Silvio Gesell et la monnaie fondante

20/08/2023 (2023-08-20)

[Extraits et arrangement de https://www.lecho.be/opinions/analyse/bruno-colmant-le-futur-euro-digital-pourrait-ressembler-a-une-monnaie-fondante/10383775.html]

Pour Bruno Colmant, nous ne sommes guère éloignés aujourd’hui du concept de « monnaie fondante » inventé par Silvio Gesell en 1916. Et l’on pourrait s’en rapprocher davantage avec l’euro digital.

Dans son livre « La Monnaie fondante — La plus stupéfiante des révolutions financières »1, Bruno Colmant, professeur à l’ULB et l’UCL et membre de l’Académie Royale de Belgique, a décidé de « ressusciter » un économiste qu’il qualifie de « génial, d’autodidacte, de hétérodoxe et d’anarchiste ». Celui-ci, c’est Silvio Gesell (1862-1930), un Belgo-allemand né à Saint-Vith, qui a imaginé en 1916 la théorie de la « monnaie fondante ». En donnant une date de péremption à la monnaie et en la dépréciant à intervalles fixes, on force la circulation de cette monnaie et son utilisation dans l’économie.

C’est donc une monnaie qui fond ou rouille dans la poche si elle n’est pas utilisée. Un peu comme ces écochèques qui arrivent à expiration à une certaine date, ce qui vous force à les dépenser et faire ainsi tourner le commerce (quand on n’oublie pas de les utiliser !).

Nous ne sommes guère éloignés aujourd’hui de ce concept de monnaie fondante puisque l’épargne européenne n’est plus rémunérée alors qu’elle est rongée par l’inflation. C’est comme si Gesell avait préfiguré en 1916 les taux d’intérêt négatifs que nous connaissons aujourd’hui.

Colmant reconnaît que cette théorie a ses limites : elle ne fonctionne qu’en économie fermée. Elle suppose aussi que la monnaie soit l’unique vecteur de paiement et de thésaurisation ce qui exclut d’autres biens comme l’or.

Mais le principe de la monnaie fondante pourrait revenir en force avec les futures monnaies digitales qui seront émises par les banques centrales (central bank digital currencies ou CBDC). Elle ne fondrait pas nécessairement à un rythme uniforme, mais différencié selon son utilisation ou affectation finale. Elle pourrait par exemple être plus rapide pour des achats de biens et services nocifs (tabac, alcool…), mais serait plus légère, voire nulle pour des biens et services destinés à contribuer à l’intérêt général. Il s’agirait ainsi d’une monnaie qui se rapprocherait du crédit social chinois (où l’on attribue une note aux individus en fonction de leur comportement [social ou écologique, par exemple] et où l’on octroie ainsi des récompenses ou des sanctions).

« Au travers de nos banques commerciales, demain, il sera possible d’ouvrir un compte, en nos noms individuels, auprès de la BCE dans la zone euro. Il est question d’une première limite de 3 000 euros par déposant, mais il est évident qu’un jour, tous nos dépôts seront ouverts à Francfort. »

Et comme un euro déposé auprès de la BCE ne pourra pas coexister très longtemps avec des euros « moins sûrs » déposés auprès d’une banque commerciale, dont le risque de faillite n’est jamais nul, la monnaie tangible disparaîtra.

1 La Monnaie fondante — La plus stupéfiante des révolutions financières, par Bruno Colmant (préface de Koen Geens). Éditions Renaissance du Livre, 160 pages, 18 euros. »

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