La belle et les truands (Partie 2)

26/10/2021 (2021-10-25)

Par Lucien Samir Oulahbib

[Voir la partie 1 : La belle et les truands]

  • We got him !   T s’exclama ainsi en pleine nuit, mais la Tour Eiffel s’illumina devant lui. Lâchant ses écouteurs, il rugit congratulant son équipe. Ils avaient en effet “chopé” V, avouer en quelque sorte à son comparse qu’il s’agissait d’un coup monté (voir partie I).
  • Il va ramper maintenant, le V ! Tout le monde s’esclaffa (cette référence à la série V ayant toujours eu une aura surdimensionnée). T hurla si fort avec sa choppe de bière (très tradi, il n’aimait pas boire à la bouteille) qu’elle arrosa tout le monde sur son passage, T regarda impulsivement A qui lui rendit si tendrement son sourire qu’ils s’éclipsèrent en douce tandis que le reste de l’équipe continua à fignoler la capture de ce son si précieux.
  • Le lendemain V fut levé aux aurores par un appel strident provenant du portable présidentiel.
  • V?
  • Oui Monsieur !
  • Avant de faire de grosses bêtises, il faut d’abord m’en parler…
  • Euh !? Mr Le Président !?… V eut soudain très chaud, et d’un geste rapide il demanda à B qui se pressait sur lui de s’écarter. il se leva et alla dans une pièce connexe quand il entendit soudain des sirènes et des portières en train de claquer sèchement. Son cœur bondit, mais il le calma aussitôt par un souffle long. Le lien avec ce coup de fil n’étant pas “avéré” (il aimait bien ce mot employé à l’Assemblée hier…)…
  • Une voiture vous attend, je vous attends fissa !
  • Mais !?…
  • Clic… V resta coi, regardant la Tour Eiffel clignoter brusquement. Les agents ne montant pas, il alla voir B un instant qui lui ouvrit tendrement des bras puis son corps, chauds comme la braise.
  • Vous déconnez ou quoi ?! Le Président se la jouait furax en chemise blanche, manches relevées, la cravate noire un peu ouverte façon punk, un conseil de Mimi la préposée à la “com” pour séduire les neuneu bobo qui s’accrochaient encore aux guêtres de H, Maire de Paris, candidate à la prochaine présidentielle et empaqueteuse en chef.
  • Je… je ne comprends pas… V transpirait tandis qu’une petite main lui tendit un café qu’il prit machinalement.
  • Écoutez ce son… Pendant ce temps le Président rigolait en “Visio” sur TikTok avec quelques influenceu(r)(s)(e)s au nombre d’abonnés époustouflant. V reconnut sa voix ainsi que celle de W qui avait organisé sa vengeance.
  • Alors ?
  • Alors quoi ? C’est visiblement un montage on veut me nuire !
  • C’est tout ce que vous avez comme défense alors que j’ai eu ce son des Services amis ?…
  • Mais…
  • Je n’ai pas le temps de discuter… Donc on va faire comme “ils” demandent, et puis cela ne change rien puisque j’étais d’accord et vous aussi à voir ce que vous proposiez à S pour qu’elle revienne si j’ai bien entendu. Il se mit à ricaner façon de Funès imitant le Joker ce qui fit frémir V qui n’était pas qu’en sucre.
  • C’est-à-dire ?…
  • Le passe jusqu’en juillet oui et la 3° dose, absolument (couplée avec celle de la grippe). En plus les Chinois nous aident. Ils viennent d’accepter de faire croire que l’épidémie repart chez eux. Faitesd donc dire par G que cela remonte partout… Appelez cela par exemple… Attendez (il se retourne sur sa Visio et palabre avec moult rigoladespuis sort : “vigilance sanitaire” c’est chou, et hop…
  • Sinon ?…
  • Mais le son va être balancé au Canard et vous allez être saisi, le P.F (parquet financier) vous a à l’œil. Vous savez, cette histoire de braquage a fait jaser… Vous voyez l’ampleur du scandale ou dois-je vous faire un dessin en 3D ?… Silence… Le Président rota (l’hydrogène remonte toujours un peu de l’œsophage quand on a l’ascendant sur une situation). Bon j’y vais… Toujours avec son portable en Visio plié en deux en voyant les galipettes de deux influenceurs sur la pelouse de l’Élysée qui venaient juste d’arriver…
