Tous surhumains demain?

[Source : La Presse]

De plus en plus de personnes ont recours... (PHOTO FOURNIE PAR TRANSPECIES SOCIETY)
De plus en plus de personnes ont recours à des implants électroniques pour augmenter leurs capacités.
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Marie-Claude Malboeuf

Marie-Claude Malboeuf
La Presse

Sous leur peau, il n’y a pas
que des os et des veines, mais aussi des puces électroniques, qu’ils
s’implantent pour remplacer leurs clés ou leurs billets de train. Ceux
qui osent le plus veulent stimuler leur cerveau avec des électrodes. Ou
se greffent des boussoles, des aimants ou des caméras miniatures, pour
expérimenter différemment le monde. Deviendra-t-on bientôt des robots ?

« Ça bouscule le fondement même de ce qu’on est comme espèce »

Mathieu Boucher s'est implanté une puce électronique de... (PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE) - image 2.0
Mathieu Boucher s’est implanté une puce électronique de la taille d’un grain de riz sous sa peau, entre le pouce et l’index.
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

« Tout le monde disait que notre patron serait forcé de m’amputer la main pour que je ne puisse plus entrer au bureau ! »

Quand Mathieu Boucher a annoncé qu’il quittait la compagnie d’assurances
où il travaillait, à la mi-avril, ses collègues ont bien rigolé. Un peu
ébahis que l’informaticien ait implanté une puce électronique de la
taille d’un grain de riz sous sa peau – entre le pouce et l’index – et
soit parvenu à y copier sa carte d’accès pour franchir les contrôles de
sécurité en gardant les mains vides.

« C’est plus sécuritaire qu’une carte, justifie l’homme de 34 ans, qui habite Québec. Je vais maintenant essayer [d’analyser et de recopier] une carte d’autobus sur une autre puce. Si le chauffeur refuse de me laisser passer, j’essaierai peut-être de contacter la société de transport pour leur proposer de lancer un programme pilote. »

En Suède, la société de train SJ permet déjà aux passagers de stocker
leurs billets dans un implant du même genre – semblable à ceux qu’on
injecte aux animaux de compagnie.

C’est que Mathieu Boucher n’est pas unique en son genre. D’après les
vendeurs de puces, des dizaines de milliers d’Européens, d’Américains ou
d’Australiens en portent dans la main. Dans certains cas, fournies par
leur employeur.

Ils s’en servent pour entrer au bureau, à la maison ou au gym. Parfois
même pour se connecter à leur ordinateur, faire démarrer leur voiture ou
stocker de la cryptomonnaie.

Amal Graafstra, qui a 6 implants, dit en avoir vendu à plus de
1000 Canadiens, dont Mathieu Boucher, par l’entremise de son site,
Dangerous Things. « Le grand public n’est peut-être pas enthousiaste, il
est toujours un peu méfiant, mais il n’est pas négatif comme il l’était
en 2005, quand j’ai eu mon premier implant », affirme au téléphone le
résidant de Seattle.

Il souhaite populariser une plateforme utilisable par des gens sans
connaissance en piratage informatique. L’intérêt ? Ne plus jamais
transporter de clés, ne plus les chercher au fond d’un sac, ne plus les
perdre, énumère-t-il.

Il espère même remplacer les portefeuilles. « Les grandes sociétés de
cartes de crédit ne sont pas à l’aise avec le système, mais certaines
banques sont plus ouvertes. »

Sous leur peau, il n'y a pas que des os et... (PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE) - image 3.0
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les puces, qui coûtent autour de 100 $, sont contenues dans des
seringues stérilisées et sont souvent implantées par des tatoueurs.

Imiter les animaux

La main de la Montréalaise Dominique Leclerc abrite une puce depuis deux
ans. La comédienne y a enregistré son certificat de mariage lors d’un
festival de théâtre, « pour mettre un peu de poésie dans un sujet qui
fait peur », dit-elle en entrevue.

Lors d’un séjour à Berlin, où vivait son mari, elle a découvert que des
centaines de personnes rêvaient de fusionner avec les machines. Parfois
pour devenir surhumaines et immortelles. Parfois pour se doter de sens
artificiels et transformer leur façon de percevoir le monde.

« Un programmeur voulait trafiquer ses implants cochléaires pour entendre les ultrasons », raconte-t-elle.

