Pass sanitaire, ou comment s’asseoir sur l’éthique

[Source : Contrepoints]

Par Patrick de Casanove

Le pass sanitaire est une atteinte aux droits naturels.

Le gouvernement a fini par réussir à imposer le pass sanitaire. En transformant le  passeport vaccinal en pass sanitaire, moins fermé, il tient formellement parole sur  la non-obligation vaccinale. Pour cela il intègre d’emblée la guérison naturelle de l’infection et la possibilité d’un test négatif.

Grâce à cela, il court-circuite le débat sur l’éthique de la vaccination de masse que le pass implique, et il essaie d’éviter de braquer ceux qui ne veulent pas être vaccinés.

Pour la vaccination, il agira par d’autres voies. En créant un seuil à partir duquel le pass sera obligatoire, il ne serre pas trop le nœud coulant pour éviter que les personnes ne se rebiffent. Serrer viendra plus tard.

Si les Français avaient compris le passeport vaccinal comme non éthique, cela aurait suffi pour le disqualifier. Il fallait l’éviter. Dans les médias, les argumentations contre le dispositif tournaient donc essentiellement autour de questions technologiques liées à la vaccination, voire simplement logistiques, comme la possibilité offerte à toute la population de se faire vacciner.

Cela impliquait que sa mise en place ne dépendait que de la levée des réserves technologiques et logistiques, alors que le problème est moral. Si le débat avait été trop long l’opposition éthique aurait pu retrouver de la vigueur.

Au final, nous nous retrouvons aujourd’hui avec une vaccination de masse qui n’est pas éthique et un pass sanitaire qui ne l’est pas non plus.

LE PASS EST LIBERTICIDE

L’argument pour le pass consiste à dire qu’il autorise un « retour à la vie normale ». Il repose sur l’émotionnel. Une vie de soumission ne saurait être normale. Le pass est présenté comme une libération bien que son instauration s’accompagne de menace et de chantage. S’il était une libération, s’il était utile et moral, il serait adopté spontanément, sans coercition ni manipulation.

Affirmer que les gens seront libres avec le pass, ou qu’il permettra leur libération est une perversion des mots qui perdent leur sens.

Affirmer que les individus seront libres avec le pass sanitaire, mais que s’ils le refusent ils ne pourront pas avoir de vie sociale et que par conséquent ce refus de vie sociale est leur libre choix, est un sophisme.

Imposer le pass sanitaire au nom d’une prétendue libération est immoral. Un droit naturel ne peut être prétexté pour détruire un droit naturel. Dans le même registre, imposer l’obligation vaccinale anti-Covid, au motif que d’autres vaccins sont obligatoires pour d’autres pathologies n’est pas valable. Une atteinte à la liberté ne peut justifier une autre atteinte à la liberté.

Le pass sanitaire n’est en rien sanitaire. Il ne garantit pas aux Français de rester en bonne santé. Il leur garantit une liberté conditionnelle, un ersatz de liberté surveillée et étriquée, qu’il ne faut pas confondre avec la liberté. Cet ersatz est tellement étriqué qu’il ne dispense pas des gestes barrières ni de la distanciation sociale, ces fameuses jauges.

Le pass sanitaire ne rend pas plus libre que la chaîne au cou du chien.

LA LIBERTÉ EST UN PRINCIPE

La liberté n’a pas de contrepartie. Elle est un principe, qui plus est fondateur de la France moderne. L’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dit énonce :

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Il ne faut pas reculer sur la liberté. Elle implique la responsabilité individuelle,  nécessite un combat inlassable et quotidien. Elle se mérite. Elle est ou elle n’est pas. Elle est consubstantielle de l’Homme. « Personnalité, Liberté, Propriété, — voilà l’homme. » Frédéric BastiatLa Loi (1848). Détruire la liberté détruit l’Homme.

LE PASS PORTE ATTEINTE À L’ÉCHANGE

L’échange, c’est l’économie politique, c’est la société tout entière ; car il est impossible de concevoir la société sans échange, ni l’échange sans société – Frédéric Bastiat, Échange (1850)

L’échange est un droit naturel comme la propriété.[…] priver [ tout citoyen] de cette faculté, quand il n’en fait aucun usage contraire à l’ordre public et aux bonnes meurs […] c’est légitimer une spoliation, c’est blesser la loi de la justice – Frédéric Bastiat – Association pour la liberté des échanges (1846)

Le pass est un contrôle des échanges inter-humains. Une partie de la population est privée de cette liberté, ses échanges sont limités.

LE PASS EST DISCRIMINATOIRE

L’étatisme parque les gens dans des cases. En attendant mieux, ou pire… il crée deux catégories de citoyens. Le gouvernement prétend lutter et légiférer contre la discrimination. Du défenseur des Droits au ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, tout l’appareil étatique est mobilisé. Mais il ordonne la discrimination.

Même l’ONU est mobilisée contre la discrimination en attendant un ausweis mondial qui est bien parti.

Il est interdit à un professionnel de discriminer ses clients, ses employés sur leur race, leur religion, leur couleur de peau, mais la discrimination par la Covid est désormais légale aujourd’hui dès l’instant où mille personnes peuvent se rassembler.

Mais demain ? Il sera facile de durcir et multiplier les critères d’application.

SON OBJECTIF EST LE CONTRÔLE DES POPULATIONS

La violence légale est politique. La contrainte légale est politique. Un ausweis est toujours politique, jamais médical. Il faut noter que les personnes peuvent voyager et avoir une vie sociale en étant porteuses d’autres maladies infectieuses mais elles sont privées de ces libertés si elles ne peuvent pas prouver qu’elles n’ont pas la Covid. Il s’agit bien de politique.

