Les faux prophètes – par Yvan Blot

[Selon Yvan Blot, pourquoi Voltaire, Rousseau, Marx et Freud ont-ils eu tant de succès ? Parce que ce sont des séducteurs qui ont fait croire aux hommes qu’ils allaient réaliser leurs plus chers désirs.

  • Pas besoin de Dieu, vous êtes Dieu grâce à votre raison, dit Voltaire.
  • Pas besoin de roi, vous êtes vous-mêmes roi grâce à la démocratie, dit Rousseau.
  • Pas besoin de patrons, vous serez tous riches et tous patrons grâce au communisme, fait croire Marx.
  • Pas besoin de morale, soyons tous des Don Juan grâce à la révolution sexuelle, suggèrent Freud et surtout ses disciples.

En fait, tous avaient une vision de l’homme comme étant essentiellement un animal. Animal certes doué de raison, mais animal tout de même, dans son essence. Freud déclare dans « Malaise dans la culture » : « l’homme est un être à l’intelligence faible, qui est dominé par ses souhaits pulsionnels ».]

[Source : Le blog d’Anne Brassié]

Les faux prophètes par Yvan Blot

Publié le 6 février 2014 par Anne Brassié

blot

Pourquoi les faux prophètes sont ils plus écoutés que les vrais ?

Nous voulons de la philosophie, n’en fut il plus au monde . Cet air d’ Offenbach où l’on a remplacé amour par sagesse illustre parfaitement la réussite de ce livre qui nous explique les raisons de notre décadence . Quatre  faux prophètes ,Voltaire , Rousseau, Marx et Freud ont entraîné les peuples comme le joueur de flûte au bord du précipice, pour les uns, au fond du gouffre pour d’autres. Yvan Blot les présente à nouveau et cite leurs principales erreurs et vilenies . Nous avions besoin de ces piqûres de rappel. Les extraits lus dans le Lagarde et Michard de nos quinze ans sont lointains. Mais l’exercice est  essentiel pour les nouvelles générations qui n’ont rien lu du tout.

La méthode est celle du questionnement, « piété de la pensée » selon l’auteur que nous remercions pour cette image magnifique et si riche de sens..

Nous ré entendons Voltaire et ses attaques contre le catholicisme, « mère du fanatisme et de la discorde civile; ennemie du genre humain. » ou « Le fanatisme religieux est mille fois plus funeste car l’athéisme n’inspire pas de passion sanguinaire ». Voltaire n’a pu connaître  deux exemples contraires : Staline et Pol Pot.

Rousseau veut ne voir que des citoyens égaux. « L’homme est né libre et partout, il est dans les fers. » 

Ses conseils, nos hommes politiques semblent les appliquer à la lettre : « celui qui ose entreprendre d’instituer un peuple doit se sentir en état de changer, pour ainsi dire, la nature humaine… d’altérer la constitution de l’homme pour la renforcer… en sorte que si chaque citoyen n’est rien, ne peut rien que par les autres… on peut dire que la législation est au plus haut point de perfection qu’elle puisse atteindre. »  L’inégalité étant la tendance lourde de l’humanité on utilisera la force de la loi : « c’est précisément que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir. » On y est, alléluia !

Pour rendre les hommes égaux et vertueux, très important, la vertu chez ces gens là, l’équivalent de nos valeurs républicaines, on va supprimer les arts et les sciences. « D’où naissent tous ces abus si ce n’est de l’inégalité funeste introduite entre les hommes par la distinction des talents et par l’avilissement des vertus ? Nous avons des physiciens, des géomètres, des chimistes, des astronomes, des poètes, des musiciens, des peintres! Nous n’avons plus de citoyens » 

La révolution qui guillotine Chénier et Lavoisier n’a besoin ni de savants ni de poètes. Comme disait un slogan de l’époque Babeuf « les ptits on les mettra sur l’escabeau, les grands on leur coupera l’ciboulot, y faut qu’tout l’monde y soyent égaux ». Lui même Babeuf proclamait  « Périssent, s’il le faut, tous les arts pourvu qu’il nous reste l’égalité réelle. » Ainsi aujourd’hui , nous sommes tous des artistes contemporains et chacun de nous peut réaliser une toile monochrome ! Le progrès est là dans toute sa splendeur. Nous ne leur serons jamais assez reconnaissants.