  • V dans la voiture de fonction hurlait comme un fou et tandis que celle-ci fonçait toutes sirènes hurlantes, il téléphona à W : – C’est toi qui m’a donné, peau de vache. Je viens te buter, tu vas voir… Z prétend qu’on ne ne peut pas rentrer dans ta banlieue de merde. Moi tu vas voir…
  • Euh…Je n’ai rien à y voir… On nous a écoutés, c’est sûr… Et puis, ne cherchez pas à venir. En effet, vous n’arriverez pas à rentrer…
  • C’est ce qu’on va voir. La voiture et son escorte étaient arrivées à Tarascontan, quand soudain un quarante tonnes déboucha de nulle part et barra la route. De l’arrière sortirent vingt hommes cagoulés en treillis et kalach en accessoires de mode, car pour faire bien il y avait en effet moult photographes, ambiance clip de rap pour la couverture…
  • V blêmit et hurla au portable : – Je vais te balancer et tes potes ne sortiront pas comme prévu…
  • Trop tard, ils viennent de partir, la levée des écrous se fait très tôt, vous savez…
  • Mais pourquoi ?… Tu avais tout !…
  • Écoutez, je n’y suis pour rien ! Même si notre conversation était cryptée (comme celle-ci d’ailleurs) “ils” nous ont décodés, voilà tout ! Et puis, comme on l’a déjà dit à T quand il s’est fait dépouillé rue des Saint-Pères, c’est de toute façon fini la rigolade… Même si je n’ai rien à y voir…
  • Le rapport n’est pas “avéré” avec notre histoire…
  • Nous n’avons pas d’histoire. Allez, au revoir, Monsieur…
  • V raccrocha. Le con ! Avec ces histoires, Z va arriver au pouvoir dans un fauteuil…
  • Le chauffeur, C, et la garde du corps, E, eurent un regard complice. C fit un geste à E pour qu’elle téléphone…
  • Le lendemain, C et E étaient en grande discussion avec W en plein centre de Tarascontan autour d’un bon café turc et quelques makrouts.
  • Écoute W, V n’a pas tort sur un point. Si vous continuez comme cela, Z va dépasser pour de bon M… Et va battre le bouffon… Nous, on s’en fout puisqu’on a les fafs qu’il faut…
  • Pas sûr du tout, votre histoire… Z est trop radical… Et puis… J’avoue que ce ne serait pas mal de mettre un peu d’ordre…
  • Comprends pas trop là…
  • W sourit, claqua des mains : des danseuses habillées façon mi-égyptienne mi-coréennes se déhanchèrent de manière suggestive sur des rythmes de R.B couplés à des sons “space” et asiatiques lancinants, il répondit à C et E qui tiraient sur le narguilé. J’aimerais négocier en amont avec Z. Vous avez le moyen de le contacter ?…
  • On connaît R à Marseille. Ils s’apprécient pas mal, même s’ils sont en désaccord en particulier sur le changement de prénom…
  • OK ! Allez-y, et tenez vos enveloppes pour vos œuvres de charité bien sûr !
  • Tu ne nous as toujours pas expliqué pourquoi ce serait mieux avec Z ?…
  • Je n’ai pas dit ça, seulement qu’il faut tout envisager…
  • Deux semaines après et après moult tractations W et Z se retrouvèrent dans un immense hangar désaffecté placé au milieu d’une zone industrielle abandonnée, un ancien terrain EDF désaffecté (une centrale nucléaire aurait dû y être construite), alors qu’une “rave” un peu spéciale se préparait visiblement, à voir les nombreuses personnes s’affairer à placer des barrières et des bars mobiles autour d’une grande sono. Z était suspicieux. Il tirait sur les manches de son imper, les dépoussiérait machinalement tout en souriant un peu à son interlocuteur lorsque soudain des dizaines de voitures étincelantes arrivèrent dans un vacarme étourdissant alors que des centaines de jeunes s’agglutinaient tandis que des danseuses et danseurs allaient et venaient sur leur toit avec fumigènes, écrans géants et un monsieur Loyal donnant les directives pour ce qui semblait bien être une course…
  • FAST and Furious à la française, cher Monsieur, dit W à Z tout en pompant sa cigarette électronique… Écoutez ce ronronnement des moteurs, mieux que des Harley! Et que des Panhard concernant mes voitures en course…
