L’universalisation des valeurs comme menace pour l’identité politique, économique, culturelle et sociale des peuples

28/09/2023 (2023-09-28)

[Source : telegra.ph]

Par Alexandre Guerreiro, Ph. D.

Au regard du droit international, les États sont exclusivement souverains dans les domaines politique, économique, culturel et social. Cette réalité est susceptible de générer des droits et des devoirs communs aux États qui apparaissent fondamentaux pour la coexistence pacifique entre tous les peuples, indépendamment des systèmes que chacun développe individuellement au sein des trois types de droits que la Déclaration universelle des droits de l’homme désigne comme des droits indispensables : économiques, culturels et sociaux. Ceux-ci, avec les droits politiques, intègrent le droit à l’autodétermination, garantissant ainsi la protection de la dignité inhérente à la personne humaine.

Bien que partiellement autonome — au point que l’on peut parler de constitution économique, de constitution sociale et de constitution culturelle — chacun de ces systèmes fonctionne dans une relation d’interdépendance avec les autres, de sorte que l’absence de l’un d’entre eux affecte l’existence de l’ensemble du système dans lequel il se trouve. Ils font partie de l’État et le constituent. L’identité unique que chaque État assume en fonction de ses caractéristiques justifie donc que chaque acteur étatique décide de manière indépendante des caractéristiques de ses systèmes politiques, économiques, sociaux et culturels, bien que toujours soumis aux limites imposées par l’ensemble des principes communs à toute l’humanité.

En bref, plus qu’un droit reconnu aux États, en tant qu’entité politique, l’exercice de la souveraineté de manière libre et indépendante en vue de la détermination authentique de leurs systèmes politiques, économiques, culturels et sociaux constitue une exigence pour assurer la garantie minimale de la protection de la dignité de la personne humaine et de l’autodétermination des peuples. Les ingérences qui se manifestent dans les domaines politique, économique, social et culturel d’un État relèvent avant tout du domaine des droits de l’homme et affectent leur protection, remettant en cause la poursuite du principe le plus élémentaire du droit international consacré par l’article 1 de la DUDH(([1] Déclaration Universelle des Droits de l’Homme)) : le principe de l’égalité en dignité et en droits de tous les êtres humains.

Tous les domaines du système politique sont définis par chaque État en fonction de ses caractéristiques et comme corollaire de l’exercice de l’autodétermination du peuple. L’altération ou la modification de l’un de ces éléments par une intervention ou une influence extérieure affecte les droits souverains du peuple d’un État et est donc considérée comme une altération anormale de l’ordre constitutionnel.

En ce qui concerne le système économique, il est important de considérer que, par la résolution 3281 (XXIX) du 12 décembre 1974, l’Assemblée générale a adopté la Charte des droits et devoirs économiques des États. Dans cet instrument, l’article 1 consacre le « droit inaliénable et souverain » de tous les États de « choisir leur système économique, ainsi que leurs systèmes politique, social et culturel, conformément à la volonté de leur peuple, sans aucune forme d’ingérence extérieure, de coercition ou de menace ». Sur le plan économique, cette charte, qui codifie et développe les normes généralement admises en matière de relations économiques internationales, reconnaît à tous les États : le droit d’adopter la structure économique qu’ils considèrent comme la plus appropriée à leur réalité ; le droit de traiter la propriété privée conformément à l’intérêt public établi ; la soumission des investissements étrangers au droit interne de l’État ; et l’interdiction de l’ingérence des sociétés multinationales dans les affaires intérieures des États.

Il s’agit également d’un droit exclusif des États d’utiliser et de disposer de l’ensemble de leurs richesses, de leurs ressources naturelles et de leurs activités économiques.

En outre, dans le cadre du droit de participer au commerce international et à d’autres formes de coopération économique, tous les États sont libres de choisir les formes d’organisation de leurs relations économiques et d’établir des accords avec le monde extérieur sans être discriminés en fonction de ces choix. Il appartient également à chaque État de décider des conditions dans lesquelles sont mises en œuvre les réformes sociales et économiques qui favorisent la participation de la population au processus de développement économique interne.

