19/03/2023 (2023-03-19)
[Source : epochtimes.fr]
[Photo : LOIC VENANCE/AFP via Getty Images]
Par AURELIEN GIRARD
On aimerait pouvoir passer à côté de l’actualité de la réforme des retraites, dont les rebonds divers saturent l’actualité depuis plusieurs semaines et plus encore depuis le jeudi 16 mars. Comment, cependant, ne pas vouloir évoquer les lourds symboles maniés depuis. La presse étrangère seule semble trouver utile de rappeler que les premières manifestations spontanées qui ont éclaté à Paris, après l’annonce par la Première ministre Élisabeth Borne de la mobilisation du 49.3 ont eu lieu place de la Concorde, ancienne place de la grève où fut guillotinée la royauté, puis la noblesse et enfin les factions révolutionnaires mises en défaut par d’autres factions.
Depuis, partout en France, les manifestants appellent, au mieux, à la démission d’Emmanuel Macron, et un peu plus souvent reprennent le vocabulaire révolutionnaire, jusqu’à évoquer des décapitations. Comme il y a trois siècles, des effigies du « roi » et de son « conseil » (des ministres) ont été brûlées en place publique. La seule chose qui semble avoir changé est que les sabots ont été remplacés par des sneakers, que les pamphlets moqueurs qui autrefois circulaient sous le manteau volettent à coups de tweets rarement légers ou spirituels. Les effigies qu’on montait sur des croix sont maintenant allongées à même le sol et aspergées d’essence, avec une reprise des codes visuels des séries US sur le trafic de drogues. Le hashtag #revolution fait depuis jeudi partie des grandes tendances, suivi de #toutcramer, et les messages s’enchaînent : « Au bûcher, au bûcher », dit AnonymeCitoyen, « contre ce gouvernement de la terreur, révoltons-nous », dit un autre devant les images de la mairie du 4e arrondissement de Lyon en feu.
Les parallèles avec la Révolution française sont si nombreux qu’ils méritent de s’y arrêter quelques instants, pour d’abord remarquer que, vu de l’étranger la contestation française est au minimum surprenante déjà chez nos voisins allemands, et l’est encore plus en s’éloignant de nos frontières, dans des pays où beaucoup rêveraient de pouvoir travailler 35 heures par semaine, bénéficier d’une médecine et d’une éducation gratuites, d’allocations familiales, et d’une retraite solidaire — plutôt que capitalisée — à 64 ans.
Plus flagrant encore, l’appel à la mort du « roi » (Emmanuel Macron, d’après les manifestants.) Ces appels n’ont jamais été qu’une façon symbolique d’éliminer une effigie, la plus visible et la plus facilement accessible, concentrant l’idée de la souffrance populaire. Certaines cultures asiatiques, quand les enfants font des mauvais rêves, placent ainsi une petite effigie sous leur oreiller, pour la brûler le lendemain — et les cauchemars avec. Décapiter Louis XVI était aussi injuste que pratique dans une révolution durant laquelle les grands commerçants ont manipulé le « petit peuple » pour prendre les armes, éliminer la noblesse et créer une république bourgeoise… qu’ils ont ensuite dirigée.
Cherchons donc ici, pour un instant, qui est coupable derrière le « roi » Macron, rendu responsable de tous les problèmes de la nation. Jeudi 16 mars, alors que la mobilisation de l’article 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites était annoncée, les mots du Président ont trouvé leur chemin jusqu’aux dépêches des agences. « Mon intérêt politique et ma volonté politique étaient d’aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège », laisse fuiter un participant à un Conseil de ministres exceptionnel. « Mais je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. On ne peut pas jouer avec l’avenir du pays. »
Indépendamment du fait que cette fuite semble voulue et organisée, voici le vrai « roi » de France, décideur pointé du doigt : ce qui est visé par « les risques financiers et économiques » n’est probablement pas le possible déséquilibre du régime des retraites en 2030, mais la réponse qu’auraient les marchés financiers à un échec de la réforme. La France emprunte sur les marchés bancaires de quoi soutenir son train de vie et contenir ainsi le mécontentement social, avec des taux d’emprunt encore assez favorable parce que les « marchés » ont confiance en la capacité réformatrice d’Emmanuel Macron. Un échec de la réforme altérerait cette confiance, relèverait les taux d’intérêt d’emprunt et mettrait en danger la capacité de l’État, comme des entreprises françaises, à se financer.
Conséquences : faillites, chômage. Vous cherchez le roi ? C’est l’ensemble de nos créanciers. Ce qui vaut pour l’individu vaut à l’échelle de tout le pays, lorsqu’on est massivement endetté, on est à la merci de ses banquiers. Et comme ceux-ci sont bien trop nombreux pour être décapités — et que de toute façon une dette doit être remboursée, la seule solution véritablement « révolutionnaire » pour atteindre la liberté serait de mettre la dépense publique au régime, d’en réprimer les abus nombreux, et de payer nos dettes. C’est révolutionnaire, parce que cela demande une chose que les injonctions du bien-être social ont fait oublier : on ne dépense pas plus que ce que l’on a.
⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.