Jean Dierkens : une vie consacrée au paranormal

25/08/2020 (2020-08-25)

[Source : Parasciences]

Propos recueillis par JEAN-MICHEL GRANDSIRE

Jean Dierkens nous a quittés en octobre 2018. il est la preuve incarnée que psychanalyse, psychiatrie et paranormal peuvent faire bon ménage et s’intégrer harmonieusement dans cette discipline vaste et passionnante qu’est l’exploration du psychisme.

Dans cette interview réalisée en 2002, il fait le bilan d’une vie consacrée à l’étude du paranormal.

Vous trouverez à la fin de cet article […] une autre interview, filmée celle-ci, que Jean et son épouse m’ont accordée en mars 2013.

Parasciences : Comment en êtes-vous arrivé à l’étude de la parapsychologie ?

Jean Dierkens : Si je savais… Je suis issu d’une famille qui avait des conceptions matérialistes. Cela ne m’a pas empêché d’avoir très jeune l’esprit ouvert. En 1960, une de mes patientes d’origine anglaise, isolée à Bruxelles, m’a parlé de spiritisme. Elle m’a prêté un livre de Barbanell, le fondateur de l’un des plus grands journaux spirites anglais. En lisant le livre, je me suis dit : « Ou ces phénomènes sont vrais et il faut impérativement les étudier avec sérieux, ou ils sont faux et, en tant que psychiatre et psychanalyste, je me dois de les analyser ».

J’ai donc écrit à Barbanell qui m’a mis en relation avec des médiums anglais. Parmi eux, il y avait Estelle Roberts, qui faisait des voyances pour les membres du Parlement. Rendez-vous fut pris. Elle m’a donné tellement de précisions extraordinaires que j’en ai été bouleversé. Elle a vu ma petite sœur qui était décédée lorsque j’avais 23 ans, me donnant son prénom exact ; elle m’a parlé de mon père en me donnant des exemples précis impossibles à inventer. Par exemple, elle disait le voir en train de travailler à la réalisation d’une boîte aux formes bien précises… Ce n’est que sept ans après que j’ai retrouvé cette fameuse boîte dans les affaires de mes parents…

Parasciences : Comment conciliez-vous tout cela avec l’approche psychanalytique qui est plutôt matérialiste ?

Jean Dierkens : Pour moi, il n’y a aucune opposition. J’ai toujours voulu faire des recherches sur le psychisme. L’hypnose, la psychanalyse, les états de conscience modifiée, bref tous les phénomènes paranormaux dans leur ensemble font partie de cette sphère de recherches et ce serait une grave erreur de les réduire à une conception étriquée. L’étude du psychisme est à considérer avec attention et méthode sans la réduire à un système idéologique clos.

Parasciences : Vous devez avoir des dizaines d’anecdotes à citer…

Jean Dierkens : Oui, bien sûr, par exemple, le hasard a fait que le tailleur qui m’habillait à l’époque était spirite. Il m’a confié qu’au cours des essayages, il lui arrivait de passer discrètement sa main sur les endroits où il ressentait que ses clients souffraient. Il faisait discrètement des impositions et les gens lui confiaient ensuite qu’ils se sentaient beaucoup mieux.

Avec une vieille dame, nous avons fait des séances spirites et nous avons obtenu toute une série de preuves, d’informations claires et objectives qui m’ont définitivement convaincu que je ne pouvais pas laisser tous ces phénomènes de côté. J’ai donc décidé de les étudier avec la plus grande attention. J’ai beaucoup étudié la littérature consacrée au sujet afin d’avoir un support intellectuel conséquent. Il se fait que, par hasard, un libraire de Bruxelles vendait une bibliothèque spirite ayant appartenu à un chercheur qui venait de décéder. Il y avait en tout deux à trois cents ouvrages que j’ai acquis pour une somme dérisoire.

Et naturellement, j’ai expérimenté, ou plutôt j’ai fait de l’observation systématique de la manière la plus objective possible. Je me suis évidemment intéressé à la parapsychologie.

J’ai fait une grande quantité d’expériences, par exemple avec les cartes de Zener, des tests de voyance, des statistiques, etc. Je me suis rendu en Angleterre pour rencontrer des médiums.

Mes origines et mes conceptions purement matérialistes ont été ébranlées. Je me suis « lancé là-dedans » en me disant que le spiritisme pouvait s’expliquer par la télépathie… mais j’ai vite changé d’avis.

