Le Québec court-il vers une catastrophe énergétique ?

20/06/2023 (2023-06-20)

[Source : libre-media.com]

[Illustration : Des employés d’Hydro-Québec travaillent sur des lignes électriques le 7 avril 2023 à Montréal, après que des pluies verglaçantes ont frappé des régions du Québec et de l’Ontario le 5 avril. Photo: Andrej IVANOV pour l’AFP.]

Par Léo Dupire

En voulant réduire les émissions de gaz à effet de serre à tout prix et en prônant le tout-électrique, le gouvernement du Québec a créé un monstre énergivore qui pourrait bientôt engloutir toute la production d’Hydro-Québec [NDLR L’entreprise publique de production électrique au Québec].

Nous allons dans le mur d’un point de vue énergétique. Nos surplus d’électricité vont s’évaporer d’ici 2027, et en plus, le réseau d’Hydro-Québec est de plus en plus vulnérable.

Ces problèmes résultent des mauvaises décisions de nos politiciens, mais ils peuvent encore y remédier.

Le Québec court effectivement à la catastrophe énergétique. C’est essentiellement ce que nous dit Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Selon lui, à partir de 2027, le Québec risque de manquer d’électricité pour répondre à la demande croissante des entreprises et des consommateurs.

L’électrification forcée

Comment en est-on arrivé là ? La réponse est simple : le gouvernement Legault [NDLR François Legault est l’actuel premier ministre du Québec.] et ses prédécesseurs ont misé sur l’électrification forcée de tous les secteurs de l’économie, sans se soucier des conséquences sur l’approvisionnement en énergie.

En voulant réduire les émissions de gaz à effet de serre à tout prix, il a créé un monstre énergivore qui va bientôt engloutir toute la production d’Hydro-Québec.

Prenons l’exemple des transports. Le gouvernement Legault veut qu’il y ait 1,5 million de véhicules électriques sur les routes du Québec d’ici 2030. Il veut également interdire la vente des voitures thermiques neuves (c’est-à-dire celles carburant à l’essence ou au diesel) à partir de 2035. Sur ce point, il est d’accord avec Justin Trudeau.

Or, selon Hydro-Québec, chaque véhicule électrique consomme en moyenne 2000 kWh par année, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’un chauffe-eau. Cela signifie que les véhicules électriques vont ajouter 3 térawattheures (TWh) à la demande en électricité chaque année, soit l’équivalent de la production annuelle du barrage de La Grande-1.

La demande en forte hausse

Et ce n’est pas tout. Le gouvernement Legault veut aussi électrifier le chauffage des bâtiments, la production industrielle, l’agriculture et même la production d’hydrogène vert. Selon les prévisions d’Hydro-Québec, la demande en électricité va passer de 193 TWh cette année à 205 TWh en 2029, soit une augmentation de 12 %.

Or, les approvisionnements en énergie et en puissance vont se resserrer dès 2027, et dès 2029, il faudra trouver 7 TWh à l’aide de nouveaux approvisionnements.

Quels sont ces nouveaux approvisionnements ? Le gouvernement Legault mise sur trois solutions : la construction ou la mise à niveau de barrages, la construction d’éoliennes et la réduction de la consommation grâce à une meilleure efficacité énergétique. Mais ces solutions sont-elles réalistes et suffisantes ?

Les barrages sont une source d’énergie renouvelable et fiable, mais ils sont coûteux et longs à construire. De plus, ils sont soumis à des contraintes environnementales et sociales qui limitent leur potentiel.

Selon l’Institut économique de Montréal (IEDM), il faudrait jusqu’à 15 ans pour mettre en service un nouveau barrage. Quant aux projets de mise à niveau des installations existantes, ils ne seront pas terminés avant 2035.

Les éoliennes sont une source d’énergie renouvelable et peu polluante, mais elles sont intermittentes et dépendantes des conditions météorologiques. De plus, elles nécessitent des lignes de transport et des systèmes de stockage qui augmentent leur coût et leur empreinte écologique.

Toujours selon l’IEDM, la puissance fournie par les éoliennes n’équivaut qu’à 35 % de la puissance installée. De plus, l’approbation environnementale des projets éoliens n’est pas non plus garantie.

L’efficacité énergétique est une mesure souhaitable et nécessaire pour réduire la consommation d’électricité, mais elle ne peut pas compenser la croissance de la demande liée à l’électrification forcée.

Un réseau vulnérable

En outre, le réseau d’Hydro-Québec est vieillissant et il a été mal entretenu. Il est donc de moins en moins fiable, il y a de plus en plus de pannes et elles durent de plus en plus longtemps. C’est la vérificatrice générale du Québec qui le souligne dans son rapport de l’an dernier.

Les Québécois ont pu le constater au cours des derniers mois. Des centaines de milliers de citoyens ont ainsi dû passer Noël et/ou Pâques dans le noir. C’est un problème de taille alors qu’on s’apprête à électrifier tout et n’importe quoi.

Comme l’a fait remarquer Richard Martineau récemment, c’est pour le moins utile d’avoir un poêle et un foyer au gaz lorsqu’on perd le courant. Si ce n’est pas votre cas, assurez-vous d’avoir une bonne génératrice… au diesel !

Une meilleure approche

Face à ce constat, il faut se rendre à l’évidence : le Québec court à la catastrophe énergétique si rien ne change. Les trois paliers de gouvernement doivent faire un 180 degrés sur leur politique d’électrification forcée et revenir à la raison.

Ils doivent cesser d’interdire ou de décourager l’utilisation de sources d’énergie alternatives qui nous permettent d’économiser de l’électricité, comme le chauffage au gaz et au mazout, les cuisinières au gaz, les foyers au bois ou encore les voitures thermiques.

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On doit aussi envisager de produire plus d’électricité au moyen du gaz naturel, qui est une source d’énergie fiable et peu coûteuse. Le Québec dispose déjà d’une centrale au gaz naturel à Bécancour, qui est utilisée lors des pointes de consommation hivernales.

Et quitte à consommer plus de gaz au Québec, autant consommer du gaz québécois, dont l’exploitation enrichirait nos régions et répondrait à des normes environnementales particulièrement élevées.

Le Québec a besoin d’une politique énergétique réaliste et pragmatique, qui assure la sécurité énergétique des Québécois tout en protégeant l’environnement. L’électrification forcée n’est pas la solution. C’est un mirage.

Une pétition du groupe Québec fier pour la sécurité énergétique et contre l’interdiction des voitures thermiques dès 2035 est désormais en ligne.

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