06/09/2021 (2021-04-06)
Par Nicole Delépine
[Voir aussi sur ripostelaique.com]
Quel bonheur de lire quelques lignes de réconfort après tant de mois de grisaille et de complicité de bien trop de personnes de différents secteurs, comme les médecins cois devant leur Conseil de l’Ordre et oubliant, pour trop d’entre eux, leur serment d’Hippocrate, et comme les juges et députés validant quasi automatiquement les desiderata des puissants du moment.
Alors oui, comme dit dans un post Mme Anne-Emmanuelle Bourgaux, enseignante en droit constitutionnel à l’université de Mons en Belgique, cela fait du bien de lire la sentence d’un tribunal belge condamnant en première instance les décisions gouvernementales. Nous sommes heureux de vous transférer ce billet car, comme elle, nous ne pouvons pas penser que des peuples soumis à la terreur de leurs gouvernements depuis de nombreux mois ne finiront pas par réagir.
La cour belge a affirmé que les lois contre le covid sont illégales.
Voici ce post réconfortant
« Ce matin était un matin comme tous les matins depuis plus d’un an.
Ce matin, les cinémas et les hôtels, restaurants et cafés (HORECA) étaient toujours fermés ; les écoles et les coiffeurs l’étaient à nouveau ; les universités l’étaient derechef ; les musées et les hôtels, on ne sait plus (et eux non plus).
Ce matin, je donnais cours à mes chers étudiants qui sont plus de la moitié à avoir des symptômes de dépression, qui ne voient que la quadrature de leur écran et des plannings de réunion et de cours, qui, pour certains, manquent de basculer dans la rue, ou de basculer tout court.
Mais ce matin avait décidément décidé de ne pas être un matin comme les autres.
Ce matin, saisie par la Ligue des Droits de l’Homme, la présidente du Tribunal de Première Instance de Bruxelles s’est fâchée toute rouge.
Extraits choisis :
- “Il s’agit de restrictions aux libertés publiques sans précédent depuis la IIème Guerre Mondiale”
- “Lorsque tant de libertés fondamentales sont limitées depuis plus d’une année, il s’agit en l’espèce de constater que le maintien de telles restrictions sur la durée et, à ce stade, sans restriction dans le temps (la prorogation systématique de la durée des mesures par voie d’arrêtés n’est que l’apparat d’une durée illimitée) constitue nécessairement une aggravation des conséquences pour les destinataires de ces libertés”.
- “Les parties demanderesses apportent suffisamment d’éléments concrets qui permettent de constater qu’une décision est immédiatement souhaitable lorsqu’elles détaillent :
- l’impact psychologique des mesures sur la santé mentale des enfants et des adolescents ;
- la mise à mal de l’éducation scolaire et de l’enseignement supérieur ;
- le fait que les enfants ne puissent plus pratiquer des activités extra-scolaires ;
- l’augmentation des violences intrafamiliales
- la précarisation sociale, affective et financière d’une large partie des citoyens ;
- les conditions d’incarcération des détenus ;
- l’exclusion sociale et familiale des personnes âgées (…).
Tant que ces constats demeurent, l’urgence d’y remédier demeure”.
- “C’est la prolongation des mesures en cause jusqu’au 1er avril 2021 par arrêté ministériel du 6 février 2021 qui a décidé les demanderesses à nous saisir s’agissant d’une prolongation de deux mois sans qu’une réelle communication n’ait été faite à ce sujet”.
- “Il s’avère que la fermeture des établissements (culturels, sportifs, récréatifs, événementiel, « HoReCa » des professions de contact, la suspension de l’obligation scolaire, la limitation des rassemblements public et privé, la liberté de circuler depuis ou vers la Belgique, échappent (…) aux termes “réquisition et évacuation” et, partant, au cadre restrictif et prévisible de l’habilitation prévue par la loi du 15 mai 2007″.
- “Si l’urgence des premiers temps de l’épidémie aurait pu expliquer qu’il faille s’appuyer sur la loi du 15 mai 2007, il ne paraît plus justifier de s’en prévaloir plusieurs mois après l’émergence de la crise sanitaire (…).
En l’espèce des restrictions aux droits et libertés et droits constitutionnels nécessitent, prima facie (= à première vue) une base légale solide que ne constitue pas, en apparence, la loi du 15 mai 2007 ».
- “A cet égard, c’est au législateur d’intervenir pour décider des limites à apporter aux libertés fondamentales“.
