moins effondrées, à se faufiler tout juste dans quelques passages étroits, à faire parfois demi-tour devant une voie finalement sans issue… Pour éviter de repasser inutilement sur les chemins déjà explorés sans succès, c’est-à-dire sans trace du mausolée du Saint-Homme, ils tournaient face contre terre tous les cadavres qui se trouvaient proches des intersections, ceci sur la zone qu’ils étaient sur le point de quitter en vue d’explorer une autre branche. Après une heure d’exploration, et selon la perception que pouvait en avoir le chasseur, ils n’avaient découvert qu’une petite fraction de la surface labyrinthique et celui-ci n’avait pour l’instant pas repéré quelque chose qui puisse ressembler à un tombeau ou à un monument funéraire de forme connue. Et sur Veguil, à l’image des maisons bâties presque toutes sur le même modèle, il n’existait pas des dizaines de sortes de tombeaux. En fait, il n’existait que trois formes fondamentales, reproduites néanmoins en diverses tailles. L’une d’elles se présentait en une croix dont l’une des branches était plus grande, à l’image du corps d’un Vélien décédé dont les bras seraient écartés de part et d’autre de l’axe jambes-tête, de manière perpendiculaire à ce dernier. Une autre était une étoile à cinq branches étroites, à l’image de ce même corps se présentant cette fois avec les jambes écartées. Et la dernière était simplement un ovale, à l’image d’un œuf vélien. Celle-ci était réservée pour les morts d’enfants, la croix l’était pour la plupart des adultes, et l’étoile était réservée aux saints et aux maîtres dans leur corps de métier. Cependant, Reevirn n’avait pu jusqu’à maintenant repérer aucune de ces formes à l’aide de sa vision intérieure. Il n’avait pas non plus aperçu d’édifices particuliers encore relativement intacts, mais seulement des ruines, et encore des ruines.

Au cours des heures suivantes, entrecoupées par une halte ravitaillement, le quatuor parcourut un bon tiers du labyrinthe, mais toujours sans succès. Les cadavres continuaient à encombrer les chemins. Ils en avaient déjà retourné plusieurs centaines et laissé probablement quelques milliers d’autres dans leur ultime position au moment de la mort. Partout autour d’eux se présentait le même spectacle dont les squelettes faisaient figure d’accessoires mineurs et les végétaux de timides apparitions en certains croisements, ou plus rarement grimpants sur quelques murets, alors frêles lianes qui parvenaient à survivre en puisant les nutriments depuis un sol nourri préalablement par les anciens cadavres en décomposition. À quelques intersections bizarrement plus humides, la verdure pouvait se montrer légèrement plus dense, le plus souvent sous forme herbacée, parfois d’arbrisseaux malingres, mais le groupe n’avait pour l’instant pas repéré un seul arbre ni de source d’eau visible. Une différence se dessinait cependant progressivement par rapport à l’entrée du labyrinthe : les morts paraissaient plus récentes, datant sans doute de seulement quelques heures.

Une demi-journée plus tard, les quatre compagnons avaient couvert environ les trois quarts de la zone pierreuse sans constater de changements significatifs, à l’exception du sang qui paraissait plus frais, pas aussi sec et brun qu’auparavant. Cependant, le chasseur venait depuis peu d’apercevoir intérieurement le tombeau particulier recherché, une petite construction en forme d’étoile à cinq branches, presque à l’opposé de l’entrée depuis la jungle. Au-delà du labyrinthe, il voyait maintenant une zone de nouveau couverte de verdure, plutôt dispersée, une sorte d’intermédiaire entre steppe et savane. En se centrant sur l’image du mausolée, Reevirn parvint à déceler le chemin le plus rapide pour le rejoindre depuis leur emplacement actuel. Ils pouvaient dorénavant forcer l’allure.

Alors qu’ils se trouvaient tout proches du tombeau ciblé, observant maintenant le sang fraîchement écoulé des cadavres, les quatre compagnons virent soudain apparaître un Vélien vivant, comme surgi de nulle part, à seulement quelques dizaines de pas en face d’eux, obstruant partiellement l’entrée de l’édifice. Tulvarn reconnut alors l’espèce de mage ou de sorcier guerrier qu’il avait déjà combattu !

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 45)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 43

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Par Joseph Stroberg

43 — Pièges en vue ?

D’après ses perceptions, Reevirn pensait que le groupe ne se trouvait plus qu’à quelques jours de marche du Labyrinthe. Il parvenait à mieux préciser l’apparence de l’objectif à l’aide de sa vision intérieure de plus en plus affinée. Néanmoins pour l’instant, celle-ci le montrait comme aperçu depuis une assez grande hauteur (sous un angle oblique), ce qui faisait qu’il ne pouvait pas percevoir les détails plus petits que l’épaisseur d’un Vélien, du moins selon son estimation. Et un Vélien lui-même lui apparaîtrait probablement comme un trait trapu et allongé, guère plus gros qu’une petite baie qui serait tenue au creux de sa main. Il aurait ainsi un grand mal pour le distinguer d’animaux de même taille ou même de cadavres. Et qui pouvait savoir combien de squelettes et de corps en décomposition se trouvaient dans ces ruines à la triste réputation ? Pour l’heure, il voyait essentiellement d’énormes quantités de ruines en disposition labyrinthique, des murs enchevêtrés de tailles et épaisseurs diverses dont les teintes couvraient les bruns, les ocres et d’autres couleurs terreuses, parfois verdâtres, ceci alors comme sous l’effet d’une couverture végétale en voie d’assèchement. Mais aucun arbre ne semblait être présent en ces lieux, à part peut-être de nouveaux venus à l’état de jeunes pousses qu’il ne pouvait pas encore distinguer. L’endroit était visiblement mort depuis longtemps, mais la végétation ne l’avait pas encore envahi, au moins en apparence. D’après ce qu’il en restait, on ne pouvait déterminer quelles avaient pu être l’apparence et la fonction des lieux avant leur désagrégation. S’agissait-il d’une ville qui alors devait avoir été bien tassée, vu la proximité des murs qui ne permettaient par exemple pas de distinguer des bâtiments individuels ? S’agissait-il d’un genre de labyrinthe construit exprès à une telle fin, ou pour l’entraînement de guerriers, de l’Empire zénovien ou d’ailleurs en d’autres temps très reculés ? Ou bien encore quelque chose d’inconcevable dans l’état actuel des connaissances des quatre aventuriers ? Dans ce qu’il en observait pour l’instant, rien ne pouvait l’indiquer au chasseur. Les détails ne grossissaient vraiment pas rapidement, en proportion de leur lente progression au travers de cette jungle, comme si la vision intérieure de la cible dépendait de la distance réelle qui les en séparait. En d’autres termes, plus les aventuriers se rapprochaient du labyrinthe et plus ses détails s’accroissaient, à la fois en nombre et en qualité. Néanmoins, dans l’état actuel, rien ne permettait à Reevirn de savoir quels genres de pièges pourraient bien aggraver leur exploration du labyrinthe. Il ne pouvait encore rien répondre de précis aux questions de la part de ses amis lorsque ceux-ci de temps en temps, quelques fois par jour, lui demandaient tour à tour des nouvelles de la perception de leur objectif. En fait, celui d’entre eux qui manifestait le plus d’impatience et de curiosité était de loin Gnomil.

Le lendemain, la vision du chasseur devint un peu plus précise, lui permettant cette fois d’apercevoir éventuellement la main ou le pied d’un Vélien si jamais il s’en trouvait par hasard un d’encore vivant à cet endroit lugubre. Et comme étrangement ils n’étaient pas ennuyés dans cette jungle par les bêtes sauvages ni même par des bizarreries telles que les disques planeurs, les quatre compagnons n’avaient pas grand-chose d’autre à faire finalement que d’interroger de temps en temps le chasseur et d’explorer leur propre monde intérieur d’émotions, de pensées, de souvenirs ou d’imaginations… tout en surveillant assez vaguement ou distraitement les environs. La situation était assez radicalement différente de ce qu’ils avaient vécu dans la première jungle, mais leur état également, même s’ils n’avaient pas vraiment pris conscience de leur transformation, ayant été trop accaparés par l’enchaînement des événements extérieurs et des défis. Et c’était justement ces derniers qui avaient été les principaux moteurs d’une telle métamorphose. Le résultat le plus spectaculaire l’était chez le moine qui avait vécu ce qu’en d’autres terres, ailleurs dans la galaxie on considérait comme une « initiation », l’accès à une nouvelle sphère de perceptions, de conscience par la stabilisation de la précédente, ceci lui ouvrant la porte à de nouvelles aptitudes et lui permettant la consolidation des anciennes. En l’occurrence, Tulvarn se trouvait maintenant en une telle symbiose avec la vie planétaire, et avec cette immense et dense forêt particulière qu’aucune des petites vies individuelles ou collectives qui s’y trouvaient, qu’elles soient animales, végétales ou d’autres étranges règnes vivants ne risquait de les mettre en danger, bien au contraire. Elles l’accueillaient comme un ami ou un frère et par conséquent ouvraient aussi entièrement la porte à ses trois compagnons de route. Si certaines d’entre elles pouvaient se révéler involontairement dangereuses, elles s’écartaient naturellement des pas des Véliens ou si elles ne le pouvaient pas s’arrangeaient pour les détourner ne serait-ce que par un message subtil adressé au moine, celui-ci recevant alors ce dernier sous forme d’intuition nette et plus ou moins fulgurante. Le résultat pratique de tout ceci était que la progression du groupe se déroulait finalement sans accrocs en dépit de la dangerosité potentielle du lieu habitué à ne guère épargner les voyageurs imprudents et peu dignes de le traverser. La cristallière était notamment à la fois protégée par l’aura subtile et spirituelle du moine et par la jungle elle-même, et ses œufs n’avaient rien à craindre.

Lors de leur progression, l’ambiance était devenue tellement légère, étrangement douce, paisible et feutrée que le chasseur finit même par ne plus se préoccuper de l’aspect visuel du Labyrinthe ciblé, d’autant plus qu’il le sentait maintenant très proche, à moins d’un jour de marche. De même, le voleur ne s’embêta plus à tenter de deviner les pièges à l’avance, alors que la cristallière et le moine, sans s’en rendre vraiment compte étaient en train eux de subtilement fusionner leurs énergies, prolongeant ainsi sur d’autres plans l’union charnelle qu’ils avaient connue lors de l’éclipse. Leurs vibrations se trouvaient maintenant en plein accord, renforçant l’impact positif du moine sur le groupe et sur la jungle, jusqu’à progressivement inclure la jungle, au moins localement, et leurs deux amis, et réaliser ainsi une subtile harmonie en ces lieux, comme une douce musique qui accompagnait leurs pas et leur ôtait toute lourdeur, jusqu’à éloigner aussi la sensation d’étouffante chaleur du sous-bois… Le reste de leur progression pour sortir de la jungle leur parut presque irréel, comme s’ils se trouvaient dans un rêve, à l’abri de la pesanteur et de la douleur physique, mais de manière paradoxale, intensément présents et conscients du luxuriant paysage. Cette partie de leur aventure se déroula sans qu’ils aient eu réellement la sensation du temps passé à marcher, relativement inconscients de la durée écoulée entre l’établissement de leur état de grâce et la sortie de la forêt pour atteindre enfin le labyrinthe.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 44)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 42

Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 35
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 36
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 37
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 38
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 39
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 40
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 41]

Par Joseph Stroberg

​42 — Bientôt en vue des ruines ?

La jungle était épaisse, mais différente de celle que les quatre compagnons avaient traversée sur leur continent natal. Et notamment, la chaleur humide y était étouffante, à la limite de la suffocation. Ils ruisselaient à grosses gouttes, autant que dans le désert, mais l’humidité leur restait collée au cuir, dégoulinait le long du corps et mouillait les vêtements à moitié déchirés. Ils baignaient ainsi dans leur jus, un suc tiède et écœurant qui amplifiait rapidement leur odeur corporelle et les ferait probablement bientôt autant puer qu’au cours de l’épisode précédent de leur aventure. L’avantage cependant ici était que la végétation forestière recourait à différentes stratégies pour conserver l’humidité en provenance des rivières nombreuses qui traversaient cette jungle. En particulier, les plus grands arbres aux vastes feuilles translucides constituaient un écran presque impénétrable en dehors des périodes de pluie. Celles-là s’assemblaient étroitement pour former divers rideaux horizontaux et relativement imperméables sur plusieurs étages, en général trois ou quatre superposés verticalement, chacun d’eux limitant nettement l’évaporation vers le ciel. En période de pluie, les feuilles s’orientaient verticalement pour laisser tomber les gouttes jusqu’au sol. Étant donné l’abondance et la taille gigantesque de ces arbres protecteurs particuliers, la jungle presque entière maintenait ainsi la plus grande partie de son humidité dans l’air ainsi confiné. Une partie du reste se voyait absorbée par des végétaux spongieux, des sortes de mousses, de champignons ou de mélanges des deux, ainsi que dans des variétés d’arbres et d’arbustes qui emmagasinaient l’eau dans leurs racines, dans leurs fruits juteux ou encore dans d’épaisses feuilles qui ressemblaient à des outres. Enfin, le sol couvert de feuilles mortes conservait le reliquat.

Sans être montagneux, ni même constitué de collines, le terrain était cependant accidenté, succession apparemment aléatoire de cuvettes vaguement circulaires au diamètre pouvant mesurer entre quelques dizaines de pas pour les plus fréquentes et plusieurs milliers pour les rares plus grandes. Leur pourtour était formé d’un irrégulier bourrelet de roches bouleversées par un ancien impact météoritique ou par des bombes d’un ancien temps en provenance de Zénovia — nul ne savait exactement leur origine. Une rivière serpentait parmi certaines d’entre elles, mais elle se situait assez loin de la présente position du groupe d’aventuriers. À leur lente allure actuelle, il faudrait probablement à ces derniers plus d’une journée entière pour l’atteindre. Et vu la très faible fréquentation vélienne de cette jungle, guère plus importante que dans le désert laissé derrière eux d’après ce qu’ils en avaient entendu dire, ils avaient peu de chances de croiser du monde, même des chasseurs.

Si par son regard intérieur Reevirn percevait de plus en plus nettement les ruines au cœur desquelles se trouvait leur objectif, il avait dû mal à sentir s’en rapprocher. Ceci lui paraissait mauvais signe, celui qu’elles se situaient probablement encore à de nombreux jours de marche, au point qu’il n’était pas sûr que ses compagnons et lui y parviennent avant l’automne. À ce rythme, cela risquait de compliquer la vie de Jiliern et de les retarder encore avantage. Il imaginait mal le groupe voyager dans de telles conditions où leur amie cristallière devrait porter la plus grande attention et les meilleurs soins à ses œufs. Même si contrairement à d’autres espèces vivantes, elle n’aurait pas besoin de les couver, il lui faudrait veiller à ne surtout pas les abîmer et encore moins les briser. Les porter dans un sac pendant une dangereuse aventure ne serait vraiment pas la meilleure des choses à faire. Il vaudrait mieux alors au groupe de prendre une longue pose de trois révolutions entières, le temps de l’éclosion des œufs, ce qui correspondait à presque une saison et leur ferait reprendre la quête vers la fin de l’automne ou le début de l’hiver. Étant donné la parcours particulier de Veguil autour de Matronix qui elle-même orbitait autour de l’étoile Dévonia, il était difficile aux Véliens de prévoir les saisons autrement que de manière très approximative. Ils ne disposaient d’aucun moyen de calcul et d’aucune connaissance astronomique suffisante pour cela.

La complexité relative du mouvement de leur planète faisait en sorte que les éclipses et les saisons apparaissaient aux Véliens très variables en durées et intervalles. Cependant, sa luxuriance leur permettait de facilement vivre au jour le jour et sans s’inquiéter le moindrement du lendemain, du moins dans les circonstances ordinaires. Or, les quatre compères vivaient une situation hors du commun et ne s’y étaient pas vraiment préparés. Ils avaient donc dû improviser au fur et à mesure des défis rencontrés et s’étaient trouvés plusieurs fois au bord du trépas. Néanmoins, Tulvarn se demandait si une meilleure préparation ne leur aurait pas évité bien des déboires. Est-ce que davantage d’armes et d’entraînement au combat auraient pu empêcher par exemple la disparition de Jiliern sous ces sortes de disques planeurs ? Est-ce que davantage de sacs et de vivres initialement auraient pu éviter de les voir écrasés, déchirés ou perdus ? Et si une meilleure préparation avait pu prévenir certaines tragédies, qu’est-ce qui pouvait garantir que les nouvelles circonstances n’auraient pas été pires au bout du compte ? Le moine n’avait aucune réponse. Quoi qu’il en fût, l’essentiel lui paraissait maintenant de terminer ce qui avait été commencé de nombreux jours auparavant dans ce temple isolé qui l’avait accueilli et formé. S’ils avaient survécu jusqu’à maintenant en dépit d’un manque manifeste de préparation, cela tendait plutôt même à démontrer que là ne résidait pas les critères d’une réussite ni d’ailleurs à l’inverse d’un échec. L’une ou l’autre devaient alors dépendre d’autres facteurs. Intuitivement, il tendait à considérer que ceux-ci tournaient autour de capacités ou de qualités telles que la persévérance, la résilience, l’adaptabilité, l’aptitude à improviser, la confiance en soi et en ses compagnons de route, la sensibilité aux conditions environnantes, l’écoute et sans doute au moins quelques autres aptitudes qu’il restait à définir. Une chose aussi était certainement déterminante lorsque le défi était commun à un ensemble de personnes et c’était l’établissement d’une coopération et d’une harmonie suffisantes entre elles. Et sur ce plan, leur groupe s’était jusqu’à présent montré exemplaire, un peu comme les quatre membres d’un même corps et capables de le faire avancer de manière particulièrement coordonnée. Le moine n’en avait pas vraiment pris conscience, mais sa manière d’être et de vivre, son énergie, sa philosophie… y étaient pour une part importante. Elles étaient communicatives, ou capables d’entraîner les autres, de leur donner comme une envie d’aller plus loin, de s’améliorer, de grandir, de s’ouvrir davantage aux autres et à la nature environnante, d’explorer même des domaines ou des contrées qu’ils avaient jusqu’à présent ignorés. Dans ce processus, lui-même s’était transformé au point de mériter pleinement maintenant le qualificatif de « maître » tellement il avait atteint un haut degré de maîtrise de sa nature physique, émotionnelle et mentale comme l’avaient fait avant lui Maître Nignel ainsi que d’innombrables moines guerriers, ceci sur de multiples planètes au moins dans cette galaxie. Et ce n’était d’ailleurs pas réservé à ces sortes d’artistes de la guerre ou de la défense, mais avait aussi été accompli par des philosophes, des érudits, des mages… et des individus de n’importe quelle autre classe d’activité ou de prédilection fonctionnelle, y compris des voleurs ! Leur maîtrise leur avait généralement permis par la suite de confirmer et de stabiliser des aptitudes spéciales, souvent paranormales, qu’ils n’avaient jusqu’alors exercées que de manière partielle, superficielle ou sporadique, ou même sans en avoir réellement pris conscience. Et elle s’accompagnait d’une connexion plus consciente avec l’univers ou avec ce que sur sa planète on appelait le Grand Satchan.

Alors qu’il observait distraitement les environs pendant leur lent déplacement dans la jungle, les présentes pensées de Gnomil étaient orientées dans une autre direction, bien que recoupant partiellement celles du moine. Il s’interrogeait plus spécifiquement sur l’incapacité de ses compagnons et de lui-même à prévoir les événements qui les attendaient. Rien de ce que lui-même s’était imaginé ne s’était déroulé comme prévu ou attendu. Et l’espèce de prophétie mentionnée par Jiliern semblait incompatible avec ce qu’ils avaient vécu jusqu’alors et ne s’était donc révélée d’aucun secours. Concernant celle-là, pour commencer, même cette espèce de horde sauvage qu’ils avaient croisée dans la jungle des Plaines de l’Ouest sur leur continent ne paraissait pas représenter un danger planétaire. C’était une armée, oui, mais un bon groupe de moines guerriers et de chasseurs devraient pouvoir la défaire, à supposer qu’elle ait survécu aux pièges de l’endroit. Et bizarrement, ses compagnons et lui-même n’en avaient d’ailleurs plus trouvé la moindre trace par la suite. Ensuite, il voyait mal comment le moine, même avec ses nouvelles capacités et même avec l’appui de Reevirn et de lui-même pourrait bien surmonter un danger ou une menace au moins aussi importante que cette horde si jamais ils rencontraient pire. Enfin, il n’y avait probablement aucun rapport entre cette prétendue prophétie et le Tétralogue. En ignorant cette prophétie, il restait le fait indéniable que rien de ce qu’ils avaient vécu depuis le début de leur aventure n’avait été anticipé par l’un ou l’autre des membres de leur petit groupe. Et tout ce que lui-même pouvait envisager par rapport au labyrinthe avait donc des chances de l’être en pure perte. Il visualisait tour à tour tous les pièges possibles auxquels il avait déjà eu affaire, et en imaginait même un tas d’autres supplémentaires, éventuellement tirés d’anciennes légendes, mais il perdait sans doute son temps. Ils risquaient de nouveau de se retrouver devant une situation imprévue et toute nouvelle. Jusqu’à maintenant, cela avait été systématique ! Le labyrinthe risquait donc fortement de suivre le même schéma. Et si l’on prenait en compte le fait qu’aucun Vélien n’en était pour l’instant revenu vivant et que cela pouvait s’expliquer plus facilement avec des types de pièges complètement inconnus, eh bien ce ne serait pas de bon augure : ils devaient s’attendre à rencontrer des dangers mortels sans y être le moindrement préparés. Ou, dit autrement, ils devaient s’attendre à l’imprévisible ou encore prévoir de se retrouver dans une situation inattendue. Bref ! Ça ne leur servait à rien de s’imaginer quoi que ce soit concernant le labyrinthe. Mais ça ne l’empêchait pas d’angoisser à l’idée qu’ils pourraient y laisser leur cuir.

Jiliern, de son côté, n’éprouvait au contraire pas la moindre peur ni même appréhension. Pourtant, elle ne s’était jamais trouvée dans une situation aussi fragilisée organiquement, à devoir reporter son énergie et son attention sur ses œufs. Elle se sentait au contraire portée, presque magiquement, par l’expression de puissance qui émanait maintenant de son compagnon moine et guerrier. C’était comme si cette puissance, ce pouvoir intérieur indéfinissable leur offrait un bouclier invisible, particulièrement à elle et à sa future progéniture. Elle le ressentait comme l’émanation d’un genre de symbiose entre ce nouveau « maître » — « Sieur Tulvarn » comme le nommait Gnomil — et la planète Veguil elle-même, voire avec le cosmos. Elle ressentait ce bouclier comme tellement puissant que rien de bien grave ne pourrait leur arriver dorénavant. Se faisait-elle de larges illusions ? Peut-être. Mais peu lui importait. Elle était tellement remplie de cette subtile énergie qui s’écoulait de son compagnon à flots continus qu’elle vivait cela un peu comme une exaltation permanente, quelque chose qui l’allégeait, lui faisait presque complètement oublier la difficulté physique de la progression sur la texture et le relief irréguliers de cette jungle. Elle aurait pu comparer cette sensation à ce qu’elle imaginait de s’étendre sur un lit de plumes, sur un nuage tiède baigné de la lumière radieuse de Dévonia, sous une douce brise de printemps qui stimulerait délicatement toutes les parcelles de son cuir. Ceci représentait une symbiose incroyable entre la délicatesse et la force, à l’image d’une fine coquille d’œuf invisible qui pourtant se révélerait pratiquement impénétrable. Ainsi, le Labyrinthe se trouvait totalement hors de ses pensées conscientes et sa perspective ne pouvait aucunement assombrir ces dernières.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 43)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 41

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Par Joseph Stroberg

​41 — Vers le labyrinthe

Le long trajet vers le labyrinthe de Trinestarn leur fit dans un premier temps traverser de nouveau une vaste région semi-désertique où les seules sources d’eau étaient de rares plantes épineuses de taille moyenne. Celles-ci étaient le plus souvent constituées d’un tronc orangé en forme de demi-boule allongée dans le sens vertical, mais évasée à la base et terminée en longue pointe au sommet. Leur hauteur dépassait généralement deux fois celle d’un Vélien et leur plus grande largeur en dehors de la base représentait approximativement le quart de leur taille. Sur le tronc se trouvaient d’épaisses… tiges ? Feuilles ? Excroissances de formes similaires et garnies d’épines, mais cette fois de couleur verte. Une fois débarrassées de ces épines venimeuses à coup de dague ou de sabre, ces étranges tiges une fois tranchées révélaient une chair rosée et juteuse de saveur légèrement douce et acidulée, avec un parfum qui ne ressemblait à rien de connu pour les quatre aventuriers. Cela se révéla non toxique et leur fournissait suffisamment d’eau malgré la chaleur torride, en attendant une prochaine plante similaire. Par contre, ce n’était ni suffisant ni approprié pour se laver et ils puaient de plus en plus alors que leur cuir se mettait maintenant à attirer diverses sortes d’insectes avides de se nourrir des sucs accumulés libérés par la transpiration.

Concentré sur la nouvelle cible supposément cachée quelque part dans le labyrinthe, le chasseur n’avait pas le temps de ruminer sa culpabilité. L’intensité de cette dernière avait néanmoins diminué grâce à la présence et au soutien de ses trois compagnons qui progressivement s’étaient transformés en de véritables amis, tous différents, mais quelque part si complémentaires dans cette quête à la foi insensée et stimulante. Les différentes épreuves, parfois mortelles, les avaient rapprochés dans un esprit altruiste et généreux qui pouvait aller jusqu’au sacrifice personnel si cela permettait de sauver les autres du danger. Si lui-même s’en était profondément voulu d’avoir au contraire d’une certaine manière sacrifié ses deux anciens acolytes chasseurs lors de cette triste journée qui hantait encore son esprit et s’il ne s’en était pas encore guéri, en ce moment même, il n’y pensait pas, trop absorbé par sa tâche. Maintenir sa focalisation sur la cible, sur leur but, était primordial pour éviter de s’égarer dans d’interminables détours.

Étrangement, la cible commençait à lui apparaître de manière visuelle sur son écran mental, en plus de la sensation classique pour lui de sa direction et de sa distance approximative. Maintenant, il s’y ajoutait une forme floue, encore indistincte qui semblait correspondre à un endroit en ruines ou au moins jonché de blocs rocheux de nuances ocre et beiges, parfois grisâtres ou même plus sombres. Il ne paraissait pas y avoir la moindre verdure. Reevirn n’avait pas prêté attention à la naissance de cette subtile apparition dans son esprit alors qu’il maintenait son attention sur son objectif lointain. Pour tout dire, il aurait été bien incapable de préciser le moment exact de l’apparition de ce… trouble visuel intérieur, s’il pouvait le considérait comme tel. Il le constatait seulement depuis peu, alors que son intensité l’avait rendu trop manifeste désormais pour passer inaperçu. C’était comme s’il distinguait vaguement un paysage lointain au travers d’une vague tache floue de taille encore très modeste. Cependant, plus le temps passait, et plus celle-ci semblait s’éclaircir tout en s’agrandissant progressivement et insensiblement, rendant du même coup un peu plus discernable l’image perçue par son biais. À chaque nouvelle attention plus précise portée à sa cible, lorsqu’il n’examinait pas les environs immédiats pour voir notamment où il mettait les pieds, la perception gagnait de l’ampleur et perdait un peu plus son caractère vague et nébuleux.

