L’autorité judiciaire n’est pas au service de la répression du mouvement social

22/03/2023 (2023-03-22)

[Source : syndicat-magistrature.fr]

Les images de la répression policière des manifestations dénonçant l’utilisation de l’article 49-3 dans le cadre de l’examen d’une réforme qui a suscité une très forte mobilisation depuis plusieurs semaines sont choquantes. Nous avons vu ces scènes indignes d’une démocratie : des policiers exerçant des violences illégitimes contre des manifestants et des street medics, des interpellations collectives de manifestants enjoints de s’asseoir par dizaines à terre, mains sur la tête, des journalistes faisant leur métier menacés ou brutalisés.

Mais derrière ces images terrifiantes, il y a les décisions qui les sous-tendent et les mécanismes institutionnels à l’œuvre : des directives données par le ministre de l’Intérieur à tous les préfets de France, et des forces de sécurité intérieure sommées de réprimer les manifestations qui s’organisent dans de nombreuses villes pour exprimer la colère sociale face au déni de démocratie. Le Gouvernement continue de mépriser le mouvement social et la violence ne fait que croître.

Des centaines d’interpellations et de mesures de garde à vue ont été décidées depuis jeudi dernier. La très grande majorité de ces mesures n’a reçu aucune suite judiciaire (à Paris, après la manifestation de jeudi place de la Concorde, sur 292 gardes à vue de manifestants, seules 9 ont donné lieu à des poursuites pénales).

Nous ne devons pas nous satisfaire de cette présentation de façade d’une autorité judiciaire assumant son rôle en ne donnant pas suite à des mesures policières infondées. Ces chiffres montrent que les forces de sécurité intérieure utilisent très abusivement la garde à vue, déclinaison concrète d’une volonté politique de museler la contestation en brisant les manifestations en cours et en dissuadant — par la peur — les manifestations futures.

Que peut l’autorité judiciaire face à cette violence d’État ? Comment incarner l’institution constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle, et donc chargée de contrôler les mesures privatives de liberté et de mettre un terme à celles qui seraient infondées ?

Jouer pleinement notre rôle doit nous conduire à refuser le détournement de la procédure pénale au profit du maintien de l’ordre, à refuser de donner un vernis judiciaire à des opérations de police qui ne sont plus au service de la protection de la population, mais de sa répression. Notre place n’est pas dans les salles de commandement, car en nous associant aux autorités de police en amont de la réponse judiciaire, nous contribuons à la pénalisation du mouvement social et nous nous privons de notre capacité de contrôle en aval. Notre place n’est pas au côté des préfets pour préparer la répression des manifestants, mais de protéger les justiciables dans l’exercice de leur citoyenneté. Notre contrôle de toutes les procédures initiées lors des manifestations doit être exigeant et minutieux.

Apprenons de nos expériences passées, l’indignation ne suffit pas : il est aujourd’hui évident que lors du mouvement des gilets jaunes, l’institution judiciaire s’est mise au service d’une répression violente du mouvement social. Le rôle de l’autorité judiciaire est de garantir les droits et libertés des personnes. Nous devons donc les protéger dans l’exercice de droits essentiels à la démocratie : la liberté d’expression et de manifestation.

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(2 commentaires)

  1. Il est étonant de vouloir encore défendre l’autorité judiciaire aujourd’hui , comme si elle était la seule institution à avoir échappé à cette lame de fond que certains appelent néolibéralisme mais qu’on peut juste appeler capitalisme financier ,ultime forme de ce dernier . Marx , en en étant le plus illustre théoricien a rédigé sa nécrologie . Il a donc prophétisé sa fin par son implication dans les plus intimes recoins de la vie des hommes jusqu’à sa presque compléte réification . Pourquoi voudriez vous qu’une partie aussi impliquée dans notre asservissement se voit encore parée des atribus de la virginité à l’heur de son agonie ? Par quel miracle quand tous les autres systémes se sont repus de nos chairs lâssent . Notre sauvegarde ne viendra que de ce petit reste d’humanité qui sommeil encore en chacun de nous et que tous ces faux semblant ne pourront jamais détruirent .

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