05/04/2023 (2023-03-30)
[Source : francesoir.fr]
Par Docteur Gérard Guillaume
TRIBUNE/OPINION — Le phénomène n’est pas nouveau, mais il ne cesse de prendre de l’ampleur. Les pénuries de médicaments se sont aggravées en 2022, persistent en 2023, tant au niveau français qu’européen.
Ce phénomène recouvre deux types de situations clairement définies : la première, « la rupture de stock », autrement dit l’impossibilité pour un laboratoire de fabriquer ou d’exploiter un médicament ou un vaccin.
La deuxième, « la rupture d’approvisionnement » ou « tension d’approvisionnement », définie comme l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie hospitalière de dispenser un médicament à un patient dans un délai garanti de 72 heures après avoir effectué une demande auprès de deux distributeurs.
Ces ruptures peuvent être de courte durée, ou beaucoup plus longues, jusqu’à l’arrêt du produit.
En dix ans, le nombre de médicaments en rupture de stock a été multiplié par plus de dix, passant de 44 en 2008 à plus de 600 en 2018. Le problème a pris des proportions inégalées en 2020 : l’Agence Nationale de Santé et du Médicament (ANSM) a reçu 2446 signalements de traitements essentiels en rupture de stock ou en tension d’approvisionnement contre 1504 en 2019. Les ruptures ou risques de ruptures ont concerné 2160 références de médicaments en 2021, contre 871 en 2018.
Le Brexit a allongé la liste : pas moins de 108 médicaments sont en effet importés du Royaume-Uni. En 2022, le phénomène s’est accentué, puisqu’à la mi-août, les ruptures d’approvisionnement concernaient 12,5 % des références, contre 6,5 % en janvier, d’après le groupement d’intérêt économique (GIE), la hausse du coût de l’énergie et du transport ayant aggravé la situation.
Chaque jour, ce sont de nouveaux médicaments qui n’arrivent pas dans les pharmacies de ville, comme d’hôpital, les derniers en date, l’amoxicilline, le paracétamol. L’approvisionnement du paracétamol, antidouleur le plus prescrit en France, est en tension depuis l’été 2022. L’agence du médicament (ANSM) a demandé aux pharmaciens d’éviter de vendre plus de deux boîtes par patient, même si les industriels assurent que leur production suffit à répondre aux besoins.
L’amoxicilline connaît principalement des difficultés d’approvisionnement sous sa forme de sirop destiné aux enfants. Et les difficultés de ces derniers mois ne se limitent malheureusement pas à ces deux médicaments, la xylocaïne à 1 % fait de plus en plus défaut.
L’ANSM met à disposition la liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) faisant actuellement l’objet de difficultés d’approvisionnement et pour lesquels il n’y a pas ou pas suffisamment d’alternatives thérapeutiques disponibles sur le marché français.
Les conséquences de ces ruptures d’approvisionnement peuvent être plus ou moins graves selon la nature des médicaments. Réduites quand il existe des produits de substitution, si on fait fi des problèmes de tolérance, d’efficacité et d’observance que ce désagrément peut engendrer.
Il en va tout autrement quand cela concerne des médicaments dits MITM qui ne disposent pas d’alternatives et peuvent générer une interruption thérapeutique qui représente une perte de chance pour le patient voire mettre en jeu le pronostic vital de patients. Dans cette catégorie on trouve des médicaments du système nerveux, des antidiabétiques, des anti-infectieux, des anticancéreux, mais aussi des anesthésiques, des antiépileptiques… Médicaments qui connaissent (ou ont connu) une rupture de stock significative sur la durée, selon l’ANSM.