D’autres originaux – qui se qualifient de « cyborgs » (cybernétique plus
organisme) – se sont greffé des appareils qui réagissent aux
infrarouges, à la pression atmosphérique ou aux champs magnétiques.
Certains bourdonnent face au nord ou vibrent lors des séismes.

« Nos sens se détériorent en vieillissant. C’est le contraire quand
on devient un cyborg. [Ils] s’améliorent, parce que nos pièces
cybernétiques évoluent avec la technologie », écrit Neil Harbisson,
cofondateur de la Cyborg Foundation, dans des textes transmis à La Presse.

« Une personne doit être libre de s’exprimer […] par des
augmentations », dit la charte de son association, qui condamne le
« démontage » et la « suspension ou l’interruption inutile » des
« fonctions » de ses membres.

« Entendre les ultrasons, voir la nuit… Ce sont des capacités que certains animaux ont et que l’humain veut maintenant s’approprier. Dieu est mort et on veut prendre le contrôle de notre humanité. La nature ne décide plus pour nous. »

– Dominique Leclerc

Depuis octobre 2017, elle présente ses découvertes et réflexions dans une pièce de théâtre, Post humains,
dont le texte a été publié en janvier aux éditions L’Instant Même. La
pièce sera présentée à Québec, du 26 au 28 mai, après l’avoir été dans
huit autres villes québécoises et à Berlin.

« Il y a des gens qui font des choses de valeur dans cette communauté, affirme la comédienne. Mais ça bouscule le fondement même de ce qu’on est comme espèce. C’est un débat de société urgent. »

Des GPS ?

Enfant, le réalisateur torontois Rob Spence a perdu un oeil lors d’un
accident de chasse. Il le remplace parfois par une prothèse qui rougeoie
ou une autre qui abrite une minuscule caméra sans fil. « Les gens ont
deux types de réactions. Ils trouvent ça cool ou terrifiant », dit-il en
entrevue.

À Québec, trois ou quatre collègues de Mathieu Boucher envisagent de
l’imiter, dit-il. « D’autres sont dans la paranoïa. Ils me parlent des
Russes, d’espionnage, ils pensent que mon implant peut servir de GPS
parce qu’ils ne comprennent pas la technologie… »

Les puces comme la sienne fonctionnent par radio-identification. Comme
celles des cartes de crédit, elles s’activent seulement lorsqu’on les
place à quelques centimètres d’un lecteur et ne permettent pas de suivre
quelqu’un à distance.

Mais l’entreprise américaine Three Square Market a annoncé en août
qu’elle comptait mettre au point des GPS sous-cutanés pour suivre les
gens souffrant d’alzheimer ou de démence. Si elle y parvient un jour –
le défi technique est grand -, les enjeux éthiques seront plus
gigantesques encore. Voudra-t-on taguer ses enfants ? Les immigrants ?
Les prisonniers ?

Depuis deux ans, des dizaines d’employés ont accepté de se faire
implanter des puces offertes par leurs employeurs – comme Three Square
Market aux États-Unis ou Épicentre, TuiNordi et Newfusion en Europe.
« Quand ton patron te dit que la porte, la lumière, l’ordinateur et la
machine distributrice te reconnaîtront automatiquement, ça pose
d’énormes enjeux de vie privée », prévient David Décary-Hétu, chercheur à
l’École de criminologie de l’Université de Montréal et expert de la
collecte de données en ligne et du piratage informatique.

« Il pourrait se servir de ces informations pour vérifier combien de fois tu vas à la cafétéria. Ou, pire, les revendre aux assureurs, qui voudront par exemple augmenter ta prime d’assurance santé s’ils trouvent que tu vas trop souvent t’acheter des Kit Kat. »

– David Décary-Hétu, chercheur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal

Ni le Québec ni le Canada n’ont légiféré. À l’inverse, au moins cinq
États américains, dont la Californie, interdisent déjà aux entreprises
d’encourager leurs employés à s’en faire implanter. Et les députés du
Nevada viennent d’approuver un projet prohibant tout « micropuçage » non
médical, même volontaire.

Télépathie

Mathieu Boucher ne compte pas collectionner les implants, entre autres
parce que les puces sont trop vulnérables au vol d’identité,
estime-t-il.

