Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16]

Par Joseph Stroberg

​17 — Sorcellerie ?

Les quatre aventuriers progressaient maintenant à l’ouest des Larmes de la sorcière. En trois jours de marche lente dans une jungle de plus en plus dense et dangereuse, ils avaient fini par contourner la faille par le sud. Par chance, ils étaient parvenus à se maintenir à distance des plus gros prédateurs et avaient pu assez facilement se débarrasser des autres, par le sabre, la dague, les flèches ou même parfois grâce à l’un ou l’autre des cristaux. Le plus fréquemment utilisé par Jiliern était l’hypnotiseur, ceci lorsqu’ils parvenaient à surprendre l’animal. Pour éviter d’être repérés trop vite par leur odeur, ils avaient masqué celle-ci en écrasant sur leurs vêtements et sur les sacs diverses feuilles et fleurs locales particulièrement odorantes. La méthode, proposée par Reevirn, semblait assez efficace, car ils en étaient maintenant à leur douzième hypnose réussie. Et ils évitaient plus facilement les monstres les plus visibles grâce à Reevirn.

Le terreau tapissé de feuilles mortes sur lequel poussaient diverses herbacées était progressivement devenu plus élastique et plus spongieux. Des sortes de mousses et de lianes basses fortement enchevêtrées et gorgées d’eau remplaçaient maintenant la plupart des herbes. La zone était presque marécageuse et l’humidité ambiante devenait étouffante. Des nappes de brume commençaient à apparaître ici et là, au fur et à mesure de leur progression. Elles se montraient de plus en plus étendues et épaisses. Le plus étrange, mais auquel ils ne prêtaient pas d’attention, tant ils s’efforçaient de concentrer leur vision sur la menace potentielle animale, était la couleur changeante des brumes. Si au départ celle-ci avait été normalement blanche, elle variait maintenant, alternant presque insensiblement entre les tons verts, jaunes, rougeâtres et bleutés, selon les endroits et les moments.

Alors qu’ils traversaient maintenant une nappe épaisse aux tons ocrés qui comportait ici et là quelques nuances verdâtres, insensiblement, ils se trouvèrent plongés dans un état de torpeur grandissante. Leur vigilance finit par disparaître totalement, les rendant vulnérables à tout prédateur qui serait amené à croiser leur chemin. Tulvarn observait d’un air détaché et hagard les traces noires fraîchement laissées par un rongeur sur une large planche de bois posée sur le tapis végétal. Le frêle animal venait de se jucher sur une souche couverte de mousse et se mettait à danser au rythme d’un lointain instrument à percussion. Debout sur ses pattes arrière, il se tortillait agilement dans tous les sens directement en face du moine, à quelques pas de distance. Pris de frénésie, il agrémentait de plus en plus souvent sa danse de saltos et de pirouettes endiablées. Et lorsque son regard croisait celui du Vélien, il lui lançait des grimaces, lui tirait la langue ou éclatait de rire à force de voir sa face stupide. Mais ce dernier se trouvait dans un tel état d’absence d’esprit qu’il ne pouvait en aucune manière réaliser l’incongruité de ce à quoi il assistait. Que faisait une telle planche dans cette jungle ? Pourquoi l’animal dansait-il ou ricanait-il ? De telles questions ne pouvaient pénétrer le peu de conscience qu’il lui restait. Celle-ci était tout juste bonne à le maintenir debout comme un zombi.