Parasciences : Cela ne vous a pas posé de problème dans votre carrière universitaire ?

Jean Dierkens : Quand, en 1968, j’ai été nommé professeur à l’Université Libre de Bruxelles, le bruit a couru que je m’occupais de parapsychologie. Horreur ! Pour me couvrir, certains ont dit que je faisais ces recherches en tant que psychiatre. Quand j’ai eu vent de cette rumeur, cela ne m’a pas plu. J’ai écrit une lettre au doyen de la faculté pour l’informer que j’étais convaincu de la réalité du phénomène, que j’en avais la preuve expérimentale, etc. Cela a fait évidemment l’effet d’une bombe, j’ai été nommé de justesse, mais cela m’a donné les coudées franches. J’ai aussitôt écrit un article dans la revue de l’université pour y faire part de mes expériences, en précisant que je ne croyais pas aux déplacements d’objets, ce qui était le cas à l’époque.

C’est ensuite – et progressivement – que j’ai pu constater que les déplacements d’objets ne relevaient pas de la fantaisie !

Tout au long de cette carrière, je n’ai jamais fait état que de faits que j’ai expérimentés, vus et vérifiés par moi-même.

LA TORSION DES MÉTAUX

Parasciences : Vous avez aussi tordu les métaux, comme Geller ou Jean-Pierre Girard.

Jean Dierkens : Je suis en effet entré en contact avec Jean-Pierre Girard qui est venu tordre quelques barres dans mon laboratoire. J’ai aussi expérimenté avec un médecin de l’université de Montréal, le docteur Grad, qui imposait les mains sur des cultures de tissus. Il obtenait des résultats surprenants.

J’ai donc expérimenté et approfondi mes connaissances dans ce vaste domaine qu’est le paranormal. J’ai fait l’acquisition de collections quasi complètes de revues prestigieuses, comme la Revue métapsychique ou la Revue spirite… Tout cela m’a beaucoup apporté.

Et, naturellement, j’ai assisté à de nombreux congrès de parapsychologie.

En ce qui concerne la torsion des métaux, j’avais laissé cet exercice de côté après les expériences que j’avais faites avec Girard. Et puis un jour, alors que ma femme et moi assistions aux États-Unis à un congrès consacré aux états modifiés de conscience, nous avons rencontré quelqu’un qui expliquait que tout un chacun est parfaitement capable de le faire. Christine et moi avons donc tenté l’expérience. C’est comme cela que nous avons tordu une dizaine de fourchettes en moins de trois quarts d’heure. Nous pratiquions une technique de concentration orientale. Nous tenions la fourchette à la main. Au bout d’un moment, nous sentions que l’énergie passait. Celui qui nous avait enseigné la méthode nous avait appris qu’à ce moment-là il fallait crier « Bengch ». Je ne sais si ce cri à une importance, ce qui est sûr, c’est qu’il y avait une sorte de décharge d’énergie. Pendant une fraction de seconde, parfois une ou deux, le métal devient tout mou et nous pouvions en faire ce que nous voulions, et puis le métal reprenait très vite sa solidité. Cela ne peut pas être un « truc », une astuce de prestidigitateur. Cela se fait juste devant le pouce et ça ne dure que le temps très bref de la concentration. La première fois, sous l’effet de la surprise, nous avions stoppé le phénomène quasi instantanément…

Un aperçu de la collection de métaux tordus. Jean et sous épouse reviennent sur ces expériences dans l’interview filmée…

ÉVITER LE DANGER !

Parasciences : Vous avez continué ces expériences ?

Jean Dierkens : Non, parce que je n’aime pas cela. Une Américaine, présente lors de ces expériences, et qui s’occupait de schizophrènes dans des ateliers de création artistique, faisait des choses incroyables, comme tordre le creux d’une cuillère, ce qui est très difficile à faire… Elle était bouleversée par ses résultats, et puis elle est partie en voyage en Italie et des phénomènes angoissants se sont déroulés autour d’elle. Elle voulait coudre et son aiguille se courbait. À table, alors qu’elle ne tentait aucune expérience, ses cuillères et fourchettes se pliaient. Elle ne désirait pas cela, les phénomènes se produisaient en dehors de sa volonté. Qu’arriverait-il, me suis-je demandé, si je me trouvais en présence de personnes ayant un pacemaker ou une broche métallique ?