Alors qu’ils se trouvaient maintenant à la lisière d’une région légèrement plus humide qui commençait à se couvrir d’une végétation plus dense, avec de larges zones herbeuses et un nombre croissant de buissons d’épineux porteurs de petits fruits, l’image intérieure précisait de plus en plus son contour circulaire et le paysage confirmait chaque fois davantage être un genre de champ de ruines. Le chasseur ignorait à quoi il devait cela. Il ne faisait que constater le résultat : une plus grande facilité à repérer et suivre sa cible. Au stade actuel, il ne pouvait encore spécifier l’endroit exact du paysage lointain où était censé se trouver le mausolée du Saint-Homme, mais il discernait de mieux en mieux ses environs probables.

Les trois autres aventuriers se contentaient de suivre et de surveiller les environs pour éviter d’éventuelles nouvelles mauvaises surprises. Ils marchaient vaguement en ligne à quelques pas de leur « traqueur », tel ils commençaient à le surnommer à cause de sa méthode particulière de repérer et de suivre ses cibles. Gnomil se tenait sur la gauche, Tulvarn sur la droite, et Jiliern ainsi protégée entre les deux. Personne ne regardait derrière, mais le moine avait maintenant stabilisé sa perception spéciale qui lui permettait de sentir le danger et d’accomplir spontanément le bon geste pour y faire face avec son sabre, même les yeux fermés ou plutôt surtout avec les yeux fermés, car la vision ordinaire pouvait alors au contraire le perturber et le rendre moins efficace.

Ainsi disposés, les quatre aventuriers poursuivaient leur progression en direction du Labyrinthe alors que la végétation se faisait plus dense et qu’ils se rapprochaient de la jungle du continent, la plus épaisse de la planète. Des arbres commençaient à faire leur apparition dans le paysage tandis que les plantes se manifestaient conjointement en variété et nombre croissants. Certaines d’entre elles étaient communes à leur continent d’origine, mais plus de la moitié leur étaient inconnues, et notamment des sortes de champignons géants qui atteignaient jusqu’à cinq fois leur hauteur et procuraient une ombre salvatrice face à un soleil toujours aussi étouffant que dans le désert laissé derrière eux. La différence était une humidité croissante produite par un réseau de plus en plus dense de rivières en provenance de la gigantesque chaîne centrale et dont certaines abreuvaient des lacs ou bien de vastes zones marécageuses selon les endroits. Ces parasols naturels présentaient une surface d’aspect soyeux, presque duveteux, comme si celle-ci était couverte de minuscules poils serrés les uns contre les autres. De couleur pastel, dans les tons généralement orangés, ocre ou rougeâtres selon les spécimens, elle était souple et la main d’un Vélien parvenait à y inscrire momentanément son empreinte. Par contre, il valait mieux à ce dernier de s’abstenir d’un tel geste, car autrement sa main se voyait progressivement changer elle-même de couleur, passant du bleu originel à un vert de mauvais augure. Son cuir devenait alors brûlant sous l’effet d’un violent acide qui commençait à l’attaquer pour le rendre aussi peu utile qu’un courant d’air. Gnomil en fit l’amère expérience avant d’être rapidement soigné par Jiliern à l’aide de trois cristaux successifs, dont celui qui accélérait la cicatrisation. Le malheureux épisode les retarda de quelques heures, presque un quartier entier.

Quand ils rejoignirent enfin une rivière au milieu d’un paysage qui ressemblait de plus en plus à une forêt, ils s’y plongèrent immédiatement, sans même prendre le temps d’évaluer les dangers qu’elle pouvait contenir sous la forme d’animaux marins ou encore de courants trop violents. Ils avaient trop hâte de se laver de leur couche de crasse et de puanteur, tellement qu’ils pénétrèrent dans l’eau sans se dévêtir, sachant que de toute manière leurs vêtements aussi en bénéficieraient. Seuls les bagages étaient restés sur la berge, au risque de se faire écraser par quelques gros animaux tels que les ruminants qu’ils voyaient sur le bord opposé de la rivière, en train de s’y abreuver. Sur ce bord-ci, ils n’avaient toutefois pour l’instant croisé que de petits rongeurs, des serpents et des sortes d’oiseaux marcheurs incapables de voler, mais rien qui a priori leur semblait pouvoir mettre à mal leurs maigres sacs. C’était pourtant sans compter sur la ruse de certains d’entre eux qui profitèrent de l’absence prolongée des quatre Véliens pour se glisser à l’intérieur et s’y régaler des baies recueillies récemment. Ces derniers en seraient quittes pour faire de nouvelles provisions alimentaires, mais cette fois, l’endroit s’y prêtait bien, étant donné l’abondance d’arbres en tous genres, dont des variétés qui fournissaient des fruits comestibles bien identifiés.

Leur toilette se prolongea finalement pendant un quartier entier et rester dans l’eau aussi longtemps leur était d’autant plus facile que sa température était tiède en ce presque milieu d’été sur le continent le plus tropical de la planète. Ils se prélassaient ainsi dans l’eau relativement calme de cette rivière qui serpentait sur une vaste plaine. Et comme apparemment elle ne contenait ici pas d’animaux dangereux, ils vivaient un moment magique, enchanteur, qui leur faisait oublier facilement les nombreux déboires rencontrés, les blessures presque mortelles, les peurs et les pleurs des uns et des autres, les doutes et les difficultés qui avaient failli les faire renoncer. Au contact des eaux presque transparentes et à peine troublées par les remous de quelques poissons et de leurs propres gestes, ils se rechargeaient en énergie, en courage et en détermination, bientôt prêts pour affronter les derniers défis, ceux proposés en particulier par ce labyrinthe à la sinistre réputation.

Avant de s’éloigner de ce lieu paradisiaque, ils refirent provision d’eau dans deux outres improvisées (à partir notamment de larges feuilles imperméables et flexibles prélevées sur un arbre proche), et surtout de fruits divers dont ils chargèrent leurs deux sacs restants en dehors de celui qui contenait les cristaux et quelques menues bricoles potentiellement utiles. Heureusement, ils disposaient aussi toujours de l’arc et de quelques flèches, de la dague et du sabre si d’aventure ils devaient de nouveau faire face à des prédateurs, voire à des hordes d’assaillants véliens. Cependant, même regonflés moralement à bloc par ce séjour aquatique, ils devraient désormais marcher plus lentement pour ménager Jiliern qui se trouvait maintenant proche de la ponte de ses quatre œufs. Pour la préserver, les trois mâles décidèrent de marcher dorénavant en triangle autour d’elle, le chasseur en pointe, le moine guerrier en retrait sur la droite, et le voleur de même sur la gauche, puis ils levèrent le camp.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 42)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 39

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 35
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 36
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 37
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 38]

Par Joseph Stroberg

​39 — Le mort-vivant

L’intérieur peu lumineux était constitué d’une unique pièce aux murs presque entièrement meublés d’étagères, de coffres et d’appareils dont ils ignoraient la fonction. Au fond se trouvait aussi un creux dans le sol, d’où émanait une odeur d’excréments, et un tube métallique de petit diamètre qui jaillissait du mur. Légèrement sur la gauche, ils aperçurent un Vélien squelettique revêtu d’une combinaison bizarre qui le couvrait de la tête aux pieds. Grâce à une visière transparente étroite, celui-ci semblait absorbé par la contemplation d’une image animée provenant du mur qui lui faisait face. Alors qu’il tournait la tête vers les arrivants en reculant, ceux-ci parvenaient à peine à en distinguer les traits, derrière un genre de masque translucide fait d’une matière étrange à l’éclat mi-métallique et mi-cristallin.

— Que faites-vous là ? Partez ! Je vous en prie, partez ! Vous allez me contaminer ! Je ne veux pas mourir, partez ! La suite de ses propos devint indistincte alors qu’il se recroquevillait sur lui-même comme un serpent apeuré ou prêt à bondir sur sa proie.

— Qu’est-ce qu’il raconte ? demanda Gnomil éberlué. Contaminer ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Je n’en sais rien, répondit le moine alors qu’il constatait que le malingre et pitoyable Vélien ne représentait pas du tout un danger, ceci lui permettant de ranger son sabre.

— Moi non plus, reconnut aussi le chasseur.

— Si ma mémoire est bonne, j’ai déjà vu cela quelque part dans un des tomes du Livre, mentionna la cristallière en rangeant son cristal, alors que l’occupant des lieux s’était muré dans un profond silence et demeurait terrorisé. Sur certaines planètes arriérées, il semble que les habitants croient que beaucoup de leurs maladies seraient dues à de minuscules choses indiscernables à l’œil nu. Ils les observent alors avec des instruments qui d’après une illustration du Livre ressemblent à celui-ci, précisa-t-elle en désignant de la main un des appareils présents dans la pièce, du côté opposé à l’étrange Vélien. Il est mentionné que cette croyance provient d’une vue limitée sur l’Univers, une perception qui n’en capte que la dimension la plus dense, la plus matérielle. Ils n’ont pas compris que si les êtres vivants, qu’ils soient de nature végétale, animale ou humanoïde, possèdent en eux-mêmes des milliards de ces minuscules choses, ce n’est pas pour devenir malade, même lorsque celles-ci sont sorties de corps différents du leur. Au contraire, ces petites vies participent à la plus grande vie représentée par le corps qui les contient habituellement. Elles fonctionnent en symbiose et sont indispensables. Lorsque le grand corps conteneur est empoisonné, ces petits êtres participent plus ou moins activement à la tentative d’élimination du poison et se mettent au besoin à se multiplier pour y parvenir plus facilement. Une partie d’entre eux sortent du corps pour évacuer les déchets provenant de ce processus de nettoyage. Le problème est que ces planètes arriérées croient alors que la présence en grand nombre de ces minuscules vies sur le corps d’un tel empoisonné est le signe non pas de cet empoisonnement, mais d’une maladie qui serait provoquée par ceux-là mêmes qui en fait tendent à soigner le corps, alors que la supposée maladie est repérée par des symptômes qui sont seulement les conséquences logiques de l’empoisonnement initial.

— Et la contamination dans tout ça, qu’est-ce que c’est ? l’interrogea Gnomil toujours aussi curieux.

— Les habitants de ces planètes croient que les vies minuscules se transmettent d’un corps à l’autre pour s’y multiplier et pour rendre malades leurs hôtes. Alors qu’en réalité si certaines variétés particulières d’entre elles se trouvent à un moment donné en surnombre sur ou dans le corps d’animaux, de végétaux ou d’humanoïdes par rapport à la normale, c’est parce que ces derniers ont été globalement victimes du même poison. La grande diversité de ces composants corporels infimes permet au corps de répondre à un très grand nombre de situations d’agression par des éléments qui se révèlent toxiques pour lui dès lors qu’ils sont présents en trop grande quantité ou intensité. Certaines de ces petites vies seront plus spécialisées dans le nettoyage de substances chimiques particulières pendant que d’autres sont plutôt chargées de communiquer certaines informations aux cellules du corps elles-mêmes pour y faire activer tel processus de nettoyage ou de rééquilibrage, par exemple. Et celles d’entre elles qui se retrouvent à l’extérieur du corps au cours du processus de guérison peuvent s’y retrouver en tant que porteurs évacuateurs de toxines ou pour avoir été elles-mêmes dégradées ou détériorées et désormais incapables d’accomplir leurs fonctions habituelles.

Pour résumer, les symptômes que les habitants de ces planètes pensent caractéristiques de maladies qui seraient causées par ces vies minuscules sont donc en réalité le signe que le processus de nettoyage du poison est en cours. Et plus celui-ci est rendu difficile pour diverses raisons (par exemple parce que le corps n’a plus assez de vitalité ou n’est pas suffisamment alimenté ou équilibré au départ), plus les symptômes sont douloureux et peuvent se révéler fatals.

Pour en revenir à la prétendue « contamination » ou « contagion » d’un corps à d’autres par de telles minuscules vies, elle n’existe tout simplement pas. C’est le poison qui est le contaminant, mais pas ces dernières qui participent ou tentent de participer à son élimination.

Le Livre mentionne également que les poisons peuvent être de diverses natures et pas seulement des substances chimiques trouvées dans les plantes, dans les sols ou dans les minéraux. Il peut s’agir aussi de nos émotions, comme la peur, la haine ou la colère et même de pensées négatives qui tendent à déséquilibrer le corps. Il peut aussi s’agir d’ondes particulières de même nature que la lumière, mais non visibles, surtout lorsque celles-ci sont artificielles et envoyées par saccades au lieu de manière plus continue ou plus fluide. Ces planètes arriérées tendent à utiliser de telles ondes pour communiquer à de grandes distances, alors que les planètes avancées recourent à la télépathie.

Enfin, pour compliquer la perception de ces planètes arriérées, il se trouve que les minuscules vies et composants de nos corps communiquent eux-mêmes à l’aide la lumière ou d’ondes de même sorte, mais non visibles, et sont capables d’informer de leur état de santé, pouvant même ensuite ainsi s’influencer positivement ou négativement selon les cas, en particulier selon l’état émotionnel de l’émetteur.

— Alors Veguil ne doit pas être très évoluée, en déduisit le voleur.

— Selon le Livre, elle est intermédiaire. Elle est plus évoluée sur le plan de certaines connaissances, comme celles relatives à la maladie et à la santé, grâce à l’héritage de l’Empire zénovien, mais elle est en retard pour la télépathie. Il précise également que le niveau technologique n’est pas un critère fondamental dans l’appréciation de l’évolution d’une planète ou d’un groupe de planètes, alors que la conscience l’est.

— Et donc, pour en revenir à l’habitant de ces lieux, il semble avoir reçu la croyance en cette fausse contamination, intervint Tulvarn. D’où sa peur de tomber malade et éventuellement d’en mourir. Que pouvons-nous faire pour lui ? Il semble complètement perdu et hors d’atteinte, comme si son esprit s’était retiré.

— Eh bien, je pourrais peut-être essayer un des cristaux asterns. J’en ai amené un à tout hasard. Ils sont supposés permettre la communication avec les morts, mais je n’ai jamais pu vérifier cela par moi-même.

— Mais, il n’est quand même pas mort, objecta Gnomil sur un ton intermédiaire entre doute et exclamation.

— Non, du moins pas pour l’instant, bien que… Son esprit n’est plus là. Il apparaît comme entre la vie et la mort. Alors, pourquoi ne pas tenter ?

— Allons-y, approuva le moine. Au point où il en est, ça ne risque pas d’aggraver son cas, en supposant que ce cristal agisse sur lui.

— En fait, je ne sais même pas vraiment ce que celui-ci est censé faire. Nous allons voir, acheva-t-elle en levant le cristal en direction de l’étranger recroquevillé.

L’astern ne semblait dans un premier temps rien faire, mais le chasseur dont les sens étaient toujours à l’affût eut soudainement son attention attirée légèrement vers l’arrière, près de la porte d’entrée. Là, il vit comme au travers d’une brume un genre d’ombre en forme de Vélien, un être fantomatique vaporeux et de couleur très pâle. Il pouvait deviner sa ressemblance superficielle avec l’étranger, sans être certain de la similitude — ses contours n’étaient pas suffisamment précis pour cela.

— Regardez par ici ! finit-il par crier, ne sachant pas quoi faire d’autre.

— Quoi ? interrogèrent simultanément ses trois compagnons.

— Oh ! continua seule la cristallière. Il ressemble à un mort-vivant. Essayons de communiquer avec lui !

Ils passèrent quelques heures suivantes à tenter d’en savoir plus sur ce pauvre Vélien et sur ce qui était arrivé à cette pourtant si belle ville. Le genre de fantôme qui leur faisait face représentait en fait la partie émotionnelle, affective et sensitive du Vélien et il était assez difficile d’en soutirer des renseignements rationnels et cohérents, d’autant plus que même dans cet état intangible il semblait encore dominé par la peur. Cela leur paraissait d’autant plus absurde que sous cette forme subtile il ne risquait pas d’être contaminé par quoi que ce soit de matériel, même pas par les microscopiques créatures qu’il percevait jusqu’à présent comme des ennemis mortels.

À force de patience et d’attention, ils finirent cependant par avoir une certaine idée de la situation. La Cité de cristal avait représenté un test pour l’ancien empire zénovien. Elle avait été destinée à vérifier une approche particulière de conditionnement des citoyens de l’Empire basée sur la peur. Pour cela, les stratèges militaires avaient développé toute une stratégie qui reposait sur un énorme mensonge, celui de l’existence de ces minuscules ennemis invisibles contre lequel les citoyens n’avaient qu’un moyen de se protéger : se revêtir de cette sorte de combinaison intégrale munie d’une visière, d’un dispositif de recyclage partiel des excréments et de l’urine (le reste étant expulsé par un orifice doté d’une valve), d’un respirateur, d’une pompe d’alimentation automatique par branchement à une prise extérieure sur une source alimentaire accrochée à l’un des murs, et de quelques autres gadgets dont le quatuor ne comprenait pas la fonction. De plus, ils devaient absolument éviter de s’approcher de tout individu qui ne serait pas lui aussi revêtu d’un tel attirail pour diminuer la probabilité de contamination en cas de faille dans la combinaison.

L’acceptation de ce conte pour enfants, puis de l’accoutrement à porter en permanence, jour et nuit avait ensuite permis la mise en place de mesures de plus en plus contraignantes, les pauvres habitants de la cité n’ayant rapidement même plus eu le droit de sortir de chez eux. À partir du moment où ils avaient cru naïvement l’affaire des minuscules ennemis, ils avaient mis le doigt dans l’engrenage de l’asservissement et de l’enfermement complets. Chaque étape franchie avec succès dans le plan de l’Empire avait rendu encore plus difficile et improbable un retour en arrière pour les malheureuses victimes. Celles-ci avaient même perdu le droit de se reproduire sexuellement et comme l’usine de procréation artificielle de Véliens n’avait pu être mise en place avant la chute de l’Empire, le nombre d’habitants de la ville diminuait de cycle en cycle.

Les quatre compagnons avaient été chanceux de tomber directement sur une maison habitée, alors que la population actuelle n’était plus que le vingtième de l’originelle, bien sûr composée de vieilles Véliennes et de vieux Véliens maladifs par manque d’air, d’aliments et de lumière naturels autant que par manque de contacts charnels et relationnels. Ils ne pouvaient malheureusement plus grand-chose pour aider ces pauvres âmes prisonnières de leurs croyances, conditionnées depuis si longtemps à vivre d’une telle manière miséreuse et aberrante. Le cœur lourd de les voir dans un état si pitoyable et de se trouver eux-mêmes si impuissants à les aider, les quatre aventuriers se résolurent à quitter la ville au plus vite dès qu’ils auraient découvert l’information cherchée concernant le Tétralogue. Cependant, le soir tombait et ils décidèrent d’en profiter pour prendre un bon repos avant d’explorer d’autres bâtiments.

Après une nuit de sommeil, ils se nourrirent de la nourriture artificielle insipide en provenance du distributeur alimentaire d’une maison inoccupée, puis ils se mirent à explorer un à un les bâtiments qui ne ressemblaient pas à des domiciles. Ceux-là étaient habituellement nettement plus grands que ces derniers. Cependant, ils ne trouvèrent pas de quoi se nettoyer et ils commençaient tous à puer sérieusement. L’eau était combinée à la nourriture qui ressemblait à une soupe épaisse délivrée par un tuyau et ils n’en avaient pour l’instant pas trouvé d’autre source dans la ville. Peut-être que quelque chose dans la combinaison intégrale portée par les habitants du lieu leur assurait automatiquement un minimum d’hygiène, mais est-ce que cela valait alors le contact direct avec de l’eau fraîche ?

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 40)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 36

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 35]

Par Joseph Stroberg

​36 — Autour de la maudite

Après une dizaine de jours de marche dans les steppes et déserts du continent, les quatre aventuriers finirent par apercevoir au loin sur l’horizon, légèrement sur leur droite, des éclats brillants dont l’origine à ce stade restait a priori indéfinissable. Cependant, ayant en mémoire quelques caractéristiques attribuées par la légende à la Cité de cristal, ils se dirent qu’il y avait d’assez bonnes chances que ces points lumineux proviennent des reflets du soleil sur la matière cristalline censée composer les constructions et bâtiments divers de la ville maudite. Aussi, ils décidèrent d’un commun accord de bifurquer pour se diriger droit vers elle. Étant donné la distance à laquelle elle semblait se trouver sur ce terrain presque désespérément plat, ils en auraient encore pour plusieurs heures de marche, probablement même deux ou trois quartiers. Néanmoins, le fait d’avoir enfin l’objectif en vue, du moins l’espéraient-ils, leur fournit un regain d’énergie et ils forcèrent l’allure.

En quelques heures seulement, ils finirent par se retrouver à environ un millier de pas de la cité qui leur apparaissait maintenant dans toute sa splendeur, une splendeur pourtant apparemment maléfique. Même s’ils apparaissaient encore relativement petits à cette distance, tous les édifices qui leur faisaient face semblaient construits dans un matériau presque transparent et délicat, habilement agencé pour renvoyer une myriade d’éclats colorés aux multiples nuances. On disait qu’il s’agissait d’une sorte de cristal artificiel élaboré à partir de sable et préparé malgré tout pour résister à de puissants chocs, de sorte que les épées et les flèches ordinaires ne puissent aucunement les entailler. Et le sable, il n’en manquait pas dans les déserts du continent, même après la quantité notable probablement utilisée dans la construction de la Cité de cristal. D’où les quatre compères se trouvaient, les détails de l’architecture ne pouvaient qu’être devinés : ils repéraient essentiellement des lignes de lumière aux courbures et aux couleurs fines et variées qui formaient un tableau particulièrement harmonieux ; ils ne pouvaient pas vraiment préciser les types de bâtiments concernés, ni même la forme exacte de ces derniers. La distance tendait à aplatir la profondeur et rendait difficile l’évaluation des volumes. L’architecture de la ville avait-elle était au moins partiellement conçue pour émerveiller le regard des visiteurs extérieurs ? Que rendait-elle une fois à l’intérieur ? Les quatre compagnons le sauraient bientôt, mais pour l’instant ils venaient de stopper leur marche pour s’interroger sur la prochaine étape à suivre :

— Bon ! Nous y voici enfin, commença Tulvarn. Maintenant, il nous faut déterminer comment pénétrer dans cette cité sans risquer d’y laisser notre cuir et de voir notre sang s’y répandre. L’un de vous a-t-il une idée ?

— Eh bien, il faudrait commencer par s’approcher sans nous faire remarquer d’éventuels gardes, conseilla Gnomil. Le problème est que le terrain est désespérément plat et qu’il y a peu de végétation entre la ville et nous. Pouvons-nous espérer nous cacher derrière ce type de buisson rabougri ? questionna-t-il en désignant sur sa gauche l’un des rares végétaux présents dans les environs en dehors des touffes d’herbacées un peu plus nombreuses. Si j’ai quelque espoir d’y parvenir, en raison de votre gabarit, je crains que ce soit pratiquement impossible en ce qui vous concerne, sieur Tulvarn. Trop peu et trop malingres ! résuma-t-il avant de poursuivre. Nous devrions donc d’abord faire le tour de la ville pour voir si un autre bord permettrait un accès plus masqué.

— Ça me paraît une bonne idée, approuva Reevirn. Avec un peu de chances, l’autre côté de la ville pourrait par exemple être avoisiné d’une végétation plus importante, ou encore être proche d’une petite colline ou au moins d’un terrain plus accidenté.

— Et toi, Jiliern ? Qu’en penses-tu ?

— Suivons le conseil de Gnomil. Je n’ai pour ma part pas de meilleure idée.

— Alors, en route ! termina le moine.

Le quatuor se remit donc en route et en aurait au moins pour plusieurs heures à faire le tour complet de la cité en conservant une distance de sécurité, étant donné la superficie de cette dernière. Leurs réserves de nourriture étaient suffisantes, mais il leur faudrait rapidement trouver de quoi boire dans la ville elle-même pour éviter de se déshydrater de nouveau, en espérant ne pas tomber sur de l’eau empoisonnée.

Cette fois, la chance était de leur côté, car ils n’eurent besoin d’accomplir qu’environ un tiers de tour vers la droite avant de découvrir un paysage suffisamment chaotique pour assurer une progression masquée sur la grande majorité de leur parcours ensuite vers la ville maudite. Étrangement, le lieu semblait avoir été bombardé par de mystérieux projectiles qui auraient creusé autant de cratères de tailles et profondeurs diverses, entre de minuscules qui suffisaient à peine à cacher un Vélien et de bien plus vastes qui auraient pu abriter presque une armée entière de dix mille fantassins. De plus, sur la pente qui se trouvait en direction de la cité elle-même, on apercevait également des arbustes pouvant atteindre deux fois la hauteur d’un Vélien par endroits, et plus densément disposés. Pourquoi uniquement de ce côté, comme pour leur faciliter la progression ? Cela relevait du mystère. Avaient-ils été plantés là dans l’espoir d’envahir ensuite plus facilement l’endroit ? Si tel était le cas, la tentative avait apparemment échoué, ou personne sur leur continent d’origine n’en avait entendu parler. Quoi qu’il en fut, ceci leur était présentement bien utile. Aussi, ils obliquèrent aussitôt en direction de la ville et progressèrent suffisamment rapidement pour parvenir tout près des premières constructions cristallines en moins d’une heure, toujours cachés par des pentes ou des arbustes quand ce n’était pas les deux à la foi. De leur position, ils purent observer les premiers bâtiments en toute tranquillité, s’efforçant d’y relever des détails utiles. Leurs murs étaient tout en courbes, concaves ou convexes selon les parties de l’architecture et selon les constructions, avec l’absence complète de lignes droites. En particulier, il n’existait donc aucun mur vertical ni le moindre toit plat ou à doubles pentes rectilignes. Concernant leurs matériaux, les parois cristallines avaient ceci de particulier qu’en dépit de leur transparence ou légèreté apparente, les visiteurs ne parvenaient pas à observer l’intérieur des bâtiments. En d’autres termes, ils restaient incapables de déterminer si les maisons et autres édifices étaient ou non occupés par des Véliens ou même par d’autres créatures. Et donc, ils pouvaient être déjà l’objet d’une intense observation sans en avoir la moindre idée. Cela rendait plus périlleuse l’incursion dans la ville.

— Et maintenant ? interrogea le moine. Que faisons-nous ? Est-ce qu’on entre tête baissée entre ces deux bâtiments, interrogea-t-il en montrant ceux qui lui faisaient immédiatement face, ou bien on cherche un meilleur plan ?

— On cherche un meilleur plan, répondit aussitôt le voleur. Tête baissée, c’est le meilleur moyen de recevoir un rocher sur la tête. Non, il faut au contraire regarder partout, et si possible en même temps. L’un de nous regarde à gauche, un autre à droite, un autre tout droit devant, et le dernier justement vers le ciel. On se sait jamais.

— Ceci est en effet plus prudent, approuva Jiliern. Je regarderai devant, si ça ne vous dérange pas.

— En haut, pour ma part, sollicita Gnomil.

— À gauche, étant plus habile à l’arc dans cette direction, mentionna à son tour Reevirn.

— Alors, je prendrai la droite, termina Tulvarn. Vous êtes prêts ?

— Oui, répondirent-ils à l’unisson.

— D’accord. Allons-y, prudemment !

Les quatre aventuriers prêts à toute éventualité, du moins l’espéraient-ils, se mirent donc à marcher en position légèrement accroupie et courbée sur un sol étrangement mou en dépit de son apparence lisse, bien qu’il ne soit visiblement pas naturel. Désormais à découvert, ils espéraient ne pas se faire remarquer d’éventuels occupants de l’intérieur des édifices.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 37)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 35

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34]

Par Joseph Stroberg

​35 — Vers la cité

Les quatre compagnons demeurèrent deux jours entiers près de l’oasis, le temps de récupérer suffisamment d’énergie et de faire sécher un bon stock de viande en vue de la poursuite de leur aventure, puis ils répartirent les tranches dans les trois sacs restants. Ils en avaient perdu un autre sans même l’avoir réalisé et ignoraient totalement où. Fort heureusement, les cristaux se trouvaient toujours là, car en dehors de la nourriture et des quelques armes, ceux-ci représentaient probablement les éléments les plus utiles. Par contre, ils ne disposaient plus du moindre abri portable, mais ceci était un moindre mal, puisque le présent continent était le plus chaud et la saison maintenant estivale. Ils regretteraient même probablement assez vite la fraîcheur des nuits printanières de leur région d’origine.

