Pourquoi la faction macronienne veut-elle empêcher toute réforme constitutionnelle ?

Par Lucien SA Oulahbib

Pourtant il est possible de lire ceci sur le site même du Conseil Constitutionnel (3e partie : L’étendue du pouvoir de révision) :

« Selon le Conseil constitutionnel, le pouvoir constituant dérivé, c’est-à-dire le pouvoir de réviser la Constitution, « est souverain » (décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Traité sur l’Union européenne, cons. 19). Ainsi, une révision constitutionnelle peut avoir pour objet d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle. »

Aussi l’idée qu’il ne serait pas possible de recourir à l’article 11 de la Constitution sans avis favorable préalable du Conseil Constitutionnel se révèle fausse, du moins dans la mesure où le sujet du référendum proposé ne remet pas en cause par exemple « la forme républicaine du gouvernement » ; ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit seulement de rendre plus aisé l’accès citoyen au processus référendaire en abaissant par exemple le nombre nécessaire pour cette saisie ; à moins de considérer que l’article 3 de la Constitution soit désormais caduc :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

Mais « qui » déciderait de cette caducité ? Et ne serait-elle pas, déjà, une violation par excellence du caractère « républicain » qui s’appuie en premier lieu sur une « souveraineté nationale » « appartenant au Peuple » ? Cela ne reviendrait-il pas dans ce cas à donner le pouvoir constitutionnel réel (les trois pouvoirs) à une espèce d’archontes qui autrefois en Grèce reléguaient l’avis du Peuple à son aspect purement consultatif ?

Or, c’est précisément ce qui se passe peu à peu maintenant : ou comment déposséder sans le dire le peuple en lui indiquant qu’au fond il ne serait pas assez mature, pensez donc ! Il pourrait remettre la peine de mort en route, ou réduire certaines dispositions en matière d’immigration comme le droit du sol… Et alors ? Du moment que le peuple « souverain » le décide… À moins bien sûr de considérer que décidément c’est la Constitution elle-même qui s’avère anticonstitutionnelle, voire « populiste » ?

Et puis, ce n’est pas parce que la peine de mort serait réinstaurée que les juges devraient systématiquement l’employer… Ce n’est pas parce que le droit du sol serait remis en cause que la possibilité de devenir français, s’il est mérité, s’il n’est entaché d’aucune exaction pénale, ne serait plus possible…

En fait, cette excitation provenant pour une part de certains membres du Parlement et d’autre part de certains caciques proches de la faction macronienne a comme objet réel d’empêcher le Peuple d’être souverain ; ce qui est là une décision totalement antidémocratique qui ferait définitivement basculer vers une démocrature oligarchique s’appuyant sur deux déviations majeures :

1/la transformation, de fait, du Conseil Constitutionnel en Conseil des Archontes qui déciderait de l’utilisation « sage » de l’article 11 ;

2/ la préséance accentuée de l’Exécutif sur le législatif et le judiciaire par le biais de décisions anticonstitutionnelles dites « urgentes » comme cette modification du code de la santé publique (en particulier son article L.111-4, p.27) via ledit « état d’urgence sanitaire » ce qui est en contradiction patente avec le « bloc de constitutionnalité » dans ses divers articles défendant les droits imprescriptibles comme la liberté et la résistance à l’oppression…

Nous sommes donc bien à un tournant :

  • soit le « peuple souverain » accepte non plus de déléguer seulement son pouvoir, mais de se destituer carrément lui-même en quelque sorte, remettant ainsi son pouvoir à des instances certes élues, comme la Présidence et le Parlement, mais dont l’élaboration et la mise en exécution des décisions relèveraient principalement d’instances non élues (le Conseil Constitutionnel) ou occultes telles que le conseil de défense, le conseil scientifique et, plus en amont, les lobbys divers déguisés en « conseils » privés.
  • Soit le « peuple souverain » accepte au contraire de jouer pleinement son rôle en faisant en sorte de rééquilibrer sa réelle participation, déjà en intervenant plus souvent via le référendum, ensuite en faisant en sorte que les communes, départements, régions retrouvent leur autonomie décisionnelle (ou la réelle décentralisation) sous la supervision du Sénat et de la Cour des Comptes. Celle-ci aurait aussi désormais droit de poursuite et de mise sous tutelle (par exemple la Ville de Paris), tandis que l’Assemblée serait plus en charge des affaires européennes et internationales quitte à ce que sur des lois organiques jugées « essentielles », le Congrès se réunisse et/ou l’on fasse appel au Peuple par référendum.

Nous sommes de toute façon devant une réelle crise constitutionnelle que ladite crise sanitaire a révélée, et qui fait suite à la violation déjà politique du résultat du référendum de 2005.

Il ne faut donc pas se leurrer sur le second tour de la Présidentielle :

  • soit le Peuple décide d’accepter sa dépossession constitutionnelle pour sa dissolution finale et vote Emmanuel Macron ;
  • soit le Peuple décide de retrouver sa souveraineté pleine et entière, au-delà du conflit, permanent, en son sein, et vote Marine Le Pen.