Les dessous du pacte sur les migrations

[Source : UPR]

Que penser et que faire du Pacte de Marrakech, approuvé de façon inconstitutionnelle par Macron seul, dans le dos des parlementaires et des Français ?

Résultats du vote de l’Assemblée générale des Nations-Unies sur le Pacte sur les migrations sûres, ordonnées et régulières le 19 décembre 2018 à New York.

1) État de la situation au 26 décembre 2018

Le « Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières » a été adopté le 10 décembre 2018 en conférence intergouvernementale à Marrakech. Ce Pacte a été formellement rejeté par dix pays : l’Australie, l’Autriche, la Hongrie, Israël, la Slovaquie, la Pologne, la Lituanie, la République dominicaine, la République tchèque et le Chili.

Puis, comme c’est la coutume pour tout texte entériné hors du siège des Nations unies, ce Pacte a été formellement endossé par un vote de l’Assemblée générale des Nations unies le 19 décembre à New York.

Sur les 193 États membres de l’ONU :

  • 152 pays ont voté pour, dont la France et l’Allemagne ;
  • 5 pays ont voté contre : États-Unis, Hongrie, Israël, Pologne et République tchèque ;
  • 12 pays, bien que présents, se sont officiellement abstenus, témoignant par là de leur volonté de ne pas endosser le Pacte pour ce qui les concerne : Algérie, Australie, Autriche, Bulgarie, Chili, Italie, Lettonie, Libye, Liechtenstein, Roumanie, Suisse et Singapour ;
  • 24 autres pays n’ont pas assisté au vote : Afghanistan, Antigua-Barbuda, Belize, Benin, Botswana, Brunei Darussalam, Corée du nord, Guinée, Kiribati, Kirghizistan, Micronésie, Panama, Paraguay, République dominicaine, Sao Tome-Principe, Seychelles, Slovaquie, Somalie, Timor-Leste, Tonga, Trinidad-Tobago, Turkménistan, Ukraine et Vanuatu.
  • Enfin, le nouveau président brésilien, M. Bolsonaro, a fait savoir que le Brésil, dont le gouvernement sortant a signé le Pacte, s’en retirerait dès qu’il aura pris ses fonctions en janvier prochain.

Notons qu’au sein de l’Union européenne, la cacophonie a été complète puisque, parmi les 28 États membres :

  • 19 ont voté pour : Allemagne, Belgique, Chypre,
    Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Lituanie,
    Luxembourg, Irlande, Malte, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie,
    Suède;
  • 3 ont voté contre : Hongrie, Pologne et République tchèque;
  • 5 se sont abstenus : Autriche, Bulgarie, Italie, Lettonie et Roumanie;
  • 1 n’a pas pris part au vote : Slovaquie.

Concrètement, cela signifie que, une fois le Royaume-Uni sorti de l’Union européenne en mars prochain, les 27 États membres restants de l’Union européenne se répartiront en :

  • 18 États de l’UE qui appliqueront le Pacte pour les migrations ;
  • 9 États qui ne l’appliqueront pas.

Comment va-t-il être possible d’appliquer concrètement les
contraintes des traités européens sur la libre circulation des personnes
(et notamment des « migrants ») dans l’espace de l’UE alors qu’un tiers
des États membres de l’UE vont refuser d’appliquer le Pacte en faveur
de ces migrants ? Mystère…

2) Fallait-il que la France signe ce Pacte ?

Il s’agit du premier texte traitant le sujet des migrations de
manière exhaustive. Il est donc amené à devenir une référence, dans le
cadre du système des Nations Unies, ainsi que dans les enceintes
multilatérales régionales.

La signature de ce Pacte par la France soulève deux problèmes majeurs :

  1. Fallait-il que la France le signe ?
  2. Est-il normal que le Parlement n’ait pas été amené à en débattre et à voter ?

De façon étrange, la ligne de défense quasi-unique de M. Macron et de
son gouvernement pour justifier leur décision que la France signe le
Pacte de Marrakech a consisté à affirmer que ce texte était « non
contraignant » juridiquement. Ce qui revient en quelque sorte à dire que
la signature de la France n’aurait aucune importance, quel que soit le
contenu de ce document. 

Il est extravagant de limiter là le débat.

Le simple bon sens fait dire que, si ce texte ne servait à rien, il
n’y aurait eu aucune raison de le signer et il serait incompréhensible
qu’une quinzaine d’États dans le monde, et pas des moindres, aient
refusé de l’endosser. 

Si l’on veut être sérieux, il convient donc d’examiner la portée juridique précise de ce Pacte, et d’étudier son contenu.

En réalité, ce pacte officiellement « non contraignant »
possède un contenu qui n’est pas du tout anodin, et l’expérience
historique prouve que ce genre de traités devient rapidement
contraignant dans les faits d’abord, en droit ensuite.

Du point de vue juridique étroit, il est exact que ce pacte n’est pas un traité qui supplante le droit interne. Le texte du Pacte précise bien en effet, en préambule, § 7 : « ce Pacte mondial établit un cadre de coopération juridiquement non contraignant ».

C’est ce que le gouvernement français – et les médias qui le
soutiennent – se sont échinés à répéter face aux critiques qui n’ont pas
manqué de se faire entendre.

Cependant, le pacte de Marrakech n’est pas un document flou et
superficiel. Bien au contraire, c’est un texte très précis, composé de
41 pages dans sa version française, dont il ne faut surtout pas
minimiser la portée.

a) Le Pacte comporte une série d’affirmations, de
recommandations et d’objectifs, qui ne sont ni anodins ni
incontestables, donc non consensuels.

La première chose qui frappe le lecteur objectif du Pacte, c’est que le contenu en est bien plus idéologique que juridique.

D’une part, il n’évoque pratiquement pas les causes qui sont à
l’origine des grands mouvements de populations comme la misère ou les
guerres. Les  responsables de cette misère ou de ces guerres sont
totalement passés sous silence.

D’autre part, il insiste lourdement sur le fait que les phénomènes
migratoires sont naturels et vont de pair avec la « mondialisation ».

Ainsi, parmi les affirmations tout-à-fait contestables que recèle ce
document; figure par exemple celle-ci, qui apparaît dès le Préambule
(§8), en ouverture du chapitre « Nos ambitions et principes directeurs »  :

« Les migrations ont toujours fait partie de l’expérience humaine depuis les débuts de l’Histoire, et nous reconnaissons qu’à l’heure de la mondialisation, elles sont facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs. »  

Source : http://undocs.org/fr/A/CONF.231/3

Ce Pacte s’inscrit donc dans le droit fil de la
« mondialisation » et considère les migrations comme un phénomène
normal, « régulier », servant fondamentalement d’ajustement
international aux besoins de main-d’œuvre émis par les entreprises.

À ce propos, un article intéressant paru dans le numéro 81 du 18 décembre du magazine Ruptures précise (en page 4) que les idées clés du Pacte sur les migrations trouvent leur origine dans les réflexions du Forum économique mondial de Davos, et plus spécialement dans le groupe de travail baptisé « Conseil de l’agenda global sur les migrations ». Celui-ci a élaboré un document très complet, qui a largement inspiré les organes des nations-unies s’inspirant des migrations, et dont les têtes de chapitre portaient des titres évocateurs :  « migration et compétitivité », « migration et opportunités de business », etc.

