L’illusion anti-libérale trop bien ancrée à « droite »…

Par Lucien SA Oulahbib

À gauche, certes, et bien sûr, mais bien plus encore à droite en réalité ledit « libéralisme » (jamais formalisé ainsi par un Locke, Smith, et surtout Jean-Baptiste Say…) a toujours été réduit à un libre-échangisme « libertin » qui serait comme un « extérieur » à  une nature humaine posée uniquement comme exemplaire ou produit social d’une communauté donnée. Ainsi, il est désormais coutume de faire porter le chapeau de « l’individualisme » à Descartes avec son « je pense donc je suis » (entendu sur Radio Courtoisie le 24/11/22 au matin par un membre de la revue Élément) alors que, le pauvre, tentait juste d’approfondir ce que l’on sait réellement sur le monde afin de mieux se l’approprier (puisqu’il nous a été confié…) et ce en vue de notre santé, de notre bien-être (La Méthode, sixième partie)

Ensuite, la recherche de l’utilité, de l’intérêt, le “calcul”, font en fait parties intrinsèquement de la vie, de la nature en général, de la nature humaine en particulier, les animaux cherchent ainsi la proie la plus facile à attraper et ont intérêt à s’accoupler uniquement si la beauté du plumage et la force démontrée envers les autres prétendants semblent bien être l’apanage du partenaire choisi…

Plus encore, ceux qui parmi les humains méprisent l’argent, le commerce, le font parce que cela les excite en fait bien moins que les luttes de pouvoir et de prestige dans les sphères de commandement et d’emprises spirituelles sur autrui. Observons que ces guerres intestines, les conflits permanents déclenchés par jalousie, envie, orgueil, vanité sont aussi vieux que Caïn voyant les offrandes d’Abel avoir bien plus les faveurs du Plus Haut que les siennes…

Aussi, est-il regrettable (voire parfois vain, quoique pédagogique) de rappeler ces quelques banalités évidemment amplifiées à « gauche » par un Rousseau et un Marx, à « droite » par un Nietzsche, et, dans sa partie racialiste, par un… Marx également (« La question juive »), un Balzac, Paul Lagarde, un Drumont,  Luther, et plus « métaphysiquement » un Heidegger (Peter Trawny, 2014 Seuil, pp.54-59…).

Pourtant, et comme le rappelait déjà Locke (confirmé par Weber dans son analyse des liens entre protestantisme et capitalisme), liberté et licence, liberté et affairisme, n’ont rien à voir. L’une sait que l’on doit respecter le contrat que l’on a avec autrui (d’où la nécessité de la « maîtrise de soi » des Anciens — les Vertus de l’Éthique — plutôt que chercher à « profiter » d’une faille). Mais l’autre, l’affairisme cynique, s’en fiche royalement, par ce calcul nihiliste que l’on retrouve dans le banditisme, y compris politique, ne serait-ce déjà que le pillage ou la volonté de faire uniquement la guerre dans cette optique. D’où l’objection de Hobbes qui propose en même temps un État fort (les Américains l’ont bien lu… eux… et continuent de le faire…) afin de veiller à ce que la lutte permanente régie par la fierté et l’orgueil ne dégénère pas en « guerre de tous contre tous » ; ce que ne comprennent d’ailleurs pas les libertariens qui croient que les passions se résolvent uniquement « logiquement », tel un Wilson après 1914…

Mais qui contrôlera cet État (question reprise quelque peu par Marx dans sa 3e thèse sur Feuerbach, Lénine et Trotski bottant en touche comme on le sait, sauf exception chez leurs disciples, voir note 42…), sinon par la « séparation », réelle, des pouvoirs, comme le conseillèrent Montesquieu et Locke (seul apport original des Modernes…), tout en sachant que cette dernière ne va pas de soi si de la force ne s’oppose pas à la force comme on le voit d’ailleurs de plus en plus aujourd’hui avec cette victoire en fin de compte de la licence sur la liberté, de l’affairisme étatiste sur l’intérêt commun, du fait de la globalisation d’une technostructure transnationale s’auto-évaluant, ce qui est de plus en plus ridicule. D’où les tentatives désespérées d’engager des conseillers privés afin de contourner une haute administration vérolée et dévorée par le nihilisme du néoléniniste comme on le voit aux ministères de l’Université et de la Justice…

D’où la nécessité, comme le conseillait Platon (dans Le Politique) de changer, vite, de pilote lorsque celui-ci immanquablement mène le bateau sur les récifs… Ou le Salut Public…

