Prospérité ?

Par Joseph Stroberg

Quand l’Homme a pu
faire le tour de la Terre, il a exploré les continents pour en
extraire or et richesses. Quand il a pu voler dans les airs, il a
abandonné ses dieux. Maintenant, il se prend pour l’un d’eux et
rêve de conquérir l’espace. Sa planète trop petite ne lui permet
plus la prospérité espérée. Sept milliards d’êtres humains ne
peuvent s’y trouver tous riches. Enfermez dix rats dans une pièce
et un morceau de fromage. Vont-ils le partager ? Enfermez dix homo
sapiens modernes dans une pièce et un téléphone cellulaire.
Vont-ils se le prêter ? L’un d’eux va-t-il essayer de s’en
nourrir ? Qu’est-ce que peut bien signifier pour eux la
« prospérité » ? Le fait d’avoir chacun un
cellulaire ? Ou de pouvoir en plus manger un morceau de fromage ?

Pour de nombreux
êtres humains, il semble bien que l’Abondance soit avant tout
celle de la matière. Ils rêvent de posséder des châteaux, des
vignobles, des yachts, des voitures de sport, des ranchs ou même des
esclaves (éventuellement sexuels)… et parfois jusqu’à la Terre
entière. Des individus et des groupes souhaitent la « prospérité »
pour eux-mêmes, et rarement pour les autres. Mais dans un monde aux
ressources matérielles limitées, ce type de prospérité a lui
aussi ses limites. L’abondance concrète ne peut s’y trouver que
partielle et restreinte. C’est d’ailleurs en partie pour cette
raison que certains des rêveurs envisagent de coloniser d’autres
planètes. Malheur aux autochtones qui s’y trouveraient !

D’autres êtres
humains envisagent, conjointement ou alternativement à l’approche
matérialiste, un type de prospérité, disons « génétique » :
croissez et multipliez ! leur avait-on dit. Ils tendent à
s’exécuter avec zèle et deviennent prospères au travers de leur
nombreuse descendance. Ils ne peuvent bien sûr le faire de manière
naturelle qu’à la condition d’être sexuellement
complémentaires. Autrement, ils doivent recourir à la fameuse
« Technologie » d’origine scientifique.

Est-ce que les dix
homo sapiens enfermés plus haut ne recherchent que ces types de
prospérité ? L’un d’eux au moins ne rêve-t-il pas par
exemple de s’évader ? De découvrir abondamment d’autres
horizons, des contrées moins limitées ? L’un d’eux
cherche-t-il à répandre partout son art, la beauté de ses
chansons, l’harmonie de ses toiles, le bonheur inspiré par sa voix
ou son message ?

Un simple poète, un
prophète mendiant, un roi sans royaume peuvent prospérer sans
limites parmi les nations, tant et aussi longtemps que leur parole
élève les âmes à la rencontre des esprits et des anges, tant et
aussi longtemps que des êtres ouvriront leur cœur pour les y
recevoir. L’abondance sans fin ne se trouve que dans le dénuement,
l’humilité et l’abnégation, dans le renoncement à la
célébrité, aux fastes mondains, à la fortune des marchands.