Cité par le magazine Ruptures, l’économiste allemand Norbert Haering qui avait assisté à la présentation de ce document à Davos a publié une analyse instructive sur son blog sous le titre « Das Migrationsabkommen als letzter Sargnagel für die linken Parteien » (traduction en français : « L’accord sur les migrations, dernier clou du cercueil pour les partis de gauche »). Il y rapporte les propos entendus dans le groupe de Davos sur le sujet, à savoir que « le secteur privé a intérêt à attirer les talents du monde entier. Pour leur part, les gouvernements, dans l’intérêt de la compétitivité des entreprises, doivent changer le ton des débats en s’engageant pour les migrations. Pour sa part, la société civile (y compris les syndicats) comme garante de conditions de travail décentes, doit se considérer comme partenaire du secteur privé. »

Norbert Haering se réfère par ailleurs à l’économiste mexicain
anti-libéral Raul Delgado Wise, l’un des meilleurs spécialistes du sud
en matière migratoire. Après avoir mené de longues études sur la
question des migrations sud-nord, l’économiste mexicain conclut que «
le scénario soi-disant gagnant-gagnant, notamment martelé par la Banque
mondiale, ne bénéficie en réalité qu’aux pays d’accueil, et plus
précisément aux employeurs dans ceux-ci. »

De fait, Norbert Haering cite une étude de la Banque centrale
allemande de janvier 2018 sur l’impact de l’arrivée en Allemagne de
travailleurs venus de l’Est de l’UE : « l’immigration nette en
provenance des États membres a été, ces dernières années, un facteur qui
a fortement ralenti la hausse des salaires. »

On ne saurait être plus clair sur l’objectif final recherché….

Quoi qu’il en soit, le document onusien comporte 23 « objectifs » très détaillés (cf Pacte, page 7), parmi lesquels plusieurs soulèveraient sûrement des objections et des polémiques chez de nombreux électeurs français s’ils en étaient informés.

Notamment :

  • Objectif 5 : Faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples
  • Objectif 12 : Veiller à l’invariabilité et à la
    prévisibilité des procédures migratoires pour assurer des contrôles,
    des évaluations et une orientation appropriés
  • Objectif 13 : Ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort et chercher des solutions de rechange
  • Objectif 14 : Renforcer la protection, l’assistance et la coopération consulaires tout au long du cycle migratoire
  • Objectif 15 : Assurer l’accès des migrants aux services de base
  • Objectif 16 : Donner aux migrants et aux sociétés des moyens en faveur de la pleine intégration et de la cohésion sociale
  • Objectif 17 : Éliminer toutes les formes de
    discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des
    faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues
  • Objectif 20 : Rendre les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux et favoriser l’inclusion financière des migrants
  • Objectif 22 : Mettre en place des mécanismes de portabilité des droits de sécurité sociale et des avantages acquis

b) Le Pacte constitue une pression sur les États signataires
pour qu’ils endossent ses affirmations et ses recommandations, selon le
système, bien connu des diplomates, de « la pression exercée par les
pairs ».

En tant que pays signataire, la France devra ainsi, dans les années à
venir, démontrer qu’elle agit conformément à son engagement et qu’elle
fait évoluer son arsenal législatif dans les directions fixées par les
23 objectifs.

De plus, le pacte de Marrakech pourra être source de jurisprudence
pour le juge, national ou européen, qui pourrait s’en inspirer pour dire
le droit, et lui donner ainsi un caractère contraignant.

Par ailleurs, il est fort probable que ce Pacte, qui est désormais la principale référence internationale en matière de migration, soit intégré à l’ordre juridique a posteriori (en étant intégré comme référence dans des traités par exemple). Il en fut ainsi de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) du 10 décembre 1948 (dont on fêtait à Marrakech le 70ème anniversaire), comme le précise explicitement le site de l’ONU : 

« Au fil des années, cet engagement [la DUDH – initialement non contraignant] est devenu loi,
que ce soit sous la forme de traités, de droit international coutumier,
de principes généraux, d’accords régionaux et de législation nationale,
grâce auxquels les droits de l’homme peuvent être exprimés et garantis.
La DUDH a effectivement inspiré plus de 80 déclarations et traités
internationaux relatifs aux droits de l’homme international, un grand
nombre de conventions régionales sur les droits de l’homme, des projets
de loi nationaux sur les droits de l’homme, et des dispositions
constitutionnelles, ce qui constitue un système global juridiquement contraignant pour la promotion et la protection des droits de l’homme. »

Cela est d’autant plus problématique que le Pacte de Marrakech
consacre une notion particulièrement floue du « migrant », qui ne
pratique aucune différence entre migrants légaux et migrants illégaux,
et qui confond volontairement différentes catégories et situations
(réfugiés climatiques, demandeurs d’asile, étudiants, regroupement
familial, travailleurs…).

Le juge pourrait ainsi s’inspirer de cette notion très
imprécise de « migrants » pour créer des droits supplémentaires, très
précis quant à eux, applicables à des situations pourtant très diverses.

3) Quels sont les arguments des dirigeants étrangers qui ont refusé de voter pour le Pacte ?

Les grands médias français ont contribué à empêcher tout débat public de fond sur la question du Pacte de Marrakech, en assimilant tous ceux qui objectaient à sa signature à des extrémistes et à des diffuseurs de « fake news », en utilisant pour cela les propos parfois excessifs ou erronés de quelques personnalités de droite ou d’extrême-droite.

Mais ces médias n’ont pas rapporté les explications des dirigeants d’États étrangers qui ont refusé d’endosser le Pacte.

Il est quand même intéressant de citer quelques-unes de ces réactions
qui témoignent que ce Pacte suscite des interrogations et des critiques
chez des gouvernants d’États membres de l’ONU :

1.       ALGÉRIE

En s’abstenant volontairement à l’ONU le 19 décembre, l’Algérie a refusé d’endosser le Pacte pour ce qui la concerne.  

Par l’intermédiaire de M. Hassen Kacimi, directeur du département des migrations du ministère de l’Intérieur, le gouvernement algérien a fait part de ses « sérieuses réserves » concernant les points du Pacte que l’Algérie juge « inappropriés ».

Estimant que le phénomène migratoire « menace la sécurité et la stabilité de notre pays », Hassen Kacimi a demandé à ce que « le droit de définir les politiques publiques migratoires revienne à l’État concerné. C’est également à l’État de définir les concepts juridiques de migration régulière et travailler ».

Le responsable algérien a également déploré l’absence de distinction
entre migrants économiques et migrants humanitaires et a précisé : « On
ne doit absolument pas mettre sur un pied d’égalité les États et les
ONG, de même que le dossier migratoire ne doit pas être instrumentalisé
et constituer un moyen de pression ou d’ingérence, au nom du droit
humanitaire.
Nous ne voulons pas non plus que les mécanismes d’évaluation et de mise en œuvre de ce Pacte évoluent vers une forme devant transformer ce Pacte en instrument juridiquement contraignant.»

L’Algérie a aussi critiqué le fait que le Pacte « élude les grands
défis liés aux évolutions climatologiques et démographiques et ne
prévoit aucune mesure pour le règlement des crises et des conflits dans
les espaces sahélo-sahariens, pour stabiliser ces territoires. Il ne met
pas l’accent sur le développement durable et les mécanismes à mettre en
place au niveau des pays pourvoyeurs de migration ».

2.       AUSTRALIE 

Le Premier ministre Scott Morrison a déclaré le 8 décembre 2018 que l’accord pourrait « saper les solides lois et pratiques de protection des frontières de l’Australie » et qu’il ne le signerait pas.

De fait, l’Australie s’est volontairement abstenue à l’ONU le 19 décembre.

3.       CHILI

Le gouvernement chilien a annoncé le 9 décembre 2018 qu’il ne signerait pas le Pacte.

Le sous-secrétaire du ministère chilien de l’Intérieur, Rodrigo Ubilla, a déclaré le 9 décembre que les représentants de son pays n’assisteraient pas à l’événement à Marrakech et il a précisé : « Nous avons déclaré que la migration n’est pas un droit de l’homme. Les pays ont le droit de déterminer les conditions d’entrée pour les citoyens étrangers ».  

Tout comme l’Algérie et l’Australie, le Chili s’est volontairement abstenu à l’ONU le 19 décembre.

4.       ÉTATS-UNIS  D’AMÉRIQUE
Les États-Unis
ont dénoncé ce Pacte le 7 décembre 2018 car il concourt, selon eux, à
l’établissement d’une gouvernance mondiale aux dépens du droit souverain
des pays à gérer leur système d’immigration.

