02/09/2021 (2021-09-02)
Par Lucien Samir Oulahbib
L’erreur stratégique tragique du « camp » dit « souverain » (art.3 de la Ve): partager les mêmes concepts que l’ennemi (1)
Comme il s’agit d’une guerre, le terme ennemi sied bien mieux qu’adversaire puisque nous avons quitté les rives de la « démocratie » depuis en effet 2007 lorsque l’élection de Sarkozy invalida plus tard le référendum de 2005 du « non » au Traité de Lisbonne. Nous sommes désormais dans un « ailleurs » encore indéfinissable quoique portant encore les oripeaux du régime précédent et oscillant entre autoritarisme et totalitarisme, réduisant encore plus les « citoyens » à de vulgaires « consommateurs » cannibales y compris du « politique » (au sens de s’autoconsommer via des besoins miroités). Voilà pour les banalités.
On peut évidemment et également encore en préalable se targuer comme Emmanuel Todd que nous serions en « post démocratie » ou que nous ne l’avons jamais été comme le clament depuis toujours les marxistes et les anarchistes, mais n’allons pas jusque là ici tant, d’une part, Todd depuis Charlie est discrédité et balbutie du Bourdieu tendance Monde Diplo, Médiapart et Marianne avec le concept de « néo-libéralisme » (mais il n’est pas le seul, justement on va le voir) et que d’autre part les marxistes genre Mélenchon et les anarchistes genre Onfray se sont vautrés dans l’autoritarisme hygiéniste et scientiste. Le premier a tenté de rattraper le train en route à propos du « passe » en pérorant avec toupet qu’il faut virer « l’extrême droite » de « nos manifs » (sic), alors qu’il n’a jamais été dans la rue sur cette question et que celle-là vote avec lui ou botte en touche, adoubant sans le dire, mais de fait l’hystérie hygiéniste. Au fond l’un et l’autre partagent la même sauce scientiste et productiviste stakhanoviste pour l’un, localiste pour l’autre avec le bémol sur plus ou moins « d’étrangers » en même temps.
Non, le sujet ici (étudié plus ésotériquement dans Dogma) consiste à s’éloigner de cette analyse surfaite allant de Mélenchon à Zemmour en passant par le Cercle Aristote, Putsch Média, Marianne, etc. nous bassinant sur le « néo-libéralisme » qui serait la source « mère », le moteur ultime de tout ce que nous vivons aujourd’hui (et qui, abattu, permettra, enfin, de construire les fameux « lendemains radieux »). Ceci est non seulement faux, mais puéril parce que dans ce cas et en admettant même que selon leur définition commune le néo-libéralisme serait en gros « la dictature globalisée des banques », on ne voit pas en quoi cela diffère de ce qui se passe depuis le XIXe siècle (lire le 18 Brumaire de Louis-Bonaparte de Marx sur la collusion structurelle entre les bourgeoisies d’affaires et d’État), le terme « néo » semble alors surfait. Et par ailleurs, s’il s’agit de découvrir que des régimes comme « l’oligarchie », la « ploutocratie » peuvent exister, il suffit de lire un peu d’Histoire pour les Nuls, étudier les Anciens pour comprendre le caractère non inédit de la Chose (même)…
Pour synthétiser, nous sommes de plus en plus dans une dérive techniciste, scientiste, étatiste, totalitairement avancée au niveau moral et mental au sens d’être (trans)portée jusque dans les esprits les plus intimes par la bureaucratie d’État et des institutions civiles de plus en plus dépendantes de celle-ci et en lien avec une production urbaine des biens et des services qui s’étend aujourd’hui jusqu’au mental et désormais aux corps humains, au sens littéral, microscopique : colonisation des systèmes immunitaires et cellulaires par des simulacres bionumériques.
