Pour une révolution aristocratique

17/05/2024 (2024-05-17)

Le pouvoir des meilleurs ou l’honneur au-dessus de la vie

Entretien avec Louis Furiet, auteur du livre Pour une révolution aristocratique aux éditions de L’Æncre.

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul).

« Nous parlons ici de la démocratie au sens classique du terme, de celle inventée par les anciens Grecs : une démocratie directe, organique, exigeante — je dirais presque martiale. Bref, absolument le contraire de la démocratie moderne, représentative, individualiste et libérale. »

Votre titre est un appel à retrouver le sens de l’aristocratie. Qu’entendez-vous exactement par ce terme ?

Plus qu’un régime politique — le pouvoir des meilleurs —, l’aristocratie est un idéal moral, essentiellement européen. Un idéal que l’on peut identifier à l’antique vertu de magnanimité (ou grandeur d’âme). Le magnanime, nous dit Aristote, est l’homme qui n’épouse que de grandes causes et se donne tout entier à elles. Il n’est pas l’humanitariste des Modernes, mais l’homme qui met l’honneur au-dessus de la vie. Loin d’être un orgueilleux, il est celui qui se sacrifie pour les biens qu’il estime plus grands que sa petite personne : pour cela, c’est un idéal qui est tout à fait acceptable pour un chrétien (cf. Thomas d’Aquin).

En bref, l’aristocrate — Werner Sombart aurait dit le héros — est le contraire du marchand : alors que ce dernier entre dans la vie en lui demandant « Que peux-tu me donner ? », l’aristocrate y entre en lui demandant : « Que puis-je te donner ? ». Alors que le marchand calcule tout, négocie tout, marchande tout, l’aristocrate méprise la mesquinerie et se donne sans compter.

Après avoir tenté de peindre le dernier homme dans mon roman Les hommes du néant (éditions Dutan), cet homme privé de toute grandeur d’âme mis en lumière par Nietzsche dans le prologue d’Ainsi parlait Zarathoustra, je tenais à montrer ce que pouvait signifier, aujourd’hui, faire preuve de grandeur d’âme.

Mais cette vertu est-elle encore possible à l’âge de la démocratie et du nivellement par le bas ?

Justement, mon propos — avant tout philosophique — consiste à montrer que la magnanimité n’est pas une vertu d’un autre temps. Si on la réserve à une petite élite, alors il est clair qu’elle n’est plus d’actualité : l’âge des aristocraties de sang est clos, et ce n’est pas nécessairement un mal. Mais si on considère, à la suite de penseurs aussi différents que Cicéron, Rousseau (oui, il faut savoir se défaire de certains préjugés !), Bergson ou Péguy, que la magnanimité consiste à se sacrifier pour la Cité dont on est membre, alors elle est accessible à tout citoyen.

On peut même dire que la magnanimité, vertu aristocratique, est la vertu par excellence en régime républicain ou démocratique. Mais évidemment, nous parlons ici de la démocratie au sens classique du terme, de celle inventée par les anciens Grecs : une démocratie directe, organique, exigeante — je dirais presque martiale. Bref, absolument le contraire de la démocratie moderne, représentative, individualiste et libérale.

C’est précisément cette démocratie organique que j’appelle de mes vœux dans mon Pour une révolution aristocratique, pour que nos sociétés retrouvent le sens de la grandeur humaine — le politique conditionne en grande partie l’éthique. Et en même temps, il faut refaire des hommes magnanimes pour qu’un tel régime advienne.

Pour une révolution aristocratique, Louis Furiet, éditions de L’Æncre, collection « Nouveaux enjeux du XXIe siècle », préface de David L’Épée, 142 pages, 21 euros.

Pour obtenir « Pour une révolution aristocratique », cliquez ici



Professeur de philosophie, rédacteur en chef de la revue Écrits de Rome, Louis Furiet s’intéresse plus particulièrement à la critique de la Modernité. Dans son roman Les hommes du néant (Dutan, 2023), il a voulu peindre l’absence de grandeur qui caractérise l’homme postmoderne.

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