Au troisième jour à l’aube, alors que Matronix n’était elle-même visible qu’au tiers sur l’horizon, ils se mirent en route vers la direction supposée de la Cité de cristal, n’ayant pour l’instant rencontré aucun Vélien. Il est vrai que peu d’entre eux vivaient sur ce continent souvent trop chaud et peu accueillant, en dehors d’un nombre indéterminé d’habitants au sein même de la ville maudite. La chaleur était déjà notable et ils burent une grande quantité d’eau dans l’oasis dans l’espoir que cela leur suffirait le temps d’en trouver une autre sur leur parcours ou de découvrir une halte vélienne. Ils ignoraient même s’il en existait ici, ce continent étant très peu visité et peu connu en dehors des légendes qui couraient sur son compte. Cependant, même s’ils avaient déjà dû affronter maints périls et frôler de peu la mort en quelques occasions, d’un autre côté, une impression sourde grandissait lentement en eux : ils se sentaient malgré tout comme bénéficiant d’une sorte de protection invisible, car à bien réfléchir, aucun d’eux autrement n’aurait dû logiquement se retrouver vivant encore aujourd’hui. Leur cas relevait presque du miracle, si l’on cumulait toutes leurs péripéties et leurs dangereux déboires. Alors, dans cet état d’esprit grandissant, ils apprenaient à faire confiance dans la vie, à se dire que leur destinée devait bien avoir un sens, une finalité particulière, et que celle-ci apparemment ne devait pas se terminer demain, ni même après-demain. Donc, ils retrouveraient bien à un moment donné, ne serait-ce qu’au tout dernier moment avant de succomber, de quoi boire à nouveau. Ils espéraient cependant que ce serait cette fois avant de ressentir les affres de la soif et de la faim. Mais pour cet aspect particulier, ils ne disposaient d’aucune sensation ni information. Leur seule presque certitude, à tous les quatre, d’une manière ou d’une autre, était qu’ils ne mourraient pas de sitôt. Ils ne pouvaient ni décrire vraiment ni expliquer d’où cela leur venait.

Alors que la chaleur croissait et que le paysage se montrait toujours aussi monotone entre rochers, terre sablonneuse, sable et quelques végétaux de faible taille dispersés ici et là, le groupe tendait à fonctionner sur un mode de plus en plus silencieux. Il était concentré sur les environs immédiats pour plus facilement en déceler à temps les éventuels pièges et les animaux les plus dangereux. Ceux-ci tendaient ici à se camoufler plus ou moins totalement dans le sol généralement meuble lorsqu’il ne s’agissait pas de rocs, puis à surgir soudainement pour piquer, mordre ou déchirer leur proie en diverses parties du corps, selon l’espèce assaillante.

L’endroit apparaissait comme une vaste plaine côtière balayée par les vents, avec de temps en temps quelques vagues collines peu élevées, comme celle qui se trouvait près de l’oasis quittée depuis peu. En général, leur vue portait à grande distance et les détails finissaient par se perdre, par se transformer d’abord en minuscules points, puis à se mêler près de l’horizon en une peinture uniforme aux tons clairs ocres ou verdâtres, à peine distinguée du ciel très pâle à proximité du sol, même si le premier pouvait arborer un bleu intense près du zénith.

La marche du quatuor avait beau être d’un rythme relativement soutenu et plutôt rapide, fort de sa fraîche régénération, dans cette vaste contrée elle avait l’allure d’un lent défilé mortuaire, le moine en tête, suivi de la cristallière, puis du voleur et finalement du chasseur. Au contact du sol, le pas des quatre Véliens pouvait encore se traduire par une sourde vibration, perceptible par les animaux de la steppe, au moins les plus proches, mais depuis le ciel, la musique qui émanait d’eux ne pouvait se percevoir que de manière beaucoup plus subtile. Comme quatre frères et sœurs à l’unisson, ils engendraient un chœur de consciences visant le même but, celui d’atteindre cet encore hypothétique Tétralogue, animées par un puissant respect mutuel, par une amitié soudée grâce à la proximité de la mort en maintes occasions. Et maintenant, en leur for intérieur, ils chantaient la vie qui les accueillait encore dans cette dense et lourde dimension, un monde à la fois doux et dur, généreux et cruel qui leur réserverait sans doute encore quelques surprises, bonnes ou mauvaises. Mais même dans les pires circonstances, ils se relevaient et grandissaient, apprenant patiemment les leçons qui s’offraient à eux. Que leur réserverait la suite ? Ils l’ignoraient, mais ne s’en inquiétaient désormais que très peu, étant bien davantage concentrés sur ce qu’ils faisaient sur le moment dans le lieu précis où ils se trouvaient. Même le voleur avait fini par oublier les pièges potentiels de la Cité de cristal. Il verrait bien le moment venu.

La steppe semblait ne plus en finir dans ce vaste continent qui pourtant n’était que le second en superficie après celui où les aventuriers résidaient. La taille même de la planète y était bien sûr pour quelque chose. Pour ceux habitués aux planètes telluriques habituellement assez nettement plus petites, elle paraissait immense, avec un horizon à perte de vue. C’était encore plus impressionnant lorsqu’on se trouvait au sommet d’un pic bordant une région de plaines. Et vus du ciel, les quatre compagnons apparaissaient comme de minuscules points à peine discernables et au mouvement tout juste perceptible. Leur progression ne rencontrait pourtant pas d’obstacles majeurs, peut-être parce que l’odeur du sang les couvrait encore ou bien parce que leur détermination renforcée leur procurait comme un subtil bouclier qui maintiendrait à distance tout animal affamé. C’était le genre d’hypothèses qui à l’occasion traversaient rapidement leur champ de pensées, alors que leur attention était majoritairement tournée vers l’extérieur et ses toujours possibles dangers. Celles-ci s’évanouissaient aussi vite qu’elles surgissaient, laissant peu de traces dans leur mémoire, tellement elles étaient ténues ou dénuées de fondements concrets qui auraient pu les appuyer. Leur esprit, par influence subtile, par un étrange phénomène de résonance symbiotique, tendait à se calquer sur celui du moine depuis qu’il avait acquis l’assurance, l’équilibre et la sagesse d’un maître, comme si celui-ci entraînait ses compagnons même sur le plan de la conscience et pas seulement dans l’aventure concrète. Aussi, leur mental se trouvait maintenant le plus souvent presque aussi calme que celui du moine, relativement exempt de vagues, vide de pensées précises, mais étrangement de plus en plus réceptif à des images ou à des impressions qui provenaient d’ailleurs, d’ils ne savaient où. Leur état intérieur n’était plus un obstacle à la perception fine des informations concernant l’environnement, et particulièrement à celles qui concernaient d’imminents dangers lorsque ces derniers pouvaient survenir. Et donc aussi longue et monotone que fût leur route pour parvenir en vue de la Cité de cristal, elle ne se révéla guère dangereuse dans les faits, car même la soif et la faim ne les tiraillèrent plus. En effet et alors qu’ils progressaient en direction de la ville maudite, leur plus grande acuité perceptive leur permettait étrangement aussi de se diriger spontanément vers les oasis et vers les troupeaux de buldorgs qui se trouvaient dans les environs. Peu importe, la rareté de ces derniers, ils tombaient immanquablement dessus avant de se trouver déshydratés ou en manque d’énergie chimique d’origine alimentaire. Certains observateurs auraient peut-être pu interpréter ceci en termes de chance, d’autres de Providence, mais la réalité était qu’ils le devaient surtout à l’expansion de leur conscience sous l’impulsion ou le caractère entraînant du moine. Depuis que ce dernier avait consolidé ses aptitudes et éliminés presque totalement les causes de son étourderie légendaire, l’énergie subtile le pénétrait non seulement en quantité décuplée, mais il pouvait de plus la mobiliser de manière nettement plus efficace, au service de ses compagnons comme de l’action nécessaire sur le moment. Le carnage effectué récemment contre les prédateurs en était un exemple. Aucune haine ne l’avait alors animé. Aucune colère, pas la moindre once d’émotion… Son mental avait été aussi calme que la surface d’un étang par absence totale de vent et lorsque ses poissons et autres occupants dormaient. Non, rien de tout ça ne l’avait troublé ni parcouru. Seule la neutre impulsion de l’action nécessaire, pour lui et pour ses compagnons, pour la poursuite de leur quête commune. Est-ce qu’une telle mission valait un tel carnage, combien même il ne s’agissait que d’animaux et non de Véliens ? Pour l’instant, le quatuor ne se posait pas la question. Sa priorité était de sortir vivant de la steppe qui par endroits se muait en désert et face à cet impératif, la vie animale ne pesait pas lourd.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 36)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33]

Par Joseph Stroberg

​34 — Les survivants

Maintenant que le voleur et la cristallière avaient repris quelques forces, le trio devait reprendre la route pour aller chercher le chasseur. Ils se mirent donc en marche à allure modérée en direction de la déclivité qui menait à l’oasis. L’humeur n’était toujours pas à la conversation et il leur valait mieux de toute manière ménager à la fois le peu d’eau et d’énergie récupérées grâce à la viande absorbée. Même s’ils faisaient preuve du plus absolu mutisme, ils étaient suffisamment conscients de leur état pour éviter d’aggraver celui-ci inconsidérément. Ils avaient frôlé la mort à maintes reprises depuis le début de cette quête presque insensée, mais ils n’avaient pas l’intention d’abandonner et encore moins de mourir stupidement avant sa fin. Ni le voleur, ni le moine, ni la cristallière, ni même le chasseur là-bas, plus loin, ne souhaitaient abandonner, surtout pas maintenant, après avoir traversé tous ces périls. Autant ils se sentaient encore faibles physiquement, autant leur détermination était plus forte que jamais, même si leur moral se situait quelque part entre les deux.

La journée était maintenant plus avancée et Matronix s’approchait de l’horizon pendant que Dévonia s’élevait encore. Le reste de l’environnement n’avait lui guère changé si l’on excluait le mouvement des petits animaux de la steppe. Les plus gros d’entre eux demeuraient hors de vue. S’enterraient-ils aussi pendant la journée, comme venaient de le faire Jiliern et Gnomil ? Afin de demeurer plus vigilant et d’éviter de nouvelles déconvenues, Tulvarn s’efforça d’écarter la question et de ne pas en chercher de réponses. Il recentra rapidement son attention sur la marche et l’entourage immédiat, les sens aux aguets pour éviter tant que faire se pouvait de nouvelles mauvaises surprises. Ce faisant, il apprenait aussi à s’harmoniser davantage avec la nature, à ressentir un lien d’amour avec elle et la planète qui la supportait. Il s’y sentait comme une infime partie, petit point bleu à la surface d’un sol semi-désertique parsemé de quelques îlots de verdure. Néanmoins, il parvenait maintenant beaucoup mieux à maintenir sa focalisation sur les nécessités du moment et du lieu plutôt que de laisser errer son imagination et sa pensée ailleurs. Ainsi, il ne se posa même pas la question de savoir si sa récente expérience sur un autre plan d’existence pouvait en être au moins une cause partielle ou un facteur d’amélioration. Il ne s’interrogea pas davantage sur l’invraisemblance statistique du fait de s’être retrouvé, contre toute attente, exactement à l’endroit où se cachaient ses deux amis. Il aurait alors pu intuitivement obtenir la confirmation que son séjour dans cet étrange autre monde entraperçu lors de son rêve initial l’avait transformé, subtilement, mais indéniablement, au point de le rendre sensible maintenant à ce que ses autres sens ne pourraient jamais percevoir et d’avoir stabilisé sa dimension mentale de manière quasi définitive. Plus exactement, il avait consolidé, harmonisé et ancré ce qu’il savait déjà faire auparavant, mais de manière alors trop souvent brouillonne, comme cette aptitude à combattre plus efficacement lorsqu’il avait les yeux bandés. Il ne le savait pas encore, mais il ne se montrerait désormais plus jamais maladroit. Le moine guerrier était lui-même devenu un maître, sans même en avoir pris pour l’instant conscience. Son énergie subtile et sa volonté lui avaient permis de sauver ses trois amis et de se sauver lui-même, du moins pour ce qui était de leur séjour dans la densité matérielle. Mais de tout cela, il ne s’occupait présentement pas, concentré qu’il était sur sa marche et ce qui l’entourait immédiatement, à l’écoute des signaux subtils en provenance des végétaux, du monde animal et de la planète elle-même. Ceci ne le transformait pas pour autant en « super Vélien », en espèce de mage prodigieux qui aurait pu accomplir d’innombrables prodiges, car telle n’était pas sa vocation, ni sa destinée, ni même ce qu’il était en mesure de réaliser en tant que maître fraîchement émoulu. Un « maître », moine guerrier ou d’un autre ordre, n’était pas quelqu’un qui était arrivé au bout du chemin de la vie incarnée, mais qui avait seulement atteint un certain niveau de maîtrise de sa nature physique, émotionnelle, mentale et spirituelle. Il avait dompté sa personnalité et son corps de manière similaire à ce qu’un animalier parvenait à obtenir d’un prédateur sauvage. Même s’il pouvait l’ignorer au niveau de sa conscience de veille, Tulvarn avait tiré profit des diverses mésaventures de sa quête pour consolider, améliorer, renforcer… ses acquis antérieurs, pour vérifier, tester, mettre à l’épreuve la compréhension qu’il avait pu acquérir des leçons de la vie. Pour autant, son travail n’était pas terminé. Il devait maintenant utiliser ses ressources pour terminer sa mission, ce travail dont le but demeurait pour l’instant caché quelque part dans sa conscience. Il savait seulement qu’il devait dans un premier temps trouver le Tétralogue.

À côté du moine guerrier, Jiliern se sentait encore trop faible pour même songer à ses œufs et à leur état. Elle saurait bien assez tôt s’ils avaient survécu ou si la malnutrition en avait avorté le développement. Tout ce qui effleurait son esprit était la nécessité de suivre Tulvarn et de ne pas dévier du chemin tracé par ses pas. Elle ignorait pour l’instant que ce chemin n’était pas seulement physique, mais comportait lui aussi une dimension inaccessible à ses sens, même à celui qui lui permettait de découvrir des cristaux dans l’obscurité. Sa préoccupation immédiate était essentiellement celle de sa survie et de celle de ses compagnons. Même le but de leur aventure était en dehors de son champ présentement restreint de perception et de préoccupations. Elle se sentait trop faible pour même avoir autre chose que de vagues images mentales lui traversant occasionnellement l’esprit ou même pour se permettre d’être assaillie par des émotions. Sa maigre mesure de vitalité était réservée presque entièrement à la présente marche silencieuse dans cette steppe qui semblait sans fin.

Gnomil, de constitution plus frêle, avait comparativement davantage récupéré, car son corps ne réclamait pas autant de nutriments que celui de ses compagnons, et même que celui de la cristallière, d’autant plus que celui de cette dernière devait aussi alimenter quatre œufs en formation. Aussi, il songeait déjà à la manière dont ils pourraient pénétrer dans la cité de Cristal et à quels genres de défenses ils auraient à faire face. Quelles sortes de pièges risquaient-ils d’y rencontrer ? Qu’est-ce qui pouvait faire en sorte que jamais personne n’en était revenu ? Néanmoins, même si sa curiosité et son imagination demeuraient vives malgré sa faiblesse physique relative, il restait sur sa faim de réponses, aussi puissante que celle de son corps pour davantage de chair fraîche.

Après encore une bonne heure de marche, le trio finit enfin par rejoindre le chasseur. Celui-ci dormait comme un serpent repu se dorant au soleil. Pourtant, il était loin de l’être, ayant à peine récupéré de quoi se maintenir en vie moins d’une journée de plus. Le moine le laissa dormir et s’empressa d’aller découper quatre nouvelles tranches de viande sur la carcasse entamée avant qu’elle ne devienne trop rigide. Un coup de sabre pour chacune y suffit, puis il tapa dessus avec ses poings pour attendrir quelque peu la chair avant d’offrir les deux premières à la cristallière et au voleur et de réveiller le chasseur pour lui montrer la troisième. Enfin, il s’assit les jambes croisées avant de se mettre lui-même à manger.

Le quatuor demeura silencieux pour prendre le temps de savourer ce repas alors perçu comme presque royal.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 35)




​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31
​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32]

Par Joseph Stroberg

​33 — Atterrissage

Tulvarn se sentit soudainement tiré en arrière par une force irrésistible et bascula comme s’il tombait dans le vide d’une hauteur vertigineuse et incommensurable. Il ressentit une sorte de violent choc électrique qu’il aurait pu comparer à la foudre, puis se réveilla dans son corps de chair et de sang. Il n’était plus fatigué, mais étrangement abasourdi, comme s’il venait de se réveiller après un long coma et avait du mal à retrouver ses repères. Si une partie de lui-même venait de se remémorer brièvement le rêve spécial qui l’avait poussé à se lancer dans sa folle quête, il ne disposait pas d’une présence d’esprit suffisante pour réaliser la forte similitude de ce dernier avec ce qu’il venait de vivre. Il se contenta de se lever lentement, à moitié hagard, comme s’il avait mangé un bon repas un peu trop arrosé, puis il regarda vaguement autour de lui. Son ami Reevirn était allongé sur le sol à quelques pas sur sa gauche et par chance, aucun autre animal n’était venu le déranger et encore moins le manger.

Plusieurs charognards de diverses espèces se trouvaient déjà occupés à grignoter plus ou moins avidement les divers cadavres. Cependant, assez bizarrement, aucun d’entre eux ne s’était attaqué au buldorg, ce qui permettrait aux Véliens de se ravitailler également. Pourtant, cette viande devait leur être commune, puisque notamment tout un troupeau s’était trouvé à boire dans l’oasis. Est-ce que l’odeur vélienne s’y trouvait plus concentrée, peut-être du fait de la flèche ? Le moine n’aurait sans doute jamais de réponse à cette question que ne faisait que timidement effleurer son esprit encore vaseux. Il n’avait même pas la capacité d’estimer son présent degré de chance. Sa faible attention était seulement dirigée vers le chasseur, ou plus exactement sur la nécessité de récupérer un morceau de viande convenable pour l’en nourrir.

Tulvarn s’approcha distraitement du cadavre indemne du buldorg, puis en découpa délicatement un bon filet depuis le flanc libre de l’animal après en avoir ôté le cuir poilu. Il se dirigea ensuite vers le chasseur toujours dans les vapes et le réveilla de quelques tapes sur les joues avant de lui montrer le morceau de viande. Son ami s’assit lentement, aidé en cela par le moine, puis entama un long repas qui lui redonnerait quelques forces et un peu d’eau, extraite de la viande suite au processus de digestion. Pendant ce temps. Tulvarn découpa deux autres bons morceaux et les glissa dans le sac vide qu’il avait apporté pour les donner ensuite à Jiliern et à Gnomil. Il avertit brièvement Reevirn qu’il leur fallait sans tarder retrouver ces derniers, mais celui-ci lui fit signe de le laisser ici : il garderait le reste de la viande en éloignant au besoin les amateurs à l’aide de son arc, mais ne pensait pas avoir affaire à d’autres prédateurs avant longtemps, vu le massacre accompli par le moine. Ce dernier ne chercha pas à s’épuiser dans une argumentation qui ne ferait très probablement pas changer son ami d’avis, ceci d’autant moins qu’il n’aurait toujours pas eu d’acuité d’esprit suffisante pour la mener à bien. Il se contenta donc de s’éloigner au petit trot pour aller rejoindre la cristallière et le voleur.

Chemin faisant, le moine retrouvait lentement ses esprits, alors que sa course à faible allure le conduisait de l’autre côté du relief. Matronix était sur le point de disparaître sous l’horizon et Dévonia se trouvait au tiers de la distance au zénith. Tulvarn recommençait à prendre conscience de l’environnement autrement que par une vision qui avait semblé se dérouler au travers de brumes spéciales, productrices d’un engourdissement de la vigilance. Il ressentait de nouveau l’odeur des rares plantes environnantes et la caresse du vent très léger qui soufflait timidement dans la région. Le ciel était totalement dégagé et d’une couleur bleue intense qui frôlait parfois l’indigo. Dans le même temps, il recommençait à penser, à laisser son esprit revoir et revivre les événements depuis leur arrivée sur ce continent, au risque une fois de plus de trébucher et de se retrouver face contre terre. Devant cette perspective, il se ressaisit et s’efforça de rediriger son attention vers le paysage environnant alors qu’il poursuivait sa course.

L’endroit où il avait laissé Jiliern et Gnomil ne devait plus être très loin maintenant, mais quelque chose n’allait pas… Il ne reconnaissait pas les lieux et ne voyait aucune trace de leur présence qui pourtant aurait dû être nettement perceptible sur ce terrain presque uniformément plat. Ressentant un bref instant de légère panique, il stoppa net sa progression et s’efforça de repasser dans sa mémoire tout le chemin parcouru depuis qu’il les avait quittés… Celui-ci n’avait pourtant pas eu l’air si chaotique, mais semblait avoir consisté essentiellement en une succession de quelques trajets rectilignes, à peine déviés lorsque notamment il avait franchi la colline légèrement pentue menant à l’oasis. Et ses deux amis n’auraient pourtant pas dû se trouver bien loin. Or, il n’en percevait pas la moindre trace, pas davantage que celle des sacs restants ! Cette aventure était décidément trop étrange. Quelque chose n’allait pas. S’était-il trompé de chemin lors du retour depuis l’oasis ?

Passer une seconde fois en revue le trajet ne lui permit pas davantage de découvrir l’endroit où il aurait pu se tromper. En désespoir de cause, il se mit à hurler leur nom de toutes ses forces, au cas où ils seraient cachés quelque part hors de sa vue. Il sursauta lorsque son pied gauche fut happé par une main molle qui sortait de terre, suivie, lentement, du corps entier de la cristallière qui s’extrayait péniblement du sol sablonneux de l’endroit en se roulant de côté. De l’autre main, elle désigna vaguement un petit tube qui émergeait d’une autre partie du sol, à moins de quelques pieds sur sa droite. Dans un de ses rares éclairs de lucidité depuis des jours, le moine comprit alors que le voleur s’était lui aussi enterré avec le reste de ses forces pour échapper à la chaleur et préserver au mieux le peu d’humidité que son corps conservait encore. Le petit tube provenait de ce qu’il restait des abris de fortune. Tulvarn s’empressa alors de libérer son ami presque mort, puis il sortit les deux morceaux de viande pour les distribuer aux deux survivants. Ceux-ci n’avaient même pas la force de parler et mangèrent lentement, reprenant un peu de couleur bleue après avoir viré au gris, teintés ici et là d’ocre par la poussière terreuse. Il les observa simplement sans rien dire. Il n’y avait plus qu’à attendre que la viande fasse son effet.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 34)




Note sur l’incohérence écologiste

Par Joseph Stroberg

À l’image de la médecine, si l’écologie a été un jour une science, elle est désormais une religion, voire un secte.

La première aurait dû rester l’art de soigner ou même d’aider à rester en bonne santé par une alimentation, un comportement et un environnement sains. La seconde aurait pu devenir l’art d’aider l’Humanité à soigner la planète ou de l’aider à rester en bonne santé, ceci en respectant les ressources qu’elle offre, et en adoptant un comportement responsable pour éviter de la détruire.

Les deux domaines se sont progressivement remplis de dogmes divers, de croyances que l’on n’a pas le droit de remettre en question (vaccination, théorie virale… d’un côté — énergies « vertes », réchauffement climatique… de l’autre), de fidèles fanatisés, d’inquisiteurs, de grands prêtres (souvent télévisés), de saints (Pasteur ou Greta, par exemple), de rituels (protocoles médicaux, manifestations anti-CO2)… comme il est typique de le voir dans des mouvements religieux sectaires. Autant l’Église Big Pharma déploie une vaste activité prosélytique pro vaccinale, autant celle des Verts le fait pour les éoliennes et le tout électrique, les deux sans la moindre considération des conséquences néfastes pour la santé et pour l’environnement humain et planétaire. L’électricité empoisonne pourtant probablement autant les corps que les vaccins peuvent le faire (voir les dossiers Vaccins et virus, et 5G et ondes pulsées, sachant les délicats équilibres chimiques et électriques qui existent dans les organismes vivants et dans la nature).

La science est basée sur le doute, sur une remise en question permanente des connaissances et des théories en fonction des nouvelles observations et découvertes. Tout l’acquis peut s’y trouver légitimement contesté à tout moment, en particulier dès qu’un élément observable et mesurable vient contredire les connaissances établies. L’existence d’un consensus, voire de l’unanimité sur une hypothèse, un modèle ou une théorie ne représente aucunement la preuve de sa validité. Tout le monde pourrait bien se tromper. La politique et les pressions financières ne devraient jamais s’en mêler. Sinon, la science se corrompt et tombe dans le scientisme et le sectarisme religieux.

L’hypothèse de gaz à effets de serre et d’une influence déterminante du CO2 produit par l’Homme sur le climat est contestée à juste titre (voir le dossier climat et l’article suivant [source] en PDF).

La lutte contre la production de CO2 et de méthane pousse les fanatiques écologistes au végétalisme (pour diminuer la production de pets de vaches) et au tout électrique supposé vert, alors que la production de batteries est particulièrement polluante et que le CO2 est nécessaire et bénéfique pour la vie végétale. Ces individus nuisent à la croissance végétale en diminuant le CO2 d’une part et en mangeant exclusivement des végétaux d’autre part. Ils nuisent aux animaux et à l’environnement avec la production d’éoliennes, de parcs solaires et de barrages hydroélectriques. De plus, en Allemagne, faute de production d’électricité à partir du nucléaire, ils en viennent maintenant à relancer le charbon qui pourtant produit beaucoup de CO2. (Voir https://www.bvoltaire.fr/le-fiasco-ecolo-fait-froid-dans-le-dos-des-villages-ruraux-allemands-sacrifies-sur-lautel-du-charbon/)

La production d’électricité nucléaire nuit aussi à cause des déchets radioactifs (sauf peut-être par la filière qui tend à les recycler ou par une approche avec le thorium) et la production d’énergie à partir de pétrole est également fortement polluante.

La solution pour un environnement sain et un corps sain ne passe pas par l’annulation du CO2 ni par le tout électrique, pas davantage qu’elle peut passer par le nucléaire, le charbon ou le pétrole. Elle passe par un changement radical de mode de vie. Cependant, un tel changement ne doit nullement être imposé par une élite mondialiste qui n’applique pas elle-même ce qu’elle prône, mais se réserve la belle vie face à des millions d’esclaves sous-alimentés.

Cette solution peut par contre passer par une prise de conscience, elle-même stimulable par l’éducation, mais sans recours aux processus de propagande et d’endoctrinement tels qu’ils ont cours actuellement autant en médecine qu’en écologie. En passant, découvrir avant cela une nouvelle source d’énergie quasiment inépuisable ne ferait probablement qu’aggraver les pollutions et autres atteintes néfastes à la planète autant qu’à l’Humanité.

La prise de conscience gagne à se faire sur la base d’une stimulation du sens de la responsabilité individuelle et collective. Si nous voulons moins polluer, nous devons moins produire d’énergies sales et de substances nocives ou toxiques qui en découlent. Et moins en produire implique moins consommer, moins de confort matériel, moins de loisirs oisifs tels que le tourisme, moins de commerce international, etc.

