07/02/2024 (2024-02-07)
[Source : libre-media.com]
Par Bernard Massie, Philippe Meloni et Robert Béliveau
L’ignorance maquillée en prétention de savoir est le théâtre auquel nous exposent trop souvent nos dirigeants, technocrates, bureaucrates et journalistes qui devraient plutôt renseigner le public de façon nuancée et critique.
On peut lire sur les réseaux sociaux qu’en cette ère de foisonnement de l’information, l’ignorance est un choix. Un choix aux lourdes conséquences, particulièrement pour la vie citoyenne en démocratie dont l’harmonie, à travers le débat continu, est gage de paix, de créativité et de prospérité.
Or, comme le proclamait Marie Curie : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre. Il est temps à présent de comprendre davantage, afin que nous puissions moins avoir peur. »
Connaissance, confiance et richesse
Contrairement aux richesses matérielles, la connaissance est de l’information immatérielle ayant cette étrange propriété de se démultiplier et de se partager en enrichissant autant le donneur que le receveur de l’information. Bien plus qu’additif, le partage ouvert de l’information est synergique.
Et la condition sine qua non pour le partage éthique et efficace de l’information, c’est la confiance qui se mérite au fil des paroles de vérité qui se concrétisent en actions cohérentes avec un minimum d’écart entre les mots et les actes.
Si le savoir partagé nous affranchit de nos peurs en nous faisant mieux définir et accepter les contours de notre ignorance et en nous guidant pour agir de façon plus adaptée dans le monde, en revanche le pouvoir, sans la compétence, conduit fatalement à des décisions et actions désastreuses.
D’où ce devoir de compétence et d’humilité pour agir avec sagesse en évitant l’écueil de l’illusion de la connaissance qui est la forme la plus pernicieuse de l’ignorance.
S’informer pour être libre
Le plus grand piège pour les gens de pouvoir c’est de se dérober trop longtemps et régulièrement aux conséquences de leurs erreurs en utilisant des subterfuges qui les rassurent, sans les affranchir pour autant de leurs peurs omniprésentes, qui les maintiennent encore et toujours sous le joug de leur aveuglement volontaire.
Le pouvoir non fondé sur la sagesse et le savoir est la recette éprouvée pour perpétuer l’échec à répétition entravant le progrès.
Alors que la propagande empoisonne le puits du savoir, pour bien comprendre il faut apprendre, désapprendre et réapprendre.
Selon un proverbe africain, ne pas savoir est dangereux. Mais ne pas avoir envie de savoir est encore pire. Comme le disait Milan Kundera : « Est-on innocent parce qu’on ne sait pas ? Un imbécile assis sur le trône est-il déchargé de toute responsabilité du seul fait que c’est un imbécile ? »
Comme on ne peut tout savoir, il est illusoire et dysfonctionnel de prétendre à postuler une opinion libre et éclairée sur tout alors que même les plus grands experts savent tout… sur rien !
Mais, lorsqu’il devient impératif de savoir suffisamment pour agir, à qui donc pouvons-nous déléguer le soin de nous informer judicieusement sur ce que nous devons savoir ? Et savoir distinguer ce que l’on sait, ce qu’on ignore et ce que l’on croit.
Préférer la conformité est un pari risqué
Lorsque les gens au pouvoir sont ignorants dans de nombreux volets de la connaissance essentielle pour gouverner avec sagesse et bienveillance, il est de leur devoir de s’entourer de conseillers libres de parole et ayant les connaissances pertinentes à la bonne gouvernance fondée sur le savoir et la sagesse.
À tout le moins, les dirigeants doivent avoir la sagesse de s’entourer de véritables experts de disciplines différentes en évitant le piège des prestidigitateurs de la communication, plus doués en beau discours qu’en connaissance avérée. Et surtout d’éviter les courtisans plus motivés à maintenir leur statut social, qu’à communiquer la meilleure information disponible, quitte à déplaire.
Le problème du savoir est qu’il s’accompagne de la responsabilité d’agir en conséquence. Et cette responsabilité est à la fois angoissante et exigeante. D’où la tentation de l’aveuglement volontaire ou du simulacre de l’ignorance qui autorise la plausibilité du déni de responsabilité.
Bien identifier les sources fiables du savoir
Alors, comment allons-nous apprendre ce que nous devons savoir ? Il faut tout d’abord avoir le courage de savoir en assumant la responsabilité qui en découle. Les politiciens, tout comme les médecins devraient toujours se rappeler que leurs interventions ne sont légitimes que si elles reposent sur une forte présomption de faire plus de bien que de mal.
Le pouvoir de gouverner est consubstantiel à la responsabilité de savoir qui commence tout naturellement par la responsabilité individuelle de mener nos vies en citoyens libres, honnêtes et bienveillants.
Et cela commence par soi-même. Est-ce légitime d’aspirer à gouverner ou influencer le gouvernement de la cité sans avoir déjà démontré, par des expériences de vie, qu’on a déjà accompli des projets concrets au-delà de la simple contestation ou de la communication publique ?