Dans le même temps, Gnomil venait d’apercevoir un coffre partiellement caché par la végétation. S’en approchant, il constata que celui-ci se trouvait coincé sous des roches moussues dans un creux du terrain. Ses efforts pour l’en dégager se trouvaient contrariés par la présence d’un proche buisson épineux dont les racines maintenaient solidement les pierres en place. Son gabarit se révélait insuffisant pour arracher ce qui représentait un puissant obstacle à la satisfaction de sa curiosité. Il leva alors les yeux pour chercher Tulvarn du regard. Lui aurait sans doute la force nécessaire. Ou, au pire, son sabre serait capable de trancher dans le vif pour extraire les roches et permettre l’accès au trésor. Malheureusement, il ne vit nulle part le moine-guerrier. Il ne repéra pas non plus la moindre trace de ses deux autres compagnons. Où avaient-ils bien pu tous disparaître ? Sans même l’avertir ? L’avaient-ils discrètement abandonné dans cette jungle. Pourquoi l’auraient-ils fait, puisqu’il pouvait leur être utile, par exemple dans une situation telle que la présente, avec un coffre à ouvrir. Habituellement, aucune serrure ne lui résistait. Cependant ici, celle-ci était masquée par une roche. Et il lui fallait d’abord la dégager. Mais au fait, il disposait d’une dague enchantée dans son sac ! Par le grand Satchan ! Celui-ci aussi avait disparu ! Il ne l’avait plus sur le dos et n’avait même pas réalisé l’avoir perdu ! Quelque chose n’allait pas.

Pendant que le voleur s’interrogeait sur l’incongruité de la situation, Jiliern venait de découvrir l’entrée d’une grotte prometteuse. Elle pensait bien y découvrir de nouveaux cristaux et priait que celle-ci soit suffisamment profonde pour que la lumière du jour n’y pénètre pas trop. Elle s’en approcha donc, puis y pénétra par un long couloir sinueux aux parois calcaires humides. Des stalagmites de tailles diverses tendaient à entraver sa progression. À certains moments, elle parvenait tout juste à se faufiler, en se contorsionnant parfois à la limite de sa souplesse. Le boyau tendait à se rétrécir, ce qui l’arrangeait bien sur le plan de la luminosité. Bientôt, l’obscurité serait telle qu’elle pourrait recourir à son don sensitif particulier pour sentir les roches. Prise d’une excitation grandissante, elle oubliait l’humidité pesante de l’endroit, ne remarquait pas les cadavres de plus en plus nombreux d’animaux et états variés de décomposition, et ne sentait même pas les émanations de soufre pourtant de plus en plus présentes.

Reevirn, quant à lui, ne tarda pas à se demander pourquoi ses trois compagnons s’étaient mis presque soudainement à errer bizarrement, partant sans avertissement préalable chacun dans une direction différente. Ils déambulaient plus ou moins maladroitement, comme s’ils percevaient des réalités qui lui échappaient pour l’instant complètement. Il décida de suivre à distance le moine, car il semblait le plus perturbé des trois, avec une démarche de plus en plus chaotique et lente, jusqu’à se figer en position rigide devant un large rocher. Il s’en approcha alors tout près et le contourna en un mouvement semi-circulaire pour se retrouver face à lui et observer son visage. Celui-ci semblait éteint. Ses yeux étaient pourtant ouverts, mais il n’en émanait aucune conscience discernable, comme si l’âme de Tulvarn s’était retirée de ce corps. Les lèvres du chasseur se tordirent en signe de désarroi et d’incompréhension, puis il s’affaissa quelque peu, par l’emprise croissante d’un sentiment d’impuissance. Que pouvait-il faire pour aider son ami ? Dans le peu de mémoire qu’il lui restait, il ne trouvait rien qui puisse être d’un grand secours. Aussi, après quelques minutes de réflexion sans résultat, il décida d’aller chercher la cristallière. Elle trouverait peut-être un cristal adapté à la guérison de cette étrange maladie.

