Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
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Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27]

Par Joseph Stroberg

​28 — Terre !

Après plusieurs heures passées dans les brumes à la limite de la conscience de veille, les quatre compères sortirent lentement de leur torpeur. Il était temps, car au loin se dessinait déjà une côte, mais ils ne la remarquaient pas encore. Il fallut un long moment avant que le chasseur, plus habitué à l’observation, finisse par poser son regard au bon endroit. Il s’écria alors aussitôt, et de manière assez classique :

— Terre ! Droit devant, là ! Ça y est enfin ! Je vois la côte du continent du Sud !

— Hein ?… répondirent seulement et de concert ses trois compagnons. Où ça ? poursuivit seul Gnomil avant de porter son regard dans la direction pointée par Reevirn, imité peu après par le moine et la cristallière qui éprouvaient plus de difficulté à reprendre pleinement leur esprit.

— Il nous reste alors à nous préparer pour l’accostage, en espérant que ce navire magique nous conduise directement au port et au bon endroit, continua Tulvarn, alors que Jiliern n’avait rien à ajouter.

Après ce bref échange qui leur avait demandé une quantité d’énergie inhabituellement disproportionnée, ils retournèrent à leur mutisme, sans toutefois replonger dans l’état nébuleux antérieur, même s’ils ne disposaient pas encore d’un esprit bien alerte et vigilant. Il s’écoula encore un temps non négligeable, apte à les affamer et à les affaiblir davantage, avant qu’ils puissent enfin toucher terre. Le moment attendu arriva finalement en fin d’après-midi, alors que Dévonia s’approchait fortement de l’horizon, avec Matronix au plus près du zénith qu’il lui était habituellement possible. Les quatre compagnons avaient fini par oublier l’odeur particulière de l’océan et se sentirent revivre en percevant timidement celle du sable et plus loin celle de la végétation. Ceci eut comme effet de leur donner comme un léger coup de froid revigorant, alors que la température était au contraire plutôt chaude, trop chaude pour ce début d’été, probablement à cause de la localisation nettement plus tropicale du continent par rapport au leur.

Alors que le navire ralentissait pour se ranger tout seul à un emplacement libre entre quatre pieux sur le port continental, la marée commençait à se retirer et il ne leur aurait pas fallu arriver une heure plus tard. Dans un tel cas, ils auraient dû aller chercher un animalier pour traîner le navire sur le sable. Ils ignoraient que ces étranges navires réglaient automatiquement leur vitesse de sorte à arriver toujours à marée haute. Ces derniers bénéficiaient non pas de magie, mais d’une étrange technologie héritée d’une ancienne planète de la périphérie galactique. La légende (visible partiellement dans le Livre, pour ceux qui avaient la curiosité ou la chance de tomber dessus) révélait que cette planète avait pu conserver son indépendance et sa souveraineté en échange de l’enseignement de cette « technologie » particulière. Il s’était avéré que seulement une petite partie en avait été effectivement offerte, car les Zénoviens de l’époque ne disposaient pas d’une conscience suffisamment avancée et large pour pouvoir en appréhender et reproduire davantage. L’état de presque parfaite conservation de ces navires ne provenait que de cet art ou de ce « savoir créer » disparu, car en fait plus aucun navire n’était produit depuis longtemps par des artisans locaux, contrairement à ce que certains de ces derniers laissaient croire pour se donner une certaine aura. Depuis de nombreuses générations, les constructeurs navals ne fabriquaient en réalité que des barques et autres très petits bateaux uniquement destinés aux rivières calmes. Les rares navires perdus en mer n’étaient jamais remplacés, ce qui expliquait que cycle après cycle le nombre de navires présents en moyenne à un port donné fondait progressivement. Au rythme actuel, il n’en existerait probablement plus d’ici quelques milliers ou dizaines de milliers de cycles. Alors, soit les Véliens devraient trouver une solution de remplacement pour voyager entre les continents, soit ils ne le feraient plus. Néanmoins, ce n’était nullement dans leur habitude de chercher à anticiper un tel futur et hypothétique moment. Ils tendaient au contraire à vivre au jour le jour, et à faire face aux problèmes uniquement lorsque ces derniers se présentaient. Ceci expliquait sans doute en partie leur caractère généralement débonnaire et la faible agressivité des Véliens qui n’avaient à l’époque opposé qu’une résistance toute symbolique à l’invasion par l’ancien Empire zénovien. La horde sauvage et les assassins représentaient des exceptions, numériquement très minoritaires, sachant que les moines guerriers ne combattaient habituellement que pour se défendre et que les purs guerriers étaient déjà rares en cette lointaine époque. Et aujourd’hui on n’était pas sûr de leur existence en dehors de ceux aperçus par le quatuor dans les plaines de l’Ouest. Ces derniers étaient-ils d’ailleurs vraiment des guerriers, ou bien autre chose ?

Les quatre compagnons ne mirent pas longtemps à attacher les quatre cordages, chacun à l’un des piliers correspondant selon le positionnement du navire, bien qu’ils fonctionnassent au ralenti, pas totalement remis de leur expérience de digestion laborieuse. Il était maintenant urgent pour eux de trouver de la nourriture et de l’eau non salée.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29)