Cependant, nous pouvons conserver une certaine qualité de vie en retournant dans les campagnes, en décentralisant, en retournant à la créativité artisanale, en favorisant le partage des ressources et des productions (notamment mécaniques et technologiques), en produisant localement, en misant bien davantage sur la qualité des rapports humains et avec la nature, etc. Nous y gagnerons en santé, en temps libre et en joie de vivre, de partager, de donner, d’aider, de soulager… (Voir aussi Manifeste pour un nouveau monde).




​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31]

Par Joseph Stroberg

32 — Dans les limbes

Lorsque Tulvarn revint à lui, il ne put garder ses yeux ouverts devant l’éclat aveuglant de la lumière qui lui parvenait. Il ne les rouvrit qu’à peine, leur laissant le temps de s’y accoutumer. Celle-ci semblait venir de nulle part ou de partout, tellement elle emplissait tout l’espace, et le sol même paraissait lumineux. Les colonnes qu’il aperçut, alignées sur plusieurs lignes et rangées, semblaient elles aussi disposer de leur propre lumière. Tout se révélait d’une telle blancheur, presque insupportable que les lieux donnaient une impression de pureté majestueuse et sacrée. Aucune odeur ni aucun son ne lui parvenaient. Lorsqu’il se mit en marche, il n’entendit pas non plus le son de ses pas. En fait, il réalisa qu’il ne marchait pas vraiment, mais glissait lentement à quelques pouces du sol. Son corps n’avait ni poids, ni sensation de chaleur ou de froid, ni souffrance. Il ressentait seulement un genre de sourde exaltation, une sensation jamais éprouvée auparavant, un mélange de sérénité, de plénitude et de puissance… Aucun souvenir du passé ne troublait sa conscience. Il se voyait simplement en ce lieu qu’il avait l’impression de connaître, mais sans moindrement s’en préoccuper. Il ne s’agissait pas d’une interrogation ni d’un constat… Seul le sentiment factuel de la reconnaissance d’une énergie… ou d’une forme… Le lieu ne le troublait pas… Il se présentait comme quelque chose de familier, quelque part sans doute au fond de son esprit. Cette subtile sensation ne troublait même pas son mental vide. Tulvarn se trouvait là… et c’était tout. Son nom ne venait pas à son esprit. Sa vocation de moine guerrier, pas davantage. Tout cela n’existait pas ou n’existait plus ici. Il se contentait d’avancer vers… vers un groupe de quelques petits piliers tout aussi lumineux qui soutenaient… un bassin. À peine Tulvarn se rendit-il vaguement compte de la présence de ce dernier qu’il se retrouva instantanément flottant au-dessus. Il contenait un liquide… Et celui-ci coula alors dans sa bouche pendant que la fontaine s’était réduite à la dimension d’une coupe portée à ses lèvres. La vie pure en émanait.

Ailleurs, quelque part, bien loin, « ils » appelaient cela la liqueur de Sidarth, la boisson du Grand Satchan lui-même. Ailleurs, encore plus loin dans le temps et dans l’espace, d’autres « ils » l’appelaient le « Saint-Graal ». Néanmoins, lui, ici, n’en avait pas du tout conscience – il buvait et c’était tout. Cette liqueur, ce fluide, ce n’était ni du sang ni de l’eau. Il s’agissait de la vie elle-même, du moins d’une de ses formes les plus pures parmi celles accessibles aux Véliens et plus généralement aux humanoïdes. Cette vie vitalisait à la fois l’eau et le sang, les plantes, les animaux, les Véliens… et les roches elles-mêmes, car celles-ci vivaient, même si le rythme de leur vie paraissait imperceptible à ceux qui n’étaient pas cristalliers ou cristallières. Habituellement, les êtres incarnés n’en disposaient que d’une quantité définie, une fois pour toutes à la naissance. Dans certains cas exceptionnels, ils pouvaient néanmoins en reboire une certaine quantité, ceci pour poursuivre leur tâche qui autrement serait interrompue par la mort physique et reportée en des temps éventuellement moins propices.

Le « Saint-Graal » ne pouvait se trouver dans la matière dense de la vie ordinaire, et c’était pourquoi tous ceux qui l’y avaient cherché avaient échoué. Il ne procurait pas la vie éternelle, car celle-ci ne relevait pas de la Matière ou de la « Forme », mais de l’Esprit, du Grand Satchan. Il offrait seulement un prolongement dans le sacrifice, dans la souffrance représentée pour la Conscience dans le fait de plonger dans la Matière. Ne pouvaient en boire que ceux qui avaient appris le sens complet du sacrifice au bénéfice du grand Tout. Il était hors de portée des êtres dominés par leur intérêt personnel, par ce que certaines civilisations appelaient l’« ego », la forme de conscience qui émanait de leur nature physique et tangible, mais non celle en provenance de leur essence. Il était naturellement incompatible avec celui-ci.

Tulvarn avait pu boire à la coupe de la vie du Grand Satchan, car il ne l’avait pas du tout cherchée. En ces lieux, son ego n’existait pas, et plus « bas » – sur Veguil – le moine avait appris a dompter ce dernier. En bas, dans la Matière, les êtres doivent chercher pour trouver. Mais paradoxalement, en ces lieux, ils doivent au contraire ne pas chercher pour trouver, car c’est la vie, le Grand-Satchan lui-même qui les guide alors. Et ce dernier sait mieux que tous ce qui convient pour la poursuite de son immense et universel dessein. En fait, les êtres qui ont appris à s’en remettre au Grand-Satchan et à se laisser guider par lui n’ont plus besoin de chercher non plus dans la Matière. Les réponses leur viennent toujours en temps utile, à condition d’avoir démontré une réelle humilité et simplicité face à l’immensité du cosmos.

Déjà avant même sa présente quête, Tulvarn avait appris à dompter son « ego ». Et l’acceptation de son rôle de simple moine alors qu’il aurait pu ou dû se trouver plus proche des maîtres du temple, en représentait une des nombreuses démonstrations. Le Grand-Satchan aimait les humbles en esprit. Son amour se manifestait ici par le biais de la liqueur de Sidarth, par le Saint-Graal offert au moine, lui donnant ainsi la possibilité de poursuivre sa quête sans interruption majeure, et une chance de l’achever.

Tulvarn ne réaliserait probablement que bien plus tard ce qui venait de lui arriver en ces lieux lumineux et purs où le temps n’avait aucune prise et où l’ego ne pouvait se manifester. Il se trouvait « au-dessus » même du royaume des morts.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 33)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30]

Par Joseph Stroberg

31 — Partie de chasse

Tulvarn et Reevirn arrivaient maintenant en vue d’une légère éminence qui se démarquait de l’aspect généralement plat du paysage. La grimper leur demanda presque la totalité de l’énergie qu’il leur restait, mais ils pensaient que cela leur donnerait une chance de pouvoir mieux observer les environs. Bien leur en prit, car dès qu’ils purent observer l’autre côté, ils aperçurent en contrebas une large oasis bordée d’arbres et de plantes variées et de tailles diverses. Et comble de chance, un troupeau de buldorgs était occupé à boire sur le bord de l’étendue d’eau ! Sur un signe du chasseur, ils se séparèrent pour prendre celui-ci en tenailles afin de limiter ses possibilités de fuite lorsqu’ils se trouveraient à sa portée. Comme ils ne voulaient pas attirer l’attention, ils en approchèrent en alternant marche à quatre pattes et reptation, celle-ci dès qu’un des animaux tournait sa tête dans leur direction, ce qui arrivait assez souvent sur le nombre de ces herbivores présents — une bonne vingtaine. Par le Grand Satchan, ils arriveraient bien planter une flèche ou le sabre dans le flanc d’au moins l’un d’entre eux ! En tout cas, ils l’espéraient vivement. Un léger vent soufflait en direction du troupeau, et cela augmentait donc la probabilité de ne pas s’en faire détecter trop tôt.

Ce que n’avaient pas prévu les deux compagnons était la proximité d’un autre type de chasseurs, des animaux qu’ils ne connaissaient pas davantage que la plupart de ceux déjà rencontrés sur ce continent. Ceux-ci avaient une aptitude particulière à se fondre dans le paysage, avec un pelage qui prenait non seulement les nuances de couleur du sol, mais en plus avec des poils très nombreux et très fins qui pouvaient s’organiser pour imiter la texture de petites roches aussi bien que de courtes herbes, selon ce qui était le plus souvent rencontré dans le coin. Et ils chassaient en bande organisée. À peu près à la même vitesse de progression que les deux Véliens, ils arrivaient en trois groupes d’environ cinq d’entre eux : le premier en provenance de la gauche et qui tendait à longer le plan d’eau ; le second en provenance de la droite et qui procédait de même depuis l’opposé ; et le troisième qui se trouvait approximativement entre le moine et le chasseur. Pour l’instant, ces trois groupes d’animaux carnassiers se trouvaient encore trop éloignés pour que les deux compagnons puissent les percevoir, sauf peut-être celui du centre s’ils avaient eu l’idée de tourner leur regard dans cette direction presque perpendiculaire à leur progression. Et pour y parvenir, il leur aurait fallu démontrer une vigilance et une acuité d’observation que la fatigue actuelle leur interdisait.

Alors que Reevirn se trouvait maintenant à portée de flèche et qu’il levait lentement son arc pour ajuster le plus proche buldorg, il assista incrédule à la débandade du troupeau alors que celui-ci semblait être de manière incompréhensible attaqué par des morceaux du sol qui jaillissaient depuis trois directions différentes. Pas très loin sur sa droite, Tulvarn écarquilla lui aussi les yeux, incapable de comprendre ce qui se déroulait devant lui. Les deux chasseurs tournèrent alors leur regard interrogatif l’un vers l’autre, dans l’espoir que l’un d’eux puisse trouver une explication à ce spectacle. Mais voyant que leur gibier se dispersait et qu’ils risquaient de se retrouver bredouilles, Tulvarn sortit son sabre et se mit à courir en avant, épuisant rapidement le reste de ses faibles forces. Reevirn l’imita aussitôt, tenant l’arc de sa main gauche et la flèche dans sa droite. Alors qu’il se trouvait encore à plusieurs dizaines de pas du buldorg le plus retardataire, dans un geste de désespoir le moine lança avec force (du moins ce qu’il lui en restait) son sabre en direction de l’animal. Dans le même temps, le chasseur banda son arc et tira instinctivement en direction de la même cible. Celle-ci fut transpercée au niveau du thorax et le sabre lui trancha presque totalement le cou. Malheureusement, l’un des carnassiers présents aussi sur les lieux n’apprécia pas de risquer ainsi de perdre son repas et se retourna brusquement en direction de Tulvarn. Celui-ci ne dût sa vie sauve qu’à un incroyable réflexe de Reevirn qui eut tout juste le temps de tirer une seconde flèche avant de tomber épuisé à terre. L’animal caméléonien la reçut au milieu du front et tomba heureusement raide mort. Le moine, à peine plus valide que son compagnon, sentant le danger possible, se saisit rapidement de son arme tombée un peu plus loin, et la mania avec adresse alors qu’il se voyait soudainement assailli par une horde de créatures difficiles à distinguer du sol environnant peu herbeux. Comme dans un rêve, les yeux fermés, puisant une énergie d’il ne savait où, il ajusta ses coups d’une manière si incroyablement précise que pas une tête animale ne demeura en place. Si son ami avait pu observer la scène, il aurait assisté à une sorte de danse gracieuse, à la fois fluide et empreinte de puissance, mais impitoyablement mortelle. Les corps étaient tombés au sol les uns après les autres, et ce faisant avaient retrouvé leur apparence véritable : des masses poilues de couleur rouge sombre dont le sang finissait de couler sur la terre rocheuse parsemée de rares herbes courtes. Le troupeau survivant de buldorg avait lui disparu entre temps au loin. À la fin de cette magistrale prestation dont il fut à peine conscient, le moine s’effondra à son tour. Dans le flux du temps planétaire, le carnage n’avait duré qu’un bref instant. Mais le sommeil des deux compagnons risquait de s’éterniser jusqu’à devenir définitif, car s’ils avaient pu trouver de la nourriture, encore leur faudrait-il maintenant la manger.

(Suite : ​Le Tétralogue — Roman — Chapitre 32)




Les fondements de la communication

Par Joseph Stroberg

Notre société moderne pense vivre à l’ère ou à l’heure de la « communication » quand transférer un message d’un continent à l’autre ne demande plus qu’une seconde ou quelques minutes selon son ampleur, alors que dans le même temps ce concept, commercialisé, implique maintenant l’art de travestir la réalité pour lui substituer une image, une illusion. Mais que signifie ou devrait signifier « communiquer » ? S’il s’agissait à l’origine, ou s’il s’agit encore dans la nature de tout autre chose, a-t-on gagné, ou au contraire a-t-on perdu au change ?

Si la communication est devenue rapide par le recours à des moyens technologiques et informatiques de plus en plus sophistiqués (et parallèlement fragiles), ce concept n’a pas attendu l’Homme pour s’incarner dans la Forme (les mondes formels). Déjà les animaux utilisaient des sons ou des gestes pour transmettre des informations à certains de leurs pairs : avertissements de danger, appels en vue de certaines actions, enseignement de savoir-faire, etc. Mais également, comme l’ont démontré certaines expériences et observations, les végétaux peuvent aussi communiquer entre eux, ceci en particulier en utilisant des substances chimiques diffusées dans l’air. Et rien n’empêche d’envisager que les cristaux naturels eux-mêmes, s’ils sont dotés d’une forme de vie et de conscience, utilisent une forme de communication pour s’échanger des informations d’un ordre ou d’un autre. Même chose pour les planètes, les étoiles, les galaxies… d’autant plus que la physique quantique a mis en évidence l’existence de liens étranges entre les particules qui composent la matière, avec la notion d’intrication qui leur permet en quelque sorte de communiquer instantanément leur état en s’affranchissant totalement de la supposée limite de la vitesse de la lumière.

Si l’on se base sur ce qui existait déjà dans la nature bien avant l’apparition de l’être humain, la communication y existe (presque ?) universellement et y remplit au moins des fonctions essentielles. Les plus importantes sont directement liées à la survie de l’espèce : avertir de dangers, apprendre à trouver de la nourriture, à se protéger, à trouver un abri, trouver un(e) partenaire pour la reproduction lorsque celle-ci est sexuée… D’autres semblent couvrir des besoins moins vitaux, mais peut-être tout aussi importants pour l’équilibre individuel et collectif : des fonctions ludiques, des partages émotionnels, la délimitation d’un espace de vie (par exemple pour la chasse), un appel à l’exploration de territoires inconnus (en vue de découvrir notamment de nouvelles ressources)…

Quelle que soit la fonction immédiate de la communication dans les règnes végétal et animal, il apparaît que pratiquement chaque fois, on peut constater que celle-ci apporte une aide à celui qui émet le message et/ou à celui qui le reçoit. La communication dans la nature se révèle habituellement bénéfique et utile. On n’y parle pas pour ne rien dire ou pour nuire au destinataire. Et l’on peut imaginer ou supposer logiquement que la communication humaine primitive reposait sur une approche similaire.

L’observation des mondes végétal et animal, voire de certaines sociétés humaines autochtones épargnées par la « civilisation » laisse entrevoir les fondements probables de la communication dans la nature, et de manière plus générale dans le cosmos. Il s’agit à la base d’un mécanisme d’entraide destiné notamment à préserver la vie dans la Forme, à lui permettre de s’y dérouler plus facilement ou avec moins de souffrances effectives. Une forme de vie émet une demande d’aide ou offre une aide à une autre de même espèce ou d’une espèce différente face à une situation potentiellement ou effectivement problématique.

Pour que la communication passe, aboutisse, soit effective, elle doit être comprise par le receveur selon la signification, dans le sens voulu par l’émetteur. Et cela sera d’autant plus le cas que cette communication utilise un langage commun aux deux protagonistes et qu’elle n’est pas perturbée ou altérée par quoi que ce soit dans le milieu entre l’émetteur et le receveur. De ce point de vue, la communication idéale est d’ordre télépathique : un lien direct entre les deux consciences impliquées, sans le moindre support matériel qu’il soit naturel ou technologique. Dans la pratique, c’est très rarement le cas. Cela passe le plus souvent par un langage oral ou gestuel (au moins pour les animaux et les êtres humains), et de nos jours par des moyens artificiels tels que la radio, la télévision, le téléphone, Internet…

Une communication se révèle d’autant moins efficace et apte à permettre l’action éventuellement demandée ou proposée qu’elle est basée sur un langage pauvre et/ou qu’elle utilise des intermédiaires (que ceux-ci soient vivants ou artificiels). Et un groupe d’êtres qui recourt à une communication fragilisée voit une réponse proportionnellement affaiblie à ses besoins, même vitaux. Il a alors plus de chances d’échouer dans ses objectifs et même dans sa perpétuation.

Depuis plusieurs décennies le langage utilisé dans la communication humaine s’est généralement dégradé, quelles que soient la nation et la langue maternelle considérées, car les fondements de l’instruction scolaire ont été progressivement sabotés, érodés, renversés… pour être remplacés de plus en plus souvent par des succédanés à base idéologique destructrice (tels que la théorie du genre) qui n’ont plus guère de rapport avec une connaissance et un savoir-faire à acquérir, mais bien davantage avec une entreprise de démolition de l’être humain et de la civilisation. Avec un vocabulaire de plus en plus appauvri et vulgaire, le jeune élève, puis l’étudiant ont de plus en plus de mal même à exprimer leurs émotions et ressentis. Avec l’absence de sérieuses bases dans des disciplines aptes à forger leur mental, ils deviennent des crétins, intellectuellement handicapés, tout juste aptes à servir de robots dans des entreprises de plus en plus déshumanisantes. Avec l’utilisation de machines, dont le téléphone cellulaire, pour remplacer notamment leur mémoire et leur aptitude au calcul mental, ils deviennent de plus en plus techno dépendants et à la merci des programmeurs (ou plus exactement de ceux qui ont commandé les programmes).

Alors que la technologie et l’informatique ont considérablement augmenté la vitesse et le débit des informations communiquées, l’Humanité n’a pas réalisé qu’ainsi elle remplaçait la qualité par la quantité, comme elle l’a fait d’ailleurs dans la plupart des autres secteurs de la vie humaine. Les réseaux dits « sociaux » ont ainsi réalisé la même décadence en matière de relations humaines et sociales : une grande quantité de prétendus « amis », mais une perte notable de liens profonds et solides. L’agriculture industrielle a obtenu un résultat similaire avec les aliments d’origine végétale comme animale : de vastes quantités disponibles (souvent gaspillées), mais de faibles qualités nutritives accompagnées de nombreux poisons (additifs alimentaires, pesticides, antibiotiques, hormones, OGM…). À causes similaires, effets similaires. Dans chacun de ces trois secteurs indiqués (comme pour les autres situations de même ordre), on ne dispose, individuellement aussi bien que collectivement, que d’un certain « volume » utile et utilisable : volume de données ; volume relationnel ; et volume de ressources alimentaires.

Chaque volume est le produit d’une surface (représentant la quantité, le nombre) et d’une hauteur (représentant la qualité). Si l’on augmente la quantité des données, on réduit d’autant plus leur qualité. Si l’on augmente la quantité des relations, on diminue le nombre de véritables amis. Si l’on augmente la quantité de ressources alimentaires au point d’en gaspiller beaucoup chaque jour, on réduit la qualité des aliments. L’Humanité a augmenté considérablement les possibilités et les débits de communication, avec notamment une diffusion massive de « nouvelles » chaque jour, mais les informations vraiment utiles pour l’évolution et la perpétuation de la civilisation comme des individus se trouvent de plus en plus perdues dans la masse. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Imaginons, quelque part vers le Moyen-Âge, un certain volume de communications accessibles pour l’Humanité de l’époque. Un tel volume était à l’image d’un tube étroit, mais de grande hauteur, peut-être aussi haut qu’une montagne. Les communications étaient difficiles, peu accessibles, nécessitaient de se déplacer à pied, à cheval, en bateau… Les lettres étaient rares. Les services postaux n’existaient pas. Lorsque l’on communiquait d’un bout à l’autre d’un pays, ce n’était pas pour des affaires dérisoires, pour parler de la pluie ou du beau temps, pour s’échanger des recettes de cuisine…, mais pour des choses plus vitales et importantes.

Mais à un moment donné, les Hommes, par fainéantise, se sont mis à construire des machines pour avoir moins besoin d’utiliser leurs muscles, puis plus récemment (moins d’un siècle) à construire des ordinateurs pour avoir moins besoin d’utiliser leur cerveau. Et bien sûr, par construction, par définition, ces machines et ces ordinateurs permettent effectivement de faire certaines tâches bien plus rapidement que le permettent les muscles et le cerveau. Ils augmentent la fameuse « productivité ». Ils permettent notamment aux riches de s’enrichir encore plus vite, et aux soldats de tuer encore plus vite. Oui, mais voilà, le règne de la quantité a progressivement supplanté automatiquement celui de la qualité. On ne peut pas tout avoir. Rappelez-vous : nous ne disposons que d’un volume limité, parce que le monde matériel est lui-même limité. La Terre elle-même est un espace limité.

Si l’on tape sur le long tube vertical de la communication pour communiquer en masse et très rapidement d’un bout à l’autre de la terre, on finit par obtenir l’immense crêpe plate actuelle qui s’étend sur tous les continents : on communique en masse, mais avec une très faible qualité, notamment une faible Conscience, sans guère s’occuper de la conséquence des propos sur ceux qui les recevront. Car ce n’est plus à un seul destinataire que ceux-ci s’adressent désormais, un destinataire unique auquel le message pouvait être spécifiquement adapté. C’est maintenant potentiellement à des millions ! Et parmi ces millions, les points de vue, les opinions, les croyances… sont très diversifiées. Il est maintenant très facile de blesser un grand nombre de personnes avec des propos irréfléchis ou de mauvaise qualité.

Alors que la communication devrait fondamentalement servir à aider ou à être aidé, individuellement ou collectivement, elle est devenue un moyen de nuire, volontairement ou involontairement. D’un outil pour transmettre le beau, le bien et le vrai (souvent au compte-gouttes vu la dispersion géographique des communautés antiques), elle est devenue celui de transmettre la laideur, le mauvais et le faux, en masse. Par sa paresse, mais son inventivité quelque peu diabolique, l’Humanité a remplacé la beauté, la bonté et la vérité des messages par la laideur, la méchanceté (voire la haine), et la fausseté, l’hypocrisie, le mensonge au point que les individus et les groupes en viennent à se mentir à eux-mêmes, à se fabriquer une image factice pour bien paraître et pour mieux se supporter lorsqu’ils se regardent dans un miroir. Comme l’avaient déjà perçu les Amérindiens à l’époque des grandes invasions, l’Homme corrompu par le confort mécanique a une « langue fourchue ». Ce qu’il peut communiquer le concernant n’est plus fiable depuis longtemps. Il ne le fait plus pour donner, mais pour voler ou pour détruire. La « communication » est devenue l’art du mensonge, pour mieux manipuler, pour mieux endoctriner, pour inciter à « consommer » ou à se faire injecter des poisons dans le temple sacré que devrait rester le corps de chair et de sang…

En conséquence de cette communication profondément pervertie et inversée, l’Humanité est devenue tout aussi profondément malade et il existe peu d’individus en bonne santé physique, morale, psychique et spirituelle. Alors que les sciences devaient au départ aider l’Homme a mieux comprendre son environnement, à mieux comprendre sa nature et à mieux communiquer, elles ont créé des artefacts technologiques et des chimères qui ont largement contribué à détruire l’environnement, à souiller sa propre nature, et à rendre rare la communication authentique. Peut-il encore retrouver une langue simple (non fourchue) et vertueuse ? Avec un peu de chance ou de bonne volonté, l’Humanité pourra se guérir si elle retrouve les fondements de la communication et qu’un nombre critique d’individus exprime donc la beauté, le bien et le vrai, autant dans ses demandes d’aide que dans celle qu’il peut offrir aux autres. De plus en plus d’individus travaillent dans ce sens.




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29]

Par Joseph Stroberg

30 — Réveil brutal

La nuit était à peine éclairée par une petite portion de Matronix lorsqu’une sensation de piqûres douloureuses finit par tirer Gnomil de son sommeil. Quelque chose avait pu percer le cuir de ses jambes et semblait déterminé à remonter le reste du corps. Réalisant soudainement le fait, le voleur réagit vivement en voulant chasser le ou les intrus d’un mouvement brusque de ses membres inférieurs, mais le geste fut immédiatement stoppé par une emprise solide qu’il ne parvenait pas à identifier. Il bascula alors rapidement en mode panique et se mit à hurler tout en cherchant désespérément à se libérer. Peine perdue ! Ses collègues continuaient apparemment à dormir et lui-même ne pouvait toujours pas à bouger suffisamment pour se soustraire à la menace. Après plusieurs instants, se rendant compte que ça ne l’arrangeait pas d’avoir peur, il essaya de se calmer pour mieux réfléchir afin de trouver une solution.

Un bref examen de la condition de son corps apprit rapidement à Gnomil qu’il ne pouvait déplacer que son bras gauche, mais de manière laborieuse. Cela tombait bien, car sa dague se trouvait justement à sa taille de ce côté. Il lui faudrait cependant se montrer particulièrement habile pour parvenir à la sortir de la glissière. Heureusement que celle-ci ne consistait qu’en une courte bande d’étoffe rigidifiée collée sur la ceinture et non un fourreau complet. Par contre, étant donné le positionnement de la dague par rapport à son bras semi-prisonnier, il devrait tenir celle-ci par la lame et la remonter dans la glissière pour l’en sortir. Un faux mouvement et il risquait de s’entailler sévèrement les doigts ou même la main.

La manœuvre se révéla bien plus difficile que le voleur l’avait supposé, car il ne pouvait guère plier son bras et devait se contorsionner tant bien que mal de différentes manières, étant donné le peu de place disponible sous l’espèce d’étrangeté qui le maintenait prisonnier. Et maintenant que la lame avait pu être totalement extraite, il ne parvenait plus à la toucher de ses doigts : comme le manche se trouvait à la hauteur de son épaule gauche, même si la lame restait le long de son flanc, la pointe était désormais hors de portée de sa main. Il reprit ses contorsions pour progressivement repousser le manche vers le bas de son corps, mais le faire en position horizontale et presque entièrement prisonnier se révélait horriblement ardu, d’autant plus qu’il était au bord de la déshydratation complète et n’avait rien mangé depuis plus de deux ou trois jours. Il en avait même perdu le compte et ignorait combien de temps il avait dormi.

À force de gesticulations, le voleur finit malgré tout par sentir enfin le contact de la pointe de la lame du bout de ses doigts puis par parvenir à s’en saisir pour lui faire poursuivre son mouvement vers ses jambes, de sorte à pouvoir atteindre le manche. Après plus d’une heure de cet exercice éprouvant et épuisant, il put enfin saisir ce dernier d’une poigne qu’il espérait ferme, mais qui se révéla bien molle. Il dû déployer toute sa volonté et le reste de son énergie pour lever la lame de sorte à entamer la chose qui l’emprisonnait. Malgré tout, grâce à la magie de la dague, la matière de ce qu’il ne parvenait toujours pas à distinguer à cause de l’obscurité fut tranchée net, lui permettant de s’extraire et de se mettre debout. Là, il en profita aussitôt pour chasser trois bestioles qui entre temps avaient continué à le piquer ici et là, alors que sa concentration lui avait fait presque oublier la douleur occasionnée. Il les vit vaguement fuir plus loin sans parvenir à déterminer de quoi il s’agissait tellement elles apparaissaient juste comme des taches à peine différentes du reste du paysage immédiat. Il ne discernait pas davantage ses compagnons toujours endormis, mais devinait vaguement leur forme sombre de part et d’autre de sa position, en tant que zones allongées légèrement plus obscures que le reste.