Reevirn revint donc sur ses pas pour retrouver l’endroit d’où les trois amis avaient divergé. Il lui semblait d’ailleurs que la divergence n’avait pas seulement été tangible, mais qu’elle concernait aussi leur esprit. Celui-ci s’était comme écarté du chemin initial volontaire pour se mettre à errer et à divaguer de manière incompréhensible pour un observateur extérieur. Et Reevirn représentait d’autant plus un tel observateur que son absence de références mémorielles le rendait d’autant plus impartial. Qu’arrivait-il à ses amis ? Pourquoi s’étaient-ils ainsi éloignés les uns des autres pour se comporter ensuite si bizarrement ? Et qu’avait bien pu faire Tulvarn pour se retrouver en un tel état d’extinction apparente ? Le supposé chasseur n’avait pourtant rien remarqué de particulier, en dehors de cette démarche de plus en plus irrégulière, alors qu’il suivait le moine à distance. Il lui restait maintenant à retrouver Jiliern, tant qu’il discernait toujours sa trace.

La Vélienne ne s’était pas considérablement éloignée, et Reevirn ne tarda pas à la retrouver près d’un ruisseau, en train de faire des gestes qui ne semblaient avoir aucun rapport avec la situation concrète. Les bras tendus, elle semblait tâter des objets ou des êtres invisibles, ou encore leur prodiguer quelques soins. C’était tout ce que le chasseur pouvait interpréter, sur la base du peu qu’il avait déjà vu pratiquer depuis sa perte de mémoire. Il ne pouvait guère mieux se représenter ce qui amenait ainsi leur amie à un tel comportement. Il n’était pas dans son esprit, et n’avait aucun don pour le lire. Il espérait juste pouvoir l’aider à sortir de cet état, s’il était effectivement préjudiciable, ou au moins dans l’espoir de pouvoir ensuite porter secours au moine. Il s’en approcha donc tout près pour mieux observer son visage. Le regard de leur compagne n’était pas complètement éteint, mais semblait lointain, perdu vers des horizons qu’il ne pouvait lui-même distinguer. Pris d’un élan de compassion, il se rapprocha subitement d’elle et l’enserra dans ses bras, attirant doucement sa tête de la main droite pour se retrouver avec elle joue contre joue. Ils demeurèrent ainsi pendant une durée indéterminée. Situé comme hors du temps, il se contentait d’émaner vers elle un amour pur et dénué de toutes références. Si l’étreinte avait interrompu les mystérieux mouvements de la Vélienne, elle n’avait pour l’instant aucun autre effet notable. Cependant après un moment situé quelque part entre le bref instant et l’éternité, le chasseur sentit un léger mouvement de la tête posée sur son épaule, puis un sursaut du corps qu’il enserrait. Il relâcha alors ce dernier, veillant toutefois à ce qu’il demeure bien debout, puis recula légèrement alors que Jiliern semblait reprendre ses esprits. Il la vit alors ouvrir la bouche comme pour parler, mais aucun son n’en sortit pendant un bon moment. Cherchait-elle ses mots ? Était-elle aussi devenue amnésique ? Reevirn eut le temps de se poser maintes questions sur son état et sur la cause de ce dernier, avant de l’entendre enfin.

— Que s’est-il passé ?

— Vous ne vous souvenez de rien ?

— Si, mais je ne comprends pas. J’étais dans une grotte en train de cueillir des cristaux. Tout se passait bien. J’en avais collectionné une bonne trentaine, puis tout d’un coup, me voici ici ! Et où est passé mon sac ?

— Où vous l’aviez laissé, un peu plus loin derrière vous. Et je regrette de devoir dire que la grotte n’existait pas vraiment, pas plus que ces cristaux, malheureusement.

— Comment ça, ils n’existaient pas ? Pourtant je les ai bien sentis puis pris dans mes mains !

— Il s’agissait visiblement d’une forme puissante d’illusion. Un sorcier en est-il la cause ? Je ne sais pas.

— Une illusion ? Mais c’est grave ! Sur quoi pourrais-je désormais me fier ?

— … Peut-être Tulvarn saurait-il répondre. Je suis venu vous trouver avec l’espoir que vous puissiez le sortir de son présent état.

— Son état ? Que lui est-il arrivé ?

— Il semble que ce soit un peu la même chose que pour vous.