Dans un communiqué diffusé par la mission diplomatique américaine aux Nations unies, Washington a rappelé qu’il avait quitté les négociations sur ce Pacte parce que les objectifs du document étaient incompatibles avec la loi et la politique américaines, avec les intérêts du peuple américain. Ce communiqué ajoute : « Nos décisions en matière de politique d’immigration doivent toujours être prises par les Américains et les Américains uniquement. Nous déciderons de la meilleure manière de contrôler nos frontières et qui sera autorisé à entrer dans notre pays ».

Washington a indiqué qu’il n’était pas question que ces décisions fassent l’objet « de négociations, d’un examen dans un cadre international » tout en reconnaissant « l’apport de nombreux immigrants à la construction [des États-Unis] ».

De son côté, l’ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, Nikki Haley, a enfoncé le clou : « L’approche globale de la Déclaration de New York n’est tout simplement pas compatible avec la souveraineté américaine ».

5.       ISRAËL

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a annoncé qu’il ne signerait pas le Pacte et a déclaré le 20 novembre 2018  : « Nous avons le devoir de protéger nos frontières contre les infiltrés illégaux. C’est ce que nous avons fait et c’est ce que nous continuerons de faire. » 

De fait, Israël a voté contre le Pacte à l’ONU le 19 décembre.

6.       POLOGNE

Le 9 octobre 2018, le ministre polonais de l’Intérieur et de l’Administration, Joachim Brudziński, s’est prononcé contre le Pacte, en affirmant qu’il « allait à l’encontre des priorités de la Pologne, à savoir la sécurité et le contrôle de ses frontières ». Le 20 novembre 2018, le gouvernement polonais a officiellement annoncé qu’il ne signerait pas le pacte.

Le 19  décembre à New York, le représentant de la Pologne à l’ONU a voté contre le Pacte.

4) Est-il normal que le Parlement français n’ait pas été amené à débattre du Pacte et à voter ?

Macron avait prévu de se rendre en personne à Marrakech le 10
décembre pour l’adoption du Pacte pour les migrations. Sous la pression
de la crise des Gilets jaunes, il y a renoncé in extremis et a
décidé d’y envoyer le secrétaire d’État aux Affaires étrangères,
Jean-Baptiste Lemoyne. Le représentant de la France à l’ONU a par
ailleurs voté en faveur du Pacte lors de l’Assemblée générale du 19
décembre.

Toute cette procédure expéditive et opaque a déclenché une seconde polémique, à savoir que ce
Pacte n’a jamais été débattu ni voté par les parlementaires, ce qui a
suscité une levée de boucliers dans les rangs de l’opposition, notamment
de droite.

Selon le constitutionnaliste Didier Maus, interrogé le 7 décembre 2018 par le journal Libération, une telle procédure serait normale puisque « en France, c’est le contenu d’un engagement et non sa forme qui compte. » Pour Didier Maus, il serait « évident » qu’au regard du contenu du Pacte sur les migrations, il n’y avait pas d’obligation pour l’exécutif de passer par l’Assemblée et le Sénat car le texte « n’est pas contraignant, il n’y a pas création d’institution ou autre. »

Tel n’est pas du tout l’avis de l’UPR.

L’article 53 de la Constitution de la Ve République pose que « Les traités de paix, les traités de commerce, les
traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui
engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de
nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes,
ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne
peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. »

Ainsi, et contrairement aux affirmations de M. Maus, l’article
53 ne pose nulle part le principe qu’un Pacte prétendu « non
contraignant » serait par nature exempté d’un débat à l’Assemblée et au
Sénat, suivi d’un vote.

Par ailleurs, et toujours contrairement aux affirmations de M. Maus, le Pacte crée bien une institution :  celle du « Forum d’examen des migrations internationales »,
qui « se tiendra tous les quatre ans, à compter de 2022 », qui
« offrira l’occasion d’examiner l’état d’avancement de l’application du
Pacte mondial aux niveaux local, national, régional et mondial », et
dont « chaque édition […] donnera lieu à l’adoption d’une déclaration
intergouvernementale sur les progrès réalisés » (cf. Texte page 40, §
49)

Enfin, et tout au contraire de ce qu’affirme M. Maus, l’article 53 force ô combien le Pacte à être débattu et ratifié à l’Assemblée nationale puisque le moins que l’on puisse dire, c’est (en suivant la typologie de l’article 53) :

  • qu’il est « relatif à l’organisation internationale » : c’est un Pacte de l’ONU qui concerne chacun des 193 États membres;
  • qu’il « engage les finances de l’État » : il suffit de lire les 23
    objectifs pour se convaincre des fonds publics importants que sa mise en
    œuvre – par ailleurs vérifiée tous les 4 ans par le « Forum d’examen
    des migrations internationales » – va occasionner à la France;
  • qu’il « modifie des dispositions de nature législative » : la
    lecture des 23 objectifs regorge d’engagements de nature législative ;
  • qu’il est relatif à « l’état des personnes » : par définition même,
    puisque c’est un Pacte qui entend traiter du sort des centaines de
    millions de personnes à travers le monde et en France chaque année !

Il faut regretter ici que les avis de M. Maus semblent être considérés par les médias – et aussi par bien des parlementaires ! –  comme plus importants que la lettre même de la Constitution. On le regrette d’autant plus que M. Maus n’est pas seulement un professeur de droit constitutionnel mais qu’il est aussi un homme engagé politiquement… en faveur de M. Macron. Membre depuis longtemps du Parti radical valoisien (PRV intégré dans l’UDI), il est aujourd’hui président de la Commission des statuts du Mouvement Radical social et libéral (MRSL), résultat de la fusion à l’automne 2017 du PRV et du Parti radical de gauche (PRG), qui a compté deux membres au gouvernement Philippe (Annick Girardin et Jacques Mézard) et dont la plupart des députés ont rejoint LREM !

L’avis de M. Maus, qui est donc celui d’un juge et partie, ne résiste
pas une seconde à l’examen de la lettre de l’article 53 de notre
Constitution : il fallait bien consulter et faire voter le Parlement.

Du reste, c’est ce que font toutes les démocraties européennes :
Belgique, Italie, Allemagne, Suisse, Pays-Bas, etc. ont soumis le Pacte
de Marrakech au débat et au vote de leurs parlementaires. La France fait
exception.

En outre, et étant donné l’ampleur prise par le sujet du Pacte de Marrakech, relayé notamment par les « Gilets jaunes », un
débat suivi d’un vote devant la représentation nationale n’était pas
seulement requis d’un point de vue constitutionnel : c’était aussi un
devoir moral et de légitimité politique. Car, en dépit de certaines fake news
partagées, les « Gilets jaunes » traduisaient une préoccupation
légitime et un désir de laisser le peuple se prononcer sur un sujet
aussi important.

Conclusion : La nécessité de demander aux Français de trancher

Ceci nous amène au cœur du sujet, car sur les questions migratoires,
qui touchent aux hommes et aux femmes dans des situations parfois
difficiles, mais également à la cohésion des sociétés, le débat ne doit pas être juridique, mais politique.

Il s’agit fondamentalement de l’avenir de la nation, et c’est
pourquoi certains principes posés par le Pacte de Marrakech sont remis
en question par un nombre croissants d’États.

Comme on vient de le dire, la plupart des pays qui ont refusé
d’endosser le Pacte (comme l’Italie, la Belgique ou la Suisse), ont fait
le choix de s’en remettre à leur Parlement (ce qui a suscité une crise
politique en Belgique avec la démission du gouvernement).  

Tel n’a pas été le cas en France, ce qui représente à notre sens une
violation éhontée de l’article 53 de la Constitution, n’en déplaise à M.
Didier Maus. Une violation de la Constitution dont l’UPR estime par
ailleurs que le président de la République doit rendre compte devant la
représentation nationale.