En ce qui concerne le système culturel d’un État, on reconnaît l’importance de la culture comme élément de l’identité des peuples et de la diversité culturelle comme corollaire de la multiplicité des peuples qui habitent les différents États, dans un contexte où l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) a joué un rôle fondamental dans la diffusion de la protection de la diversité culturelle en tant que reflet de la dignité de la personne humaine. Il s’agit donc de protéger et de préserver l’indépendance, l’intégrité et la diversité des cultures et des systèmes éducatifs des États membres des Nations unies, comme le prévoit l’Acte constitutif de l’UNESCO.

En raison de l’engagement des peuples à atteindre ces objectifs, la Déclaration mondiale sur les politiques culturelles de 1982 affirme l’inséparabilité entre l’identité et la diversité culturelles. Les actions conduisant à l’homogénéisation ou à la réduction de l’hétérogénéité culturelle présentent un risque pour la dignité humaine, car l’ascendant d’une culture sur une autre est susceptible de conduire à la manipulation de l’identité d’un peuple, mettant ainsi en péril les minorités et l’égalité entre tous les êtres humains.

En effet, comme le stipule la Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale du 4 novembre 1966, chaque « culture a une dignité et une valeur qui doivent être respectées et préservées » et « chaque peuple a le droit et le devoir de développer sa culture ». De même, la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux, du 27 novembre 1978, établit que la diversité culturelle apporte aux peuples l’affirmation de l’égalité en droits et en devoirs vis-à-vis d’autrui, ainsi que le respect par tous de leur propre identité culturelle et du développement de leur vie culturelle spécifique dans les contextes nationaux et internationaux.

Comme l’indique la résolution 62/155 de l’Assemblée générale du 18 décembre 2007, « tous les droits de l’homme sont universels, indivisibles, interdépendants et intimement liés » et chaque culture a une dignité et une valeur semblables à celles des autres ; par conséquent, le pluralisme par le respect de la multiplicité culturelle constitue la reconnaissance de l’égalité entre tous les peuples et contribue à la paix mondiale par la compréhension et l’acceptation de la diversité. Cette approche suit la ligne directrice adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 3148 (XXVIII) du 14 décembre 1973, dont le préambule énonce le « droit souverain de chaque État de formuler et d’appliquer, conformément à sa situation et à ses exigences nationales, des politiques et mesures propres à promouvoir ses valeurs culturelles et son patrimoine national ».

Par conséquent, les actions extérieures susceptibles d’altérer l’identité ou les aspects culturels d’un peuple ne sont pas des facteurs naturels de transformation, interférant ainsi avec la maturation et la projection des caractéristiques qui font de chaque peuple un groupe social unique dans ses manifestations les plus variées, non seulement les biens culturels, mais aussi les modes de vie et les valeurs morales. Ainsi, tout acte extérieur qui pourrait se refléter dans la culture d’un peuple compromet « la valeur et la dignité de chaque culture » qui, avec la capacité de les préserver et de les développer, sont reconnues comme « un droit fondamental de tous les pays et de tous les peuples ».

Enfin, le système social consiste en un mode « d’interaction directe ou indirecte des êtres humains entre eux », dans lequel la société correspond à un « réseau très complexe de sous-systèmes liés et interdépendants, dont chacun constitue en lui-même un autre système social authentique ». On ne parle donc pas d’un système social, mais de systèmes sociaux, étant donné la multiplicité des dynamiques qui se reflètent dans les différentes formes d’interactions humaines, notamment à travers les relations amicales, professionnelles, familiales et les relations de différentes natures, y compris dans les domaines sportif, éducatif, économique et juridique.

Les systèmes sociaux sont donc déterminés en fonction des caractéristiques d’un peuple, notamment de ses spécificités culturelles, économiques et politiques, et tous ces systèmes interagissent en tant que partie d’un tout. La protection et le rôle de chaque système social, étant donné qu’ils sont au cœur de la mutation et de la consolidation de l’identité d’un État, sont, comme les autres systèmes susmentionnés, protégés de toute dynamique ou initiative d’ingérence forcée non consentie ou dissimulée de la part d’acteurs étrangers au processus normal de son évolution.

En définitive, comme le souligne la résolution 2542 (XXIV) de l’Assemblée générale du 11 décembre 1969, on reconnaît aux peuples le droit au développement social, droit qu’il leur appartient d’exercer, exclusivement, sans ingérence de tiers et sans ambitions impérialistes favorisant l’universalisation des valeurs, des principes et des dynamiques.

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