L’OCS et le retour du développement durable : la déglobalisation russe est repoussée

[Source : russiepolitics.blogspot.com]

Par Karine Bechet-Golovko

Boris Titov

L’on croyait la liturgie du développement durable enterrée avec le départ aussi précipité, que discret, de son lobbyiste Anatoly Tchoubaïs, qui à des postes-clés en Russie dès 1991, était en charge de la dislocation globaliste du pays et a réalisé un travail remarquable et remarqué en ce sens. Mais alors que la guerre s’installe, les fondamentaux globalistes reviennent à l’ordre du jour grâce aux pseudos organes alternatifs à la globalisation, en l’occurrence l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Il semblerait que ces élites gouvernantes aient véritablement perdu même leur instinct de survie. Au minimum, car si la Russie disparaît, elles disparaîtront aussi dans la foulée.

Boris Titov, entrepreneur nommé Ombudsman pour le business sans qu’un conflit d’intérêts ait pu être envisagé, s’est vu également nommé à la place d’Anatoly Tchoubaïs, l’un des nombreux hommes de main employés pour la globalisation de la Russie, au poste de représentant spécial de la Russie auprès des organisations internationales pour le développement durable.

Avec le début de l’Opération militaire, Tchoubaïs avait quitté le pays, son travail étant gêné par le risque d’un virage idéologique. Et pendant deux ans, nous avions réussi à ne plus entendre parler de « développement durable », mais au contraire de relance de l’industrie et de l’agriculture. Qu’à cela ne tienne, s’il n’est plus possible de passer par les courroies habituelles de gouvernance externalisée, d’autres sont déjà prêtes en cas d’avarie.

L’on voit alors arriver sur la scène ces pseudos organes alternatifs à la globalisation, BRICS ou OCS, qui soi-disant font tellement peur au monde global. La peur doit être assez relative, puisqu’ils ont exactement le même programme. Notamment le fameux et funeste développement durable.

Ainsi Titov d’annoncer que l’OCS a décidé de placer l’année 2025 sous le signe du développement durable. Il n’y a effectivement rien de plus urgent… pour ces élites globalistes, que de reprendre le terrain perdu. Et l’on retrouve dans la bouche de Titov le même laïus, selon lequel le but du carbone zéro est le meilleur moyen de soutenir la production nationale…

« Nous considérons que notre tâche consiste à créer des instruments unifiés au sein de l’OCS qui nous permettraient d’atteindre un nouveau niveau en termes de neutralité carbone, de responsabilité sociale des entreprises et de normes de gestion visant à développer non seulement les entreprises, mais aussi la société dans les pays où elles fonctionnent. Entre autres choses, nous unifierons les normes et travaillerons sur un système unifié de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Je suis convaincu qu’en termes de développement durable, les pays de l’OCS sont capables de donner l’exemple au monde entier. »

Et pour ceux, qui n’auraient pas bien compris que la Russie est toujours prise dans les griffes de la globalisation, Titov de préciser assez brutalement :

« Il a semblé à beaucoup qu’avec tous les problèmes actuels — sanctions, perturbations des chaînes d’approvisionnement, etc. — l’on oubliait un peu vite l’importance du développement durable pour l’économie du monde entier. L’OCS, comme nous le voyons, ne le pense pas. Les États participants sont déterminés à atteindre 17 objectifs pour mettre en œuvre le développement durable des Nations Unies dans votre vie. »

Moralité de l’histoire : le monde multipolaire, c’est de la globalisation régionalisée. Rappelons que l’OCS a été institutionnalisée en 2001, en pleine globalisation triomphante, comme un organe régional s’inscrivant parfaitement dans les règles globales, par la Chine, la Russie et quatre pays d’Asie centrale appartenant à l’espace postsoviétique. Elle s’est ensuite étendue à d’autres pays. L’OCS fait suite au Groupe de Shanghai fondé en 1996, quand ni la Russie ni les pays de l’espace postsoviétique ne possédaient de pouvoir réel suffisant pour imposer une initiative sur la scène internationale. Je ne parlerai pas de la grande résistance idéologique de la Chine, usine de production du monde globale saupoudrée de fanatisme technologique.

Nous sommes bien loin de l’instauration de mécanismes de restauration de la souveraineté nationale, d’une véritable relance de l’économie nationale et de la production, d’une déglobalisation des esprits et d’une libération de l’enseignement et la recherche des dogmes globalistes. Mais chacun applaudit au son du « monde multipolaire » suffisamment fort, pour assourdir les questions fondamentales qui montent et révéleraient à quel point le roi est nu.