La volte-face de M. Macron, qui a décidé au dernier moment de ne pas
aller à Marrakech pour endosser le pacte, mais d’y envoyer un Secrétaire
d’Etat, Jean-Baptiste Lemoyne, prouve d’ailleurs bien que le chef de
l’État n’ignore pas la sensibilité politique du sujet et, pire encore,
qu’il sait bien que cette signature de la France serait sans doute
massivement rejetée par le peuple français s’il le consultait.

Fidèle à lui-même, M. Macron n’a donc pas cherché à se
conformer au mieux à la volonté nationale, mais à décider seul en vertu
de considérations opaques, le tout en protégeant sa personne et en
évitant soigneusement de susciter un débat, à l’Assemblée ou par un
autre biais, sur la question.

Certes, le Pacte de Marrakech contient beaucoup de principes
louables, comme le renforcement de la coopération internationale en
matière migratoire, la lutte contre les facteurs négatifs et les
problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays
d’origine ou encore la lutte contre le trafic de migrants.

Cependant, dès son préambule, le Pacte explique que les migrations
sont « facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable
et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets
positifs », confondant là encore volontairement tout type de migration
et toute sorte de situation.

Cette vision d’ensemble, qui traverse le texte, est un parti pris
idéologique, qui est celui de la « mondialisation inévitable », qui veut
que les mouvements, toujours plus fluides et rapides des capitaux, des
marchandises, et des hommes soient le seul destin de l’humanité.

Cette logique est d’abord celle d’un capitalisme débridé, qui se joue
des frontières pour mieux exploiter les différences de salaires et
maximiser les profits de ses actionnaires. C’est évidemment celle de
l’Union européenne, fondée sur la sacro-sainte liberté de mouvement, qui
ouvre la voie à l’optimisation fiscale et aux travailleurs détachés.

Mais cette logique, c’est aussi celle que refusent de plus en plus de
peuples du monde, qui en voient les limites et qui demandent un minimum
de protection de leurs modèles nationaux, économiques, sociaux et
culturels.

Fidèle à ses convictions démocratiques, et confiante dans la capacité du peuple français à décider de son destin, l’UPR :

  • souligne qu’il reste toujours possible au peuple français de
    revenir sur la décision prise par Macron, de façon inconstitutionnelle,
    de signer le Pacte au nom de la France : le cas du Brésil prouve qu’un
    État peut aussi bien sortir de ce Pacte qu’y entrer ;
  • appelle à un grand débat national sur le pacte de Marrakech
    et la politique migratoire en général, qui devra être suivi d’un
    référendum. Ce grand débat et ce référendum faisaient d’ailleurs
    explicitement partie de mon programme présidentiel de 2017.

François ASSELINEAU

26 décembre 2018

François ASSELINEAU

François
Asselineau, Président de l’Union populaire républicaine. La France doit
sortir de l’Union européenne, de l’euro et de l’Otan.




Les mensonges que l’Occident fabrique puis consomme

[Source : Réseau International]

par Andre Vltchek.

Une fois mon travail au Moyen-Orient terminé, du moins pour le
moment, j’attendais mon vol pour Santiago du Chili. À Paris. Je pouvais
compter sur quelques jours « libres », à traiter ce que j’avais entendu
et vu à Beyrouth. Jour après jour, pendant de longues heures, je me suis
assis dans un bar-lounge, écrivant et écrivant, réfléchissant et
écrivant.

Pendant que je travaillais, au-dessus de moi, la chaîne d’information de France 24 était allumée, diffusée sur un écran plat.

Les gens autour de moi allaient et venaient : Des élites
ouest-africaines dans leurs folles virées shopping, criant sans
cérémonie dans leurs téléphones portables. Des Coréens et des Japonais
en train de se faire Paris. Des Allemands grossiers et des
Nord-Américains costauds, discutant affaires, riant vulgairement,
ignorant les « êtres inférieurs », en fait tout le monde dans leur
entourage immédiat.

Peu importe ce qui se passait dans mon hôtel, France 24
était toujours là, encore et encore. Oui, précisément ; pendant 24
heures, recycler pendant des jours et des nuits les mêmes histoires, de
temps en temps en actualisant les nouvelles, avec un air un peu arrogant
et supérieur. Ici, la France jugeait le monde ; elle enseignait à
l’Asie, au Moyen-Orient, à l’Afrique et à l’Amérique Latine, sur
elle-même.

Devant mes yeux, au-dessus de moi, sur cet écran, le monde changeait.
Pendant de nombreux mois, j’ai couvert les émeutes cauchemardesques des
ninjas violents et traîtres de Hong Kong. J’étais partout au
Moyen-Orient, en particulier au Liban, et maintenant je me rendais dans
ma deuxième patrie, l’Amérique Latine, où le socialisme a continué à
gagner des élections, mais où il était battu, voire terrorisé, par
l’empire occidental corrompu et tortueux.

Tout ce que France 24 ne cessait de montrer, je l’ai souvent vu de
mes propres yeux. Et bien plus encore, sous des angles très différents.
Je l’ai filmé, écrit et analysé.

Dans de nombreux pays, partout dans le monde, des gens ont partagé
leur histoire avec moi. J’ai vu des barricades, photographié et filmé
des corps blessés, ainsi qu’un enthousiasme et une excitation
révolutionnaires extraordinaires. J’ai aussi été témoin de trahisons, de
perfidies, de lâcheté.

Mais dans le bar-lounge, devant la télévision, tout semblait plutôt
groovy, très classe et réconfortant. Le sang ressemblait à une couleur
bien mélangée, les barricades comme une scène de la dernière comédie
musicale de Broadway.

Les gens mouraient magnifiquement, leurs cris étaient étouffés,
théâtraux. L’ancre élégante dans une robe de créateur rayonnait de
bienveillance, chaque fois que les gens sur l’écran osait montrer des
émotions puissantes, ou qu’ils grimaçaient dans la douleur. Elle était
en charge, et elle était au-dessus de tout ça. À Paris, Londres et New
York, les émotions fortes, les engagements politiques et les grands
gestes idéologiques ont été rendus obsolètes, il y a déjà longtemps.

Durant les quelques jours que j’ai passés à Paris, beaucoup de choses ont changé, sur tous les continents.

Les émeutiers de Hong Kong ont évolué ; ils ont commencé à mettre le
feu à leurs compatriotes simplement parce qu’ils avaient osé jurer
allégeance à Pékin. Les femmes ont été battues sans cérémonie, avec des
barres de métal, jusqu’à ce que leur visage soit couvert de sang.

Au Liban, les grands poings serrés de l’Otpor pro-occidental du
changement de régime ont soudain été au centre des manifestations
anti-gouvernementales. L’économie du pays s’est effondrée. Mais les
« élites » libanaises dépensent de l’argent, tout autour de moi, partout
dans Paris et dans le monde entier. Les pauvres Misérables Libanais,
ainsi que la classe moyenne appauvrie, ont exigé la justice sociale.
Mais les riches du Liban se sont moqués d’eux. Ils avaient tout prévu :
ils ont volé leur propre pays, puis l’ont laissé derrière eux, et
maintenant ils se la coulent douce ici, dans la « Cité des Lumières ».

Mais les critiquer en Occident est tabou ; interdit. Le politiquement
correct, la puissante arme occidentale utilisée pour maintenir le statu
quo, les a rendus intouchables. Parce qu’ils sont libanais, du
Moyen-Orient. C’est un bon arrangement, non ? Ils volent leurs
compatriotes du Moyen-Orient, au nom de leurs maîtres étrangers à Paris
et à Washington, mais à Paris ou à Londres, il est tabou d’exposer leur
« culture » de débauche.

En Irak, les sentiments anti-chi’ites et donc anti-iraniens ont été
dispersés, avec force et clarté, de l’étranger. Le deuxième grand
épisode de ce qu’on appelle le Printemps Arabe.

Les Chiliens se sont battus et sont morts en essayant de faire
disparaître un système néo-libéral qui leur a été imposé par les Boys de
Chicago depuis 1973.