Ayant monopolisé le minuscule reste d’énergie qu’il lui restait, Gnomil parvint à libérer tour à tour ses trois compagnons grâce à sa dague enchantée. Il les réveilla chacun d’une claque sur la figure et leur fit part de la situation et de son épuisement extrême avant de s’effondrer presque mort au pied de la cristallière. Celle-ci se munit d’un de ses cristaux régénérateurs pour tenter de revitaliser un minimum le voleur.

Tandis que le jour pointait timidement, Tulvarn partit sabre en main à la recherche de nourriture, suivi de près par Reevirn prêt à tirer une flèche. Ni l’un ni l’autre n’était en grande forme, mais il leur restait malgré tout plus d’énergie qu’au voleur et avec un peu de chances, ils pourraient tomber sur un gibier un peu connu ou sur quelques plantes familières. La chaleur se faisait déjà sentir, alors que les odeurs subtiles qui leur parvenaient de la zone leur étaient inconnues. La légère brise ne serait pas suffisante pour les rafraîchir et s’ils voulaient survivre aux prochaines heures, il leur faudrait peut-être un miracle. Le moine n’était pas très optimiste et se demandait une fois de plus s’il n’avait pas été présomptueux et fou de s’être ainsi lancé dans cette aventure et surtout pour y avoir entraîné également trois autres Véliens. S’il en tirait le bilan, ce n’était pour l’instant qu’une série de fiascos rarement entrecoupée d’épisodes favorables. Ils avaient failli périr à plusieurs reprises. Ils n’avaient toujours aucune certitude que le Tétralogue existe. Jiliern risquait de perdre ses œufs…

Le moral du chasseur n’était pas plus élevé. Il ruminait encore sa culpabilité pour la mort de ses amis chasseurs. Il les avaient massacrés comme s’il appartenait à la guilde des assassins et si leur tête avait été mise à prix. Jamais il ne se le pardonnerait, même s’il l’avait fait pour leur éviter de tomber entre les griffes du sorcier et même s’ils avaient pu avoir l’intention de faire la même chose envers lui. Un chasseur ne tuait pas de Véliens, mais seulement des animaux blessés, handicapés ou trop limités pour survivre dans de bonnes conditions. Ce qu’il avait fait était donc impardonnable à ses yeux, même s’il avait pensé ne pas pouvoir faire autrement et que le sort de ses amis eut été autrement pire que la mort. Tomber sous la coupe d’un sorcier signifiait habituellement, selon les légendes, l’asservissement corps et âme de l’infortunée victime. Cependant, dans un timide éclair d’inspiration, le Reevirn éprouva soudainement le besoin d’interroger le moine :

— Sieur Tulvarn, puis-je vous poser une question ?

— Ah non ! tu ne vas pas toi aussi te mettre à me traiter de « sieur », j’ose espérer.

— Oh, pardon, je ne sais pas pourquoi j’ai imité notre ami le voleur. Peut-être la fatigue… Me permettez-vous néanmoins de vous poser une question ?

— Bien sûr, cher Reevirn.

— Que vaut-il mieux, d’après les moines, entre mourir et survivre (mais ceci en étant esclave) ?

— Je ne pourrais répondre pour les autres moines, car notamment tous les maîtres de temples ne dispensent pas nécessairement les mêmes enseignements. J’ignore si tous les moines de Veguil le considèrent ainsi, mais je te répondrai sur la base du point de vue que la conscience survit à la mort physique. Dans ces conditions, est-ce qu’il lui est préférable de vivre esclave ou plutôt de mourir libre ?

— Je l’ignore, c’est pour cela que je vous pose la question.

— Es-tu sûr de l’ignorer ? Ici, en ce moment, notre conscience se sent limitée dans ce corps au bord de l’épuisement. Elle ne croit pas avoir le pouvoir de s’en sortir par sa seule volonté. Nous marchons péniblement dans ce paysage presque désertique à la recherche de nourriture et d’eau. Comment se sentirait-elle si de surcroît elle devait obéir sans discussion à un puissant seigneur en provenance de l’ancien empire zénovien ? Ou pire, si elle ne pouvait nullement lutter contre les injonctions d’un sorcier et qu’elle les accomplissait comme si elle n’était qu’un simple pantin de ce dernier ? Comment te sentirais-tu ?

— À bien y réfléchir, je serais vraiment abattu, déprimé. Je perdrais le goût de vivre. Comme chasseur, les grands espaces de Veguil me procurent un grand sentiment de liberté. Mais si je devais ainsi devenir esclave… eh bien je ne le supporterais pas longtemps. Je ne sais pas ce que je ferais alors ni même si j’aurais la force de le tenter.

— Eh bien, vois-tu mon ami, j’ai beau être encore très maladroit en certaines circonstances, je préfère de loin ceci et notre condition actuelle à devoir vivre l’esclavage. Et je crois que la plupart des Véliens et des Véliennes ressentent les choses de manière assez similaire dans ce domaine. Et donc, préfères-tu vivre esclave ou mourir libre ?

— Je n’avais jamais envisagé les choses ainsi, ou plus exactement, je ne m’étais jamais interrogé à ce propos.

— Mais comme tu luttes actuellement pour retrouver une joie de vivre — n’est-ce pas ? — à cause de cette culpabilité qui t’étreint, cette question a fini par se présenter à toi. Et c’est une très bonne chose, à mon avis. Tu vas pouvoir te libérer, maintenant… Voilà que j’ai l’impression que mon vieux maître parle à travers moi. Peut-être est-ce le cas, après tout. Plus sérieusement, penses-tu que tu doives continuer à te culpabiliser ?

— Non. Je réalise grâce à vous que malgré tout, le sort de mes amis ne pouvait pas être pire que ce qui les attendait si ce sorcier guerrier les avait pris sous sa domination.

— Pas grâce à moi. Tu as fait l’essentiel : poser la question. Tu aurais très bien pu trouver seul ensuite la réponse. Surtout si nous n’étions pas aussi épuisés. Mais concentrons-nous maintenant sur la chasse, car chaque instant compte désormais.

— Oui.

Sur cette simple approbation, les deux compères se turent et reportèrent leur attention sur le paysage environnant, à la recherche d’une source de nourriture ou d’eau. Aucun animal présent dans la zone ne leur était familier, à part quelques espèces d’animaux volants qui pour l’instant restaient de toute manière hors de portée. Il leur faudrait alors rapidement que la chance tourne en leur faveur s’ils voulaient survivre.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 31)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28]

Par Joseph Stroberg

29 — Fatigue fatale ?

Les quatre compagnons avaient maintenant quitté la plage et commençaient à s’enfoncer dans une zone de verdure dispersée sur un sol formé d’un mélange de sable et de terre limoneuse mêlées occasionnellement de roches de tailles diverses. S’ils reconnaissaient haut dans le ciel un vol de drugnarns bien gonflés qui passaient lentement devant Matronix, la plupart des autres animaux leur étaient inconnus. Pour l’instant, il s’agissait surtout de petites espèces dont certaines volantes, mais presque toutes se contentaient de sauter, courir, marcher ou glisser sur le sol, selon le cas. Aucun dangereux prédateur n’était visible, ou alors son caractère mortel résidait dans son venin, mais auquel cas, les aventuriers s’en rendraient compte trop tard. Heureusement, de toute manière, aucun des animaux ne semblait enclin à se précipiter vers eux, bien au contraire. Ils s’éloignaient tous plus ou moins rapidement, peu habitués à voir des Véliens dans cette partie du continent. Celui-ci était par ailleurs le moins peuplé, car il était généralement trop chaud et aride, avec nettement moins de ressources alimentaires que sur les trois autres. Les paysages alternaient entre déserts, steppes et maigres savanes, en dehors des quelques bourgades et d’anciennes ruines, souvent de sinistre réputation, comme le labyrinthe de Trinestarn, les catacombes de Luidirn et la Cité de cristal.

Alors que le soir était sur le point de tomber, ils n’avaient toujours pas trouvé de fruits ni d’animaux connus et après leur dernière expérience alimentaire, ils n’étaient pas très chauds à l’idée de nouveaux tests, en dépit de leur épuisement et de leur déshydratation croissants. D’un commun accord, ils se résignèrent donc à dormir pour au moins tenter de récupérer un peu de vitalité. Aucun d’eux ne monta la garde, car ils étaient trop terrassés pour cela et ils pensaient, à tort ou à raison, que pour l’instant ils ne risquaient pas grand-chose de la part des petites créatures environnantes. Plongés profondément dans le sommeil, ils ne pouvaient rien déceler de ce qui se déroulait en même temps dans leur environnement immédiat.

De petits animaux tisseurs à 16 pattes et revêtus de longs poils de couleur sable se rapprochèrent lentement des corps allongés. Leur chemin irrégulier semblait indiquer une certaine forme de prudence, comme s’ils se tenaient prêts à chaque instant à faire demi-tour. Une trentaine de ces animaux qui dépassaient à peine la taille de la main d’un Vélien finirent par toucher les imprudents endormis et se mirent alors rapidement à un ouvrage très particulier. Pendant que la moitié de leurs pattes leur servait pour le déplacement, les autres étaient activement utilisées pour tisser une sorte de toile noirâtre au-dessus de chacun des corps. Celle-ci était produite par leur gueule, et fixée au sol à l’aide d’une substance collante qui émanait de leur arrière-train et s’écoulait sur une large surface, couvrant à la fois les roches, la terre et les plantes rases qui se trouvaient là. Cette glu séchait assez rapidement pour qu’eux-mêmes ne risquent pas de s’y trouver collés. Les fils du tissage étaient suffisamment résistants pour qu’un animal deux fois plus puissant et gros qu’un Vélien ne puisse s’en extraire. La plupart de ceux qui se faisaient prendre finissaient par mourir de soif au bout de quelques jours. Leur corps déshydraté séchait alors rapidement en ce lieu semi-désertique et représentait ensuite une bonne réserve de nourriture carnée. En serait-il se même pour les quatre aventuriers inconscients ?

Après plus d’une heure de cette sorte de danse active au-dessus des Véliens inanimés, ces derniers se trouvèrent totalement et solidement recouverts de cette toile qui absorbait assez efficacement la chaleur, au point que le corps prisonnier pouvait même parfois carrément cuire à petit feu. Les quatre infortunés endormis ne connaîtraient cependant pas ce triste sort, car la saison estivale était à peine commencée et les plus fortes chaleurs ne viendraient pas avant plusieurs jours. En attendant, ils n’étaient pas pour autant tirés d’affaire, comme ils s’en rendraient compte au réveil, du moins s’ils parvenaient à survivre jusque là. Pour l’instant, ils continuaient à dormir, très affaiblis par leur manque de nourriture et de boisson. Et les animaux tisseurs s’étaient retirés à l’écart, à moitié enfouis dans la terre sablonneuse sous les frêles herbacées et attendant patiemment maintenant la mort prochaine de leurs quatre proies. D’autres petits animaux des environs venaient occasionnellement aussi traîner dans le coin, ou peut-être observer aussi leur futur repas. Auraient-ils la chance, l’habileté ou la force d’en tirer quelques morceaux au détriment des tisseurs ? On y trouvait des animaux rampants, serpentiformes ou dottés de nombreuses pattes, selon les cas, des animaux munis d’ailes qui semblaient ne plus être capables de voler en raison d’un corps comparativement trop lourd, des carnassiers dotés d’un venin toxique, ou encore des espèces de plantes mobiles qui se déplaçaient lentement par le biais de lianes temporairement enracinées qui leur servait à se tracter. Celles-là abritaient des colonies d’insectes tout aussi avides de participer à un festin. La petitesse relative de ces derniers était largement compensée par leur nombre. Ils pouvaient réduire un Vélien à l’état de squelette fort bien nettoyé en quelques heures seulement. En retour du service d’hébergement offert par la plante, une moitié de la colonie de bestioles était lentement digérée par des sucs acides qui suintaient des larges pétales spongiformes au nombre d’une quinzaine par tige. Les insectes victimes étaient ceux qui s’enfonçaient dans l’une des innombrables et minuscules cavités d’un des pétales, alors que les autres se contentaient de rester en bordure de ces pièges attirants. Le suc était suffisamment corrosif pour risquer de percer le cuir d’un Vélien si d’aventure celui-ci se risquait à toucher l’un des pétales. Cependant, les quatre actuellement prisonniers du lieu n’auraient peut-être pas l’occasion d’essayer. Au rythme actuel de leur déshydratation, leur mort risquait d’intervenir au cours des toutes prochaines heures.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27]

Par Joseph Stroberg

​28 — Terre !

Après plusieurs heures passées dans les brumes à la limite de la conscience de veille, les quatre compères sortirent lentement de leur torpeur. Il était temps, car au loin se dessinait déjà une côte, mais ils ne la remarquaient pas encore. Il fallut un long moment avant que le chasseur, plus habitué à l’observation, finisse par poser son regard au bon endroit. Il s’écria alors aussitôt, et de manière assez classique :

— Terre ! Droit devant, là ! Ça y est enfin ! Je vois la côte du continent du Sud !

— Hein ?… répondirent seulement et de concert ses trois compagnons. Où ça ? poursuivit seul Gnomil avant de porter son regard dans la direction pointée par Reevirn, imité peu après par le moine et la cristallière qui éprouvaient plus de difficulté à reprendre pleinement leur esprit.

— Il nous reste alors à nous préparer pour l’accostage, en espérant que ce navire magique nous conduise directement au port et au bon endroit, continua Tulvarn, alors que Jiliern n’avait rien à ajouter.

Après ce bref échange qui leur avait demandé une quantité d’énergie inhabituellement disproportionnée, ils retournèrent à leur mutisme, sans toutefois replonger dans l’état nébuleux antérieur, même s’ils ne disposaient pas encore d’un esprit bien alerte et vigilant. Il s’écoula encore un temps non négligeable, apte à les affamer et à les affaiblir davantage, avant qu’ils puissent enfin toucher terre. Le moment attendu arriva finalement en fin d’après-midi, alors que Dévonia s’approchait fortement de l’horizon, avec Matronix au plus près du zénith qu’il lui était habituellement possible. Les quatre compagnons avaient fini par oublier l’odeur particulière de l’océan et se sentirent revivre en percevant timidement celle du sable et plus loin celle de la végétation. Ceci eut comme effet de leur donner comme un léger coup de froid revigorant, alors que la température était au contraire plutôt chaude, trop chaude pour ce début d’été, probablement à cause de la localisation nettement plus tropicale du continent par rapport au leur.

Alors que le navire ralentissait pour se ranger tout seul à un emplacement libre entre quatre pieux sur le port continental, la marée commençait à se retirer et il ne leur aurait pas fallu arriver une heure plus tard. Dans un tel cas, ils auraient dû aller chercher un animalier pour traîner le navire sur le sable. Ils ignoraient que ces étranges navires réglaient automatiquement leur vitesse de sorte à arriver toujours à marée haute. Ces derniers bénéficiaient non pas de magie, mais d’une étrange technologie héritée d’une ancienne planète de la périphérie galactique. La légende (visible partiellement dans le Livre, pour ceux qui avaient la curiosité ou la chance de tomber dessus) révélait que cette planète avait pu conserver son indépendance et sa souveraineté en échange de l’enseignement de cette « technologie » particulière. Il s’était avéré que seulement une petite partie en avait été effectivement offerte, car les Zénoviens de l’époque ne disposaient pas d’une conscience suffisamment avancée et large pour pouvoir en appréhender et reproduire davantage. L’état de presque parfaite conservation de ces navires ne provenait que de cet art ou de ce « savoir créer » disparu, car en fait plus aucun navire n’était produit depuis longtemps par des artisans locaux, contrairement à ce que certains de ces derniers laissaient croire pour se donner une certaine aura. Depuis de nombreuses générations, les constructeurs navals ne fabriquaient en réalité que des barques et autres très petits bateaux uniquement destinés aux rivières calmes. Les rares navires perdus en mer n’étaient jamais remplacés, ce qui expliquait que cycle après cycle le nombre de navires présents en moyenne à un port donné fondait progressivement. Au rythme actuel, il n’en existerait probablement plus d’ici quelques milliers ou dizaines de milliers de cycles. Alors, soit les Véliens devraient trouver une solution de remplacement pour voyager entre les continents, soit ils ne le feraient plus. Néanmoins, ce n’était nullement dans leur habitude de chercher à anticiper un tel futur et hypothétique moment. Ils tendaient au contraire à vivre au jour le jour, et à faire face aux problèmes uniquement lorsque ces derniers se présentaient. Ceci expliquait sans doute en partie leur caractère généralement débonnaire et la faible agressivité des Véliens qui n’avaient à l’époque opposé qu’une résistance toute symbolique à l’invasion par l’ancien Empire zénovien. La horde sauvage et les assassins représentaient des exceptions, numériquement très minoritaires, sachant que les moines guerriers ne combattaient habituellement que pour se défendre et que les purs guerriers étaient déjà rares en cette lointaine époque. Et aujourd’hui on n’était pas sûr de leur existence en dehors de ceux aperçus par le quatuor dans les plaines de l’Ouest. Ces derniers étaient-ils d’ailleurs vraiment des guerriers, ou bien autre chose ?

Les quatre compagnons ne mirent pas longtemps à attacher les quatre cordages, chacun à l’un des piliers correspondant selon le positionnement du navire, bien qu’ils fonctionnassent au ralenti, pas totalement remis de leur expérience de digestion laborieuse. Il était maintenant urgent pour eux de trouver de la nourriture et de l’eau non salée.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24]

Par Joseph Stroberg

​25 — Glisser sur l’océan

À la bibliothèque principale de Beltarn’il, les quatre compères apprirent que les navires ne pouvaient prendre la mer que lors des plus grandes marées si l’on ne les soulevait pas à l’aide de quatre bnégols, d’énormes quadrupèdes mangeurs d’herbacées qui étaient utilisés pour tracter de lourdes charges. On attachait alors à chacun d’eux l’un des quatre cordages, grâce au large anneau qu’on devait préalablement lui installer autour du cou. Ces animaux étaient suffisamment costauds pour soulever chacun près d’un tiers du poids d’un des navires. À quatre, ils pouvaient donc le porter sans effort excessif afin de le faire parvenir jusqu’au niveau courant de la mer, même si celle-ci se trouvait à marée basse. Un animalier se chargeait de les conduire puis de les ramener ensuite à leur lieu habituel de pâturage. Ils se montraient très dociles et en raison de leur épaisse carapace ne craignaient que de très rares espèces de prédateurs telles qu’on en trouvait dans la jungle des plaines de l’Ouest.

Renseignements pris, le quatuor finit par trouver un animalier disposé à les accompagner au port avec quatre bnégols adultes et y parvint sans encombre. Là, ils aidèrent ce dernier à attacher un des navires aux animaux, puis le suivirent à allure modérée en direction de l’océan. Ils finirent par en atteindre le rivage après plus d’un millier de pas et déchargèrent alors des quadrupèdes de leur fardeau. La mer était calme et de légères vagues léchaient à intervalle régulier le rivage. Dès que le navire fut à l’eau, ils remercièrent chaleureusement l’animalier qui s’éloignait déjà et sautèrent sur la partie radeau pour aller rejoindre l’habitacle en son centre.

À Beltarn’il, un marin rencontré à un moment donné leur avait appris que personne ne savait comment les navires fonctionnaient. Il suffisait apparemment de se placer dans l’habitacle et celui-ci partait automatiquement vers l’objectif choisi par les passagers, pourvu que ce dernier soit unique. Par contre en cas d’un seul désaccord, le vaisseau refusait obstinément de bouger autrement que sous l’effet éventuel d’un courant marin. Comme les quatre compères souhaitaient tous se rendre sur le continent du Sud, le navire se mit à glisser à vitesse croissante sur la surface des flots, ceci jusqu’à atteindre une vitesse de croisière que nul Vélien n’aurait pu soutenir plus de quelques instants à la nage. Pourtant, ils étaient de bons nageurs, grâce à leur puissante musculature. Néanmoins, étant donné l’éloignement de leur destination, ils devraient passer une quinzaine de journées dans l’habitacle du navire. Celui-ci était assez vaste pour permettre à dix Véliens lourdement chargés de tenir pendant toute la durée d’une traversée, même jusqu’au continent le plus lointain. D’après ce qu’on leur avait dit à la bibliothèque principale de Beltarn’il, il était en réalité assez rare de voir autant de Véliens voyager en aussi grand nombre à la fois sur l’un des navires disponibles. Ces derniers étaient le plus souvent empruntés par des érudits et par des pèlerins solitaires, plus rarement par d’autres corps de métier. Il n’existait notamment aucun commerce digne de ce nom sur Veguil, en raison de l’abondance des ressources animales et végétales sur la majeure partie des quatre continents. Et aucun d’eux ne vivait dans les zones plus désertiques.

Alors que le navire glissait sur un océan calme, Tulvarn et ses quatre compagnons avaient tout le loisir de se reposer et de donner libre cours à leur imagination ou à leurs interrogations, ce qu’ils firent chacun à sa manière. Le voyage, bien que long et potentiellement ennuyeux leur permit par ailleurs de mieux faire connaissance, par le récit de mésaventures diverses et de leurs occupations principales avant de se lancer dans cette quête du Tétralogue. Jiliern vivait de surcroît une expérience à laquelle elle n’avait pas songé auparavant : elle sentait en elle quatre œufs grandir et qu’il lui faudrait d’ici deux cycles les libérer pour donner naissance à autant de nourrissons véliens. Elle était plus affamée qu’à l’accoutumée et avalait à elle seule presque autant que deux de ses compagnons réunis. À ce rythme, leurs réserves risquaient de se trouver épuisées avant la fin de la traversée. Il leur faudrait alors tenter d’attraper des poissons ou d’autres animaux marins en stoppant momentanément le navire, alors que ceux-ci étaient nettement plus rares aussi loin des côtes, du moins à une profondeur accessible. La cristallière espérait qu’elle et ses compagnons n’en arriveraient pas à ce point.

Reevirn s’interrogeait quant à lui sur ce que pouvait donner la chasse à des animaux marins. Il savait que l’eau freinait grandement les projectiles et une flèche ne pourrait se montrer mortelle que contre des relativement petits poissons touchés à faible distance. Autant dire que son arc ne serait pas franchement utile dans la plupart des cas. Et s’ils rencontraient d’énormes créatures marines, même le sabre du moine risquait de se révéler peu efficace.

Quant à l’esprit de Gnomil, il se remplissait d’images de pièges, de trappes et d’embûches diverses, parfois compensées par la découverte de mystérieux trésors, sachant que la diabolique cité de Cristal risquait de receler une multitude des uns et des autres. De plus, il craignait que leur chemin les oblige à passer par le labyrinthe de Trinestarn, car c’était le seul connu de l’équipe, et encore, par ouï-dire.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23]

Par Joseph Stroberg

​24 — Le port

En raison de la présence massive de Matronix, de la taille de la planète et de sa grande masse océanique subséquente, les marées sur Veguil y revêtaient une ampleur relativement exceptionnelle dans la galaxie. Lorsque l’astre majestueux s’alignait avec Dévonia, la différence de hauteur entre la marée basse et la haute pouvait atteindre quelques centaines de pas sur les côtes les plus exposées. À cause de telles variations du niveau des mers, nul port classique tel qu’on pouvait en voir sur une portion non négligeable des autres planètes habitées n’avait pu être établi ici. En guise de port, d’énormes pieux métalliques avaient simplement été plantés profondément dans le sable de la vaste plage durant l’époque de la chute de l’Empire Zénovien. Ils se trouvaient au niveau des marées les plus hautes, à une distance d’un millier de pas des premières maisons. À l’aide d’une technologie aujourd’hui disparue, ils avaient été ancrés dans la roche présente sous le sable. Ainsi, ils ne se trouvaient jamais complètement couverts par l’eau et ne pouvaient en principe pas être emportés, même par un des très rares raz-de-marée. Leur partie supérieure était dotée de quatre gros demi-anneaux métalliques soudés qui servaient à accueillir les cordages des navires afin de maintenir ces derniers en place et de leur éviter d’être soumis aux courants et aux marées.

Les pieux se trouvaient alignés le long du littoral sur deux rangs parallèles séparés de deux centaines de pas et espacés d’une même distance. En fait de navires, les embarcations étaient des sortes de larges radeaux souples, de plus de 160 pas de large sur autant de long, dont la partie centrale était constituée d’un habitacle en forme approximative de sphère aplatie, et dont le sol était lisse et plat, mais le plafond bombé. La partie radeau était constituée par l’assemblage de longues branches d’une variété d’arbres géants trouvée sur le continent Gworni. Celles-ci étaient à la fois souples et hydrofuges, grâce à leur texture et à leur sève résineuse. L’habitacle était majoritairement construit à l’aide de très larges feuilles trouvées sur certains arbres du quatrième continent. Elles étaient également hydrofuges, en plus de leur grande résistance à la déchirure. On les collait les unes aux autres sur une poignée de couches avec une forte glu qui résistait à la corrosion marine. Une petite ouverture était maintenue dans la partie supérieure de l’habitacle un peu au-dessus du niveau du radeau, alors que la partie inférieure se trouvait partiellement plongée dans l’eau lorsque le navire flottait. L’habitacle était joint au radeau par des cordelettes de hiélix sur tout le pourtour horizontal, de manière suffisamment lâche et souple pour qu’une fois à l’eau il puisse flotter sans toutefois permettre à l’eau d’y pénétrer par l’ouverture.

Les navires étaient attachés chacun à quatre pieux, entre les deux rangées. Même si le port était long et occupait la moitié de la longueur de la ville sur la côte, le port — le plus grand de la planète — ne pouvait contenir au maximum qu’un millier de tels navires. En fait, il n’en accueillait généralement pas plus de deux ou trois centaines à la fois, car leur nombre total sur la planète n’excédait pas sept cents. Ceux-ci étaient principalement utilisés pour de rares échanges ou visites entre continents et n’avaient vocation ni commerciale ni touristique (ces deux notions étaient même pratiquement inconnues sur Veguil), et n’étaient pas non plus utilisées pour la pêche, puisque celle-ci se limitait à des techniques individuelles rudimentaires principalement sur les cours d’eau et les lacs et plus rarement sur le littoral marin.

Les navires étaient mis à libre disposition des Vélien qui pouvaient en avoir un réel besoin pour s’aventurer sur les océans ou rejoindre un autre continent. Ils étaient construits de temps en temps par l’un des rares constructeurs navals de la planète. Il n’existait plus que cinq d’entre ces derniers, car les navires se perdaient rarement en mer : leur usure était lente ; leur structure particulière et leur faible poids les rendaient pratiquement insubmersibles ; et par leur souplesse, ils épousaient la houle.

Lorsque les quatre compagnons arrivèrent en vue des pieux du port et des navires qui leur faisaient immédiatement face, ils s’interrogèrent sur la manière dont on devait les utiliser.

— Ouais, c’est bien beau de pouvoir prendre un navire pour rejoindre le continent du Sud, mais comment se déplacent-ils ? interrogea Gnomil sur un ton plaintif. Pour commencer, ils sont bien trop grands et donc lourds pour qu’à seulement nous quatre nous puissions les traîner jusqu’au rivage. Vous avez vu à quelle distance, celui-ci se trouve ?

— Oui, beaucoup trop loin, reconnut Tulvarn. Manifestement à plus de mille cinq cents pas ! Et combien même la mer serait-elle à nos pieds, comment se manient-ils ? Par enchantement magique ? Il n’y a même pas de rames ni de voiles !