Cela m’a vivement interpellé et je suis arrivé à la conclusion qu’il fallait rester prudent. Je sais que le phénomène existe et je m’en tiens là.

Ce qui m’intéresse maintenant, dans les phénomènes spirites, ce ne sont plus les messages, mais l’aspect objectif des choses, d’où mon intérêt pour les enregistrements paranormaux.

D’ailleurs, à mes tout débuts, Miss Roberts m’avait dit textuellement :

« N’essayez jamais d’obtenir des photos spirites, vous n’y arriverez jamais. Ce que vous devez faire, c’est enregistrer des voix paranormales. »

C’était en 1960. À cette époque, le phénomène de la psychophonie1[i] n’était quasiment pas connu, j’ai donc poursuivi mon idée d’obtenir des photographies spirites. J’ai fait des séries de photos infrarouges avec des médiums. En pure perte. Gasparetto, pendant ses séances de peinture à deux mains, dans l’obscurité, m’avait autorisé à prendre des clichés également en infrarouge… toujours sans le moindre résultat.

LES VOIX PARANORMALES        

Je me suis penché sur la psychophonie et me suis mis en contact avec George Meek, un Américain qui travaillait avec le « Spiricom ». Les voix qu’il obtenait étaient très métalliques, comme électroniques. J’avoue n’avoir pas été emballé par sa méthodologie expérimentale. J’ai également été en contact avec Sarah Estep qui m’a fait parvenir des cassettes très troublantes. J’ai eu également des enregistrements obtenus par Bender et Raudive.

Parasciences :   Vous avez connu ces deux derniers ?

Jean Dierkens : Raudive non, mais j’ai très bien connu Bender. Nous nous entendions très bien.

Parasciences :  Quelle était sa position par rapport à la survie ?

Jean Dierkens : Il avait une forme de croyance, mais il n’aimait pas en parler. Il savait qu’il se passait des choses extraordinaires, mais il restait discret. Je l’ai connu à une époque où il y avait beaucoup de prédictions concernant la fin du monde ou des cataclysmes qui devaient se produire. Il se demandait où il devait entreposer les documents précieux qu’il avait en sa possession au cas où cela se produirait.

C’est vrai que, même en excluant l’hypothèse d’un grand cataclysme, il faut toujours être prudent et savoir mettre ses documents précieux à l’abri. Les risques de vol ou d’incendie ne sont jamais à exclure.

Bender était ouvert, mais il étudiait beaucoup les phénomènes sous l’angle sociologique : sa grande préoccupation, c’était de savoir ce qui peut créer, sociologiquement parlant, l’apparition des phénomènes paranormaux. Son successeur, Von Lucadou est davantage concentré sur l’aspect parapsychologique pur et dur. Il n’a pas l’ouverture d’esprit de Bender qui est malheureusement parti trop tôt, suite à une maladie d’Alzheimer.

Parasciences : Et maintenant, comment vivez-vous tout cela ?

Jean Dierkens : Je suis toujours actif. Je ne retiens que ce que j’ai vu et expérimenté par moi-même. Je peux affirmer que les matérialisations sont un phénomène réel par le simple fait que j’en ai vu de mes propres yeux, de même en ce qui concerne les déplacements d’objets significatifs, les psychokinèses de type spirite…

UNE MATÉRIALISATION

Parasciences : Qu’avez-vous vu en matérialisation ?

Jean Dierkens : Cela s’est passé dans un épisode très personnel de ma vie. J’étais seul dans un cimetière et je désirais offrir quelque chose à quelqu’un. Je pensais à une fleur et elle s’est matérialisée sous mes yeux, sur la tombe. J’ai pu la photographier. Ce n’était donc pas une illusion. Étant seul, il ne pouvait pas s’agir d’une supercherie.

Je regrette de n’avoir pas obtenu de voix paranormales par moi-même, ce qui me pose un problème d’éthique et de crédibilité pour en parler à mes collègues universitaires.

Je le répète, ce qui m’intéresse, c’est l’aspect expérimental et objectif.