- La “motivation stéréotypée” pour éviter “la consultation de la Section de Législation du Conseil d’Etat qui n’a pas été consultée pour avis depuis un an” pose également “un problème de légalité”
- RESTREINDRE “DE MANIERE ILLEGALE LES LIBERTES CONSTITUTIONNELLES A POUR CONSEQUENCE QU’UNE PARTIE DES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION SONT SUSPENDUES, CE QUE L’ARTICLE 187 DE LA CONSTITUTION INTERDIT”.
- En conséquence, l’Etat est invité “à prendre toutes les mesures mettant fin à la situation d’illégalité (…) en demeurant libre dans le choix des moyens pour y parvenir” et ce “dans un délai de 30 jours”.
- Et comme “il ressort des éléments de la cause et des pièces déposées que l’Etat belge a été interpellé à de multiples reprises quant à la légalité des mesures édictées (…) sans qu’elles aient été prises en considération” : à défaut de mettre fin à l’illégalité, 5000 euros d’astreintes/jour avec un maximum de 200 000 euros. »
Alors bien sûr, à ce matin pas comme les autres a rapidement succédé un après-midi comme les autres : déjà, la ministre de l’Intérieur annonce qu’elle fait appel de cette ordonnance.
Comme me le dit un de mes chers étudiants : “elle réagit comme ces étudiants qui ratent un examen et plutôt de se demander ce qui cloche chez eux, ils attaquent le prof”.
Mais qu’à cela ne tienne : cet après-midi, on se dit que pour une fois, l’arriéré judiciaire bruxellois a du bon. À force de sous-financer la justice, c’est l’arroseur arrosé : cet appel mettra bien plus d’un mois pour aboutir. Plus moyen de tergiverser/reporter/prolonger/échapper au problème.
Alors ce soir, après ce matin pas comme les autres et malgré cet après-midi qui fait déjà semblant de rien, après 12 mois 1/2, 37 arrêtés ministériels, des dizaines d’arrêts du Conseil d’État décevants, des jugements courageux réformés en appel, des heures de discussion, de relecture, d’interventions, avec mes étudiants du Labovir-IUS, on était content.
Contents que cette décision, ce ne soit pas un Poisson d’avril.
https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/l-etat-condamne-par-le-tribunal-de-premiere-instance-a-lever-toutes-les-mesures-covid-60644f7e9978e2410fea59fa (Merci à Maryam Benayad)
https://bx1.be/categories/news/letat-belge-condamne-a-adopter-un-cadre-legal-pour-encadrer-les-mesures-covid/?theme=classic (Merci à Adeline Bauwin)
DEPUIS LE DÉBUT DE LA CRISE, LES PARLEMENTAIRES NE DÉFENDENT PAS NOS DROITS ET LIBERTÉS »
Ce n’est pas nouveau que Mme Bourgaux défende les institutions. On peut lire par exemple en janvier 2021, Anne-Emmanuelle Bourgaux (UMons) : « depuis le début de la crise, les parlementaires ne défendent pas nos droits et libertés ».
Anne-Emmanuelle Bourgaux, professeure de droit et constitutionnaliste à l’université de Mons, invitée du Grand Oral RTBF/Le Soir.
Mis en ligne le 30/01/2021
« Dans la Constitution belge, il y a un principe très vieux mais génial et d’une modernité incroyable qui est le principe de légalité : il y a des choses qui doivent faire l’objet de débat parlementaire, précisément pour que la balance entre les intérêts se fasse de manière pluraliste et transparente. Concrètement : est-ce qu’en privilégiant des mesures fortes sur le Covid-19 on n’abandonne pas la jeunesse ? Dans quelle mesure la dépression des jeunes c’est moins ou plus important que la mort par maladie ? Dans la Constitution, les représentants élus doivent faire des arbitrages sur ce genre de questions importantes. Mais en Belgique, on voit la mise en œuvre de procédures opaques : je vous laisse réfléchir à la qualité délibérative d’une consultation électronique des membres du Comité de concertation. Je pense qu’on atteint le niveau zéro. »
En Belgique, à force de mettre en place ce cocktail inédit entre une difficulté de comprendre les enjeux du débat parce qu’il manque de transparence, et une augmentation flagrante de l’approche répressive, les autorités produisent du désespoir chez les citoyens. Il ne faut donc pas s’étonner de voir naître des manifestations violentes. »
Nicole Delépine
⚠ Les points de vue exprimés dans l’article ne sont pas nécessairement partagés par les (autres) auteurs et contributeurs du site Nouveau Monde.