8 mai : le message de Jeanne d’Arc à la France d’aujourd’hui

08/05/2023 (2023-05-08)

[Source : bvoltaire.fr]

Par Iris Bridier

En souvenir de la libération d’Orléans le 8 mai 1429, le deuxième dimanche de mai a été institué par la loi du 10 juillet 1920 comme fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme. Deux mois auparavant, le 16 mai, le pape Benoît XV avait canonisé la Pucelle d’Orléans. Depuis lors, sa fête religieuse est fixée au 30 mai. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la figure héroïque de la patrie viendra unir sous un même drapeau ceux qui croient au Ciel et ceux qui n’y croient pas, dépassant les clivages de la laïcité agressive de 1905. Aujourd’hui, Jeanne d’Arc peut-elle encore dépasser les chapelles, les clivages et les partis ? Réponses avec l’abbé Jacques Olivier*, auteur du livre Le Prophétisme politique et ecclésial de Jeanne d’Arc (Cerf).

Iris Bridier. En quoi le message de Jeanne d’Arc, que vous présentez dans votre ouvrage comme un prophète, s’adressait non seulement à son époque, mais aussi à toutes les époques et donc à la nôtre ?

Abbé Jacques Olivier. Les paroles du Christ dans l’Évangile sont intemporelles : quand Dieu parle aux hommes, il manifeste la vérité avec une grande lumière. Le message prophétique de Jeanne d’Arc, reçu de Dieu pour être transmis à ses contemporains du XVe siècle, reste aussi vrai que jadis. Il est toujours à recevoir, comme toute vérité.

L’époque de Jeanne, avec ses crises et ses remises en cause, correspond à la charnière entre la chrétienté médiévale et les temps modernes, avec l’apparition des idées sur lesquelles est construit notre monde. Le message de Jeanne met en garde contre certaines dérives de l’époque qui sont très similaires à celles d’aujourd’hui. Sa canonisation, il y a juste un siècle, en 1920, et sa grande popularité contemporaine manifestent la fascination de notre époque pour sainte Jeanne d’Arc et une soif de se mettre à sa suite et de suivre son exemple.

I. B. Que dirait Jeanne d’Arc à l’Église aujourd’hui, d’une part, et à Emmanuel Macron, d’autre part ?

A. J. O. Le grand message de Jeanne à l’Église de son temps se résume dans sa magnifique parole dite aux clercs qui la jugent à Rouen : « Dieu premier servi. » Aujourd’hui encore, il reste un appel pour l’Église à accomplir par-dessus tout sa mission d’enseignement de la foi, de sanctification des âmes et de recherche du salut éternel, sans se laisser tenter par des compromissions de son message ou une soumission dans ces domaines aux régimes temporels et aux aléas politiques du temps.

Le message au roi Charles VII est celui du sacre de Reims, qui rappelle que tout pouvoir temporel vient « de par le roi du Ciel ». La France, fille aînée de l’Église, selon les paroles du pape Pie XI ou, plus récemment, de Jean-Paul II au Bourget, est appelée à montrer l’exemple d’une nation chrétienne à la face du monde. Jeanne d’Arc, par sa mission, montre à tout gouvernant qui cherche en vérité le Bien Commun, aujourd’hui comme jadis, non seulement les racines chrétiennes de la France, mais surtout que la grandeur actuelle de ce pays et son rayonnement sont à la hauteur de sa fidélité aux promesses de son baptême.

I. B. Il y a aujourd’hui encore grande pitié au royaume de France, nous faut-il une nouvelle Jeanne d’Arc ?

A. J. O. La situation actuelle de la France est bien connue. Comme au temps de sainte Jeanne d’Arc, elle souffre et espère. Et Dieu sauve toujours son peuple. Jeanne d’Arc est arrivée par la prière du peuple de France, écrasé par la guerre, l’insécurité, la pauvreté, la maladie ou la faim. La prière confiante du même peuple peut obtenir le même salut.

Mais la question se pose : attendons-nous passivement une nouvelle Jeanne d’Arc qui nous sauve pour nous redonner le confort matériel, la richesse, la paix humaine ou la gloire devant les peuples ? Ou prions-nous avec foi, espérance et charité pour un vrai miracle qui nous remette davantage sur le chemin du Ciel, en étant prêts à s’engager à le suivre avec courage et fidélité ? Et que tout le reste, plus matériel, nous soit donné par surcroît, car Dieu, Père qui aime chacun des ses enfants, connaît nos besoins ?

I. B. Emmanuel Macron a assisté au sacre de Charles III, quel enseignement peut-il en tirer face aux fragilités de nos institutions ?

A. J. O. À notre époque, la légitimité du pouvoir en France, comme dans de nombreux pays, est fondée officiellement sur la loi du suffrage universel ; en Angleterre sur celle de la succession dynastique. Au-delà des apparences, c’est assez similaire : c’est la loi qui fait le roi, le président ou le gouvernant.

Pour sainte Jeanne d’Arc, selon la conception antique, qui englobe et surélève les dimensions légales, dynastiques ou le simple droit du plus fort, c’est le sacre qui fait le roi : on est au-delà de la conception de la loi seule, alors même que le sacre avait perdu de son importance symbolique au XVe siècle et commençait à tomber en désuétude. Le résultat est là : l’onction divine, faite par les mains de l’Église, donne ou redonne une légitimité forte à un roi contesté et le fait passer du statut de dauphin à celui de roi. Les tentatives de son adversaire pour se faire sacrer aussi ou pour discréditer le sacre de son rival en accusant Jeanne d’Arc d’actions en dehors de ce qui est bien et bon n’y ont rien changé : le peuple a suivi celui qui apparaissait clairement comme voulu par Dieu, même s’il était loin d’être aussi saint et parfait que celle qui l’avait conduit sur le trône.


* Prêtre depuis 2003, l’abbé Jacques Olivier exerce son ministère au sanctuaire de Notre-Dame de Bermont, près de Domrémy, où sainte Jeanne d’Arc venait prier chaque semaine.

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