Anticancéreux — BCG Medac : poudre et solvant pour suspension pour administration intravésicale ; Belustine 40 mg : gélule ; Bleomycine Bellon 15 mg : poudre pour solution injectable ; Hycamtin 0,25 mg : gélule ; Javlor 25 mg/ml : solution à diluer pour perfusion (flacon de 10 ml) ; Methotrexate Mylan 100 mg/ml : solution injectable (10 flacons de 10 ml et 10 flacons de 50 ml) ; Mitomycine Accord 10 mg : poudre pour solution injectable, pour perfusion ; ou pour voie intravésicale ; Paclitaxel Kabi 6 mg/ml : solution à diluer pour perfusion ; Pemetrexed Fresenius Kabi, flacons de 100 mg et de 500 mg : poudre pour solution à diluer pour perfusion ; Tomudex 2 mg : poudre pour solution pour perfusion ; Vitrakvi 20 mg/ml : solution buvable (flacon de 100 ml) ; Zevalin 1,6 mg/ml : trousse pour préparations ; radiopharmaceutiques pour perfusion
Antibiotiques — Ansatipine 150 mg : gélule ; Claventin : poudre pour solution injectable (I.V.) ; Linezolide Ohre Pharma 600 mg : comprimé pelliculé ; Timentin 3,1 g : poudre pour solution injectable (ticarcilline/acide clavulanique) ; Zerbaxa 0,1 g/0,5 g : poudre pour solution à diluer pour perfusion
Antiinflammatoires — Dipentum 250 mg et 500 mg : comprimé ; Solumedrol 40 mg/2 ml : lyophilisat et solution pour usage parentéral
Traitements hormonaux — Alkonatrem 150 mg : gélule (chlorhydrate de déméclocycline) ; DepoProdasone 500 mg : suspension injectable ; Octim 150 microgrammes/dose : solution pour pulvérisation nasale
Antihémorragiques — Exacyl 1 g/10 ml : solution buvable ; Octafix 100 Ul/ml : poudre et solvant pour solution injectable ; Trasylol 500 000 UIK/50 ml : solution injectable
Médicaments pour le cœur — Brevibloc 10 mg/ml : solution pour perfusion (poche de 250 ml) ; Spécialités Spironolactone Altizide 25 mg/15 mg : comprimé pelliculé sécable
Antihypertenseurs — Eupressyl LP 30 mg et 60 mg : gélule ; Mediatensyl LP 30 mg et 60 mg : gélule ; Spécialités à base de Valsartan : seul ou en association avec l’hydrochlorothiazide ; Trandate 5 mg/ml : solution injectable ; Urapidil 100 mg/20 ml : solution injectable
Antiépileptiques — Gardenal 50 mg : comprimé (boîte de 30) ; Zonisamide Mylan 100 m : gélule
Immunosuppresseurs — Imeth 2,5 mg : comprimé
Antipsychotiques — Semap 20 mg : comprimé
Les médicaments contre la maladie de Parkinson — Comtan 200 mg : comprimé pelliculé (boîte de 60) ; Parlodel 5 mg et 10 mg : gélule Sinemet LP 200 mg/50 mg : comprimé à libération prolongée
Médicaments contre la détresse respiratoire — Vectarion injectable : lyophilisat et solution pour préparation injectable
Antidiabétiques — Minirin Spray 10 microgrammes par dose : solution endonasale en flacon pulvérisateur ; Novorapid Pumpcart 100 unités/ml : solution injectable en cartouche
Traitements du reflux gastro-œsophagien — Cimetidine Arrow 200 mg : comprimé effervescent
Antiostéoporotiques — Alendronate 10 mg : comprimé
Traitements oculaires — Miochole 20 mg : poudre et solvant pour solution intraoculaire ; Visudyne 15 mg : poudre pour solution pour perfusion
Antiallergiques — Alyostal Venin d’abeille Apis Mellifera 110 et 550 microgrammes : poudre et solvant pour solution injectable ; Alyostal Venin de guêpe Polistes 110 microgrammes et 550 microgrammes : poudre et solvant pour solution injectable
Médicaments contre la leucinose — Acides aminés pour leucinose décompensée AP-HP : solution pour perfusion
Traitements de la surcharge en fer — Ferriprox 100 mg/ml : solution buvable
Traitements du syndrome des jambes sans repos — Ropinirole Mylan 0,5 mg : comprimé pelliculé
Médicaments contre le syndrome de Lambert-Ealton — Firdapse 10 mg :comprimé
Myorelaxants — Atracurium Hospira 10 mg/ml : solution injectable (flacon de 25 ml)
Anesthésiants — Chlorhydrate de Procaïne Lavoisier 10 et 20 mg/ml : solution injectable
Thiopental Medipha 500 mg et 1 g — poudre pour solution injectable
Relaxants musculaires — Cisatracurium Mylan 2 mg/ml : solution injectable ou pour perfusion (ampoule de 10 ml)
Antiinfectieux — Voriconazole Ohre Pharma 200 mg : poudre pour solution pour perfusion
Produits pour le diagnostic de la tuberculose — Tubertest : solution injectable, dérivé protéinique purifié de tuberculine
Substituts de nutrition parentérale — Vaminolact : solution pour perfusion en flacon de verre de 100 ml et de1 000 ml
Antiparasitaires — Pentacarinat 300 mg : poudre pour aérosol et pour usage parentéral
Médicaments pour le sevrage tabagique — Champix 0,5 mg et 1 mg : comprimé pelliculé
Eaux pour préparations injectables — Eau pour préparations injectables en poche de 250 ml, 500 ml et 1 000 ml
À cette liste impressionnante et édifiante, on pourrait ajouter des corticoïdes comme l’Altim-cortivazol dont les rhumatologues et surtout les patients sont privés depuis 2017.