  • Oui je vois bien, et bravo pour les Panhard, mais si c’est pour me montrer ça que vous avez fait des pieds et des mains auprès de R pour me rencontrer…
  • W fit un signe façon empereur romain et monsieur Loyal abaissa son drapeau, les voitures bondirent au milieu de danseuses en shorts étincelants.
  •  Voilà le deal : je veux vous montrer que cette jeunesse veut en effet se la jouer James Dean version Fast and Furious tout en profitant des failles du Système, de l’effondrement psychique de générations entières qui tiennent par ces rustines artificielles que les spécialistes appellent “stupéfiants”. Mais ne vous méprenez pas, d’autres veulent vivre aussi normalement…
  • Et ?… Je ne vois pas où vous voulez en venir… Les voitures en étaient à leur troisième tour, cela dansait, buvait, le son se déversant à flots continus…
  • Si vous voulez mettre de l’ordre dans les Quartiers, ne les mélangez pas avec les Barbus ou alors vous allez les jeter dans leurs bras.
  • Et que proposez-vous ?…
  • Plusieurs choses : légalisez, revalorisez des espaces comme celui-ci. Laissez faire là ces « rodéos » comme ils disent. Ouvrez les gymnases, piscines, comme les bibliothèques aux States où l’on peut aller et venir jour et nuit. Faites des journées portes ouvertes dans les casernes de pompiers de gendarmes…
  • Et légalisez la drogue, c’est ça ?… Je suis déjà pour dépénaliser… N’en demandez pas trop… Mais pour le reste, regroupement familial, légalisation des sans papiers, c’est niet…
  • Moi je vous parle seulement de dynamiser les quartiers en permettant de les investir comme on le fait sous vos yeux là…
  • Et tout ce qui a autour, les trafics, vols, prostitution ?…
  • Je n’ai pas dit cela… Je vous demande seulement d’être réaliste et de comprendre que le mal des banlieues ce n’est pas seulement la montée des Barbus, mais le fait qu’ils prospèrent parce que tout le système de la médiation culturelle autrefois tenue par les Coco et les Socialo est out cher Monsieur. Et puis, montez la limitation de vitesse sur autoroute à 150, vous passerez au second tour…
  • Ben voyons ! Comme vous y allez !
  • Il y a 5 % d’accidents sur autoroute seulement et souvent par fatigue somnolence, montez à 150. Vous forcez à plus de vigilance et de plaisir à conduire, Regardez ! La course arrivait à son terme, sur cinquante voitures, seule une dizaine tenaient dans une ambiance folle. cela dansait, riait. Une jeunesse qui bizarrement tchatchait et jurait bien plus en français que les générations précédentes. Soudain une voiture rouge étincelante, une Panhard nouveau style franchit la ligne. Elle s’arrêta, le chauffeur sortit : une splendide gazelle dirait Enrico, une peau de pêche, des cheveux d’ébène, le tout coulé dans une robe hyper cintrée et argentée, fit le V de la victoire. Le second, un jeune gars blondinet qui ressemblait fort au héros de F&F alla la voir et tous deux main dans la main se dirigèrent vers la tribune pour recevoir la récompense.
  • Vous venez ?
  • Non merci, fit Z pensif, sa directrice de campagne au téléphone lui disant qu’il fallait partir pour une rencontre à Versailles…
  • Comme vous voulez… Mais… sachez que nous ne sommes pas si minoritaires que cela à vouloir être aussi Français à notre façon…
  • C’est le “aussi” qui pose problème… On se tient au courant et embrassez cette belle championne pour moi lança Z dans un sourire malicieux.
  • Je n’y manquerais pas Monsieur le Président ! Z sourit et s’éclipsa.
  • Sur la route, songeur, Z se demanda si la solution était toujours de lancer l’assaut d’entrée de jeu avec paras et tout le bastringue, tel que certains, comme Bob M de Béziers, lui demandaient avec insistance… En même temps, ce qu’il venait de vivre n’était certainement que paillettes et compagnie, bien loin du pays profond…

À suivre…

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