Mais Amal Graafstra serait prêt à connecter son cerveau à un
ordinateur : « Si on peut multiplier nos capacités cognitives par 10 en
profitant de neurones numériques, pourquoi pas ? »

Une agence du ministère de la Défense américain – la Defence Advanced
Research Projects Agency, qui a contribué à la création de l’internet et
des GPS – finance des projets du genre, dont une « machine à coudre »
pour implanter des électrodes dans le cortex.

C’est aussi le cas du patron de Tesla et multimilliardaire Elon Musk,
qui emploie des chercheurs pour qu’ils développent « des interfaces
cerveau-machine à très haut débit » et les testent sur des primates. Ce
sera d’après lui la seule façon de ne pas se voir écrasé par
l’intelligence artificielle. Le 21 avril, il a tweeté que son
entreprise, Neuralink, aurait « bientôt » du neuf à annoncer.

Pour bien des scientifiques, ce genre d’ambitions relèvera encore longtemps de la science-fiction.

Déjà, des patients vivent par contre avec des électrodes – plus
rudimentaires – dans leur matière grise ou ailleurs (voir ce qui se fait
en médecine à l’onglet 3). Pour l’instant, on doit leur ouvrir le crâne
afin de les installer. Mais d’autres méthodes sont à l’essai, comme
passer par la jugulaire et les veines, par les voies nasales ou par un
minuscule trou dans la tête.

Des chercheurs tentent aussi de produire des neurones, des nerfs et des
coeurs artificiels. « Les avantages de ces implants seront
éventuellement tellement supérieurs aux risques qu’on ne pourra plus
empêcher les gens de s’en servir pour augmenter leurs capacités », croit
Amal Graafstra. Il prédit que certains choisiront un jour de remplacer
leurs membres en chair et en os par des prothèses, pour être plus forts
et plus rapides.

Mais à quel prix ? Avec les écrans et l’internet, on « s’augmente » déjà
de plusieurs façons, mais on augmente aussi son stress, souligne Johann
Roduit, chercheur affilié à l’Université de Zurich et consultant en
éthique et technologies émergentes.

« Le temps qu’on gagne ne bénéficie pas à l’être humain. On s’en sert pour essayer d’être encore plus performant et productif. »

Sources : bioRxiv, Nature, ni2o

L’animal de compagnie des cyborgs

Le RoboRoach permet de contrôler les mouvements d'une... (PHOTO TIRÉE DU SITE BACKYARDBRAINS.COM) - image 7.0
Le RoboRoach permet de contrôler les mouvements d’une coquerelle avec un téléphone intelligent.
PHOTO TIRÉE DU SITE BACKYARDBRAINS.COM

Comme animal de compagnie, les cyborgs peuvent toujours se procurer
le RoboRoach, une coquerelle vendue avec un kit de chirurgie permettant
d’implanter des électrodes sur ses antennes, afin de contrôler ses
mouvements avec un téléphone intelligent… « Nous avons reçu beaucoup
de courriels nous accusant d’enseigner aux enfants comment devenir des
psychopathes », a confié Greg Gage, cofondateur de la société Backyard
Brains, au magazine Science, en 2013. Le neuroscientifique
croit que son produit permettra plutôt de créer des vocations de
chercheurs. Et que cela est vital à une époque où 20 % de la population
mondiale sera touchée, à un moment de sa vie, par une maladie mentale ou
neurologique actuellement incurable.

L’humain bionique

La médecine flirte aujourd’hui avec la science-fiction. Voici un petit
aperçu des implants électroniques déjà offerts à certains patients
ou déjà à l’essai chez l’humain.

Une prothèse de la mémoire

En implantant des puces électroniques dans le cerveau, on arrive à le
stimuler ou, mieux encore, à lire ses signaux pour les transmettre à des
appareils. Exciter des zones précises lors de tests de mémoire a
amélioré de 25 % les résultats des participants à une récente étude (1). Les puces cérébrales permettent aussi de réduire les crises d’épilepsie (2) ou d’atténuer les tremblements causés par la maladie de Parkinson(3).
Grâce aux circuits implantés dans leur matière grise, des gens
paralysés ont pu contrôler par la pensée leurs membres (artificiels ou
non) (4), utiliser une tablette électronique (5) et écrire en commandant un clavier (6).
Les mots auxquels pensaient les sujets d’une étude ont même pu être
décodés et traduits par l’intelligence artificielle – un espoir pour les
personnes muettes (7).