Le gouvernement socialiste bolivien, réussi, démocratique et inclusif
sur le plan racial, a été renversé par Washington et les cadres
traîtres boliviens. Des gens y meurent aussi dans les rues d’El Alto, de
La Paz et de Cochabamba.

Israël a recommencé, à Gaza. Puissance maximale.

Damas a été bombardé.

Je suis allé filmer les Algériens, les Libanais et les Boliviens, des
gens qui faisaient pression pour leurs idées à la Place de la
République.

J’anticipais les horreurs qui m’attendaient, bientôt, au Chili, en Bolivie et à Hong Kong.

J’écrivais, fiévreusement.

Pendant que le téléviseur ronronnait.

Les gens entraient et sortaient du bar, se rencontraient et se séparaient, riaient, criaient, pleuraient et se réconciliaient.

Rien à voir avec le monde.

Les éclats de rire indécents éclataient périodiquement, alors même
que les bombes explosaient à l’écran, alors même que les gens accusaient
la police et l’armée.


Puis, un jour, j’ai réalisé que tout le monde s’en fichait. Comme ça ; si simplement.

Vous êtes témoin de ce qui se passe, partout dans le monde, vous le
documentez. Vous risquez votre vie. Vous vous fiancez. Vous êtes blessé.
Parfois, on s’approche de la mort, de très près.

Vous ne regardez pas la télé. Jamais, ou presque jamais. Vous passez à
la télévision, oui, vous fournissez des histoires et des images. Mais
vous ne regardez jamais les résultats ; les émotions que suscitent votre
travail, vos mots et vos images, ce qu’il évoque vraiment. Ou
évoquent-ils seulement des émotions ? Vous ne travaillez que pour les
médias anti-impérialistes, jamais pour le grand public. Mais pour qui
que ce soit pour qui vous travaillez, vous n’avez aucune idée de ce que
les expressions faciales que vos rapports des zones de guerre suscitent.
Ou les émotions qu’une zone de guerre peut provoquer.

Et puis, vous êtes à Paris, et vous avez le temps de regarder vos lecteurs, et soudain vous comprenez.

Vous comprenez : pourquoi si peu d’entre eux vous écrivent,
soutiennent votre lutte, ou même se battent pour les pays détruits,
décimés par l’empire.

Quand vous regardez autour de vous, en observant les gens qui sont
assis dans un salon d’hôtel, vous réalisez clairement : ils ne
ressentent rien. Ils ne veulent rien voir. Ils ne comprennent rien. France 24
est diffusée, mais ce n’est pas une chaîne d’information, comme elle
devait l’être il y a de nombreuses années. C’est du divertissement, qui
est censé produire un bruit de fond sophistiqué. Et c’est le cas. C’est
précisément cela.

Comme la BBC, CNN, Fox et Deutsche Welle.


Alors que le Président socialiste légitimement élu de Bolivie était
contraint à l’exil, les larmes aux yeux, je me suis emparé de la
télécommande et j’ai changé de chaîne pour passer à un étrange et
primitif réseau de bandes dessinées.

Rien n’a changé. Les expressions sur les visages d’une vingtaine de personnes autour de moi n’ont pas changé.

Si une bombe nucléaire avait explosé sur l’écran, quelque part dans le sous-continent, personne n’y aurait prêté attention.

Certaines personnes prenaient des selfies. Pendant que je décrivais
l’effondrement de la culture occidentale sur mon MacBook. Nous étions
tous occupés, à notre façon.

Le Cachemire, la Papouasie Occidentale, l’Irak, le Liban, Hong Kong, la Palestine, la Bolivie et le Chili étaient en feu.

Alors, quoi ?

A dix mètres de moi, un homme d’affaires étasunien criait dans son téléphone :

« Tu vas m’inviter à revenir à Paris en décembre ? Oui ? Nous devons discuter des détails. Combien je gagne par jour ? »

Des coups d’État, des soulèvements, des émeutes, partout dans le monde.

Et ce sourire professionnel en plastique de la dame, la
présentatrice, dans sa robe rétro bleue et blanche, si sûre d’elle, si
française, et si infiniment fausse.


Dernièrement, je me demande sans cesse si les habitants de l’Europe
et de l’Amérique du Nord ont le droit moral de contrôler le monde.

Ma conclusion est : certainement pas !

Ils ne savent pas, et ils ne veulent pas savoir. Ceux qui ont le pouvoir sont obligés de savoir.

A Paris, Berlin, Londres, New York, les individus sont trop occupés à
s’admirer ou à « souffrir » de leurs petits problèmes égoïstes.

Ils sont trop occupés à prendre des selfies ou à se préoccuper de
leur orientation sexuelle. Et bien sûr, avec leurs « affaires ».

C’est pourquoi je préfère écrire pour des médias russes et chinois,
pour m’adresser à des gens qui ont peur comme moi, inquiets de l’avenir
du monde.

Les rédacteurs de ce magazine, dans le lointain Moscou, sont à la
fois anxieux et passionnés. Je sais qu’ils le sont. Mes rapports et
moi-même ne sommes pas des « affaires » pour eux. Les gens dont les
villes sont détruites, ruinées, ne sont pas une sorte de divertissement
dans la salle de rédaction de NEO.

Dans de nombreux pays occidentaux, les gens ont perdu leur capacité à ressentir, à s’engager et à lutter pour un monde meilleur.

En raison de cette perte, ils devraient être forcés d’abandonner leur pouvoir sur le monde.

Notre monde est endommagé, marqué, mais il est extrêmement beau et précieux.

Travailler à son amélioration et à sa survie n’est pas une « affaire ».

On ne peut faire confiance qu’aux grands rêveurs, poètes et penseurs, qui se battent pour lui, le font avancer.

Y a-t-il beaucoup de poètes et de rêveurs parmi mes lecteurs ? Ou
est-ce qu’ils ressemblent, est-ce qu’ils se comportent, comme ces
clients dans le salon de l’hôtel à Paris, devant l’écran qui diffuse France 24 ?

Andre Vltchek

Source : Lies Which the West Manufactures and then Consumes

traduit par Réseau International




Le rabbin Gabriel Hagaï : « Notre Torah est basée sur la justice, l’amour, l’humilité, l’inclusion. Tout le contraire des « valeurs » du sionisme construites sur l’orgueil, l’oppression, la haine et l’exclusion. »

[Source : UJFP]

mercredi 27 février 2019 par Rabbin Gabriel Hagai

Suite à la polémique populaire récente autour de la définition du « sionisme » – et donc de la nature de l’opposition à cette idéologie –, je pense qu’il est important d’apporter ici quelques éclaircissements (en tant que juif orthodoxe séfarade franco-israélien).

Le sionisme est un projet politique séculaire
d’origine européenne qui usurpe l’identité juive pour la transformer en
nationalisme primaire. C’est donc par définition un mouvement raciste,
exclusiviste et hégémoniste, de facto faiseur d’apartheid. C’est cette
idéologie toxique qui a donné naissance à l’État d’Israël. Or, avant
cela, les juifs n’ont jamais été nationalistes, ni par leur histoire, ni
par leur religion.

L’amalgame entre « sionisme » et « judaïsme » est souvent dû au fait
que ce premier est un mouvement nationaliste juif, s’adressant aux
juifs, et dont le but est l’établissement d’un pays juif souverain
(l’État d’Israël) parlant une langue juive (l’hébreu en l’occurrence).
Du coup, le qualifier de « judaïsme » devient séduisant pour certains.
Mais c’est complètement méconnaître l’idéologie même du sionisme dont le
but est de remplacer la Torah (c’est-à-dire l’observance des préceptes
bibliques mosaïques) par du nationalisme. Être juif, pour le sionisme,
c’est être un citoyen de l’État sioniste, pour lequel toute pratique
religieuse est superflue, voire à combattre.

Le sionisme est donc l’adversaire idéologique de la Torah (de la
religion juive). Certes, il existe un mouvement sioniste religieux,
centré autour de la pensée de R. Tsevî-Yehûda Kook (1891-1982), mais
nombreuses y sont les incohérences, les réductions et les contradictions
vis-à-vis des sources religieuses juives authentiques.