Comment en est-on arrivé là ? Comment passe-t-on du rang de la sixième puissance mondiale à celui d’un pays en voie de sous-développement ? À qui la faute ? Comme nous allons le voir, les responsabilités sont partagées.
Les causes sont multiples, économiques, industrielles et réglementaires. Les acteurs concernés en France sont aussi bien les industriels que les pouvoirs publics et les organismes de régulation dans le domaine de la santé : ANSM, Comité économique des produits de santé (CEPS), Direction Générale de la Santé (DGS), etc. S’il fallait envisager une solution pérenne, de nombreux acteurs doivent ainsi se coordonner pour résoudre cette situation, selon un rapport de 2018 de l’Académie de Pharmacie « Indisponibilité des Médicaments ».
La mondialisation a conduit à la délocalisation des chaînes de production en Asie où les coûts de production sont réduits et les exigences réglementaires moindres. En 2017, 80 % des fabricants de substances actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe étaient situés en dehors de l’européenne, contre 20 % il y a 30 ans.
Cette dépendance envers l’Asie n’est pas propre à la pharmacie, c’est le résultat de 40 ans d’échanges et de transferts de production internationaux non régulés.
L’un des principaux facteurs de fuite des industries pharmaceutiques est sans conteste le coût de production. Sans négliger le fait que les exécutifs français étaient ravis de voir certaines industries polluantes comme celle de la chimie partir ailleurs, le comble de l’hypocrisie.
En France : 170 sites de production de médicaments étaient recensés sur le territoire national en 2015, contre 224 en 2013, soit une baisse de 24 %. Industrie Pharma Magazine, en octobre 2020 a recensé 206 sites de production de médicaments en France dans les régions Île-de-France, Normandie, Centre-Val de Loire et Auvergne-Rhône-Alpes.
La relocalisation de l’industrie pharmaceutique est certes un enjeu majeur, encore faut-il assurer une compétitivité de la production, il faut innover et développer des procédés moins impactant pour l’environnement, ces industries sont de type Seveso et personne n’en veut !
La flambée des coûts énergétiques risque de compromettre les efforts déployés pour rendre ces régions plus autosuffisantes, alors que la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine, semble-t-il, ont aggravé les problèmes d’approvisionnement en matières premières. L’aluminium qui sert d’emballage au médicament a vu son coût augmenté de 30 % et ses délais de livraison de 40 %, quant aux cartons leur coût a augmenté de 50 % et le délai de livraison de 150 %.
Malgré le maillage industriel, la France est passée en 10 ans de premier fabricant d’Europe, à quatrième, en termes de valeur de production, derrière la Suisse, l’Allemagne et l’Italie après avoir été leader de 1995 à 2008.
Un médicament est composé d’un ou de plusieurs principes actifs, à l’origine des effets thérapeutiques, associés à des excipients. Il convient de distinguer d’une part, la production de la matière première, « la partie la plus importante », et d’autre part, l’élaboration du médicament en lui-même. Ces étapes sont rarement effectuées sur un même territoire. Autrement dit : la chaîne de production d’un médicament est fragmentée entre les continents. Seuls 22 % des principaux médicaments remboursés en ville sont produits en France.
La faute à une activité vieillissante : depuis la date de publication de leur autorisation de mise sur le marché (AMM), les deux tiers des molécules qui composent ces médicaments ont en moyenne vingt ans d’existence.
Des causes financières : la commercialisation des médicaments anciens à bas prix s’avère progressivement impossible, en dépit de leur intérêt thérapeutique évident. Les prix n’ont pas été actualisés et les marges sont trop faibles pour que les industriels investissent dans les structures de production. L’industrie abandonne souvent des produits non rentables et se concentre sur des produits nouveaux, qui rapportent beaucoup plus.