— Oh ! Alors, ne tardons pas ! acheva Jiliern en se mettant immédiatement en marche.

— Attendez ! Vous ne savez pas où il est. Laissez-moi vous y conduire, après que vous ayez d’abord repris votre réelle collection, si vous voulez bien !

— Oui, bien sûr ! Je ne dois pas être complètement remise, ajouta-t-elle en riant amèrement.

Après la récupération du sac, Reevirn conduisit donc Jiliern vers l’endroit où se trouvait Tulvarn et ils ne tardèrent pas à l’y rejoindre. Celui-ci n’en avait pas bougé et demeurait dans la même posture, comme s’il s’était transformé en statue.

— Le voici ! J’espère que vous pourrez faire quelque chose pour lui, mentionna le chasseur.

— Hum ! Je ne sais pas. À quoi dois-je moi-même d’en être sortie indemne ? interrogea la cristallière soudainement intriguée par le fait.

— Euh ! Eh bien…

— Oui ? Vous en avez une idée ?

— Peut-être, mais rien n’est moins sûr.

— Dites toujours, nous verrons bien !

— J’ignore si c’est convenable. Je n’ai aucun souvenir des usages.

— Qu’avez-vous fait ? demanda-t-elle. Vous piquez ma curiosité.

Reevirn lui raconta alors son élan spontané, quelque peu mal à l’aise à l’idée d’un possible geste déplacé de sa part. Son débit se fit lent, car il guettait, légèrement mal à l’aise, les réactions de la Vélienne. Elle semblait cependant plus surprise que fâchée. Quelques instants après la fin du bref récit, elle finit par parler, devinant que son compagnon de route attendait une réponse ou un commentaire.

— Pour ce que j’en sais, il n’y avait rien de contraire aux bonnes mœurs véliennes, mais je suis moi-même plutôt sauvage et manque d’expérience en la matière. Je ne saurais même pas dire si c’est plutôt réservé aux journées d’éclipses ou si des Véliens peuvent avoir ces gestes en périodes normales. Quoi qu’il en soit, je devrais sans doute vous en remercier, si effectivement cela a pu être un facteur déterminant dans… ma « guérison ».

— Je n’en sais rien. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence. Et vous n’avez pas besoin de me remercier. Ce n’était pas grand-chose.

— Eh bien ce « pas grand-chose » est suffisamment beau à mes yeux. Et pour ce qui est de savoir si c’était déterminant ou non ici, nous devrions essayer quelque chose de similaire avec notre ami le moine.

— Oh ! Mais je ne saurais pour ma part provoquer intentionnellement cela. Et envers un Vélien, je ne suis pas du tout sûr que je pourrais manifester ce genre d’élan, du moins d’une telle manière.

— Je comprends. La différence est que je suis une Vélienne et je peux peut-être arriver à manifester volontairement de la compassion envers notre ami, même d’une manière similaire à la vôtre. Il est possible que la forme ne compte pas ici, mais autant mettre toutes les chances de notre côté. Les gestes physiques ont sans doute autant d’importance que les affectifs. Je veux dire… Si nous aimons quelqu’un sans jamais rendre cet amour tangible d’une manière ou d’une autre, est-ce que cela a autant de poids ou d’impact que lorsque cet amour s’incarne dans un acte concret ? Vous ne vous êtes pas contenté d’avoir de la compassion pour moi et mon état. Vous l’avez manifestée en m’enlaçant tendrement. Il fallait peut-être aussi le contact de nos joues pour que je puisse revenir à la réalité.

— Peut-être, comme vous dites. Faites comme vous le sentez.

— Sûr ! Je vais le tenter.