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L’ignorance maquillée en prétention de savoir est le théâtre auquel nous exposent hélas trop souvent nos dirigeants, technocrates, bureaucrates et journalistes qui devraient avoir pour profession de renseigner le public de façon nuancée et critique, plutôt que de coloniser son esprit avec le prêt-à-penser.
Comme il est impossible de tout savoir ce qui est essentiel pour bien gouverner, comment trouver les informations justes et fiables en cette ère « d’infodémie » contaminée par une propagande soutenue et des conflits d’intérêts systémiques ?
Si les dirigeants ou les dirigeants aspirants, les technocrates et les journalistes n’ont pas encore compris comment naviguer dans ce labyrinthe, on devrait s’en inquiéter et les congédier.
Fondamentalement, le défi des dirigeants n’est pas différent de celui des citoyens ordinaires qui ont appris à la dure à qui se fier et de qui se méfier, au risque d’en subir de graves conséquences.
Avant de déléguer l’ascendant du savoir à des experts dont c’est le métier d’approfondir des sujets complexes, pour faire simple, il y a trois critères essentiels à considérer, une fois qu’on a compris que personne ne peut détenir la vérité entière et définitive sur des enjeux complexes.
On souffre d’une indigestion d’opinions de pseudo-experts ou pseudo-journalistes qui ignorent ou méconnaissent les faits et qui nous bombardent de fantaisistes interprétations dénuées de fondements scientifiques.
Est-ce que l’expert a démontré sa capacité à générer de la connaissance nouvelle dans son domaine ? Est-ce que l’expert est fiable parce qu’exempt de conflit d’intérêts patent ou occulte ? Est-ce que l’expert est disposé à participer à l’intelligence collective en débattant ouvertement de ses opinions éclairées tout en s’abstenant de polluer les échanges avec des opinions infondées ?
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Ces érudits existent dans toutes les sphères de la société et sont particulièrement abondants parmi les retraités qui ont eu une carrière bien remplie et qui sont dorénavant exempts de tout conflit d’intérêts, ou apparence de conflit d’intérêts, étant libérés des contraintes hiérarchiques des institutions dans lesquelles ils ont œuvré. Et en prime, ils ont beaucoup de temps à leur disposition et le souci de léguer un héritage.
Contrairement aux gens engouffrés dans leur vie professionnelle et familiale très prenante, ces aînés sont dans la saison de la vie où, comblés de gratitude, ils peuvent jouir du bonheur de simplement redonner au suivant.
Comment favoriser l’intelligence collective ?
Apprendre est un acte individuel qui puise à la connaissance sans cesse grandissante de l’humanité. C’est une responsabilité individuelle qui réclame une libre circulation des idées et l’acceptation des conflits. Cet apprentissage peut être facilité ou entravé par la communauté en fonction de la culture dans laquelle on baigne selon qu’elle soit plus ou moins ouverte à la liberté d’expression.
Les expériences de conformité de Asch et de soumission à l’autorité de Milgram illustrent bien les écueils à éviter dans la génération de connaissances exploitant à bon escient l’intelligence collective. Ces expériences ont révélé des traits de la psychologie humaine aux antipodes de la pensée critique, pavant la voie à l’endoctrinement et à la servitude volontaire.
Si l’accès au savoir peut être ouvert à tous, la connaissance ne se décrète pas à la majorité pas plus qu’elle ne doit être adoubée par l’autorité. La nature est ce qu’elle est, quoi qu’on en pense, ou quoi qu’en pensent les bien-pensants aveuglés par l’idéologie quasi religieuse.
C’est à nous de la découvrir. Et une découverte est d’autant plus subversive lorsqu’elle questionne plus fondamentalement les théories en cours.
On souffre d’une indigestion d’opinions de pseudo-experts ou pseudo-journalistes qui ignorent ou méconnaissent les faits et qui nous bombardent de fantaisistes interprétations dénuées de fondements scientifiques. C’est un spectacle navrant de scientisme et d’ignorance sous stéroïdes avec un simulacre de science directe ou par procuration ! La science questionne, la politique ordonne.
Et les politiciens, ou autres commentateurs publics, ces illettrés de la science ou des chiffres, font semblant de croire leurs conseillers scientifiques qui ne savent pas de quoi ils parlent ou n’ont pas le courage de faire comprendre aux ignorants la signification réelle des données et de la connaissance au-delà de la peur ou de leur agenda politique.
Et surtout, les scientifiques sont souvent mal préparés pour évoluer dans le monde de la politique. Ce qui faisait dire à George Orwell : « Il se peut qu’au moment de l’épreuve de vérité, l’homme de la rue se montre plus intelligent que la grosse tête. » Il convient donc aussi de savoir douter quand « la science » impose une vérité unique et refuse le débat.
Alors que la propagande empoisonne le puits du savoir, pour bien comprendre il faut apprendre, désapprendre et réapprendre. Cultivons bien notre pouvoir par le véritable savoir ; il en va de notre sécurité, de notre longévité et de notre prospérité !
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