— Bonnes questions, reconnurent Jiliern et Reevirn, alors que le quatuor se délesta chacun de son sac et qu’ils s’assirent sur le sol en attendant d’avoir l’idée ou la révélation d’une réponse. Attendraient-ils longtemps ?

Hormis les rares navigateurs et usagers récents et actuels de ces navires, la très grande majorité des Véliens ignoraient le plus souvent tout des navires, même s’ils en connaissaient l’existence par ouï-dire. Si les quatre compagnons voulaient se rendre à la Cité de cristal, il leur faudrait rapidement pallier leurs lacunes. Ils décidèrent donc de retourner dans la ville pour se renseigner.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25)




Vœux de Joseph pour 2023

Par Joseph Stroberg

Un édifice ou un système, comme le Nouvel Ordre Mondial, peut être détruit d’au moins trois manières :

  1. en enlevant sa pierre angulaire, sa clef de voûte, ce qui produit son effondrement depuis le haut et est l’équivalent d’une décapitation ;
  2. en s’en prenant à ses fondations, ce qui peut être facilité lorsque le système ressemble à un château de cartes ;
  3. en le rongeant partout avec l’équivalent d’un acide (ou en cessant de l’alimenter).

Ronger le Nouvel Ordre Mondial partout simultanément ne peut se faire que par une prise de conscience massive de sa réalité et de son fonctionnement. L’acide est la Conscience éclairée. Il semble bien que l’Humanité en soit actuellement loin, encore trop soumise à la peur (notamment de la mort), ce qui fait qu’elle continue d’alimenter ce système au lieu d’en ronger, désagréger tous les aspects par un changement de mode de vie.

Le Nouvel Ordre Mondial est construit sur le principe de l’inversion de la Création, d’où en particulier l’énorme intérêt des élites pour le transhumanisme, l’artificiel et le renversement naturel de la biologie avec notamment la théorie du genre. Poutine tente de s’attaquer à ces fondations pour rétablir les principes traditionnels accordés sur la Création, mais même avec ses énormes moyens militaires, il n’est pas certain qu’il puisse aboutir.

Quelle est la pierre angulaire du Nouvel Ordre Mondial ?
Ce sans quoi les élites mondialistes n’auraient jamais pu imposer mondialement la distanciation sociale, les confinements, les masques, les tests PCR, les QR codes et les vaccinations : la théorie virale. Or, de plus en plus d’éléments factuels démontrent que celle-ci ne relève pas de science, mais de scientisme, de mauvaise cuisine ou de mauvaise religion, comme le lecteur pourra en avoir un bon aperçu en se plongeant dans les articles du dossier Vaccins et virus, ceci à condition qu’il accepte de remettre en question les croyances massivement entretenues par l’industrie pharmaceutique (qui contrôle notamment l’enseignement des médecins à l’université) et de s’ouvrir aux éléments démonstratifs et révélateurs proposés dans ces articles.

En lisant ces articles, le lecteur découvrira notamment les points suivants :

Les virus pathogènes n’ont jamais été scientifiquement isolés et caractérisés.
À ceux qui répondent que l’absence de la preuve de l’existence de virus pathogènes n’est pas la preuve de leur inexistence, je réponds :

l’absence de la preuve de l’existence d’éléphants roses n’est pas non plus la preuve de leur inexistence,
et l’absence de la preuve de l’existence de Dieu n’est pas non plus la preuve de son inexistence.
Dans le premier cas (celui des éléphants roses), nous avons cependant affaire à du delirium tremens ou à des théories purement fantaisistes, même pour ceux qui pensent qu’il suffit de peindre en rose un éléphant réel pour démontrer l’existence d’éléphants roses.
Dans le second cas, il s’agit d’une croyance d’ordre purement religieux qu’il n’est pas possible de démontrer scientifiquement.

L’effet cytopathique qui prétend démontrer la culture virale s’obtient pareillement sans la moindre présence de tissus biologiques supposés infectés par un virus pathogène, ce qui démontre implacablement que cet effet n’est nullement la démonstration de la présence d’un tel virus, la mort des cellules dites de culture ne résultant que des poisons inclus dans le milieu (antibiotiques et nombreux toxiques censés favoriser la multiplication virale, mais qui en fait tuent les cellules de culture).

Les séquençages de seconde génération qui prétendent ensuite reconstituer le matériel génétique dudit virus sont de véritables farces. Ils partent d’une soupe génétique indifférenciée et non caractérisée qui peut mêler aussi bien des bouts de gènes en provenance du prétendu tissu infecté que des cellules de cultures et d’autres composants biologiques présents dans le milieu. Et cerise sur le gâteau, ils coupent ces bouts de gènes en séquences de quelques cinquantaines ou centaines de codons (ou de bases) et moulinent tant et aussi longtemps qu’ils ne s’approchent pas d’un modèle théorique servant de référence à la reconstitution du puzzle. C’est exactement la même situation grotesque et non scientifique qui consisterait à tenter de reconstituer le roman Germinal de Zola (le modèle, tel que SRAS-CoV-2) à partir du découpage en petits morceaux de papier de milliers de romans pris au hasard dans une bibliothèque. Avec un peu de chances et suffisamment de patience (en faisant tourner suffisamment longtemps la moulinette du séquençage génétique — opération purement logicielle), en collant les petits bouts de papier adéquatement, en reconstituant ainsi des phrases (génétiques), on finira par retrouver 99,7 % du roman Germinal et on prétendra qu’il était bien présent dans la bibliothèque au départ, alors qu’il ne s’y trouvait pas nécessairement.

Le fait que les « virus » soient visuellement semblables aux exosomes ou à d’autres composants cellulaires (par ailleurs eux scientifiquement caractérisés) ne démontre par ailleurs pas qu’ils soient responsables de maladies, pas davantage que la présence de mouches sur des cadavres ne démontre que ces dernières seraient les responsables de la mort des animaux ou des êtres humains concernés.

La théorie virale s’est vue coller tellement de rustines pour tenter d’éviter son éclatement (alors qu’elle aurait dû disparaître il y a près de 70 ans) qu’elle en est devenue incontestable, ce qui de fait la déplace hors du cadre de la science (puisque le propre de toute véritable théorie scientifique est d’admettre ses limites et la possibilité d’être contestée).

Les rares contagions effectives (en dehors de l’exposition à une cause commune, comme le sont les champs électriques et les ondes électromagnétiques, sachant que le corps lui-même est de nature électrique, magnétique et électromagnétique, jusqu’aux niveaux cellulaires et moléculaires) peuvent s’expliquer par la communication et l’influence expérimentalement démontrée entre organismes vivants, par les biophotons.
(Voir Communication entre organismes vivants par biophotons et Sensibilité de l’eau morphogénique aux ondes électromagnétiques.)

En réponse à l’argument des labos P4, voir C’est l’heure du conte « Gain de Fiction »* avec RFK Jr. et ses amis !.

Mon vœu est que les êtres humains, et spécialement s’ils sont médecins ou travaillent dans le domaine de la Santé, se penchent sérieusement et avec ouverture d’esprit sur la contestation de la théorie virale afin qu’ensuite la pierre angulaire du Nouvel Ordre Mondial soit détruite et que ce dernier s’effondre dans la foulée. Un vœu alternatif est qu’à défaut ils soutiennent Poutine face à l’inversion occidentale. Cependant l’approche de la pierre angulaire peut être plus rapide et surtout éviterait bien des morts.

Joseph Stroberg

P.S.

Les prix Nobel, y compris en médecine, sont délivrés à des êtres humains qui ont été particulièrement utiles aux élites mondialistes en vue de l’édification du Nouvel Ordre Mondial, même si leur aide est purement involontaire.
Montagnier a ainsi reçu son prix pour avoir permis de renforcer la légende urbaine des virus pathogènes et Kary Mullis pour l’invention du test PCR qui est bien utile pour inventer des épidémies, spécialement depuis l’invention du concept scientifiquement frauduleux et fallacieux de « malades asymptomatiques ».
(Voir :
Fauci et la grande arnaque du SIDA
Repenser le SIDA
Dr. Claus Köhnlein – Du SIDA au Covid-19 : une arnaque qui dure depuis plus de 40 ans
Le SIDA et la Renaissance de l’Hypothèse de Duesberg
Le SIDA depuis 1984 : Aucune preuve d’une nouvelle épidémie virale – même pas en Afrique
SIDA : le doute — Film documentaire RTS, ARTE France, TVE, Histoire TV. 1997
Vous aviez raison, Président Thabo Mbeki
Pas de fleurs pour le sidarnarqueur
La virologie et le test PCR
Précisions scientifiques sur l’arnaque du test PCR
Déconstruction de l’arnaque Covid : les documents Ministère de la Santé admettent que le CDC n’a jamais isolé de « virus covid-19 » … le test PCR ne détecte que le BRUIT des instruments
Une véritable bombe : Aux États-Unis le CDC ne reconnaît plus le test PCR comme une méthode valide pour détecter les « cas confirmés de Covid-19 »
La mystification par le test PCR pour créer le mythe de la pandémie et entretenir la peur
Dr Kary Mullis : Pourquoi j’ai commencé à remettre en question le VIH
L’inventeur du test PCR avait bien dit que celui-ci ne permet pas de savoir si vous êtes malade
La fraude des anticorps
Virus Mania : Comment Big Pharma et les médias inventent les épidémies)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22]

Par Joseph Stroberg

​23 — Beltarn’il

Après la malencontreuse disparition de Jiliern, les trois rescapés mirent moins d’un quartier à atteindre la lisière de la jungle, malgré la nécessité de porter le voleur en plus de leur chargement de sacs. Le dernier drame s’était en fait déroulé à seulement quelques milliers de pas de cette dernière, dans une zone d’où les pires prédateurs étaient absents. C’était probablement d’ailleurs la seule raison pour laquelle ils étaient encore en vie.

Dès la sortie de la forêt, Beltarn’il était visible à l’horizon. Cette agglomération était la seconde plus importante de Veguil après la Cité de cristal. Cependant, alors qu’on disait cette dernière peuplée de millions d’esclaves, elle n’abritait, elle, qu’une centaine de milliers de Véliens. Il s’agissait en majorité d’érudits. Il s’y ajoutait leurs proches, divers artisans et représentants des métiers, et quelques milliers de visiteurs occasionnels. Constituée de maisons simples à un seul étage et de quelques rares bâtiments plus imposants, dont la bibliothèque centrale, elle s’étalait sur une vaste superficie, le long du littoral. Cette cité avait ainsi la forme d’un long serpent côtier d’une largeur comprise entre une et trois centaines de pas, mais une longueur qui en comptait plusieurs dizaines de milliers ! Par rapport au trio, l’Océan se trouvait derrière, masqué par ce corps serpentiforme. Ce dernier leur apparaissait pour l’instant comme une série continue de minuscules cailloux posés sur le sol en guise d’édifices de pierres. Il occupait la moitié centrale de l’horizon. Il leur faudrait encore une ou deux heures de marche pour en atteindre les premières constructions. Cependant, ils la voyaient déjà de mieux en mieux, car la végétation devenait plus basse et clairsemée, et la ville elle-même semblait en être dénuée.

— Je me demande dans quel état nous allons trouver la ville, s’inquiéta Gnomil, alors que ses deux porteurs venaient de faire une halte. Est-ce que les sauvages guerriers que nous avons croisés l’auront attaquée ?

— Nous verrons bien, répondit Tulvarn. Nous serons vite fixés. S’ils sont passés par là, nous devrions nous en rendre compte à distance, peut-être même dès maintenant.

— Je n’aperçois aucune trace ici laissant présager le passage d’une telle horde sauvage, intervint Reevirn. La ville devrait être intacte.

— Mais ils auraient pu sortir de la forêt ailleurs, rétorqua le voleur.

— Étant donné leur nombre, ils ont plutôt dû sortir de partout. Aussi, l’absence totale de traces ici est un bon présage.

— Je l’espère.

— Moi aussi, ajouta le moine. Je reste cependant confiant. L’argument de Reevirn est valable. Avançons donc !

Le trio se remit en route à allure modérée, compte tenu du poids du voleur et des sacs. Il lui fallut deux bonnes heures avant de pouvoir rejoindre les premières maisons de Beltarn’il. Les herbacées et autres plantes basses avaient progressivement fait place à une couche de sable d’où ne dépassait que leur moitié supérieure. En chemin, ils n’avaient croisé que quelques chasseurs et un cristallier. D’après ces derniers, la ville était calme et abritait peu de visiteurs en cette période. Les trois compagnons purent facilement le vérifier en y pénétrant depuis l’est. Comme toutes les villes de Veguil à l’exception de la Cité de cristal, cette grande bourgade ne comportait pas de rues en tant que telles, mais seulement des grands espaces entre les diverses constructions. En conséquence, on pouvait y entrer facilement depuis n’importe où et la parcourir librement dans tous les sens. Les clôtures, murets et barrières diverses y étaient également inconnus.

Si l’odeur de la mer relativement proche avait commencé à leur parvenir portée par la brise bien avant leur entrée dans la vaste bourgade, elle était maintenant bien plus puissante, inhabituelle pour les trois Véliens. Cependant, en raison de sa condition douloureuse, Gnomil y prêtait peu attention contrairement à ses deux compagnons.

Continuant sa progression dans la ville, le trio croisa un groupe d’enfants qui jouait sur une étendue sablonneuse située dans un large espace entre les trois plus proches maisons. Tulvarn leur demanda s’ils connaissaient un guérisseur et l’un d’entre eux, une très jeune Vélienne, leur répondit en désignant le sud. Il ne put rien en tirer de plus, car elle reprit aussitôt son activité ludique, comme si pour elle ce petit groupe de visiteurs étrangers n’avait jamais existé ou était devenu invisible. Le moine en fut quelque peu déconcerté, peu habitué à croiser des enfants et peu encombré de souvenirs concernant sa propre jeunesse. Cependant, il se remit en chemin, portant toujours avec Reevirn leur blessé sur la civière improvisée. Maintenant, après un quart de tour vers le sud, trop concentrés sur leur recherche d’un guérisseur, les trois compagnons d’infortune ne prêtaient plus trop attention aux odeurs marines, ni même à l’aspect des maisons, d’ailleurs très peu différent de celui de leur région d’origine.

À peine deux centaines de pas plus loin, ils entendirent une clameur sourde qui semblait provenir du sud-est, quelque part derrière les maisons visibles dans cette direction. Intrigués et avec l’espoir de trouver alors suffisamment de monde pour disposer de meilleurs renseignements, ils obliquèrent dans cette nouvelle direction et accélérèrent sensiblement la cadence de leur marche.

Plus loin qu’ils l’auraient cru, après avoir slalomé entre plusieurs dizaines de maisons sur leur trajet, à cause de l’incertitude de la localisation exacte de la foule dont ils entendaient de mieux en mieux les manifestations diverses, ils arrivèrent de nouveau en vue de la limite orientale de la ville, cette fois nettement plus au sud qu’à leur arrivée. Là, un groupe d’un millier de Véliens et Véliennes d’âge divers se tenait en arcs de cercle sur plusieurs rangs face à un mage en tenue d’une couleur bleue très voisine de celle de Dévonia. Celle-ci était en principe réservée aux plus grands mages et prophètes. Tulvarn n’avait pas entendu dire que l’un d’eux était vivant, auquel cas, ce dernier méritait certainement d’être l’individu évoqué par la prophétie, celui qui sauverait Veguil. Mériter ? Est-ce que cela était une question de mérite ? Ou plutôt d’aptitudes ? Ou encore de service au Grand Satchan ? Il n’eut pas le temps de poursuivre son questionnement.

Arrivé à proximité du dernier rang, Tulvarn se mit à chercher du regard un monticule éventuel qui leur aurait permis de voir plus distinctement le mage, car si une partie des spectateurs était assise, un tiers d’entre eux étaient restés debout et empêchaient que l’on distingue autre chose que sa tête et le haut du tronc. Balayant rapidement la scène, il aperçut sur la droite un banc de pierre qui jouxtait une petite maison aux pierres blanchâtres. Se retournant, il fit signe à Reevirn, puis ils se dirigèrent tous deux rapidement dans la direction du banc avant d’y grimper en tenant toujours la civière de leur blessé. La foule lâchait des cris d’étonnement, de vénération ou de remerciement, selon les moments.

Ayant plus le loisir maintenant d’observer ce que faisait le mage, ils constatèrent que celui-ci guérissait diverses personnes dans le public, quelle que soit la gravité de leur état ! Pour le coup, il s’agissait vraiment d’une aubaine, d’une chance incroyable pour une fois, après toutes leurs mésaventures et leurs déconvenues ! Néanmoins, une pensée vint modérer l’enthousiasme du moine : le nombre de malades à attendre leur tour pouvait être long, trop long. Juste après avoir émis cette pensée pessimiste dans son esprit, il entendit une voix lui dire :

— Il n’existe aucun tour ici.

— Qui parle ? interrogea Tulvarn qui ne parvenait pas à en localiser l’origine.

— Celui-là même que vous êtes en train d’observer.

— Quelle est cette sorcellerie ?

— Je suis un mage, pas un sorcier.

— Mais comment faites-vous cela ? Vous n’ouvrez pas la bouche ?

— Je m’adresse directement à votre conscience. Je ne peux vous en dire davantage. Ce serait du même ordre que de tenter d’expliquer les couleurs à un aveugle de naissance. Peut-être un jour le découvrirez-vous par vous-même. Je vous le souhaite. Mais si vous tenez à votre ami, ne perdons pas de temps : approchez-le. À ces mots, le mage fit un signe des mains à la foule pour qu’elle s’écarte afin de laisser un passage central en vue du transport du blessé vers lui.

Sans plus attendre, Tulvarn demanda à Reevirn de le suivre, puis les deux compères valides transportèrent le blessé dans sa civière jusqu’à l’étrange guérisseur. Ce dernier se contenta de s’adresser au voleur en ces termes :

— Pourquoi acceptez-vous de demeurer en cet état ? Ne voulez-vous pas guérir de ces douloureuses blessures ?

— Si. Je ne demande que ça !

— Alors, faites ce qu’il faut pour cela ! Ce n’est pas moi qui ai guéri ces anciens malades, poursuivit le mage en désignant les derniers miraculés.

— Mais comment le pourrais-je ? Je ne suis que voleur, ou plutôt je l’étais. Mais je ne sais pas soigner. Je ne suis même pas cristallier, ni herboriste… Comment le pourrais-je ? implora-t-il presque.

— De la même manière qu’eux, répondit le mage en montrant de nouveau quelques-uns des Véliens guéris.

— Mais qu’ont-ils fait ? Je n’en sais rien ! Gnomil se trouvait tellement démuni, qu’il finit par éclater en sanglots.

— Allons, cher ancien voleur ! Je comprends votre désarroi. Néanmoins vous avez pourtant le moyen de régénérer votre corps comme l’ont fait ces personnes qui auparavant étaient pourtant en aussi piteux état que vous : de graves handicapés, certains aveugles, d’autres sourds, d’autres encore sans l’usage de leurs jambes…

— Mais comment ont-ils fait ! Je vous en prie, je vous en supplie, dites-moi comment !

— Ce n’est pas moi qu’il faut prier, répondit-il avec une mimique qui pouvait signifier qu’il était un peu déçu. Adressez-vous plutôt au Grand Satchan si vous envisagez des prières et si vous savez prier au moins aussi bien que ce moine. Mais même lui n’a rien pu faire pour vous et ses prières non plus.

— Mais il n’a pas prié pour moi ?

— Le croyez-vous ? Pensez-vous vraiment que votre ami le moine n’a pas déjà prié en votre faveur ? Je peux vous assurer pourtant qu’il l’a fait. Vous pourrez lui en demander confirmation plus tard. Mais ne perdons pas davantage de temps. Ouvrez-vous au Grand Satchan, laissez-vous pénétrer par sa puissance infinie comme il l’a offerte à ces anciens malades.

— Mais comment donc ? Je ne sais pas faire ça ! Comment m’ouvrir au Grand Satchan ?

Alors que le voleur continuait sa supplique et ses questions au mage, petit à petit la foule s’était dispersée et il ne restait plus maintenant que le trio d’aventuriers. Trop attentif à la conversation menée par le mage, aucun de ces derniers ne s’en était rendu compte. Tulvarn et Reevirn ne perdaient pas une miette de ce que pouvait dire aussi bien l’étrange guérisseur que leur infortuné camarade. Et celui-ci buvait tellement les paroles du premier, aspirait si intensément à en voir sortir le remède miracle, qu’il en oubliait encore plus le monde extérieur à leur petit groupe.

— S’il vous plaît, maître mage ! Je ne sais pas comment m’ouvrir au Grand Satchan. Comment ont-ils fait tous ceux-là ? interrogea Gnomil en s’apprêtant à désigner quelques-uns des récents guéris, avant de se rendre compte de leur absence avec un sentiment qui mêlait stupeur et embarras.

— La même chose que celle que vous avez vous-même entamée.

— Hein ? Mais je n’ai rien fait ! Je n’ai même rien commencé !

— Vous croyez ?

— Bien sûr !

— Et pourtant. Pourquoi êtes-vous venu me parler ?

— Dans l’espoir que vous puissiez me soulager de… Mais… Je n’ai plus mal ! Comment est-ce possible ? interrogea le voleur alors qu’il prenait conscience de la disparition de ses douleurs tout en baissant les yeux pour constater que pourtant ses blessures étaient toujours aussi visibles.

— Vous avez simplement commencé à vous ouvrir au Grand Satchan.

— Mais quand ?

— Lorsque vous avez pleuré en toute humilité votre impuissance.

— Mais comment ?

— Eh bien ! vous en posez des questions ! Heureusement que tous les malades qui viennent me voir n’en font pas autant ! Comment ? Vous devriez pourtant le savoir mieux que je peux vous en informer. À ce moment-là, vous avez vraiment réalisé qu’il n’était ni en mon pouvoir ni en le vôtre d’obtenir ce type de soulagement, même si ce n’était pas complètement conscient. Nous avons alors besoin de nous accorder avec le Grand Satchan, de nous relier à lui, de nous ouvrir à son énergie infinie. Acquérir l’humilité est le premier pas.

— Oh !… Merci Maître Mage ! Je vais devenir ménestrel et chanter votre nom sur tous les continents de Veguil.

— Surtout pas, jeune innocent ! N’avez-vous pas compris ? Seul le Grand Satchan doit être chanté !

— Pardon, Maître Mage !

— Par pitié, pouvez-vous lui dire d’arrêter avec ses « maîtres mage » ? demanda alors le guérisseur en se tournant vers Tulvarn et Reevirn.

— Malheureusement, pour ça, je crains qu’il faille aussi faire appel au Grand Satchan ! répondit Tulvarn quelque peu désabusé.

— En attendant, si je comprends bien, je vais devoir vivre avec. Et nous n’avons pas fini. Bon, jeune homme, si vous voulez terminer votre guérison, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Maintenant, si votre ami le chasseur partageait ce qu’il a sur le cœur, ce serait utile à ses camarades, dont les deux présents ici.

Fortement intrigués par ces propos, Gnomil et Tulvarn tournèrent vivement la tête en direction de Reevirn, attendant une réponse de sa part.

— …

— Allons ! Ne vous faites pas prier, surtout que les prières devraient être principalement dirigées vers le Grand Satchan, ainsi que pourrait vous le dire votre ami le moine. Dites-leur qui vous êtes en réalité, puisque vous le savez maintenant. Les cachotteries ne sont pas recommandées pour l’établissement de bonnes relations.

— … Euh ! C’est difficile.

— Dites simplement les choses. Décrivez seulement ce qu’il s’est passé. Vous me remercierez plus tard.

— … Eh bien, j’ai retrouvé une partie de mes souvenirs…

— Vraiment ?! Mais, c’est formidable ! répondit Tulvarn avec une expression de vif contentement.

— Pas tant que ça, non… J’ai tué mes deux compagnons chasseurs. Et mon vrai nom est Valdaroc. Ne cherchez plus l’assassin. C’est moi !

— Mais non, ce n’est pas possible ! répondit Gnomil à la fois déconcerté, attristé et incrédule. Vous ne pouvez pas être l’assassin, car vous êtes le chasseur et nous n’avons jamais entendu parler d’un chasseur appartenant aussi à la confrérie des assassins.

— Le devin avait en effet mentionné « N’oublie pas le chasseur et l’assassin », renchérit le moine.

— Ah oui ? Vous êtes sûr que ce n’était pas plutôt : « N’oublie pas : le chasseur EST l’assassin ! »

— Oh !… se contentèrent de répondre Tulvarn et Gnomil, trop abasourdis pour autre chose.

— Oui : Oh ! Je n’en reviens pas moi-même ! poursuivit celui que ses deux sauveurs avaient connu en tant que pur chasseur. En fait, pour tout dire, je n’appartiens pas à la guilde des assassins. Mais ça ne m’empêche pas d’avoir assassiné mes deux compagnons.

— Mais pourquoi ? s’enquirent simultanément le moine et le voleur alors que le mage s’était entre temps retiré à plusieurs pas de distance pour s’assoupir au pied d’un petit arbre.

— Je ne pouvais pas les laisser s’enrôler dans cette armée.

— Quelle armée ?

— Celle qui a déboulé dans la forêt des Plaines de l’Ouest. J’ai reconnu leur tenue et leur chef et cela a fait ressurgir rapidement le reste de mes souvenirs oubliés. Comme j’aurais préféré les oublier pour toujours ! Je ne mérite pas votre amitié. Je ne savais pas comment vous le dire. J’ai tellement honte de ce que j’ai fait !

Celui qu’ils avaient nommé Reevirn poursuivit ses explications pendant encore un bon moment, évoquant comment il s’était résigné à tuer ses deux anciens compagnons chasseurs puis à camoufler la scène du crime avant de tenter de se donner la mort. Il avait préféré cette solution à la vision d’un avenir probable où à la tête de cette armée ils auraient à eux trois tué un bien trop grand nombre d’innocents. Maintenant que sa mémoire était de nouveau fonctionnelle, il lui faudrait désormais vivre avec ce poids sur la conscience. Le moine avait eu beau tenter de le déculpabiliser en lui présentant cela sous l’angle des centaines ou même des milliers de Véliens et Véliennes que par son geste il avait presque sûrement sauvés, il ne pouvait pas voir autre chose que son crime. Les images de l’horrible scène le hantaient dans son sommeil, même si dans la journée il parvenait encore à se vider l’esprit. Il préférait continuer à se faire appeler Reevirn. Cela l’aiderait peut-être à surmonter cette épreuve.

Avant de repartir en direction du centre de la ville, les trois compagnons se trouvaient dans un état similaire. Le voleur et le moine étaient secoués par la révélation, abasourdis, presque sonnés, alors que le chasseur lui-même se sentait crouler sous le poids de la culpabilité, chancelant, à peine capable de marcher. Pourtant, il leur fallait reprendre la route, en quête d’un objectif dont ils n’étaient même pas sûrs de l’existence, alors que dans le même temps, ils n’avaient toujours pas réalisé le deuil de la cristallière et que celle-ci se manifestait encore comme un fantôme dans leur mémoire et leurs pensées. Abandonner maintenant représenterait pour eux un monumental échec, un non-sens aux proportions cosmiques, une décision encore plus stupide que celle de s’être lancés dans cette quête. Alors qu’ils s’étaient éloignés de quelques dizaines de foulées, ils entendirent chacun le mage leur parler en ces termes :

— Dans l’obscurité la plus profonde, il suffit de la lumière de votre cristal pour vous éclairer. Conservez la foi dans le Grand Satchan. Votre amie est vivante.