Un télescope dans l’oeil

Voir parfaitement, trois fois plus loin que les autres humains, et aussi
de très près, sans lunettes ni lentilles cornéennes ? C’est ce
qu’espèrent les participants aux essais cliniques des Bionic Lens,
implantées par une incision dans l’oeil (et conçues par un Canadien) (8).
D’autres prothèses permettent déjà à des patients ayant perdu la vue de
détecter à nouveau le contour des objets. À l’hôpital Saint-Sacrement
de Québec, en février, une lentille « zoom » de la taille d’un petit
pois a par exemple été greffée sous l’iris d’une septuagénaire (9).

Libérer les cardiaques et les diabétiques

Les stimulateurs cardiaques sont apparus dès les années 60. Aujourd’hui,
un moniteur sous-cutané de la taille d’un trombone peut aussi
surveiller en continu l’état de patients souffrant d’arythmie, et
transmettre l’information à leurs médecins par Bluetooth(12).
En faisant implanter dans leur bras un capteur gros comme un grain de
riz, les diabétiques peuvent pour leur part cesser de se prélever une
goutte de sang plusieurs fois par jour. L’appareil mesure leur taux de
sucre toutes les cinq minutes et envoie l’information à un appareil
mobile (13).

Maigrir grâce à l’électricité

Stimuler avec une puce le nerf vague – reliant l’estomac au cerveau –
provoque artificiellement une sensation de satiété, ce qui fait perdre
du poids (10). La stratégie, qui a fonctionné sur des
rongeurs, n’a pas encore été testée sur des humains. Mais un implant
plus gros, fonctionnant sur le même principe, a été approuvé aux
États-Unis il y a quatre ans et peut déjà être installé par un
chirurgien (11).

Des micropuces pour les amputés

L’an dernier, Alex Lewis, un Britannique ayant perdu ses quatre membres,
s’est fait implanter une puce à radiofréquence semblable à celle des
cartes de crédit, afin de pouvoir entrer chez lui sans devoir utiliser
péniblement sa prothèse. D’après les médias anglais, une deuxième puce
contient son dossier médical, crypté et protégé par un mot de passe.

Lève-toi et marche

Trois personnes paralysées ont pu marcher, en s’appuyant sur des
déambulateurs, grâce à des électrodes implantées à la base de leur dos
pour stimuler leur moelle épinière. Une pile a aussi été introduite dans
leur abdomen afin de pouvoir alimenter le système sans fil (14) (15).

Une prothèse « pantalon »

Une orthèse motorisée conçue au Québec et « agissant comme une seconde
peau » augmente la force et l’endurance des utilisateurs. Leurs
mouvements sont détectés d’avance par des capteurs – posés sur leurs
jambes et connectés à des logiciels – afin que leur « dermosquelette »
leur injecte de l’« énergie biomécanique » au bon moment (16).
Le dispositif aide les gens souffrant d’arthrose ou de maladies
cardiovasculaires ou dégénératives. Mais l’armée américaine envisage
aussi son utilisation pour aider les soldats à porter l’équipement de
combat sans se blesser.

Quatre inquiétudes

Dominique Leclerc, auteure et interprète principale de la... (PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE) - image 8.0
Dominique Leclerc, auteure et interprète principale de la pièce de théâtre Post humains
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

L’idée de fusionner avec la machine ne fait pas l’unanimité, du
moins lorsque la chose n’est pas nécessaire pour surmonter de graves
handicaps ou sauver sa vie. Quels sont les risques ? Voici ce que les
experts en pensent.

Pourra-t-on pirater les implants ?

Des pirates pourraient techniquement prendre le contrôle de certains stimulateurs cardiaques (pacemakers)
afin de les détraquer ou d’en décharger les batteries, d’après un avis
que la Food and Drug Administration (FDA) américaine a publié en 2007.

On évoque maintenant le brainjacking, soit la potentielle
cyberattaque d’implants cérébraux. « Un patient atteint de parkinson
pourrait voir sa capacité de mouvement inhibée. Un attaquant sophistiqué
pourrait même induire des changements de comportement tels que
l’hypersexualité ou le jeu pathologique », écrivent des chercheurs de
l’Université d’Oxford, dans un article scientifique de 2016.