Ce processus multiforme (rapidement énoncé) s’est forgé dans la ville cette nation fabricante animée par des habitants spécifiques brassant tous les milieux (du serf en fuite au « vilain » en passant par le membre associé du « bourg » ou bourgeois) et il est moins lié au « capitalisme » qui n’est qu’un outil d’organisation comme l’avait mieux vu Weber que Marx qu’à un rationalisme réduisant la raison à un logicisme se substituant par ailleurs à « Dieu » et donc dérivant vite vers un nihilisme extatique, une ivresse de puissance narcissique (égotisme), mais masquée par une pudibonderie « scientifique » (déjà).
Puis, au fur et à mesure, et malgré le romantisme jusqu’à l’impressionnisme, ce qui devint synthétiquement du scientisme (le futurisme et le cubisme l’accélérant malgré les résistances Dada) put se donner libre cours après les répétitions bonapartistes et bismarckiennes. En effet les carnages des deux guerres mondiales, du nazisme et du communisme ont été inégalés depuis le néolithique. Même les Assyriens, les Romains, les mahométans, les jacobins n’ont pas fait aussi fort, quoique ces deux derniers étaient de bons maîtres pour les Lénine-Trotski et Hitler, mieux même que les Huns et les Mongols d’ailleurs absorbés par les mahométans…
Et comme on le voit aujourd’hui, une prégnance globale sur le monde s’opère avec la fusion sectaire entre les remugles maoïstes, léninistes et tout le fatras radical (ersatz franc-maçonnique) et démocrate-chrétien (jusqu’au jésuitisme aujourd’hui au Vatican pour administrer la liquidation du catholicisme) d’une part, secondés, d’autre part, par la pieuvre administrative globalisée d’une Techno-bureaucratie ivre de puissance totalitaire. Et le tout forme aujourd’hui la Secte techno scientiste hygiéniste qui bâtit les nouvelles cathédrales du nouveau moyen-âge bioélectronique, comme ces réseaux socionumériques spécifiques qui introduisent leur Q/R Code jusque dans les cellules humaines cérébrales.
C’est plus une Secte qu’une Caste, car celle-ci coopte ses membres selon les critères classiques de la confusion d’intérêts, alors que celle-là recrute tous azimuts à partir du moment où une même croyance est partagée, avec trois Commandements à respecter (et non plus cinq comme dans l’Islam): 1/ » la » Science énoncée par le Gouvernement est la seule ; 2/ les relais institutionnels qui la promeuvent sont donc les seuls habilités à dire ce qui « est » vrai ou faux ; 3/ 1 et 2 exigent une liturgie, un catéchisme des comportements qu’il faut respecter.
Ces trois Instructions : la Science même, les vraies définitions à apprendre, et les pratiques adéquates forment tout un état d’esprit qui façonne une perception, une manière de vivre analogues ; ce qui dépasse la notion de « caste » ; ce qui ne veut cependant pas dire qu’il n’existe pas au sein de cette Secte techno-scientiste et hygiéniste-affairiste des « affinités électives » que l’on peut nommer des « castes » à la façon indienne ancienne mouture, sauf qu’il s’agit bien plus que de cela ici puisqu’en comparatif même un « intouchable » peut devenir brahmane s’il est à même d’être un bon membre capable d’agir pour la Secte.
On le voit : agiter ce pauvre concept de « néo-libéralisme » ne peut même pas aider quelques novices, ne serait-ce que de manière propédeutique s’ils se demandent par exemple pourquoi le préfixe « néo » est collé à « libéralisme », car la réalité d’aujourd’hui comme d’hier d’ailleurs est autrement plus complexe tant se chevauchent plusieurs lignes de force qui font que son maillage nécessite de se hisser à un niveau théorique supérieur qui ne se contente plus de recycler quelques vagues notions. Ce qui est en jeu c’est bien moins l’analyse banale des rapports de force entre peuple et élite, entre individus, entre groupes dominants et dominés que l’analyse inédite de cette nouvelle configuration planétaire qui voit à nouveau le triomphe des monstres au visage d’ange comme le prévoyait Pascal (bien avant Foucault…).
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