L’intérêt des patients passe au second rang loin derrière celui des laboratoires. En France, le prix des médicaments reste faible et il est strictement encadré par l’État. Certains laboratoires français vendent à perte ; les médicaments cédés sont moins chers que ce qu’ils ont coûté à fabriquer. Tout particulièrement les médicaments dits anciens dont le prix est devenu très bas.
Un constat qui s’applique également aux génériques. Ces derniers sont fabriqués et vendus à des prix encore plus faibles que les médicaments « originaux », à partir desquels sont conçus les médicaments génériques).
C’est la recherche de rentabilité la plus élevée qui a conduit les laboratoires à délocaliser massivement (notamment en Asie) la fabrication de la matière première des médicaments. D’autre part, c’est cette même quête de la rentabilité qui a tenté les industriels d’organiser, en quelque sorte, eux-mêmes la pénurie afin de faire exploser les prix et leurs bénéfices. Voilà une stratégie commerciale de l’industrie pharmaceutique qui provoque un grave problème, de soins en premier lieu.
Les causes économiques et financières
Les prix des médicaments n’ont pas été actualisés. Les marges sont trop faibles. Cela n’encourage pas les industriels à investir dans des structures de production adaptées à ces molécules.
Le prix de certains anticancéreux ou antibiotiques anciens n’est pas actualisé, voire non soutenu : cela conduit à des marges trop faibles pour que les industriels investissent dans les structures de production. Ce qui peut produire un arrêt de la commercialisation et donc les ruptures ou tensions d’approvisionnement.
L’industrie abandonne souvent des produits non rentables et se concentre sur des produits nouveaux, qui rapportent beaucoup plus. Notons qu’il n’existe quasiment jamais de rupture de médicaments chers. De plus, le différentiel de prix entre les différents États européens est souvent un handicap pour la France, surtout lorsque les stocks sont faibles à tous les niveaux de la chaîne de production et de distribution et ne permettent pas de couvrir les ruptures majeures pour les pays les moins attractifs.
Quels que soient les arguments avancés, la santé et la vie d’une personne ne peuvent être tributaires de la seule logique de rentabilité financière de l’industrie pharmaceutique. Le médicament n’est pas un bien de consommation comme un autre, il peut être soumis à la même logique de business. Mais si un laboratoire peut réaliser la quasi-totalité de son chiffre d’affaires grâce à la Sécurité sociale en France : peut-il être en droit de renoncer à des traitements essentiels pour le public ?
Les causes industrielles : la tension sur la chaîne d’approvisionnement des médicaments ne date pas d’hier. La problématique de l’offre et de la demande existe depuis bien longtemps. Une demande qui augmente chaque année de plus de 5 %.
Les industriels fonctionnent en flux tendu : cela est plus avantageux économiquement afin de produire sans faire de stocks. Citons le rapport de l’Académie nationale de pharmacie, précité :
« la mondialisation de l’industrie du médicament a bouleversé le circuit du médicament : délocalisation de la production des principes actifs (et parfois des produits finis) vers l’Asie (Inde, Chine, Sud-est asiatique…) pour diminuer les coûts et/ou s’affranchir de contraintes environnementales coûteuses ; complexification de la chaîne logistique (approvisionnement, production, étiquetage pays-dépendant, distribution) ; prévisions de vente de plus en plus difficiles (nouveaux pays, appels d’offres + impact des génériques) ; productions multidestinations (pas assez de “différenciation retardée” possible) ; centre de décision économique à l’échelle mondiale et loin de l’Europe (USA). Pour réduire les ruptures et les tensions et produire les quantités nécessaires, les enjeux industriels sont multiples : il s’agit de réduire les délais de production, d’accroître la productivité et, pour cela, de réduire la variabilité des étapes de production. Il s’agit aussi d’investir dans de nouvelles capacités industrielles. Toutes ces améliorations supposent le recours à des “variations d’AMM”. Il est donc nécessaire que les procédures de variation soient optimisées en parallèle si l’on veut pouvoir mettre en place des améliorations rapidement et sans être ralenti par les temps d’évaluation desdites variations. »
Les causes réglementaires
Les normes BPF (bonnes pratiques de fabrication) ainsi que les normes réglementaires (sans compter les normes environnementales) sont en augmentation constante depuis 20 ans. Auxquelles s’ajoutent les exigences environnementales. Ainsi, les BPF sont passées de 50 à 300 pages. Complexification des traitements administratifs post-AMM sans coordination entre États.