Aussi intrigant que ceci pût leur paraître, ce fut capable de leur redonner un peu d’entrain et de motivation. Même s’ils se demandaient par quel miracle Jiliern pouvait être encore vivante et comment le mage le savait, ils le croyaient d’autant plus facilement que celui-ci avait déjà démontré à leurs yeux certaines capacités hors du commun. Néanmoins, après quelques pas supplémentaires Tulvarn s’interrogea sur la fragilité du lien possible entre le fait de disposer d’aptitudes hors normes et celui de connaître véritablement un fait ou encore de le rapporter plus ou moins fidèlement. Rien ne pouvait garantir a priori que le mage ne fabule pas ou encore qu’il ne leur mente pas. Est-ce que la propension du mage à aider les gens à se guérir devait s’accompagner automatiquement d’acuité des perceptions (en supposant qu’il ait pu percevoir la situation de Jiliern d’une manière ou d’une autre) ? Disait-il pour autant la vérité en affirmant qu’elle était vivante ? Le vieux moine Nignel, qu’il avait appelé « maître » et presque vénéré comme un saint homme, avait déjà évoqué la différence entre des aptitudes que l’on pouvait avoir et la manière dont on les utilisait ou encore celle dont on se comportait, que ce soit en lien ou non avec elles. Il existait des Véliens, rares semblait-il, qui profitaient de leurs dons dans tel secteur pour obtenir des avantages auprès des autres, et dans certains cas en les manipulant par des mensonges, par des flatteries, par les sentiments ou encore par l’usage de raisonnements tordus ou vicieux. Toutefois, Tulvarn n’avait pas décelé de signes qui auraient pu indiquer de telles tendances chez le mage. Mais ne pas les apercevoir n’empêchait pas pour autant leur possible existence. Il ne percevait pas Jiliern, mais celle-ci vivait sans doute encore s’il en croyait le guérisseur. Donc, la grande question était : devait-il se fier à ce personnage et risquer une grave déception s’il s’avérait que la cristallière était bien morte ? Ou bien devait-il faire comme s’il avait menti ou s’était trompé ? Le doute tendait à le torturer. Il n’eut cependant pas l’opportunité de poursuivre son débat intérieur, car il se retrouva une fois de plus la face contre le sol. Ses deux compagnons se précipitèrent pour l’aider à se relever. Il venait de se prendre le pied d’appui contre une touffe d’herbe un peu plus grosse que les autres.

— Merci mes amis. Ça commence à devenir énervant cette manie que j’ai de ma planter la figure dans le sol ! Il va vraiment falloir que j’arrête de me perdre dans mes pensées. En attendant que j’y parvienne, rendons-nous à la bibliothèque centrale. Nous aurons plus de chances d’y trouver des renseignements utiles qu’ailleurs dans cette trop grande ville.

— Sûrement, approuva Gnomil en reprenant son sac, aussitôt imité par Reevirn.

Le trio se remit prestement en route, soudainement plus alerte, comme si la maladresse du moine avait permis de soulager leur lourdeur intérieure. Même le chasseur tendait maintenant à oublier de culpabiliser. Les sacs rescapés leur paraissent aussi plus légers. La guérison du voleur y était peut-être aussi pour quelque chose. Ils n’étaient plus centrés sur leurs déboires, mais désormais focalisés sur leurs deux objectifs : retrouver la cristallière et découvrir une piste qui conduirait à la relique. Ce faisant, ils se trouvèrent rapidement en vue de la bibliothèque centrale, un des bâtiments les plus imposants de la planète. Il couvrait à lui seul la surface d’une cinquantaine de maisons du coin pourtant assez largement espacées sur le sol mi-sablonneux mi-poussiéreux et parsemé ici et là de quelques touffes végétales et de rares buissons qui ne dépassaient pas leur hauteur. Bien que ne disposant d’aucun étage, il n’en contenait pas moins plus d’un million d’ouvrages divers rangés le long de sept allées principales au milieu desquelles se trouvaient les tables de lecture et d’études entourées de tripodes. En pénétrant par l’entrée principale, les trois compères aperçurent également dans l’allée centrale qui leur faisait face quelques escabeaux permettant d’atteindre les étagères les plus hautes, à la libre disposition des érudits et des visiteurs. Il se trouvait également quelques petits meubles contenant divers accessoires, tels que des loupes, et du parchemin pour prendre des notes. Ils cherchèrent du regard s’il n’y avait pas quelque érudit disponible pour les renseigner. Dans cette allée au moins, les Véliens aperçus étaient tous assis en train de lire un livre ou un morceau de parchemin. Parvenus au bout, les trois compagnons tournèrent sur la gauche pour emprunter le large passage conduisant à l’allée correspondante, la troisième depuis l’aile gauche de bâtiment. Il leur fallait plus de cinq cents pas pour parcourir une seule d’entre elles. Se trouvant rapidement face à cette troisième, ils eurent la surprise de leur vie. Qui se trouvait assis là, sur la table la plus proche, apparemment occupé à scruter un très vieux rouleau de parchemin ? Jiliern ! Leur amie cristallière, bien vivante ! Comment était-ce possible ? Ils se précipitèrent en criant son nom, s’attirant du même coup un regard noir de la part des autres occupants des lieux ainsi dérangés. La cristallière sursauta, mais son visage se couvrit aussitôt d’un large sourire.

— Jiliern ! reprit plus doucement Tulvarn. Par quel miracle te trouves-tu ici ?

— Eh bien, pour tout dire, je n’en sais trop rien. Après avoir étouffé sous ces étranges disques, je me souviens seulement m’être réveillée allongée par terre sur le sable de la plage pas loin d’ici. Je ne comprends pas du tout comment cela a pu se produire. Je n’ai jamais entendu dire que de telles espèces d’animaux ou de je ne sais quoi puissent nous faire en quelque sorte disparaître d’un lieu pour nous transporter ailleurs. Mais si tel est le cas, vous auriez dû alors vous laisser recouvrir pareillement, pour atterrir ainsi plus vite ici.

— Ce ne sont pourtant peut-être pas les responsables de la chose. Avant d’arriver ici, nous avons rencontré un mage qui a notamment guéri notre ami Gnomil. En fait, d’après ses dires et plus exactement, il a permis que Gnomil se trouve guéri par le Grand Satchan, par une foi suffisante en lui.

— La foi d’un ancien voleur, envers le Grand Satchan lui-même ? Eh bien, il va peut-être pouvoir se faire moine, répondit la cristallière sur un ton mi-amusé et mi-espiègle. Mais pour en revenir à ta question initiale, je n’ai jamais entendu parler non plus de mages capables d’une telle prouesse, poursuivit-elle plus sérieusement.

— Moi non plus, il est vrai.

— Moi non plus ! ajoutèrent simultanément Gnomil et Reevirn.

— Alors, qui ou quoi a-t-il bien pu te déplacer ainsi, interrogea le moine ?

— Je n’ai pas trouvé la réponse. J’ai lu quelques ouvrages traitant de ces étranges animaux, dont un tome du « Livre », mais ils ne contenaient aucune allusion à une telle éventualité. J’ai donc cessé de chercher. Peut-être connaîtrons-nous un jour la réponse. Au point où nous en sommes, avec ces étrangetés que nous avons déjà vécues en si peu de temps, ça ne me surprendrait même plus.

— Et ce mage n’est pas la moindre d’entre elles.

— Quoi qu’il en soit, puisque j’avais visiblement un peu d’avance sur vous, j’en ai profité pour rechercher des informations sur le Tétralogue.

— Et ?

— Un des érudits présents ici m’a conseillé de regarder dans ce manuscrit, répondit-elle en inclinant la tête vers le rouleau qu’elle continuait de tenir entre ses mains. J’y ai découvert peu longtemps avant votre arrivée et pour l’instant une seule évocation de cette relique. Elle se trouverait dans la Cité de cristal !

— Oh non ! Pas là ! Pourquoi faut-il que ce soit dans cet endroit ?

— Parce que ce serait là-bas que le Saint-Homme aurait prophétisé. Et on l’y aurait crucifié, un rare supplice très barbare emprunté à une planète oubliée de la périphérie galactique.

— Comment est-ce possible ?

— Eh bien, il se trouve que l’empire zénovien avait des vues sur cette planète particulière en ces temps fort reculés. Une de leurs ambassadrices y aurait d’ailleurs été tuée à l’époque. Il s’était servi du satellite naturel de la planète pour tenter l’invasion d’une planète encore plus insignifiante et tout aussi oubliée, nommée Vijnia par ses autochtones, mais Vulcain par les barbares de la première. J’ai découvert entre temps ces autres détails dans le « Livre ».

— Pourquoi envahir une planète insignifiante lorsque l’on a déjà un puissant empire ? demanda Gnomil incrédule.

— Cette planète possédait un genre de technologie miraculeuse convoité par l’empire. Avec elle, il visait la conquête de la totalité de la galaxie.

— Mais ? Je sens qu’il y a un « mais », interrogea Tulvarn.

— Mais les habitants de cette planète se sont tirés d’affaire d’une manière extraordinaire. Plutôt que de tenter un affrontement qui aurait sans doute emporté la moitié de l’empire zénovien, mais risqué du même coup de voir la disparition de leur propre planète, ils ont proposé de fournir gratuitement leur technologie spéciale, à la condition de pouvoir sélectionner les Zénoviens aptes à la recevoir. Contre toute attente, le haut conseil zénovien de l’époque a accepté ! Il faut dire qu’il avait été pas mal secoué par la mésaventure de sa flotte d’invasion dans ce système planétaire. Enfin, je simplifie et déforme un peu, car cette histoire est plus complexe, d’après ce que j’en ai lu.

— Pour en revenir au Tétralogue. Pourquoi avoir repris un supplice de cette planète ?

— Ça, c’est arrivé plusieurs milliers de cycles plus tard dans l’Histoire zénovienne. L’un des observateurs maintenus depuis lors sur le satellite planétaire avait trouvé amusant ce type d’acte sadique et s’était empressé d’en informer l’Empire qui existait encore à l’époque. L’un des hauts responsables administratifs a dû lui aussi trouver ça amusant, car il a amené un décret impérial punissant d’un tel sort tout colonisé contribuant à la sédition d’une manière ou d’une autre. À l’époque du Saint-Homme, Veguil était déjà une colonie et la Cité de cristal faisait figure de joyau de l’Empire. Elle servait de modèle et de vitrine à ce qu’il envisageait pour la totalité de ses systèmes planétaires. En raison de ses particularités technologiques et matérielles, elle a réussi à se maintenir sur le même chemin, même longtemps après la disparition de l’Empire. De nos jours, on ne sait pas précisément ce qu’il en est, car ceux qui s’enfoncent dans la ville n’en ressortent jamais.

— Oui, ça nous le savions déjà, malheureusement, confirma le moine.

— Néanmoins, ce que nous ne savions pas est qu’en tant que symbole, cette ville a bénéficié du nec plus ultra de la technologie zénovienne.

— Comme si c’était pour nous rassurer ! intervint le voleur. Je ne sais pas vous, mais pour ma part, ça ne me donne pas du tout envie d’y pénétrer.

— Pourtant, il semble bien que si nous voulons trouver cette relique, nous n’ayons pas le choix, répliqua à son tour le chasseur. Il va alors nous falloir utiliser tous nos talents et nous montrer plus forts que la technologie. Je ne connais rien qui ne présente des failles ou des lacunes. C’est donc là-dessus qu’il faut se concentrer.

— En effet, approuva Tulvarn. C’est là que les talents de Gnomil pourraient se révéler particulièrement utiles.

— Vous croyez ? s’enquit le voleur sur un ton légèrement plaintif. Je ne tiens pas vraiment à devoir vérifier sur place.

— Aucun de nous ne souhaite s’y rendre, intervint Jiliern. Cependant, ceux qui souhaitent continuer la quête du Tétralogue devront bien y aller. Je ne sais pas pour vous, mais ma curiosité est plus forte que mes craintes.

— Après ce que nous avons traversé, nous commençons à être habitués aux déconvenues aussi bien qu’aux surprises bonnes ou mauvaises, ajouta Reevirn.

— Et nous sommes toujours vivants, renchérit Tulvarn, même si les moines apprennent à dépasser la peur de la mort.

— Ouais, bien je ne suis pas encore moine, rétorqua Gnomil. Mais vous avez de la chance que je sois sans doute le plus curieux de nous tous et surtout toujours avide de trésors. En fait, c’est leur découverte qui m’intéresse. Après, souvent je les revends.

— Ça explique probablement pourquoi tu t’es débarrassé si facilement de ce petit cylindre de métal dont on ne sait toujours pas à quoi il sert, mentionna Jiliern. Heureusement que je l’ai emporté. J’ai la nette impression qu’il nous sera utile à un moment donné. Et nous pouvons aussi remercier ton attrait quasi irrésistible pour les nouvelles découvertes grâce auquel tu nous accompagnes encore. Je partage l’opinion de Tulvarn selon lequel tes talents nous seront probablement utiles, que ce soit pour s’infiltrer en certains lieux sans se faire repérer, pour ouvrir des portes closes, pour grimper ou se faufiler à des endroits peu accessibles au commun des Véliens ou pour trouver diverses astuces pour faire face à l’imprévu, puisque celui-ci était souvent ton lot. Et ce n’est pas tous les jours qu’un moine guerrier te tombera dessus, acheva la cristallière en riant.

— Ce n’était pas vraiment utile de me rappeler la honte de ma vie, protesta quelque peu Gnomil.

— Allons ! Tu vas t’en remettre, tu es fait fort. Tu as bien survécu aux mâchoires d’un animal monstrueux.

— Ouais, c’est vrai ça, après tout, répondit le voleur suffisamment rasséréné par ce dernier propos de la cristallière.

Les quatre compagnons poursuivirent encore quelque temps leur discussion dans la légèreté, sur la lancée de la joie procurée par leurs retrouvailles. Puis, réalisant que la clarté diminuait, du fait du prochain passage de Dévonia sous l’horizon, ils décidèrent de se diriger vers le port. Matronix restait bien visible à bonne hauteur et ne risquait pas de se coucher avant un bon quartier, mais ils préféraient trouver tout de suite un navire pour le continent du Sud, là où se trouvait la cité de Cristal.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21]

Par Joseph Stroberg

​22 — Disparition ?

L’éclipse était maintenant terminée et le groupe s’était remis lentement en marche. La progression était plus laborieuse, car Gnomil ne pouvait pas marcher tant que ses os n’étaient pas ressoudés. À l’aide de son sabre, Tulvarn lui avait construit une civière improvisée en taillant diverses branches liées ensuite à l’aide du cordage restant. En plus de leur ami voleur sur cette dernière, le chasseur portait l’un des sacs rescapés et le moine, les deux autres. Ils laissaient l’arme mortelle à la cristallière qui aurait désormais en charge la première défense du groupe. Le moine n’avait pas pu lui enseigner plus que les rudiments de son maniement, suffisamment toutefois pour lui éviter de se blesser elle-même avec. En cas de nouvelle attaque d’un des animaux monstrueux de cette jungle, les deux Véliens valides déposeraient le plus rapidement possible leur fardeau. Tulvarn se saisirait de la dague de Gnomil, placée maintenant à sa propre ceinture, et Reevirn utiliserait son arc. Ils espéraient toutefois ne plus devoir en rencontrer. Les quatre compagnons étaient d’humeur taciturne et morose. L’ambiance n’était pas aux réjouissances, bien au contraire.

Peu vigilant face à l’environnement et à ses dangers potentiels, le moine s’interrogeait une fois de plus sur la validité de sa démarche. En comparaison des nombreux problèmes déjà rencontrés, il se demandait si cette quête n’était pas finalement pure folie. Il se sentait responsable autant de l’état de Gnomil que de la disparition de Marnia. Et d’après lui, aucun des deux ne méritait un tel sort, pas même le voleur qui n’avait d’ailleurs probablement jamais blessé personne. Même si ce dernier se voyait par son état actuel justement rétribué de ses actions passées — les nombreux vols qu’il avait commis —, une telle rétribution lui paraissait hors de proportion. N’eût été l’intervention rapide de Jiliern, il en serait même mort. En conséquence, Tulvarn devait-il continuer à entraîner ses trois compagnons vers toujours plus de dangers, ceci sous l’effet d’un simple songe, au risque de plus en plus élevé de les voir périr ? Partir ainsi à la recherche d’une très hypothétique relique sans même connaître sa nature n’était-il pas pure folie ? Il n’eut pas le temps de poursuivre plus avant sa réflexion.

Jiliern venait de pousser un cri de pure terreur. Dirigeant son regard vers elle, Trevor la vit se débattre au milieu d’étranges disques rougeâtres tombant du ciel. Il ne put deviner s’il s’agissait de feuilles ou d’une sorte d’animal inconnu. Quelques précieux instants de trop, il restait interdit devant le dramatique spectacle. Les disques flasques tendaient rapidement à submerger la Vélienne, malgré les coups portés à l’aide du sabre. Reevirn ne réagissait pas davantage. Il paraissait impuissant et désemparé en observant la matière gélatineuse et flasque se déformer simplement sous l’impact de la lame. Les disques de faible épaisseur se comportaient ainsi un peu comme de larges flaques d’huile. La lame passait au travers sans les déchirer le moins du monde. Aussi, la cristallière commençait à suffoquer alors que son corps se trouvait maintenant presque entièrement recouvert. Le moine et le chasseur réagirent enfin en déposant le voleur et les sacs. Ils se précipitèrent ensemble vers elle pour tenter de la libérer, mais ils durent rebrousser chemin pour éviter à leur tour d’être pris au piège. D’autres disques continuaient à tomber en planant selon des trajectoires imprévisibles. Pour une raison inconnue, ils se restreignaient néanmoins à une zone particulière du lieu. C’est seulement ce qui leur permit d’échapper au sort de Jiliern. Celle-ci finit en effet par succomber, étouffée sous la masse des disques assaillants. Atterrés, les trois Véliens ne purent qu’assister ensuite à sa disparition difficilement explicable : l’espace occupé par son corps sous la masse gélatineuse se réduisit presque instantanément à zéro. Avait-elle été digérée aussi rapidement ?

— Non ! s’écria soudainement Tulvarn. Qu’ai-je fait ? Ce n’est pas possible ! Pourquoi, Grand Satchan ?! Pourquoi donc tout ceci ?

— Mais vous n’y êtes pour rien, sieur Tulvarn ! Ce sont ces saletés !

— Merci, Gnomil, mais si ! J’en suis pleinement responsable. C’est bien moi qui vous ai entraîné dans cette folle aventure qui s’est avérée n’être qu’une succession de drames !

— Nous l’avons librement consenti, intervint Reevirn. Rien ne nous y forçait, ni toi ni le Grand Satchan. Nous nous doutions de possibles embûches, même si nous de connaissons pas tous les dangers que recèle Veguil, comme ces étranges créatures dont aucun de nous, visiblement, n’avait entendu parler.

— Peut-être, mais sans moi, elle serait encore en vie !

— Peut-être, mais peut-être pas. Tu l’as déjà sauvée de la mort, mais son destin était peut-être de mourir à cette heure précise, ici ou ailleurs, avec ou sans toi. Et puis d’ailleurs, est-elle vraiment morte ?

— Bien sûr qu’elle l’est ! rétorqua le moine, amer. Tu l’as vue comme moi !

— Ce que j’ai vu, est sa disparition inexpliquée sous les disques, au moment où elle semblait rendre son dernier souffle. A-t-elle été si rapidement avalée ou dissoute ? Ou bien quelque chose ou quelqu’un l’a-t-il transportée en un lieu plus sûr ?

— Il faudrait être un grand mage pour une telle prouesse ! Et tout ce que nous avons rencontré était tout au plus un sorcier. Maître Nignel nous a maintes fois démontré l’intérêt d’éviter de se nourrir de faux espoirs. Et les espoirs sont tels lorsqu’ils sont basés sur des données irréalistes.

— N’a-t-elle pas été déjà enlevée ? Est-ce que cela était irréaliste ? Irréel ?

— Hum ! C’est vrai, je te le concède, mon ami. Pour autant, j’ai deux objections, répliqua le moine qui malgré tout retrouvait un état intérieur moins torturé, grâce aux paroles de ses deux amis. La première tient au fait que son enlèvement avait été réalisé par quelque sorcier qui ne semblait pas bien intentionné. La seconde est qu’il est peu probable qu’une seule et même personne bénéficie deux fois de tels phénomènes très inhabituels, pour ne pas dire presque impossibles en temps ordinaire.

— Eh bien, j’ai quelques objections à tes objections, rétorqua Reevirn avec un léger amusement dans la voix. La première est que nous ne sommes peut-être pas dans un temps si ordinaire que cela. La seconde est que Jiliern pourrait avoir attiré l’attention de certains êtres particuliers dont il resterait à déterminer la nature. La troisième est qu’elle n’est manifestement plus là et qu’une digestion aussi rapide est assez peu probable.

— Oui, bon. Je ne chercherai pas de nouvelles objections. Cela m’est déjà difficile à vivre. Je me suis attaché à elle. Qu’elle soit morte ou disparue revient presque au même. Et vivre dans le doute à ce sujet m’est presque intolérable. Toujours est-il que je me sens responsable, au moins partiellement. Ça ne fait qu’ajouter à ma douleur.

— Qu’aurait pu proposer ton maître en de telles circonstances ?

— Je ne sais pas. Je ne me sens pas en état de me remémorer, et encore moins de réfléchir, même si ce n’est certainement pas digne d’un moine. C’est d’ailleurs peut-être pourquoi je suis resté novice après toutes ces années. Maître Nignel devait l’avoir lu en moi.

— Allons donc, sieur Tulvarn, je suis sûr que vous vous dévalorisez !

— Non, ami Gnomil, je sais ce que je ressens. Et ici, maintenant, je ne suis pas capable de me rappeler ou de deviner ce qu’aurait pu dire mon maître, car ma douleur est trop vive. Or, un moine devrait pouvoir la transcender, ou même être dans un état permettant d’éviter de telles souffrances. J’en suis manifestement très loin, trop loin. Jiliern me manque. Son énergie particulière me manque. Au fil des jours, elle a pris de plus en plus de place en moi, sans que je m’en aperçoive. C’est maintenant que je le réalise.

— Je peux comprendre. Pour autant, n’existe-t-il pas un moyen pour toi de t’affranchir de ce manque ou de le rendre plus supportable ? Les moines n’ont-ils pas connaissance de certaines astuces ou techniques, par exemple ? Des genres de méditation ? Autre chose ?

— Tout de suite, je ne suis pas vraiment en état d’y penser. Pourtant, il le vaudrait mieux. La présence de Jiliern me manque déjà. Et les moines ne travaillent habituellement pas ce genre de situation. Ils sont le plus souvent enfermés à vie dans leur monastère et leurs environs immédiats et ne nouent guère de relations avec les rares visiteurs.

— Je comprends. En sommes, vous êtes préparés à beaucoup de choses, sauf à vivre dans le monde.

— En effet. Et c’est plutôt ironique quand on pense que notre rôle principal est d’aider les autres Véliens, ceux qui habitent jour après jour dans ce monde. Bien sûr, il s’agit avant tout d’une aide spirituelle, mais il apparaît finalement que nous négligeons trop le fait que l’esprit s’incarne dans la matière. Et donc je me rends maintenant compte que nous ne sommes pas vraiment préparés à faire face à de nombreuses situations qui pour les autres Véliens relèvent pourtant de l’assez probable ou du fréquent. Était-ce pour cela que j’ai ressenti ce besoin de partir à l’aventure ? Mais dans ce cas, pourquoi les autres moines ne le font-ils pas aussi ? J’apparais plutôt comme un cas exceptionnel. Je n’ai connaissance d’aucun autre du temple ayant entrepris ce type de démarche… Peut-être ne suis-je après tout pas un vrai moine.

— En raison de ma mémoire déficiente, je ne saurais me prononcer sur ce point.

— Et pour ma part, je n’ai guère fréquenté les moines jusqu’à présent, intervint Gnomil qui reposait toujours à terre. Je ne pourrais vous être d’un grand secours, sieur Tulvarn, sur de telles questions. Par contre, pour ce qui est de la fréquentation des Véliennes, j’ai malgré tout une certaine expérience. Plusieurs d’entre elles se montraient sensibles aux petits cadeaux que je leur ramenais de temps à autre. Cependant, je ne me suis pas attaché spécialement à l’une d’elles, puisque je pouvais en fréquenter plusieurs, au moins une par village. Aussi, je ne suis pas familiarisé avec cette sensation de séparation que vous éprouvez. Quoi que… je pourrais peut-être la comparer avec celle que j’ai ressentie en quelques occasions lorsque j’ai dû me séparer de certains de mes trésors pour sauver ma vie.

— Et comment surmontais-tu cela ? lui demanda Reevirn.

— Ça ne durait pas trop longtemps, car j’imaginais que j’allais en trouver de plus beaux ou de meilleurs. Cela effaçait rapidement la déception de la perte.

— Hum ! Ceci me semble difficilement transposable à ma situation. Je ne souhaite pas vraiment rencontrer une Vélienne qui serait plus belle ou meilleure que Jiliern. C’est elle qui me plaît telle qu’elle est, ou telle qu’elle était, car elle est probablement morte.

— En attendant, il y a un léger détail qui me fait dire qu’elle doit être quand même vivante, ou au moins qu’elle n’a pas pu être mangée par ces choses, intervint Gnomil.

— Quoi donc ? Lui demanda Tulvarn.

— Son sac. Il n’est plus là non plus.

— En effet. Et alors ?

— Eh bien, ces espèces de monstres plats se nourrissent-ils aussi de cristaux ?

— Oh ! Je vois ce que tu veux dire. Il est peu probable effectivement qu’ils digèrent à la fois les chairs vivantes et des cristaux. Sans compter que le tissu du sac et celui des vêtements ont également disparu.

— Et donc, cela tend plutôt à favoriser l’hypothèse d’un genre d’enlèvement, ajouta le chasseur. Est-ce pour autant la même cause que la dernière fois ?

— Au moins, ça nous donne plus d’espoir de la revoir vivante un jour, si le Grand Satchan le veut bien, appuya le moine.

— Je suis cependant loin de penser que le Grand Satchan s’occupe de ce genre d’affaires, modéra le voleur.

— Pourquoi donc ?

— Parce que j’ai du mal à imaginer que quelque chose d’assez phénoménal pour avoir créé notre vaste univers s’amuse ensuite à intervenir aux infimes niveaux de nos minuscules vies individuelles. C’est comme si nous nous occupions de nos cellules individuellement. Nous sommes déjà bien petits sur notre grosse planète, mais en plus, celle-ci n’est qu’une parmi des milliards dans notre galaxie, elle-même perdue quelque part dans ce coin du cosmos. Du moins c’est ce que laisse entendre le Livre, n’est-ce pas, même si je ne suis pas du tout en mesure de vérifier tout ça ?

— Hum ! c’est vrai. Humaniser le Grand Satchan est une mauvaise habitude des moines. Maître Nignel nous avait pourtant mis plusieurs fois en garde contre cette tendance.

— Donc, je pense que si dame Jiliern s’en sort, c’est plus une question de chance que d’intervention du Grand Satchan. Ou encore, je peux admettre que c’est parce qu’elle serait alignée avec le mouvement cosmique ou le dessein global de ce même Grand Satchan, mais sûrement pas parce que ce dernier s’occuperait d’elle en particulier.

— Je dois admettre que tes arguments présentent une certaine logique. Et d’ailleurs ils ressemblent fortement à ce que nous avait mentionné une fois Maître Nignel. Malheureusement, je ne me souviens plus trop du détail et il ne l’avait plus jamais évoqué par la suite. Peut-être que ces notions ne sont pas fournies aux novices, mais habituellement réservées aux grades suivants.

— Pourquoi le seraient-elles ? demanda Reevirn.

