Une découverte suggère qu’une vaste force invisible gouverne l’univers
[Source : Elishean]
Les scientifiques parlent de « structures à grande échelle » qui selon ces derniers, seraient les plus grands objets connus de l’univers.
Par Becky Ferreira
Notre galaxie, la Voie lactée, fait partie d’une nébuleuse composée de centaines de milliards de galaxies disséminées dans l’univers.
Leur variété est étonnante : spirales, galaxies en anneau et en boucles étoilées. Malgré leurs différences et les distances qui les séparent, les scientifiques ont remarqué que certaines galaxies se déplacent ensemble selon des schémas étranges et souvent inexpliqués, comme si elles étaient connectées par une vaste force invisible.
Les galaxies situées à quelques millions d’années lumière les unes des autres peuvent avoir une influence réciproque, prévisible notamment grâce à la gravitation.
Mais les scientifiques ont observé de mystérieux schémas entre des galaxies lointaines qui surpassent ces interactions locales.
Ces découvertes suggèrent l’influence énigmatique de ce qu’on appelle des « structures à grande échelle » qui aujourd’hui sont les plus grands objets connus de l’univers.
Ces structures sombres sont constituées d’hydrogène et de matière noire et se présentent sous la forme de filaments, tels des feuilles et de nœuds qui relient les galaxies au sein d’un vaste réseau appelé « la toile cosmique ».
Nous savons que ces structures ont des implications majeures sur l’évolution et les mouvements des galaxies, mais les scientifiques ont à peine effleuré la surface de cette dynamique, car certains de ces phénomènes remettent en cause nos idées les plus fondamentales sur l’univers.
« C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on ne cesse d’étudier ces structures à grande échelle », a déclaré au téléphone Noam Libeskind, cosmographe à l’Institut d’astrophysique de Leibniz (AIP) en Allemagne. « C’est une façon de sonder et de limiter les lois de la gravité et la nature de la matière, de la matière noire, de l’énergie noire et de l’univers. »
Pourquoi les galaxies éloignées les unes des autres se déplacent-elles à l’unisson?
Une étude publiée dans The Astrophysical Journal en octobre a révélé que des centaines de galaxies avaient une rotation synchronisée avec des galaxies à plusieurs dizaines de millions d’années-lumière.
« Cette découverte est assez nouvelle et inattendue », a déclaré dans un email Joon Hyeop Lee, astronome à Institut coréen de science astronomique et spatiale et auteur principal de l’étude. « Je n’ai jamais vu auparavant de rapport d’observations ou de prédiction de simulations numériques, liés à ce phénomène. »
Lee et ses collègues ont étudié 445 galaxies à 400 millions d’années lumière de la Terre et ont remarqué que beaucoup de celles qui tournent en direction de la Terre étaient voisines d’autres galaxies se dirigeant également vers la Terre. De la même manière, celles qui tournent dans la direction opposée sont souvent près d’autres galaxies qui s’éloignent de la Terre.
« La cohérence observée doit avoir un rapport avec les structures à grande échelle, car il est impossible que les galaxies séparées par six mégaparsecs [environ 20 millions d’années-lumière] interagissent directement les unes avec les autres », a déclaré Lee.
Lee et ses collègues pensent que les galaxies synchronisées pourraient être intégrées dans la même structure à grande échelle, qui tourne très lentement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Cette dynamique sous-jacente pourrait créer une sorte de cohérence entre la rotation des galaxies étudiées et les mouvements de leurs voisines.
Mais, davantage de recherches seraient nécessaires pour confirmer les trouvailles et les conclusions de son équipe.
Bien que cette répétition particulière de galaxies étrangement synchronisées soit nouvelle, les scientifiques ont observé d’étranges ressemblances entre les galaxies à des distances encore plus lointaines.
En 2014, une équipe a remarqué de curieux alignements de trous noirs supermassifs au cœur des quasars, d’anciennes galaxies ultra-lumineuses s’étendant sur des milliards d’années-lumière.
Dirigés par Damien Hutsemékers, astronome à l’Université de Liège en Belgique, les chercheurs ont noté cette étrange synchronicité en observant l’univers alors qu’il n’avait que quelques milliards d’années, en utilisant le Grand Télescope au Chili. Les observations ont enregistré la polarisation de la lumière de près de 100 quasars, que l’équipe a ensuite utilisée pour reconstruire la géométrie et l’alignement des trous noirs au niveau de leurs centres. Les résultats ont montré que les axes de rotation de 19 quasars de ce groupe étaient parallèles, alors qu’ils étaient séparés de plusieurs milliards d’années-lumière.
La découverte, publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics, indique que des structures à grande échelle ont influencé la dynamique des galaxies sur de vastes distances aux débuts de l’univers.