La majorité des médicaments sont des produits gérés par des AMM nationales. Les approbations de modification du dossier d’AMM sont nationales alors que les entreprises sont mondiales et que les variations décidées concernent nécessairement tous les pays dans lesquels chaque médicament est commercialisé.
En conséquence, chaque changement peut prendre jusqu’à cinq ans jusqu’à la dernière approbation. De plus, on constate la mise en place d’exigences réglementaires propres aux nouveaux pays en voie de développement (ex. : multiplication du nombre de pays avec recontrôle des lots de vaccins par l’autorité nationale).
Toujours dans le rapport de l’Académie nationale de médecine :
« on peut constater un durcissement des inspections sans reconnaissance mutuelle ni accord sur les conclusions (ex : une grande entreprise française a sur l’ensemble de ses sites industriels chaque année 240 inspections, dont 70 pour les 18 sites français). Les industriels sont pris entre d’une part l’augmentation régulière des réglementations et des coûts associés, et, d’autre part, la baisse régulière des prix de vente, rendant progressivement impossible la commercialisation des médicaments anciens à bas prix, en dépit de leur intérêt thérapeutique évident. »
Les solutions
Les orientations stratégiques du pays dans le domaine de la politique industrielle et de l’innovation en santé sont définies par deux instances de dialogue entre l’État et les entreprises du médicament :
— le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), créé en 2004 pour renforcer l’attractivité industrielle de la France. L’ambition du CSIS 2021 est de « faire de la France la 1re nation innovante et souveraine en santé d’ici 2030 ». Vaste ambition quand on a laissé la France dégringoler au rang de pays sous-développé !
— le Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF ITS), créé en mars 2013, à l’image de celui des industries dites stratégiques (ferroviaire, automobile, aéronautique). Il associe les entreprises du médicament humain et vétérinaire, du dispositif médical, du diagnostic médical, de la biotechnologie et de la e-santé, ainsi que les syndicats de salariés et les organismes professionnels concernés.
En 2019, des filières d’avenir ont été envisagées autour de la bioproduction, de l’antibiorésistance, de l’intelligence artificielle et du numérique en santé ou encore du développement international. La relocalisation de principes actifs, intermédiaires ou médicaments essentiels. En 2021, quatre nouveaux projets structurants ont été ajoutés : l’imagerie médicale ; le renforcement de la filière diagnostic in vitro ; la transformation numérique ; mais surtout : La relocalisation de principes actifs, intermédiaires ou médicaments essentiels.
Le ministère de la Santé avait dévoilé le 8 juillet 2019, ses pistes pour « lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. » La feuille de route ministérielle comprenait 28 actions regroupées en quatre axes : promouvoir la transparence et la qualité de l’information ; mener des actions de prévention et de gestion sur l’ensemble du circuit du médicament ; renforcer la coordination nationale et la coopération européenne ; proposer une nouvelle gouvernance en instaurant un comité de pilotage.
Ce plan 2019-2022 de gestion des pénuries de médicaments élaboré par Agnès Buzyn alors ministre de la Santé, a été enterré avec la pandémie. Les entreprises du médicament n’ont toujours pas été sollicitées par le gouvernement pour participer à l’élaboration d’un nouveau plan et les différents acteurs dénoncent l’absence d’outils de pilotage de la situation. Cela s’est vu récemment avec la réapparition de crise et la manifeste absence de solutions proposées par l’actuel ministre de la Santé, M. Braun.