— Eh bien, les moines vivent traditionnellement dans une structure plutôt paternaliste. Ils ont alors assez naturellement tendance à penser qu’ils sont l’objet d’une attention particulière de la part de leur maître, même si celui-ci porte la même attention à tous ses apprentis. Et donc, ils tendent à transposer cela à ce qu’ils voient quelque part comme leur maître suprême, le Grand Satchan. Aussi, je réalise maintenant qu’un des signes de plus grande maturité, probablement nécessaire pour atteindre les grades suivants, est le dépassement de cette vision un peu enfantine des choses.

— Je comprends. C’est bien possible.

— Quoi qu’il en soit, merci pour cet échange. Je me rends compte qu’il a eu pour effet d’estomper ma douleur, conclut le moine reconnaissant. Maintenant, il nous reste à décider quoi faire. Poursuivre vers Beltarn’il, la cité des érudits ? Chercher Jiliern si elle est toujours vivante ?…

— Elle est toujours vivante ! l’interrompit Reevirn. Je sens encore sa présence quelque part. Mais je ne parviens pas à trouver la direction. J’aurais pu le dire plus tôt, mais j’espérais obtenir davantage de précisions. Cependant, rien d’autre ne vient, contrairement à sa première disparition.

— C’est toujours ça de la savoir en vie, répondit le moine soulagé. Continuons alors vers Beltarn’il, puisque nous ne savons pas du tout où la chercher, si vous n’y voyez pas d’inconvénients.

— D’accord, répondirent les deux autres avant de préparer la poursuite de leur chemin vers l’inconnu.

Le voleur se réinstalla tant bien que mal sur la civière, le chasseur reprit le sac dont il avait la charge et le moine les deux autres, puis le trio se remit en route, avec un faible espoir de revoir un jour la cristallière. Celle-ci avait disparu avec ses cristaux et le sabre lumière, le tout complètement digéré ou bien rendu ils ne savaient où.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20]

Par Joseph Stroberg

21 — L’éclipse

La nuit était profonde, mais Gnomil ne parvenait pas à dormir vraiment, à cause de la douleur lancinante dans ses jambes. Il ne faisait que somnoler, oscillant entre de vagues plongées dans le néant et le réveil partiel. Ses atèles lui évitaient le pire, mais elles ajoutaient malgré tout à son inconfort. De plus, il n’avait plus d’abri et le vent s’était levé. L’air nocturne devenait trop frais à son goût, en ce printemps qui n’en finissait pas. La seule chose positive qu’il notait était l’absence de pluie, par ailleurs pourtant habituellement souvent présente en cette saison et en ces lieux. Quelque chose lui paraissait étrange, mais il ne parvenait pas à déterminer quoi. Son esprit embrumé fonctionnait au ralenti lorsqu’il émergeait du semi-sommeil. Et ses impressions subtiles se trouvaient partiellement écrasées par la souffrance physique qui tendait à prendre toute la place dans sa conscience. Pourtant, il aurait mieux valu qu’il l’oublie !

L’air propageait une odeur délicate et à peine perceptible qu’il faillit ne pas remarquer. Elle lui rappelait vaguement quelque chose. Il l’avait déjà sentie, en de rares occasions, au cours des années passées. Dans son état, il ne pouvait se rendre compte de quoi il retournait exactement. De plus, il n’en avait jamais bénéficié, se trouvant chaque fois isolé en ces moments-là, loin de ses semblables, probablement trop occupé à voler l’un d’eux ou à fuir des poursuivants après l’un de ses larcins. En absence de Véliennes, elle n’avait alors rien déclenché de spécial en lui. Cependant, il allait en être autrement pour ses deux compagnons mâles.

Cette nuit, anormalement profonde, alors que des nuées cachaient les étoiles, était en fait une éclipse solaire totale. Dévonia serait masquée pendant plusieurs heures, presque un quartier complet. Tulvarn ne dormait pas et sentait monter en lui une forte et puissante énergie sexuelle. L’odeur provenait du mélange des phéromones féminines des diverses espèces animales et des Véliennes. L’éclipse en était à l’origine, d’une manière encore inconnue. Elle stimulait la sexualité féminine qui à son tour allait réveiller celle des mâles, du moins ceux qui se trouvaient près de compagnes potentielles. La douleur y faisait obstacle, laissait ainsi le voleur à l’écart de cette nuit magique. Blessés ou indemnes, les animaux ne seraient pas en mesure de chasser. Rien ne serait à craindre, même du pire des prédateurs.

Le moine entendit un bruissement croissant au niveau du sol devant lui. Quelques instants après, il ressentit des bras l’enserrer avidement, pendant qu’une paire de lèvres se collait sur les siennes. Il reconnut l’odeur particulière de Jiliern et s’abandonna à leur désir mutuel. Elle l’avait manifestement choisi comme progéniteur et il en ressentit un mélange de gratitude et de compassion. C’était leur première fois à tous les deux. De telles circonstances étaient rares sur la planète. Toutes les espèces animales et humanoïdes s’y consacraient alors au mieux, dès que des couples se trouvaient en présence. La nuit effaçait les traits visibles, aussi bien la beauté que la laideur, aussi bien la jeunesse que la vieillesse… Si les couples étaient sexuellement matures et aptes, seuls l’amour et le devoir pour la perpétuation de l’espèce comptaient. Même si la veille ou quelques heures avant, le partenaire était haï, en ces heures magiques, il ne pouvait plus l’être. La nature planétaire leur insufflait alors son propre amour de manière tellement intense et irrésistible que les couples ne pouvaient guère répondre qu’en s’y accordant. Les exceptions étaient rares, très rares. Certains Véliens et certaines Véliennes avaient par le passé préféré se mutiler pour souffrir et ainsi ne pas partager, ne pas accomplir l’acte sacré.

La douce puissance de leur échange allait rester inscrite dans leur mémoire de manière indélébile. Cependant, dans quelques cycles, quatre œufs allaient chacun donner naissance, en principe, à un nouveau membre de l’espèce vélienne. Et cela risquait de compliquer l’aventure, si le Tétralogue n’était pas découvert avant. En attendant, Tulvarn et Jiliern se blottirent l’un contre l’autre pour le reste de l’éclipse, lançant leur imagination dans la direction des conséquences possibles de leur union.

Jiliern se voyait déjà enseigner son art à deux de ses futurs enfants, laissant les autres aux bons soins de Tulvarn pour leur apprendre les connaissances des moines guerriers. Avec un peu de chances, ils auraient deux filles et deux garçons. Une telle proportion était assez fréquente, au moins les trois quarts du temps. Cependant, alors qu’elle visualisait cette possibilité, une pensée alternative s’immisça dans son esprit : et si leurs enfants ne souhaitaient pas du tout devenir cristallières et moines guerriers ? Peut-être qu’au moins l’un d’eux voudrait par exemple devenir un érudit ? Ou un chasseur comme Reevirn ? En encore un forgeron ? Un bâtisseur ?… Et s’il voulait être assassin ? Tulvarn et elle-même devraient-ils s’y opposer ? Il faudrait qu’elle lui demande. Il semblait plutôt être assez sage et de bon conseil. D’ailleurs, on n’en attendait pas moins d’un moine. Elle-même ne disposait pas de grandes références, ses parents étant morts trop tôt. Elle n’avait pas pu en discuter avec eux et elle ne se souvenait pas particulièrement de ce qui avait déterminé son choix de métier. Elle avait l’impression que cela s’était imposé naturellement, ou que cela avait été toujours présent en elle. Mais peut-être que ses parents auraient eu davantage de souvenirs. Elle ne le saurait jamais. Ainsi, elle n’était pas du tout sûre de pouvoir se baser sur sa propre expérience. Ou alors, il lui fallait considérer l’hypothèse que ses parents n’étaient pour rien dans son choix et n’avaient jamais cherché à l’influencer. Auquel cas, puisqu’elle n’en ressentait pas le moindre ressentiment, bien au contraire, il lui semblait que c’était une bonne chose et que dans ces conditions, elle devait probablement aussi laisser ses enfants libres de tels choix. Mais quand même, avoir l’avis de Tulvarn, ne serait-ce que parce qu’il serait le père, lui paraissait nécessaire.

De son côté, le moine réfléchissait à un tout autre aspect de la situation. Si leur aventure devait se prolonger au-delà de la naissance de leurs enfants, comment pourraient-ils la poursuivre sans mettre en danger la vie de ces derniers ? Il imaginait mal pouvoir leur procurer à tous un bouclier protecteur, sans compter qu’il faudrait alors disposer du moyen, pour l’instant inconnu de sa part, pour les recharger en énergie. Celui dont il disposait présentement avait déjà épuisé la sienne au cours de la journée précédente. Et il ne servait donc plus à rien. Pour autant, il ne pouvait pas s’en débarrasser comme ça en pleine nature. S’il ne pouvait pas offrir une protection suffisante à ses enfants, il n’aurait guère d’autre choix que de renoncer à la relique. De plus, seule Jiliern pourrait les nourrir convenablement au début, par allaitement au sein. Elle aussi devrait donc être particulièrement protégée. Elle ne pourrait plus participer à des activités potentiellement dangereuses et devrait presque obligatoirement renoncer à l’aventure. Il lui restait la possibilité de la poursuivre sans elle, mais cela l’empêcherait de veiller sur elle et sur les enfants. Il ne pourrait pas vraiment s’y résoudre. Il était pris dans un dilemme. D’un côté, il éprouvait le besoin presque impérieux de trouver ce Tétralogue. Et de l’autre, il ne pensait pas pouvoir le faire sans risquer de perdre Jiliern et les enfants. Quoi qu’il en fût néanmoins, pour l’instant ces derniers n’étaient pas encore nés, loin de là, et peut-être qu’il atteindrait avant cela son objectif. Maître Nignel lui aurait probablement dit qu’il ne servait à rien de chercher ainsi à anticiper les événements, et pas seulement parce que trop souvent ils se déroulent d’une manière inattendue. Un Vélien gagnait plutôt à développer ses facultés d’adaptation et d’improvisation. Ainsi, il était mieux armé à faire face à de multiples éventualités, même les plus improbables. Mais surtout, il évitait d’engendrer en lui-même des émotions négatives de peur, d’appréhension, de stress… Il valait donc mieux dans l’immédiat que Tulvarn prenne une grande respiration et pense à autre chose, par exemple au contact fort agréable de Jiliern. Alors qu’ils se tenaient silencieusement allongés sur le sol herbeux, elle était collée sur sa droite, y produisant une douce chaleur qui contrastait avec l’autre côté, exposé lui au vent nocturne.

Tant que l’éclipse durait, les animaux de la jungle ne représentaient pas un danger, d’autant plus que la plupart étaient occupés par leur propre rituel d’accouplement ou de recherche de partenaires, guidés par les sons et les odeurs. Tulvarn n’aurait pas besoin de réveiller Reevirn pour son tour de garde avant qu’elle ne termine. De toute manière, à moins de se doter d’un des cristaux luminescents de Jiliern, le chasseur ne verrait rien. Et en cette obscurité profonde, même eux ne révéleraient pas grand-chose d’autre que l’environnement immédiat, à quelques pas de distance tout au plus. Le ciel était couvert, comme presque tout le temps lors des éclipses, ce qui pouvait paraître étrange. Pourquoi les étoiles n’étaient-elles alors presque jamais visibles ? Mais les Véliens ne se posaient pas de questions à ce sujet. Ils vivaient cela comme allant de soi. Pourtant, Tulvarn trouvait cela curieux. Était-il vraiment Vélien ? Il était bien né ici, sur Veguil. Du moins, ses parents n’avaient jamais mentionné provenir d’ailleurs. De plus, il n’avait jamais entendu parler d’étrangers à la planète ayant l’apparence des Véliens. Il devait donc bien être natif de ces lieux. Pourtant, quelque chose l’intriguait. En y réfléchissant, il y avait trop d’éléments bizarres dans son histoire. Qui avait vraiment tué ses parents ? Et dans quel but ? Pourquoi pouvait-il combattre les yeux fermés quand personne d’autre de sa connaissance n’y parvenait ? Pourquoi était-il si maladroit et étourdi en temps ordinaire, alors que ce genre de désagréments n’arrivait pratiquement jamais aux autres moines, ni d’ailleurs aux chasseurs et aux voleurs, pour ce qu’il en savait ? Pourquoi devait-il chercher cette relique qui n’existait peut-être pas ? Et que venait faire cette étrange légende ? Qui était-il ? Comment pourrait-il faire la différence entre une réelle intuition et ce qui l’avait poussé à s’enfoncer inutilement dans ce gouffre aux Larmes de la sorcière ? À quoi pouvait-il se fier ? Il se sentait dans une obscurité intérieure aussi profonde que celle produite par l’éclipse. Il n’y décelait pas la moindre lueur capable de l’éclairer, de lui fournir un indice. Il en ignorait autant sur lui-même que sur sa destinée. Finalement, il ne se trouvait guère mieux loti que son ami Reevirn. Et ce dernier au moins avait la justification de l’amnésie !

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22)




Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19]

Par Joseph Stroberg

​20 — Blessures

Alors qu’il leur restait encore deux jours de marche pour sortir de la forêt massive des plaines de l’Ouest, les quatre compagnons commencèrent à croiser divers animaux qui retournaient manifestement vers leur territoire d’origine. Ces derniers semblaient énervés, marchant ou courant de manière le plus souvent erratique. Lorsqu’ils se rapprochaient trop près les uns des autres, ils se lançaient brusquement des coups de patte, de queue, de corne ou de gueule, selon leur morphologie et leur humeur. Mieux valait aux Véliens d’éviter au moins les plus gros et les plus dangereux.

Cependant, la densité animale tendait à devenir dangereusement importante, au point qu’il était de plus en plus difficile aux humanoïdes de s’en cacher. Au détour d’un arbre géant, ceux-ci se retrouvèrent ainsi presque nez à nez avec un monstrueux prédateur qui les dépassait de plusieurs pas de hauteur. Tulvarn plongea au sol sur le côté pour éviter de se faire écraser sous une énorme patte griffue. Reevirn tira une flèche qui ne fit que rebondir sur une peau écaillée manifestement bien trop dure. Gnomil sortit prestement sa dague, mais n’eut pas le temps de s’en servir. Il fut happé par la gueule du monstre. Celle-ci se referma en un claquement sinistre sur les jambes de l’infortuné, broyant au passage des os un peu trop fragiles. Le reste du corps resta prisonnier de la mâchoire. Jiliern, qui se tenait légèrement en retrait, assista horrifiée au drame. Après quelques instants de stupeur, elle tenta de sortir un cristal hypnotique, alors que le moine tirait son sabre et s’approchait du carnivore. Mais elle ne dut qu’à un réflexe désespéré de ne pas être embrochée par deux griffes acérées. Pendant ce temps, Tulvarn parvint néanmoins à porter un coup déterminant qui entailla presque entièrement l’une des pattes du monstre. Celui-ci poussa un puissant rugissement avant de s’enfuir en boitant, relâchant le voleur inconscient qui pissait le sang.

Jiliern était livide, au bord de l’évanouissement. La vision du voleur ainsi mutilée lui paraissait insupportable. Voyant cela, Tulvarn s’en approcha et vint la soutenir tout en faisant signe à Reevirn de s’approcher du blessé. Le chasseur s’empressa de déchirer un large pan de son vêtement pour tenter de colmater au mieux les plaies béantes par lesquelles le sang continuait à se déverser à flots. La cristallière se ressaisit comme elle put, faisant appel à toute sa volonté. Ce n’était pas le moment de flancher. Leur ami était au bord de la mort. Elle se précipita sur ses cristaux pour en ressortir un capable en quelque sorte de geler le sang. Rapidement, elle exécuta quelques passes très près des horribles blessures couvertes de linge pour stopper la grave hémorragie. Le sang sembla progressivement se gélifier, empêchant le voleur de s’en vider complètement. Les blessures de ce dernier étaient graves et sales. Il avait malheureusement perdu la moitié de son sang. Mais au moins, le plus urgent était accompli. Il restait maintenant le plus délicat et le plus long : remettre Gnomil en état. Pour cela, elle allait avoir besoin de l’aide de ses deux autres compagnons : l’un pour l’assister et l’autre pour les protéger.

Pendant que le chasseur s’occupait d’aller chercher toute l’eau qu’ils avaient en réserve, le moine commença à monter la garde, attentif au moindre nouveau danger potentiel. Il devait écarter par des cris et des gestes agressifs tous les animaux qui s’approchaient de trop près. Il lui faudrait cette fois éviter de penser à autre chose. Il ne pouvait pas se permettre une nouvelle étourderie. Dans leur situation, celle-ci pouvait être fatale. Il suffisait d’un seul animal trop dangereux et agressif pour ne leur laisser aucune chance.

Reevirn revint chargé d’eau auprès de Jiliern et l’aida à nettoyer les vilaines plaies de Gnomil. La cristallière sortit ensuite un autre cristal, celui de teclonite qui l’aidait à cicatriser les blessures. Elle passa la fin du quartier à cette délicate opération. Le voleur était toujours inconscient et ceci lui facilitait quelque peu la tâche. Cependant, quand elle aurait ensuite trouvé un moyen de fabriquer des atèles pour les jambes du voleur, il lui faudrait rapidement le réveiller pour qu’il mange des baies sitjiennes. Son teint avait viré au bleu sombre, signifiant qu’il se trouvait probablement à un poil de la mort. Pour gagner du temps, elle envoya Reevirn chercher de solides branches avec la dague de Gnomil, pendant que le moine maintenait les animaux à distance. Afin d’éviter un autre drame, Tulvarn lui donna son bouclier intégral portatif et l’activa, gardant le boîtier de commande avec lui. Le chasseur aurait trop à faire pour trouver des branches suffisamment fines, dures et accessibles sans s’occuper des prédateurs et autres monstres. Avec le bouclier sur lui, il serait protégé des mâchoires, griffes et autres instruments de mort.

Jiliern utilisa la presque totalité du quartier suivant de la journée à régénérer au mieux le corps de leur compagnon blessé, en attendant qu’il revienne à lui. Après le retour de Reevirn, avec l’aide du moine, elle confectionna des atèles puis les plaça sur les jambes du voleur du mieux qu’elle put. Enfin, les trois rescapés mangèrent à tour de rôle pendant que l’un d’entre eux gardait un œil sur Gnomil et le troisième, revêtu à son tour du bouclier maintenait les animaux à distance. Ce faisant, l’énergie de ce dernier s’épuisait progressivement au point qu’il ne restait maintenant que la moitié de la réserve et que celle-ci serait vide avant le soir. Eux-mêmes commençaient à ressentir la fatigue et devraient bientôt s’allonger pour dormir, cette fois sans abri. L’atmosphère n’était pas aux réjouissances. Les trois compagnons se montraient taciturnes et moroses. Difficilement concentrés sur ce qu’ils faisaient, ils ne sentaient même plus les odeurs de la forêt ni la caresse du vent léger qui circulait entre les arbres. Leur aventure s’engageait bien mal. Ils n’avaient toujours pas le moindre indice sur l’emplacement du Tétralogue ou du tombeau du Saint-homme, mais déjà plusieurs déconvenues et un blessé grave. Et ceci, sans compter que Reevirn aurait même pu ne pas être du groupe, s’ils n’étaient pas parvenus à le sauver.

Juste avant la nuit, Gnomil reprit conscience et lâcha aussitôt un grand cri. Le souvenir de son passage par la gueule du géant carnivore était tout frais dans son esprit et il ressentait une terrible douleur autour de ses os broyés. Il valait d’ailleurs mieux qu’il ignore avoir plus d’une vingtaine de vilaines fractures. Le traitement de la cristallière ne pouvait reconstituer aussi vite les tissus osseux lésés. Néanmoins, elle utilisa son cristal hypnotique sur le voleur pour diminuer sa douleur au point de la rendre supportable et atténuer son traumatisme psychique. Au sortir de l’hypnose, il se sentit nettement mieux qu’avant :

— Ouf ! C’est nettement plus supportable maintenant. Merci noble dame !

— Allons donc ! Ne pourrais-tu pas m’appeler simplement Jiliern ?

— Non, noble dame. Cela m’était déjà difficile avant, car notamment vous ne m’avez pas livré à la horde sauvage ni aux assassins, mais maintenant je vous dois la vie et ça m’est désormais impossible.

— Eh bien, j’imagine alors que je n’ai pas le choix et qu’il va me falloir supporter cette appellation. Mais nos deux présents compagnons ont aussi leur part dans ta survie et je ne mérite pas plus qu’eux.

— Oh ! mais je ne les appellerai pas autrement que sieurs Tulvarn et Reevirn. Vous me faites trop d’honneur de m’avoir accepté. Un voleur tel que moi ne le méritait certainement pas. Toute ma vie, j’ai volé, menti et triché, croyant que cela était une bonne manière que de mener ma vie. À force de vous côtoyer, j’en viens à en éprouver une honte de plus en plus profonde. Et cette blessure n’est probablement qu’une partie de ce que je mérite. Vous pouvez remarquer que ce n’est pas tombé sur l’un d’entre vous.

— Pour ce qui est des blessures, notre ami Reevirn a pourtant connu son tour, ayant été au bord de la mort lorsque nous l’avons découvert, et moi-même j’ai été grièvement blessée il n’y a pas si longtemps, devant mon salut à notre ami Tulvarn. Méritions-nous aussi nos blessures ? Je ne sais pas pour Reevirn, mais je ne sais pas trop en quoi ma vie de cristallière mériterait tant que ça ce genre de punition. Et de la part de qui ? Du Grand Satchan ? Crois-tu vraiment que c’est si simple ?

— Je ne sais pas pour vous. Je ne sais pas ce que vous avez vécu auparavant. Pourtant, je sens que dans mon cas, il s’agit d’un rétablissement ou d’une réparation. Quelque chose comme ça. J’ai dû faire beaucoup de mal autour de moi, et je viens donc logiquement d’en payer le prix.

— Mais tu n’étais même pas conscient de mal faire, lorsque tu as croisé notre chemin. Comment alors pourrait-il être justifié de te faire payer pour des choix guidés d’une certaine manière par l’inconscience ? D’ailleurs, le moine et moi-même ne t’avons pas puni. Au contraire, nous t’avons offert de te joindre à nous !

— Oui, c’est vrai. Mais je ne comprends pas votre geste. Ça ne me paraît toujours pas logique. Et qui peut dire que je n’étais pas conscient ? Seulement moi-même, sans aucun doute ! Et si je m’examine, si je me remémore ce que j’ai fait quand je volais, trichais, mentais…, eh bien, je me rends compte que justement je n’écoutais pas la voix de ma conscience, cette petite voix timide en moi qui me signalait que ce que je faisais n’était pas correct, n’était pas juste… Elle était timide, presque inaudible, parce que je l’étouffais, parce que je ne voulais pas l’entendre. Mon cœur ne pouvait saigner, parce que je l’endurcissais, je le transformais en pierre, comme ces cailloux que j’utilisais parfois pour briser ce qui faisait obstacle aux trésors convoités. J’ai honte, profondément honte ! Mais je remercie le Grand Satchan pour sa justice et pour l’instrument qu’il a choisi à cette fin !

— Eh bien, encore un peu et tu vas virer moine, ne put que répliquer la cristallière, légèrement déconcertée.

— Hum ! Je crois que je peux comprendre ce qu’il raconte, intervint Tulvarn. Maître Nignel évoquait parfois ce qu’il appelait la loi immanente de l’équilibre. Il disait que l’univers est ordonné, mais que les choix désordonnés des êtres conscients, à cause de leur liberté d’agir dans un sens plutôt que dans un autre, pourraient conduire au chaos. S’ils agissaient tous sans tenir compte de cet ordre cosmique et de ses lois, chacun dans sa direction particulière sans tenir compte des conséquences, ils produiraient un désordre tel qu’il pourrait détruire les fondements mêmes du cosmos et amener sa ruine. De moins, ceci s’il n’existait pas cette loi d’équilibre.

— Qu’est-ce que cette loi ? demanda le chasseur, avide de combler les lacunes de sa mémoire renaissante.

— Maître Nignel expliquait qu’elle permettait de rééquilibrer l’univers, malgré les milliards de milliards d’actions antagonistes et irresponsables des êtres insuffisamment conscients. Elle le faisait en leur offrant de vivre plus tard les conséquences de leurs choix. Ainsi, quand ils vivent dans leur chair ces conséquences, ils finissent un jour par réaliser pleinement la portée de leurs actions. Prenons l’exemple d’un tyran qui emprisonne ou empoisonne ses opposants et adversaires réels ou potentiels. Il le fait sans la moindre idée de justice et de justesse, mais seulement par désir de supprimer ce qui fait obstacle au maintien de sa position privilégiée. Eh bien, un jour, plus tard, la plupart du temps dans une vie suivante, sa conscience se retrouve dans une nouvelle circonstance, souvent bien différente, souvent dans un nouveau corps, avec une personnalité qui peut être radicalement différente. Là, il va être amené à subir un empoisonnement qui pourra le laisser handicapé ou très affaibli, ou bien un emprisonnement qu’il trouvera particulièrement injuste, de la part d’un tyran ou de toute personne qu’il trouvera tyrannique dans sa manière d’agir.

— Mais quel intérêt, intervint le voleur, si nous ne nous souvenons pas de ce que nous avons fait auparavant ?

— La conscience, cette petite voix intérieure que tu évoquais, elle, elle le sait. Il s’agit de ce que l’on nomme communément « l’âme ». C’est elle qui survit à la mort et garde en mémoire l’essentiel de nos choix et actions qui en découlent. Et tant que nous ne sommes pas pleinement capables de choisir en conscience dans le sens de l’ordre et des lois cosmiques, tant qu’au contraire nos actions sont encore trop souvent guidées par l’irresponsabilité et l’égoïsme, eh bien cette conscience se réincarne en vertu de la loi d’équilibre. Elle cesse de s’incarner lorsqu’elle intègre en elle-même le principe d’équilibre, la mesure des conséquences des choix et la sagesse d’agir en fonction de cette mesure. Du moins, c’est ce que mentionnait mon Maître. Mais je ne suis pas sûr d’en comprendre ni percevoir correctement la portée et les implications. Et puis, il reste la possibilité que cette perception des choses soit plus ou moins complètement erronée. Le Livre rapporte d’autres systèmes de croyances tels qu’ils existent sur différentes planètes. Il y en a des millions et ce dont parlait le vénérable Nignel n’est que l’un d’eux, même s’il fait partie des plus communs.

— Et surtout, ça ne m’éclaire pas vraiment sur la cause de ma propre blessure, intervint Jiliern.

— Celle-ci pourrait-elle être d’un autre ordre qu’un genre de rééquilibrage ? interrogea Reevirn.

— Lequel ?

— Permettre votre rencontre avec le moine ?

— Hum !… Ça mérite réflexion… Est-ce que certains accidents qui peuvent nous paraître négatifs auraient en réalité pour objectif de produire des effets positifs ? Je n’en sais rien, mais ça me trouble ce que tu soulèves. Dans un tel cas, est-ce que c’est l’âme qui provoque l’accident ? Le Grand Satchan lui-même ? Autre chose ? J’avoue que je n’ai cependant pas vraiment envie d’y réfléchir maintenant et que je préférerais que nous dormions. Je me sens trop fatiguée.

— D’accord pour dormir, approuva le voleur.

— Puisse le Grand Satchan vous retrouver demain en grande forme ! Je prends le premier tour de garde, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

Sur cette conclusion, Tulvarn se plaça adossé à un arbre tout près de ses trois compagnons. Ceux-ci s’étaient allongés pêle-mêle sur l’herbage juste devant lui. La débandade animale avait cessé depuis quelque temps et les menaces seraient certainement moins fréquentes maintenant. Cependant, la vigilance restait de mise, car le ciel devenait de plus en plus sombre.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21)