Il faut bien comprendre qu’il n’existe pas plus de lien entre le
sionisme (l’État d’Israël) et la Torah – malgré la judaïté des sionistes
– qu’entre le Ku Klux Klan et l’Église Catholique (bien que les
klanistes soient chrétiens) ou qu’entre le FLN algérien et l’islam (bien
que ses membres soient de culture arabo-musulmane). Donc, on ne peut
pas plus affirmer que l’État israélien représenterait LES juifs (tous
les juifs, et le judaïsme en plus), que le Gouvernement algérien
représenterait les musulmans ou le Texas les chrétiens.

Malgré tout cela, l’État d’Israël utilise plusieurs sophismes afin de
s’établir en représentant légitime et exclusif du Peuple d’Israël. La
liste est longue et fallacieuse, et je n’en aborderai ici que
quelques-uns de ses éléments.

Le point le plus important de la propagande sioniste est de
« favoriser le “retour” du Peuple juif en Terre d’Israël » ! Or, à ma
connaissance, des juifs ont de tout temps vécu en Terre Sainte. De quel
« retour » parle-t-on alors, vu que les juifs n’ont jamais rompu leur
lien à cette Terre ? Du pouvoir politique ?

De plus, ce « Peuple juif » cité ici, qui est-il ? Il me semble que
la majorité du Peuple juif ne vit justement pas en Terre Sainte. Qui
donc peut s’établir là-bas en représentant exclusif de ce peuple (et
délégitimer ainsi les autres juifs vivant ailleurs) ?

Et puis, « en Terre d’Israël » – selon quelles frontières ? La Terre
d’Israël biblique comprend aussi l’autre rive du Jourdain (la Jordanie
actuelle) jusqu’à Damas (en Syrie actuelle). Devrait-on entendre par là
qu’il faudrait également que les juifs conquièrent ces territoires afin
d’y assoir leur gouvernance ?

Un autre élément de propagande est l’utilisation ad nauseam de
l’argument sécuritaire. Exactement comme en Afrique du Sud lors de
l’Apartheid – où les Blancs étaient convaincus par la propagande de
maintenir cet état de fait, sinon les Noirs allaient tous les égorger –,
ainsi les Israéliens sont manipulés à croire que tous les Arabes
veulent leur extermination.

Pour accentuer cette démagogie, le souvenir de la Shoah est agité
sans vergogne afin de distiller la peur de l’anéantissement. L’État
sioniste garantirait la sécurité des juifs dans le monde. Or, c’est tout
le contraire qui se passe ! Le raccourci est aisé : identification
entre l’État d’Israël et les citoyens israéliens, puis entre les
Israéliens et tous les juifs. Comment empêcher cet amalgame toxique ?
Les institutions juives françaises n’aident pas à calmer la situation,
au contraire. Leur soutien inconditionnel à l’État d’Israël – et leur
fait d’assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme –, ouvre le bal de
tous les amalgames. La communauté juive se retrouve prise en otage par
l’idéologie sioniste. Les discours s’enflamment de tous les côtés, et le
sang juif coule de par le monde.

Il est important de souligner ici que l’identité juive ne s’établit
pas vis-à-vis des aléas des persécutions (qui sont des épiphénomènes ne
nous définissant pas), mais vis-à-vis de la Torah. C’est elle qui
légitime notre histoire et notre identité en tant que peuple (ou plutôt
en tant que famille) – du coup, selon moi, un juif sans Torah, même si
cela existe de facto, n’a pas beaucoup de sens.

Car nous les juifs sommes une famille, pas une nation au sens
politique du terme. Nous sommes la « Famille de Jacob (Bêt-Ya‘aqov) »,
celle de ses descendants – à qui Dieu a donné Sa Torah par Moïse –, et à
laquelle on peut appartenir par trois moyens : 1. la filiation, 2.
l’adoption (ce qu’on appelle abusivement la « conversion ») et 3. le
mariage. C’est pour cela qu’il existe des juifs de toutes les ethnies,
fruits des mélanges entre nos populations originelles du Moyen-Orient et
les peuples qui nous ont accueillis tout au long de notre histoire.
Ainsi nos gènes sont communs avec nos sœurs et frères les Palestiniens,
qui partagent la même origine que nous.

Notre Torah est justement basée sur la justice, l’amour, l’humilité
et l’inclusion. Tout le contraire des « valeurs » du sionisme
construites sur l’orgueil, l’oppression, la haine et l’exclusion. Selon
notre Torah, on ne saurait donc établir une société saine sur
l’injustice envers ne fût-ce qu’une seule personne (fût-elle non-juive) –
a fortiori envers un peuple tout entier.

Les juifs sont donc les premières victimes de l’arnaque sioniste (la
liste est longue). Les seconds en sont les Palestiniens qui subissent
une occupation violente et un apartheid en règle – quand ils ne sont pas
purement et simplement massacrés.

Aujourd’hui, les personnes qui se disent « antisionistes » justifient
leur point de vue par un ou plusieurs des éléments suivants, parfois
antinomiques (selon Wikipédia) :

1. L’opposition idéologique de principe à l’État d’Israël ou à la
politique israélienne de manière générale, selon le point de vue
qu’Israël serait responsable de la situation et des conflits au
Moyen-Orient.

2. L’opposition à la politique de colonisation des territoires
palestiniens occupés, selon le point de vue que l’État d’Israël et
certains groupements se réclamant du sionisme y appliqueraient une
politique expansionniste dans la perpétuation du projet sioniste.

3. La condamnation de la situation des Arabes israéliens et des
Palestiniens pour lesquels certains estiment qu’ils subissent des
discriminations jugées proches de l’apartheid, voire qu’on perpètre à
leur encontre des « crimes de guerres » et ce, parce que le projet
sioniste serait par essence raciste.

4. Nonobstant la situation des populations non-juives, l’opposition
au caractère juif voulu par le sionisme de l’État d’Israël, selon le
point de vue que ce principe, qui est à la base du sionisme, ne serait
pas laïque et démocratique, mais religieux ou racial.

5. Dans le monde musulman, l’opposition à l’occupation de Jérusalem
et d’autres lieux saints de l’islam par l’État d’Israël ou par des
juifs ;

6. L’opposition à l’existence d’Israël en tant qu’état, ce qui est le
but principal du sionisme, selon le point de vue que seul un état
binational recouvrant toute l’ancienne Palestine historique serait
légitime ou pourrait apporter des solutions au conflit
israélo-palestinien, ce qui est contraire au fondement même du sionisme.

7. L’opposition au droit à l’existence même de l’État d’Israël ou
d’un état juif, souvent dénommé « Entité sioniste » dans ce contexte, et
selon le point de vue que le sionisme ne serait en rien légitime et
qu’il aurait spolié les Arabes palestiniens de leur pays.

Dans le dernier cas, cette opposition (des fois armée et violente) à
l’existence de l’État d’Israël peut même dégénérer en antisémitisme
(c.-à-d. en haine générale du juif) comme l’avait craint Habib Bourguiba
dès 1965 : « Dans le cas de la Palestine, cette haine conduit à
confondre l’antisionisme avec l’antisémitisme, ce qui engendre […] un
fanatisme qui sera dangereux le jour où il faudra négocier. » (dixit
Wikipédia)

L’expression « antisionisme » peut donc prêter à confusion, car elle
est aussi utilisée par ceux qui veulent purifier la Terre Sainte de
toute présence juive (par un massacre pur et simple de la population
israélienne) – ce qui n’est évidemment pas mon cas, ni le cas de mes
amis Palestiniens, ni celui de l’écrasante majorité des gens sains
d’esprit. Surtout que je suis plutôt un partisan de la non-violence, un
adepte de la paix et de la justice.