L’explication des galaxies synchronisées pourrait tout changer
Le mystère de ces galaxies synchronisées peut remettre en cause le principe cosmologique d’homogénéité et d’isotropie, postulat fondamental sur l’univers.
Ce principe stipule que l’univers est uniforme et homogène à des échelles extrêmes. Mais « l’existence de corrélations dans des axes de quasars à des échelles aussi extrêmes constituerait une grave anomalie du principe cosmologique », soulèvent Hutsemékers et ses collègues dans leur étude.
Cependant, Hutsemékers met en garde, précisant qu’il faudrait repérer et étudier d’autres structures de ce type pour prouver qu’il s’agit d’une grave atteinte au principe cosmologique. « D’autres structures similaires sont nécessaires pour confirmer qu’il s’agit d’une réelle anomalie », a-t-il dit.
Pour le moment, les dynamiques des positions de ces quasars ne sont pas bien comprises parce qu’il y a peu de techniques d’observation pour les analyser en détail. « En ce qui concerne les alignements à grande échelle, il nous faut avant tout plus de données », a déclaré Hutsemékers. Des radiotélescopes en projet, comme le Square Kilometer Array, seront peut-être en mesure d’examiner plus en détail ces alignements mystérieux.
« Ce qui est formidable avec la science, c’est qu’on peut avoir un modèle avec des milliers de données, mais si un seul élément ne tient pas, c’est la faille. Si elle n’est pas résorbée, elle détruira tout le système »
Les alignements de quasars ne sont pas les seuls obstacles que des galaxies étrangement synchronisées ont présentés aux modèles établis de l’univers. En fait, l’un des débats actuels les plus controversés de la cosmologie tourne autour de la manière inattendue dont les galaxies naines s’alignent parfaitement sur des galaxies-hôtes comme la Voie lactée.
Ces galaxies satellites sont actuellement une épine dans le pied de ce que l’on appelle le modèle ΛCDM, frise chronologique théorique de l’univers depuis le Big Bang. Les simulations de l’univers sous le modèle ΛCDM prédisent que les petites galaxies satellites se retrouveront dans un essaim d’orbites aléatoires autour de plus grandes galaxies-hôtes.
Mais au cours des dix dernières années, de nouvelles observations ont révélé qu’une immense partie des galaxies satellites autour de la Voie lactée étaient synchronisées en un seul plan orbital bien organisé. D’abord, les scientifiques se sont demandés si quelque chose de bizarre arrivait à notre galaxie, mais ensuite, un plan similaire de satellites a été observé autour d’Andromède.
On a vraiment commencé à tirer la sonnette d’alarme quand en 2015, des astronautes ont publié des observations du même phénomène une troisième fois autour de Centaurus A, une galaxie elliptique à environ 10 millions d’années lumière de la Voie lactée.
Cette découverte « suggère qu’il y a un problème avec les simulations cosmologiques standard », selon une étude ultérieure en 2018 dans le magazine Science, dirigée par Oliver Müller, astronome à l’Université de Strasbourg en France.
« Pour le moment, nous avons observé cela dans les trois galaxies les plus proches », a déclaré Müller au téléphone. « Bien sûr, on peut toujours dire que trois cas, ce n’est pas encore statistique. Mais cela montre que chaque fois que nous disposons de données de qualité, nous trouvons la même chose, donc ça pourrait être universel. »
La prochaine génération de recherche sur la galaxie
Cette incertitude alléchante a motivé des astronomes à placer ce problème au cœur de leurs recherches. Comme Marcel Pawlowski, ancien élève du célèbre Institut Leibniz d’astrophysique de Potsdam (Allemagne) et co-auteur d’une étude publiée en 2018 dans la revue Science. Pawlowski attend avec impatience les données de la nouvelle génération de télescopes de 30 mètres qui pourront montrer si d’autres grandes galaxies sont entourées motifs isotropes ou organisés de galaxies satellites.
« Ce que nous devons faire maintenant, c’est élargir notre recherche à des systèmes satellitaires plus éloignés, trouver des galaxies satellites et en mesurer la vitesse », a déclaré Pawlowski au téléphone.
« Le domaine a vraiment progressé grâce au débat actuel dans les études », a ajouté Pawlowski. « C’est vraiment bien de voir que les preuves basées sur les observations sont de plus en plus solides. »
Que ce soit les mouvements étranges des galaxies naines dans notre propre voisinage galactique ou l’alignement étrange des galaxies sur des millions ou des milliards d’années-lumière, il est clair que les mouvements de danse des galaxies sont une clé essentielle pour comprendre la structure à grande échelle de l’univers.
Les superbes prises de vues capturant les galaxies dans des positions statiques sont guidées par des forces complexes qui nous échappent encore, notamment la toile cosmique qui soutient l’univers.
« Ce que j’aime vraiment dans ce domaine, c’est que nous en sommes encore à la phase d’exploration », a déclaré Müller. « C’est super excitant. »
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