« Bien que ces piratages soient difficiles à réaliser, […] un
attaquant suffisamment déterminé pourrait réussir », estiment-ils.

Les puces sous-cutanées sont pour leur part rarement cryptées, ce qui
permet de les cloner ou de les désactiver en s’en approchant beaucoup.
Chacune des stratégies suggérées pour les sécuriser « fait rapidement
l’objet d’un nouveau rapport signalant un moyen de violer la mesure
proposée », prévient un rapport du Parlement européen intitulé L’utilisation de puces sous-cutanées chez les travailleurs.

Les implants créeront-ils un fossé entre les gens ?

Si de nouveaux implants cérébraux permettent un jour d’augmenter son
intelligence sans trop de risques, leur mise en marché pourrait mettre
notre autonomie en péril. « Nos sociétés sont compétitives et
entretiennent le culte de la performance. On pourrait donc se sentir
contraints de les utiliser si notre patron nous le propose. Ou les
parents pourraient se sentir le devoir d’améliorer leur enfant », avance
Nathalie Voarino, qui a d’abord étudié les dispositifs de
neuroamélioration externes et poursuit, à l’Université de Montréal, un
doctorat sur la responsabilité sociale face aux risques de
l’intelligence artificielle.

Autre enjeu : le prix de ce type d’innovation, qui pourrait se révéler
inabordable pour certains, dit-elle. « Dans certaines circonstances, on
pourrait voir les améliorations cognitives comme une nouvelle forme de
dopage », dit-elle.

« Si certaines personnes se retrouvent avec des capacités inhabituelles,
il y aura un impact social, cela injecte une dose d’incertitude dans
les interactions humaines », estime de son côté Marc Saner, professeur à
l’Université d’Ottawa et expert de la gouvernance des technologies
émergentes.

Les implants sont-ils dangereux pour la santé ?

On ignore encore quel sera l’effet à long terme des rangs d’électrodes
introduits dans le cerveau ou encore près de nerfs ou d’organes. En
2010, une puce sous-cutanée servant à accéder à son dossier médical, la
Verichip, préalablement approuvée par la Food and Drug Administration
(FDA), a été retirée du marché par son fabricant. Une étude venait de
révéler que des implants du genre s’avéreraient cancérigènes chez les
souris.

Il semble que « des effets similaires chez l’homme soient peu probables,
bien qu’il soit actuellement impossible de les ignorer complètement
dans l’état actuel des connaissances », conclut le rapport du Parlement
européen sur le micropuçage de travailleurs.

La popularisation des puces destinées aux humains pourrait compliquer le
travail des psychiatres. Des entreprises bidon – gérées par des
fraudeurs – laissent croire aux gens vulnérables qu’ils ont pu se faire
implanter une puce à leur insu et qu’elle cause leurs
symptômes-sentiments d’être surveillés ou d’entendre des voix. Le
vendeur d’implants Amal Graafstra, qui a reçu de nombreux courriels
désespérés, prévient le public sur le site de son entreprise, Dangerous
Things, en précisant que les fraudeurs prétendent pouvoir « scanner » et
« retirer » ces implants imaginaires en échange d’argent.

Les implants auront-ils des impacts imprévus ?

« Les gens viennent de se réveiller et de comprendre que Facebook prend
leurs données quand ça fait dix ans qu’ils nourrissent le monstre !
Qu’est-ce que ce sera avec les implants ? », s’interroge Dominique
Leclerc.

« Tout le monde veut créer l’affaire géniale qui les rendra riches. Personne ne se demande : « Attends, où va-t-on se ramasser avec ça ? Qu’est-ce que ça fera à la condition humaine ? » On y va parce que, sinon, quelqu’un d’autre va le faire. »

Les politiciens hésitent à discuter des technologies destinées à
transformer l’humanité, tant au niveau national qu’international,
déplore le chercheur ontarien Marc Saner, expert en éthique et
réglementation des technologies émergentes. « Avec les changements
climatiques, c’est pourtant l’un des facteurs qui influenceront le plus
l’évolution du monde, dit-il. Mais ces sujets sont d’une extrême
complexité. Et la vitesse à laquelle les innovations surviennent, la
vitesse à laquelle elles sont distribuées sont problématiques. Tout
change si vite que nous sommes à bout de souffle. »

Source : ScienceDirect

Voir aussi :