Une paix authentique en Terre Sainte ne sera possible que fondée sur
la justice pour tous les protagonistes, et non sur la simple absence de
violence ou sur le remplacement d’une injustice par une autre. La paix
ne se fera pas au détriment des Israéliens et au bénéfice des
Palestiniens, ou réciproquement, mais au bénéfice des deux, ensemble.

C’est pourquoi soutenir la paix c’est soutenir les deux camps – pas
les discours politiques, bien sûr, ni les gouvernements, mais les
habitants eux-mêmes –, et servir de médiateur afin qu’ils trouvent
d’eux-mêmes leur propres solutions à tous leurs problèmes. Je pense que
dès la reconnaissance par le Gouvernement israélien de ses erreurs,
l’abandon de l’occupation armée et l’octroi de leur droits aux
Palestiniens, qu’il n’y aura alors plus de problèmes (car plus de
sionisme).

Pour conclure, en tant qu’opposant à l’idéologie sioniste pour toutes
les raisons suscitées (1 à 7, entre autres), j’accepte d’être qualifié
d’« antisioniste » par défaut d’un meilleur terme.

Rabbin Gabriel Hagai

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« Je suis gendarme et j’ai décidé de parler… »

[Source : Collectif National pour la Souveraineté et la Justice Sociale]

Je suis gendarme et j’ai décidé de parler…

Dans les jours qui viennent de s’écouler, des gradés de la police
ou de la gendarmerie ont pris publiquement la parole. Alors que le
colonel de gendarmerie Michael Di Meo a par exemple reconnu en termes
pesés l’existence « de violences policières » contre les GJ, le
directeur de la police nationale Eric Morvan n’a pas tardé de justifier
l’action des CRS contre les manifestants. La troupe elle, par discipline
forcée a gardé jusque là le silence. Pour une des toutes premières
fois, nous publions ici l’ITV que nous a adressée un simple gendarme qui
porte l’uniforme depuis plus de 17 ans. Comme il nous l’a demandé, nous
avons évidemment décidé de respecter totalement son anonymat, pour lui
éviter les foudres d’une hiérarchie qui n’accepte pas que la parole
puisse prendre la liberté de s’exprimer. 

Ce témoignage que j’ai recueilli me ramène en partie au travail
que j’avais effectué pour mon documentaire « dans le secret du Burn
out » avant le mouvement des Gilets jaunes, maladie qui touche plus
qu’on ne le pense des membres des forces de l’ordre. Le rôle que le
pouvoir fait jouer aux forces de polices, toutes catégories confondues,
n’est pas pour soigner un corps profondément malade. Ce témoignage nous
plonge au coeur du mouvement social des Gilets jaunes qui secoue le
pays. Il est question de souveraineté, de relation entre « forces de
l’ordre » et peuple, de Nation et de son avenir…

Jacques Cotta

1/ Vous êtes gendarme. Quel est votre grade? Pouvez vous retracer rapidement votre carrière?

Mon grade est gendarme de carrière. Je suis dans l’institution depuis 17 ans. D’abord en tant que gendarme adjoint puis en tant que sous-officier au grade de gendarme. Je suis passé par des unités très différentes. Des unités spécialisées, des unités de maintien de l’ordre, des unités d’interventions, des unités d’investigations. Je préfère ne pas nommer les unités car ayant un parcours atypique, il est facile à retracer. Ce que je peux dire c’est que cet éventail large m’a permis d’avoir une vision d’ensemble de l’arme dans laquelle je sers.

2/ Pourquoi êtes vous entré dans la gendarmerie?

Je ne vais pas être très original mais je suis devenu gendarme pour
protéger mes concitoyens. J’avais l’envie de servir l’intérêt général,
d’ajouter ma pierre à l’édifice, d’aider mon prochain. 

3/ Vous désirez témoigner dans la situation actuelle. Pour quelle raison? Est-ce facile? Pourquoi voulez vous demeurer anonyme?

Aujourd’hui, je veux apporter mon témoignage pour peut-être provoquer
une prise de conscience de l’opinion publique. Ce qui se passe à mon
sens est un dévoiement de la profession. Profession qui est financée par
l’argent du contribuable et qui ne sert pas toujours les intérêts des
français ou qui la sert mal. Profession qui souffre d’une hiérarchie qui
n’écoute plus, sclérosée, assise dans ses certitudes. Cette hiérarchie
tue ses propres hommes et femmes par son inertie, sa malveillance, sa
violence morale. Bien sûr, il ne s’agit pas de stigmatiser, certains
sont de bons chefs. Mais ceux qui font le mal le font en toute impunité,
c’est intolérable.

Après avoir subie une situation de dénigrements, de calomnies et de
harcèlement, j’ai beaucoup réfléchi au sens de mon engagement. J’ai
dressé un bilan de toutes ces années et de ce que j’y avais vu. J’ai
commencé à m’intéresser de près au nombre vertigineux de gendarmes qui
mettaient fins à leur jour et j’ai étendu à la police. J’ai pris contact
avec des associations (l’AFAR présidé par monsieur MORRA Paul,
lieutenant de gendarmerie victime également, madame BARCOUDA Margareth
dirige l’association Stop-Burn out qui se bat contre la maltraitance au
travail…), des victimes comme moi (Madame Besbiss SEAADE qui a sorti un
livre par exemple), monsieur CARTERON Frédéric (ancien magistrat qui
aujourd’hui défend la cause des gendarmes après le suicide de son ami le
major TESAN en septembre 2018. Monsieur TESAN a laissé une lettre
ouverte dénonçant sa hiérarchie), monsieur GUILLAUMONT Ronald président
de Profession-gendarme (retraité de la gendarmerie qui tient un décompte
pour le moins funeste sur le nombre de suicidé). 

J’ai lu et me suis renseigné. J’ai découvert que je n’étais pas seul.
Quid de Myriam SAKHRI morte en 2011 où l’enquête et le comportement de
la justice se sont révélées être pour le moins suspect. Quid de ce
gendarme à Matignon qui se suicide en octobre ou novembre 2018. Suicide
intervenant bizarrement après une lettre collective de la part de ces
mêmes gendarmes de Matignon dénonçant de graves problèmes au travail en
août 2018 et consultable sur internet. Quid de ce rapport émis par
messieurs BOUTANT (PS) et GROSDIDIER (LR) en juillet 2018 dénonçant un
profond malaise chez les forces de l’ordre. Et cela n’est que la partie
visible si je puis dire. J’ai été ulcéré par tout ce que j’ai découvert.
Et ce silence médiatique, de certains syndicats policiers, des deux
associations professionnels nationales des militaires en gendarmerie,
des politiques… Silence qui ne peut être autre chose que complice de ces
dérives. Il faut que les forces de l’ordre acquièrent une sérénité dans
leur quotidien, une cohérence dans leurs missions, une efficacité pour
la population, une écoute réel (et pas un simulacre) de la base, de ceux
qui sont sur le terrain.

C’est pour tout cela que je témoigne. C’est évidemment très dur car
je sais que je m’expose, même sous le couvert de l’anonymat. Il m’arrive
d’avoir peur. Je suis perdu et ne sais pas si je resterai dans la
gendarmerie. Si je révèle mon identité, je ferai l’objet de sanctions,
de nouvelles brimades. Voyez ce qu’ils ont fait à monsieur LANGLOIS
Alexandre président du syndicat Vigi-police. Il dénonce des faits on ne
peut plus grave. Ils ont cherché à lui nuire par tous les moyens. Leur
arsenal est vaste et je ne veux pas que ma famille souffre de tout cela
encore plus.

4/ On parle d’un malaise dans les forces de l’ordre. De
quoi s’agit-il et est-ce que ça pourrait entrer dans ce qui motive les
GJ?  Il y a eu des vagues de suicides dans la police et la gendarmerie.
Comment réagit-on, dans la troupe comme dans le commandement? On parle
souvent de « déséquilibrés » et de « problèmes personnels ». Est-ce à
votre avis en relation avec ce qui se passe dans le pays?

