Quand des femmes se crêpent le chignon

02/03/2024 (2024-03-02)

[Source : breizh-info.com]

Body shaming (([1] Le Body shaming — littéralement « honte corporelle » — est l’action ou l’inaction consistant à soumettre une personne à l’humiliation et à la critique en raison de ses caractéristiques corporelles.)), ou la fausse sororité : les femmes sont bien pires que les hommes !

Par Audrey D’Aguanno

Commentaires désobligeants, discrimination, lynchage public, on peut s’en offusquer, mais cela va de pair avec la société de l’image : quand on se met continuellement en scène, on s’expose. Et que les commentaires désobligeants aient principalement attrait au physique est assez élémentaire puisque les corps sont les premiers mis en avant. Un phénomène amplifié par la prédisposition des réseaux sociaux à générer de « l’opinion » : le moindre imbécile est sommé de donner son avis sur tout et n’importe quoi. Mais comme le ridicule ne tue plus, on a trouvé bon d’en faire un phénomène, le body shaming. Avec un nom anglo-saxon, ça fait encore plus cool, comme toutes les conneries que nous exporte l’Oncle Sam.

Dans les cercles progressistes, dénoncer avoir été victime de body shaming, c’est la gloire assurée. Pareillement, exhiber bourrelets et poils inopinés, c’est être rebelle. Avec, en filigrane, que la laideur est la nouvelle beauté, ou que cette dernière n’a jamais existé, on ne comprend plus trop…

Mais le plus surprenant reste encore le fait que ce body shaming est imputé au fameux et terrifiant « patriarcat ». On nous dit très sérieusement que sans le patriarcat — même si personne n’a l’a jamais vu — ce serait la fin des moqueries sur l’apparence féminine. Ce qui est absolument magique puisque ce sont les femmes qui critiquent et insultent le plus le physique de leurs congénères ! Si les études en la matière ne convainquent pas, il suffira de lire les commentaires sous une quelconque photo de femme laide ou extrêmement sexy pour s’en assurer. Accuser les hommes d’une « faute » commise en grande partie par ces mesdames, il fallait oser. Mais on est plus à une incohérence près : pour abattre le mâle, tous les mensonges sont permis. Accusons-le gaiement de tous les maux de la Terre, de toute façon personne n’ira chercher midi à quatorze heures, il est tout désigné. Et encore une fois, ça vous rendra cool.

[Voir aussi :
« Le patriarcat n’existe pas »]

Outre à détruire le mythe de la sororité envers et contre tous, cela met en évidence un autre point : que les femmes sont plus vulnérables et plus sujettes aux modes. En effet, lorsqu’il s’agit de nous soumettre à des injonctions esthétiques, nous faisons tout toutes seules, comme l’illustrent à la perfection les modes des lèvres exagérément gonflées et celles des muscles saillants ou de la minceur extrême qui déplaisent tant à ces messieurs, mais que des femmes s’infligent y voyant le nec plus ultra de la beauté.

Ce à quoi il faut ajouter que les hommes sont plus tolérants que les femmes quant aux petites imperfections qui nous obsèdent. Cellulite et quelques kilos de trop ne sont pas un frein au désir masculin, mais bien un complexe de femme. (Loin de moi l’idée de vanter le body-positive — qui n’est qu’une tentative de normaliser l’obésité et une excuse pour les moches de le rester —, mais plutôt un juste milieu entre la fausse perfection des Instapoufs et la glorification de l’excès de gras morbide.)

Bref, il ne faut pas blâmer un fantasmagorique « patriarcat », mais le « capitalisme de la séduction », magistralement décrit par Michel Clouscard et l’utilisation de l’image de la femme — en particulier des corps de filles jeunes, belles, frivoles et disponibles — comme outil de promotion publicitaire.

Quant à se plaindre des railleries après avoir publié des photos de ses fesses sur un compte visible à tout un chacun et ouvert aux commentaires, il va falloir accepter que c’est un peu la règle du jeu. Que l’on soit moche comme un pou (puisque l’humain et l’humaine sont fondamentalement mauvais, quoi qu’en pense Rousseau) ou sublime comme Aphrodite (puisque les belles seront toujours perçues comme une menace pour leurs congénères).

Sinon, on peut toujours refuser de s’exhiber. Parce qu’espérer « que les mentalités changent » en « cassant les codes » (sic), risque de prendre un peu plus de temps que prévu. Surtout quand on a de cesse de vouloir abaisser le niveau culturel et les facultés cognitives de la masse.

Audrey D’Aguanno


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Crédit photo : Flickr, Miguel Pires da Rosa
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