Sur ces mots, Jiliern s’approcha davantage du moine et s’empressa de se plonger dans un état méditatif qu’elle supposait propre à engendrer en elle de la compassion. Elle visualisa diverses scènes agréables et paisibles dans l’espoir qu’elle pourrait ainsi plus facilement exprimer sa compassion. Elle se concentra tant qu’elle put pour tenter de s’imprégner d’un sentiment d’amour afin de pouvoir ensuite le projeter sur le moine. Cependant, après presque une heure d’efforts infructueux, elle dû se rendre à l’évidence : s’il y avait un moyen d’exprimer ou de développer la compassion par un effort de volonté, elle n’en connaissait pas la recette et ignorait même quels ingrédients pouvaient être nécessaires. Elle finit au contraire par se retrouver tellement dépitée et impuissante, que des larmes perlèrent sur ses joues. Et en la circonstance, ses cristaux ne lui étaient d’aucun secours. Elle n’en connaissait aucun capable de sortir Tulvarn de sa torpeur et aucun qui puisse stimuler la compassion. Emplie de tristesse, elle s’approcha machinalement de ce dernier, puis se planta toute proche, en face de son visage. Elle l’observa vaguement, comme au travers d’un voile. C’est alors qu’elle remarqua l’étrange bonté qui semblait émaner de ces yeux pourtant exempts de conscience. Du moins, ainsi les percevait-elle.

Se pouvait-il que l’âme de Tulvarn se soit ainsi imprimée dans ce corps qui semblait maintenant vide ? Ou bien s’agissait-il d’une sorte de projection de ce qu’elle éprouvait finalement elle-même pour le moine guerrier ? Prise d’une soudaine impulsion, elle prit la tête de celui-ci entre les mains et l’embrassa tendrement sur les lèvres, comme si ainsi elle allait pouvoir lui communiquer son propre souffle de conscience. Si magie il devait y avoir, elle n’opéra pas, ou du moins, pas de la manière escomptée. Le Vélien ne se réveilla pas, mais s’effondra lourdement sur le sol, échappant à la douce étreinte. Sous la surprise, Jiliern recula prestement. Puis elle réagit en se précipitant sur le corps allongé, afin d’examiner les conséquences éventuelles de la chute.

Tulvarn était tombé sur le dos, et ses yeux étaient maintenant clos. Dormait-il ou bien se trouvait-il dans un état plus grave ? La Vélienne sortit l’un de ses cristaux et lui fit décrire une trajectoire complexe au-dessus du corps inanimé. Elle ne décela aucun traumatisme grave. Le moine s’en sortirait probablement avec seulement quelques hématomes et ceci uniquement s’il avait heurté quelques cailloux cachés sous les herbes. Elle ne le saurait que lorsqu’il serait réveillé et debout. Mais voilà, elle ignorait s’il se réveillerait un jour ! Elle ne savait même pas ce qui avait précédemment provoqué sa propre altération de conscience. Le moine était-il victime de quelque chose de similaire ? Et si oui, de quoi s’agissait-il ? Quel poison ou quelle sorcellerie pouvait en être à l’origine ? Leur ami le chasseur ne le savait pas davantage, et le voleur avait disparu.

Depuis qu’elle avait rencontré Tulvarn, sa vie avait pris une tournure totalement imprévisible et non moins étonnante. Tout avait commencé cette fameuse nuit où elle avait failli mourir. Et maintenant elle faisait face à une situation étrange et potentiellement tout aussi dangereuse. Elle ne pouvait compter que sur leur ami amnésique qui avait lui-même échappé de peu à la mort. Celui-ci avait de nombreuses qualités, mais ne lui paraissait pour l’instant pas aussi rassurant que pouvait l’être le moine guerrier en dépit de ses maladresses, ou même grâce à elles. Car s’il avait pu survivre envers et contre tout, même avec ces étourderies et ces impairs dont il se disait coutumier, il était peut-être protégé par le Grand Satchan lui-même. Cela lui paraissait d’autant plus probable qu’il semblait de surcroît l’objet d’une bien étrange prophétie. En attendant, il leur faudrait trouver un moyen de le ramener à lui, puis retrouver le voleur, en espérant qu’il ne leur ait pas volontairement faussé compagnie.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18)