Il s’agit de pratiques qui nuisent aux métiers, à la sécurité du
pays, des personnes et des biens. Ces pratiques sont dénoncées par des
lanceurs d’alertes. Elles sont de plusieurs ordres, illogiques,
immorales, illégales entre autre.

Cela peut bien sûr avoir un lien avec le mouvement des gilets jaunes.
Ils réclament plus de justice dans plusieurs domaines, plus de
démocratie avec leur « mot à dire » plus souvent, plus d’égalité dans la
répartition de richesse ou dans le traitement des personnes dans la vie
judiciaire, sociale, économique. Aujourd’hui, je suis bien obligé de
constater qu’un dossier concernant un officier, un préfet, un élu mis en
cause ne sera pas traité avec les même égards qu’un ouvrier, un
employé. Les enquêtes seront bâclées voire pas faite du tout.  Les
officiers et commissaires sont aux ordres des politiques et cela pose
donc un problème d’indépendance quand le moment vient d’enquêter sur un
député par exemple. Ou aussi quand la police ou la gendarmerie enquête
sur elle-même (IGGN ou IGPN). Elle ne saurait être juge et partie à la
fois, il y a un conflit d’intérêt. Les gardes à vue illégales sur les
GJ, les interdictions préventives de manifester, les GJ refoulées aux
gares, tout cela est le fait de politiques qui répercutent directement
sur les hiérarchies des forces de l’ordre. Tout cela est sans contrôle.
Le système français est archaïque et dans l’armée, nous avons des
décennies de retard. Toutes les incohérences du terrain sont connues. Si
nous écoutions la base je le répète, nous aurions l’impression d’être
valorisé (nous les militaires) et la sécurité s’en trouverait être de
meilleur qualité.

Les suicides sont un sujet tabou dans les rangs. Les gens en parlent
très peu mais il faut dire aussi qu’ils ignorent aussi le nombre pour
beaucoup. Quant au commandement, ceux que j’ai pu croiser à de rares
exceptions sont obsédés par leur avancement, leur carrière. Chacun doit
marcher au pas au risque de subir les foudres de commandants
tyranniques. 

Des raisons personnelles, ça doit arriver parfois ou même un mélange
des deux, « boulot » et « maison ». En psychologie, j’ai appris qu’un
gendarme qui se tue avec son arme de service dans les locaux de travail,
cela s’appelle une signature.

Dans mon témoignage, vous avez pu voir que j’ai soulevé un certain
nombre de problème dans l’unité où je me trouve. Les réponses face à
tout cela et au fait que je ne me sois pas laissé faire ont été par
exemple de me refuser l’inscription à la formation OPJ, de faire échouer
une permutation pour me rapprocher de ma femme, d’écrire un rapport
mensonger sur moi (me fermant ainsi beaucoup de porte pour la suite de
ma carrière), de faire écrire un collègue car il avait eu une
conversation privée avec moi lors de mon arrêt maladie et de bien
vouloir rapporter le contenu de notre échange, etc etc.

Les forces de l’ordre sont surmenées, manquent de moyens, de
matériels. Ce sont les mêmes unités qui « ramassent ». Les casseurs sont
connus depuis bien longtemps (bien avant les GJ). La justice fait de la
réponse pénale à géométrie variable. On évite de s’attaquer aux vraies
problèmes pour acheter la paix sociale. Leurs vies de familles sont sur
la brèche, ils subissent une pression énorme. Les missions ne sont pas
les missions premières d’un gendarme. Les raisons sont nombreuses.

5/ Parlons de la situation actuelle marquée par le
mouvement des GJ. Est-ce qu’on en parle dans la gendarmerie? Comment
vit-on le terrain? Tous sont-ils identiques (gendarmes, CRS, BAC, etc…)

Je suis en arrêt depuis le mois de septembre 2018 et je ne suis plus
sur le terrain depuis que les GJ ont commencé leur mouvement. Je pense
qu’on en parle oui, à la machine à café, en patrouille, au bureau, c’est
sûr. 

J’ai quand même beaucoup de collègues au téléphone. Les réactions
sont très variées sur le sujet. Il y a beaucoup de rejet (« on les
attend les GJ », « ils nous emmerdent ») car les esprits sont formatés.
La prise de conscience sera très dure chez nous pour comprendre que les
GJ sont le peuple et qu’ils se battent aussi pour nous. Il y en a qui
s’en rende compte mais l’embrigadement, la peur prédomine. Je connais
moins bien la police mais en gendarmerie ceux qui pratiquent le maintien
de l’ordre sont les gendarmes mobiles. Ils sont composés à 80 % de
jeunes gens entre 20 et 30 ans sortis d’école et avec l’esprit très
malléable, c’est bien sûr fait exprès. En brigade territoriale, la
conscience est plus élevée, mais restent la pression et la peur.

Je le répète, le système de peur est énorme car la hiérarchie a un
poids gigantesque et elle est sans contrôle. Aujourd’hui, je suis en
difficulté, et ils m’assèchent financièrement (perte de prime),
m’obligent à aller voir le médecin « militaire », l’assistante sociale
« militaire », je perds mon logement de fonction. Cela fonctionne en
vase clos, c’est très bien réglé.

6/ Des bruits font état de demande faite à la gendarmerie
de tirer sur la foule si nécessaire. Est-ce que ça vous semble
plausible? En avez vous entendu parler? Si oui, pouvez vous donner des
précisions?

S’il s’agit de tirer à balle réelles, je ne sais pas. Plausible ? Si
nos dirigeants sentent que la situation leur échappe, je pense que c’est
un scénario envisageable. Ils montent doucement mais surement dans la
graduation de la réponse. Ils essayent de garder l’opinion publique avec
eux en matraquant d’images de destructions ou dégradations de biens.

Je n’en ai pas entendu parler. Je pense forcément
qu’individuellement, hormis un cas de légitime défense, chacun aurait
une décision à prendre. Je pense que les forces de l’ordre rallieraient
le peuple, mais ça n’engage que moi.

7/ Toute révolution a vu pour que ça marche la police,
l’armée, la gendarmerie « tourner crosse en l’air comme on dit », se
ranger contre les ordres parfois du côté du peuple. Croyez vous qu’il
serait possible que les forces de l’ordre désobéissent aujourd’hui en
france?

Dans nos rangs nous sommes divisés. Très divisés. Depuis notre entrée
en école on fonctionne avec une bipolarité. On nous assène de
fraternité, de cohésion, de camaraderie. Et en même temps, on nous
incite à être meilleur que le collègue, avec la prime au mérite, la
notation, les classements d’écoles, de formation. J’ai pu échanger avec
monsieur CHOUARD Etienne lors d’une conférence. Il pense que si le
nombre (le peuple) est dehors, les forces de l’ordre tomberont les
casques. Je pense qu’il a raison mais la vraie question c’est comment
obtenir ce nombre et de combien de personnes a t-on besoin ? Ou alors
comme je le disais, l’ordre de tirer sur la foule pourrait être
l’élément déclencheur. Mais aujourd’hui nous sommes encore loin de ce
qui s’est passé en Algérie. Au fond de moi, j’espère que l’on s’unira
aux GJ. 

8/ Gendarme et GJ, c’est possible?

Publiquement, la réponse est non. Je suis GJ. Un gendarme n’a pas la possibilité d’exprimer ses opinions religieuses, partisanes, politiques ou d’associations publiquement. Dans mon cas si je le faisais, cela leur donnerait un motif de plus pour me mettre aux bancs des accusés (devoir de réserve que monsieur LANGLOIS remet en cause d’ailleurs, car il dit qu’il n’a pas de fondement légal contrairement au secret professionnel. Lui est policier et nous militaires, je ne sais pas si cela fait une différence) et engager d’autres mesures contre moi (disciplinaires par exemple). Dans le secret, il y en a quand même. Je participe à des assemblées constituantes depuis quelques semaines avec des GJ. Je leur ai dit qu’un changement du système, oui, mais un changement du système militaire/policier est très important pour l’après, si’l y en a un.