Parasciences : Au cours de différentes causeries, je vous ai entendu parler de la réincarnation. Quelle est votre position sur ce sujet controversé

Jean Dierkens : J’ai une conception du monde néoplatonicienne, et la réincarnation ne me pose pas de problème particulier. Je recommande à tous la lecture des livres de Stevenson qui sont, sur ce sujet, une référence incontournable. Il y a plus de 25 ans, je l’avais invité à un congrès. À l’époque, il disait en public qu’il s’agissait d’une hypothèse, mais en privé ses réserves tombaient. Il disait être convaincu de la réalité de la réincarnation tant les preuves étaient nombreuses.

Ce qui m’intéresse dans son dernier livre, ce sont les marques biologiques qui sont particulièrement significatives.

Quant au côté expérimental, c’est une autre histoire. Je suis réservé sur la régression hypnotique. J’en ai pratiqué. Les vécus subjectifs sont très précis, mais ils ne me convainquent pas, car il y a une différence entre une vérité subjective et une vérité objective. Cela peut aider à équilibrer la personnalité, je n’y vois pas d’inconvénients, mais je n’oserais pas m’appuyer sur ces simples données expérimentales pour affirmer la réalité du phénomène. Je le ferai bien entendu si l’on me donne des preuves.

Je crois en la réincarnation. Je pense qu’il est difficile d’échapper à cela mais ce n’est pas par l’hypnose régressive que l’on fera avancer la compréhension du problème.

Parasciences : Quelles conclusions tirez-vous de cette vie entièrement consacrée à la recherche ?

Jean Dierkens : Que la vie est passionnante ! Il y a quelque chose avant la vie que nous connaissons, il y aura quelque chose après. En tant que Jean Dierkens, je ne suis qu’un épisode d’une entité qui précède et qui suit, comme un vêtement que l’on porte un temps, mais sans conséquences pour l’avenir.

Parasciences : Selon vous l’ego disparaît à la mort ?

Jean Dierkens : Il faut bien distinguer les termes : l’ego, le « moi », le « je »… Ce que je crois, c’est qu’un centre de conscience se maintient après la mort et qu’il est en relation avec la vie que l’on vient d’avoir. À ce moment-là, il y a plusieurs évolutions qui peuvent se faire. Certaines personnes peuvent être accrochées à cet ego, bloquer une certaine évolution et se trouver obligées de se réincarner sans liberté. D’autres évoluent vers une intégration plus vaste. C’est le « Soi » de Jung par rapport au « moi ».

Ce que j’aime chez les pythagoriciens, c’est que leur but est de devenir après la mort une sorte de guide spirituel en totale compassion vis-à-vis des êtres humains. Est-ce que l’on garde sa personnalité ? Est-ce un bout de l’un et un bout d’un autre qui survit ? Sous quelle forme va-t-on se manifester ? C’est difficile à dire. Je pense qu’une évolution peut se faire après et ce n’est pas aussi simple que de dire de manière péremptoire : « Un ego se maintient d’une manière permanente » ou « Il n’y a plus d’ego ». Je crois qu’il y a moyen de s’orienter vers une perte de tout centre de conscience et d’aller vers une fusion totale, comme le désirent certains hindouistes. Mais ce n’est pas mon projet.

Pour moi, si je me suis incarné dans cette vie, ce n’est pas pour anéantir les autres vies, c’est pour que se fasse une synthèse et qu’elle se place à un niveau général qui est la compassion d’aide, d’amour pour les gens et pour la vie, et qui se réincarne, ou reste de l’autre côté.

En 2004, à l’occasion de la sortie du livre de Didier van Cauwelaert « Karine après la vie », le romancier avait invité tout le gratin du paranormal à assister à des expériences de chamans mexicains, le Quarto de Luz. Il fallait pour l’occasion se présenter tout de blanc vêtu. Les Dierkens se sont pliés à l’exercice…

Parasciences : Que pensez-vous de l’évolution du monde scientifique vis-à-vis de ces phénomènes ?

Jean Dierkens : D’un côté, il y a un durcissement des positions mais je constate aussi que le langage change petit à petit. Certaines conceptions deviennent platoniciennes. C’est significatif d’une lente évolution qui va, à mon avis, dans le bon sens.

NOTE :

[i] C’est ainsi que l’on appelait la transcommunication à l’époque.

En 2013, j’ai eu le plaisir de retrouver Jean et son épouse pour les interviewer sur l’ensemble de leur carrière.

Voici la vidéo qui a été réalisée à cette occasion. Des bruits de micro se font souvent entendre… je m’en excuse auprès de vous…

Entrevue réalisée en mars 2003
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