Lors de la Question d’actualité au gouvernement n° 0089G de M. Bruno Belin (Vienne —Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 10/11/2022 M. Bruno Belin s’exprime ainsi :
« Monsieur le président, mes chers collègues, la France est à sec ! À sec d’argent, à sec d’eau, à sec d’électricité, à sec de gaz, à sec de nucléaire, à sec de médecins… Et maintenant à sec de certains médicaments : Spasfon et Gaviscon, nous cherchons ; amoxicilline et paracétamol aussi rares que le pétrole ; en cette période d’épidémie de bronchiolite, c’est dramatique ! Ce sont pourtant des médicaments matures, peu onéreux et essentiels tout au long de l’année. Monsieur le ministre de la Santé, ma question est si simple qu’elle inquiète les professionnels de santé et les patients : quelle est votre stratégie pour que la France puisse retrouver sa souveraineté sur les produits de santé ? »
Réponse de François Braun :
« Nous avons un plan pénurie, vous le savez, sur lequel je ferai bientôt le point. En ce qui concerne le développement d’une filière française de l’industrie du médicament, également voulue par le Président de la République, je vous rappelle que dans le cadre du plan France 2030, quelques 7,5 milliards d’euros ont été investis dans cette filière. »
Réponse de M. Bruno Belin :
« Voici la réalité : Sanofi est incapable de faire un vaccin ; des médicaments sont contingentés tous les matins ; l’accès à la santé est plus compliqué… La réalité c’est la régression indiscutable de la puissance sanitaire de la France ! La mascarade des masques a illustré de façon insoutenable cette impuissance, cette faiblesse, et aujourd’hui, ce sont des médicaments qui manquent ! Il faut réindustrialiser la France, car c’est par là que passe le combat pour la santé — et donc pour la vie. »
La déplorable incurie des pouvoirs publics
Nous le constatons et le déplorons, les phénomènes de pénurie de médicaments prennent de l’ampleur d’année en année. Bien que les causes de ces pénuries soient identifiées, les pouvoirs publics ne se sont pas attaqués avec toute la fermeté aux causes de ces pénuries.
Ce ne sont pas les propositions qui ont fait défaut : nous reprenons ici celles du magazine de l’UFC-Que Choisir, et celles du Sénat.
Proposition de l’association UFC-Que Choisir :
— Renforcer les sanctions envers les laboratoires ; « les éventuelles relocalisations de production de médicaments en France et en Europe doivent être entreprises grâce à des financements publics », « qu’elles ne concernent que des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), et prioritairement les plus anciens et concernés par des pénuries récurrentes » ; « qu’une production publique de médicaments soit développée afin d’assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires ».
Proposition du Sénat :
— Le rapport d’information du Sénat du 20 octobre 2022 « examine les difficultés d’accès aux médicaments qui résultent de problèmes de disponibilité ou d’un prix trop élevé. Les rapporteurs formulent des observations en réponse à la stratégie pharmaceutique adoptée par la Commission européenne le 25 novembre 2020 qui prépare une réforme de la législation européenne en la matière. La mission d’information du Sénat vient de rendre public un rapport alarmant sur la perte d’indépendance sanitaire de la France. Parmi leurs 30 propositions, dont certaines pourraient faire l’objet d’amendements au PLFSS 2019, figure la possibilité pour les pharmaciens de substituer des médicaments sans demander l’avis du médecin. »
Les rapporteurs de la commission des affaires européennes du Sénat ont formulé les observations et propositions suivantes :
1) Anticiper et limiter les pénuries de médicaments, constituer des stocks avec le soutien financier de l’Union européenne, et de définir des plans de gestion des pénuries qui seront validés par l’Agence européenne des médicaments ;
2) Assurer la souveraineté sanitaire de l’Union européenne : près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’UE proviennent de pays tiers ;
3) Garantir un accès aux médicaments à des prix abordables.
« La commission des affaires européennes du Sénat souhaite que la Commission européenne définisse par des lignes directrices la notion de prix juste et équitable et qu’elle mette en place un fonds de solidarité, géré conjointement avec les États membres, pour soutenir l’achat de médicaments innovants répondant à des besoins. »
4) Favoriser le développement des médicaments de demain.
« La Commission européenne souhaite consacrer, dans le cadre du programme Horizon Europe, 8,2 milliards d’euros à la recherche dans le domaine de la santé, dont 2 milliards pour la recherche contre le cancer. En parallèle, le programme “l’Union pour la santé”, dont l’un des principaux objectifs est d’améliorer l’accès aux soins, est doté d’un budget de 5,1 milliards d’euros. Pour optimiser la gestion de ces fonds, la commission des affaires européennes du Sénat estime indispensable de définir la notion de besoins médicaux non satisfaits, besoins vers lesquels les financements publics devraient être orientés par priorité : notamment la lutte contre le cancer, la résistance aux antimicrobiens et le traitement des maladies rares et des maladies infantiles. »
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