Pour l’État, l’important n’est pas le contrôle de la Covid. Le contrôle d’une épidémie est une affaire médicale. Son objectif est le contrôle des populations. Il lui fallait agir vite.

L’Europe a été son alibi et son bouclier. La décision européenne d’imposer un pass sanitaire sert de justificatif à un comportement moutonnier d’abdication des dirigeants nationaux. Le panurgisme est une forme de gouvernement qui ne fait pas appel à la raison. Une fois de plus l’Europe trahit ainsi ses textes fondateurs et sa philosophie d’être un espace de libre circulation pour les biens et les personnes, ce qui confirme une fois encore que l’Europe qui se construit est un monstre totalitaire, centralisateur et technocratique.

Ne croyez pas que les politiciens subissent l’Europe. Ils la créent et la désirent, nous la subissons.

Le pass sanitaire, peu sévère aujourd’hui, est une porte ouverte à un contrôle accru et de plus en plus strict. Il existe des risques que ce pass finisse par ne pas concerner uniquement la Covid.

Rien n’empêchera l’État d’inclure d’autres critères tels que le comportement citoyen des individus, écoresponsables comme il se doit, le comportement des entreprises citoyennes, elles aussi écoresponsables et solidaires, le comportement routier, piéton, la fréquentation des sites politiquement incorrects, complotistes, conspirationnistes.

C’est la porte ouverte au crédit social. Si les Français ne peuvent plus se rendre en Chine, la Chine viendra à eux. Avec une différence toutefois : les Chinois ne se mêlent pas de politique, ils s’enrichissent et la Chine est prospère. Que les Français se mêlent ou non de politique ils s’appauvrissent, et la France tombe en ruines.

Il suffira au gouvernement de trouver une bonne raison pour faire gober l’élargissement du pass. Il suffit de constater que les « bonnes raisons » ne manquent pas pour le pass sanitaire : reprendre une vie sociale, culturelle, voyager. Toutes les mesures coercitives sont faites pour imposer le bonheur aux Français… malgré eux.

À côté du pass lui-même plusieurs mesures périphériques ont vu le jour, ainsi en Israël, le bracelet électronique. Il faut cependant saluer ce pays qui a supprimé son  passeport vert mais qui a maintenu les mesures de restrictions strictes pour les voyageurs se rendant en Israël.

Bien des gens sont tellement effrayés, épuisés par un an de crise qu’ils sont prêts à accepter n’importe quoi. Leur soumission est totale. Plusieurs victimes de la coercition réclament leur oppression et celle de leurs concitoyens. Après la délation encouragée pour non-respect des gestes barrières, certains se font les auxiliaires de cette coercition. La pression de la communauté s’exerce pour la vaccination des récalcitrants. Ce n’est plus « restez chez vous ! », c’est « vaccinez vous ! » 

C’est le nec plus ultra du totalitarisme.

Mais la peur, ou une autre motivation, peut pousser de zélés zélotes à exiger ce pass ou un équivalent sans directive étatique. Ainsi un employeur, un familier, un parent pourrait l’exiger. Dans une société libre n’importe qui peut demander n’importe quoi, même de farfelu, pour accéder à sa propriété. La concurrence qui est libre choix, la responsabilité personnelle, le coût à supporter sont de bons régulateurs. Mais nous ne sommes pas dans une société libre.

LA CAPTATION D’INFORMATIONS

Israël a montré le chemin. Il faut être complètement naïf pour faire confiance à l’État pour protéger notre vie privée. Il est le premier à y porter atteinte. Comment pourrait-il protéger les personnes à partir du moment où son intérêt est l’intrusion dans cette vie privée ? Totalitaire par essence l’étatisme ne reconnaît pas la vie privée, comment pourrait-il la défendre ?

La crise que nous vivons a mis en lumière la collusion entre le capitalisme de connivence et l’État. Toutes les informations ont de la valeur, en particulier celles qui concernent la santé. Soyons sûrs que l’un comme l’autre sauront en tirer profit.

OUVRIR LES YEUX

Nous avons vu que le pass est une atteinte aux droits naturels qui s’ajoute à d’autres. Il ne faut pas croire qu’il n’est qu’une petite atteinte. Le niveau de résilience ou la capacité d’encaissement, de soumission des populations peut varier en fonction du poids de la spoliation légale que l’État leur inflige.

Ce n’est pas parce qu’une population encaisse, ni même accepte, que porter atteinte à un droit naturel n’est pas délétère ou grave. Toute atteinte à un droit naturel est grave. Toute atteinte à un droit naturel les détruit tous.

Les droits naturels sont propres à l’être humain. La société c’est l’échange, l’économie c’est l’échange, l’Humanité c’est l’échange. La liberté c’est l’Homme. Détruire ses droits naturels c’est nier son humanité, les anéantir réifie. La Grèce, Rome et le christianisme avaient fait de l’individu une personne, c’est fini.

S’il en fallait des preuves, on les trouvera dans la manière indigne et inhumaine avec laquelle des malades ont été privés de soins, sont morts abandonnés. Leurs proches ont été privés des rites funéraires propres à l’Homme à cause de réglementations étatiques délibérées.

En ce sens la crise créée par les politiques est un bouleversement extrêmement profond, social, économique, humain, jusqu’à la conception même de l’Homme dans les sociétés occidentales.

Cela traduit bien un changement absolu de notre société, dans ses fondations, ses racines, dans l’exigence de confiance minimale indispensable à son fonctionnement harmonieux. C’est un changement civilisationnel.