Il ne s’agit donc pas ici, et ce de manière générale, de confondre les conditions de statut atteintes par tout un chacun et qui peuvent être inégales par héritage, mais aussi, en démocratie, par compétences, chances, opportunités, et les conditions de statut stratifiées uniquement par la naissance effectuée dans la « bonne » case en quelque sorte, car ceci n’a rien à voir avec l’économique, mais plutôt avec le politique qui commande ce dernier en assignant les tâches « nobles » et « viles » à des catégories ventilées selon les époques. Ainsi, il serait vil aujourd’hui d’être enseignant, mais noble d’être « influenceur », vil d’être « manuel », mais noble d’être « communicant », vil d’être policier, mais noble d’être aboyeur sur une radio du service dit « public », ou le privativisme sectaire…

En tout cas, et c’est là la force même de la « ville » et son extension politique s’exprimant dans l’idée de « Nation ». C’est bien parce que celles-ci sont possibles grâce à une division mobile du travail de plus en plus liée à la compétence et donc à la méritocratie que peut se déployer une aristocratie au sens platonicien des « meilleurs », ainsi « l’aristocratie ouvrière » d’autrefois (personnifiée par les ouvriers du livre) qui loin d’être des sortes de « prolétaires-bourgeois » comme le prétendent les marxistes, s’apparentent plutôt au savoir-faire du travail qualifié non encore déclassé par le machinisme.

Seulement, et en effet, du fait du retard du politique sur les avancées techniques appliquées à l’économique, ce dernier, le machinisme, du fait également de la poussée des urbaines des « bourgs », de la volonté de plus de confort et de bien être là encore (bourg-eois), la liberté des échanges, l’émulation aussi, ont permis le meilleur comme le pire que le Politique est toujours censé maîtriser, sauf s’il se fait acheter, et se vise pour lui-même, oubliant le Bien Commun, et l’on retombe là dans l’éternel combat entre corrompus et incorruptibles, entre une réelle élite et son simulacre, entre un réel Prince qui se sait aussi Princeps c’est-à-dire Gardien de la Loi, à la fois la Constitution, mais aussi ce qui maintient ensemble la Nation, la Politeia (comme le fut Octave devenant précisément cet Auguste à la mort d’Antoine et de Cléopâtre).

En un mot comme en cent, toutes ces diatribes actuelles chez les « patriotes » sur le « néolibéralisme » (d’origine sartrienne en réalité) c’est-à-dire dans les mots de Locke, la licence (le « capitalisme de connivence », celui des « copains et des coquins ») en identifiant le cours actuel et totalitaire des sociétés techno -étatico-affairistes à une sorte d’aboutissement de la « pensée libérale issue du cartésianisme » (et pour certains du spinozisme systématisant, le « calcul juif », dirait Heidegger dans ses « Cahiers noirs ») font absolument fausse route, laissant ainsi la porte ouverte à leurs ennemis du léninisme et du djihadisme mutants.

Et en restant ainsi sur la crête d’une sorte de ligne défensive conservatrice façon Maginot, l’on oublie d’envisager que par exemple les « problèmes » migratoires sont de plus en plus liés au pillage de mafias militaires maquillées en faux États (et non pas des « États faillis » comme il est prétendu par un Badie…) ce qui fait qu’il ne sert à rien d’adopter les arguments de la gauche en matière « sociale » (ce serait uniquement à cause de la délocalisation en oubliant le gaspillage des cotisations sociales versus état actuel des services médicaux et des remboursements infimes en France sur le dentaire, les lunettes…) alors  qu’il n’est pas vu également que c’est d’abord sur le terrain onusien et international (via l’UE, la Banque mondiale, l’UNESCO, le FMI, l’OMC, l’OMS…) que se traitent ces questions ; sans oublier que seule la « politique de la chaise vide » (et non pas celle de « la chaussure sur la table ») s’avère être une tactique bien plus payante que les éternels griefs contre « le » libéralisme ; autant de coups d’épée dans l’eau d’ailleurs qui renforcent plutôt les affairistes adeptes cyniques de la licence au sens nihiliste en se cachant derrière la « raison » la « mesure », du « juste milieu »… Et pérorant avec toute une numérologie mystique « au nom de La Science ».

Il serait temps de lire, réellement, Colbert, Turgot, Necker, Tocqueville… Des Français pourtant…