« L’homme qui médite est un animal dépravé ». Il faut contredire cette fâcheuse habitude et marcher en ordre.

Pour raisonner correctement « commençons par écarter les faits, car ils ne touchent point à la question. » Cette absence du respect  souci du réel est l’une des marques du fou…

Ce jeu des citations, serait hilarant tellement elles rencontrent d’écho aujourd’hui, s’il n’était pas si consternant.

Blot donne le dernier mot à Vladimir Volkoff pour contredire Rousseau avec humour : « La monarchie ne visait au pire qu’à interdire certaines façons de penser, attitude déplorablement autoritaire, on en convient. La révolution, elle, s’efforça d’imposer certaines façons de penser : les siennes, ce qui est une attitude totalitaire. Elle était seule à détenir la vérité. Elle avait donc tous les droits ; Il faut ici lui rendre hommage  pour avoir pratiqué une cohérence absolue… »

Voltaire a promis la liberté, Rousseau, le pouvoir  et l ‘égalité, Marx, l’argent, et Freud la libération du moi par la libération sexuelle. « tout ce que l’humanité désire dans le monde ! » dit Yvan Blot. Ils l’ont promis comme Méphisto l’a promis à Faust dans l’oeuvre célèbre de Goethe ! Les résultats, certes, ne furent pas jamais ce qu’ils avaient prévus. Ils ont promis le bonheur, mais le malheur est sorti de leurs oeuvres. L’échec est venu notamment parce qu’ils ont tous voulu ramener l’homme à sa dimension animale. » Or la satisfaction des besoins animaux de l’homme ne semble pas donner une énergie fabuleuse à nos occidentaux. Yvan Blot montre bien les moteurs de ces raisonnements, l’orgueil et l’ envie, la basse jalousie, la haine ou la séduction.

Autre  tendance révolutionnaire, qui s’oppose à la première : ne vénérer que la raison. Rationnellement, avec des plans quinquenaux, ils vont tout régler. Ils ont seulement anéanti des populations entières. Les progrès scientifiques, pensent ils, vont les rendre l’égal de Dieu… Faire de l’homme un animal ou en faire un dieu mène également au totalitarisme.

Je vous laisse redécouvrir les poisons de Marx et Freud. Ils sont tellement visibles dans notre société aujourd’hui. 

Les procès ne sont pas caricaturaux, quelques propos de ces faux prophètes trouvent grâce aux yeux de l’auteur et il a raison. Quand Marx par exemple écrit « La grande bourgeoisie a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. » on est obligé de reconnaître la vérité de ce petit extrait du Manifeste du Parti communiste.

Ne voulant assombrir le lecteur, Yvan Blot lui propose des réponses philosophiques, celle de Pascal à Voltaire, celle de Nietzche à Rousseau, celle de Kierkegaard à Marx et celle d’Heidegger à Freud. Certaines réponses sont chrétiennes comme celle de Pascal, auxquelles adhère Yvan Blot « Pascal, en plaçant l’homme face à Dieu, veut éviter que le moi ne se prenne pour mesure de toute chose : en cela il est platonicien » et il écrit «  Platon pour disposer au christianisme ». Il faut donc détrôner l’idole de l’égo pour fonder la morale : « le moi est haïssable… En un mot le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu’il se fait le centre de tout. Il est incommode aux autres en ce qu’il veut les asservir. »

… « La pente vers soi est le commencement de tout désordre en guerre, en police, en économie. » Nos contemporains en sont arrivés à l’état décrit par Pascal « regardant tout l’univers muet, et l’homme sans lumières, abandonné à lui même et comme égaré dans ce coin de l’univers, sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, j’entre en effroi. »

Certaines réponses sont réjouissantes comme celle de Nietzsche : « Dans Ainsi parlait Zarathoustra, écrit Blot, Nietzsche se déchaîne contre « la canaille au pouvoir et la canaille qui écrit. » la canaille étant caractérisée par la malpropreté et morale et mentale. Mais le chapitre de ce livre qui vise le plus Rousseau, sans le nommer cette fois? est le chapitres des Tarentules. « Zarathoustra agite la toile de l’araîgnée pour la faire venir et lui dit:  « bienvenue Tarentule ! Sur ton dos est inscrit en noir ton triangle, ton emblême; et je ne sais ce qui habite ton coeur. La vengeance habite ton coeur : tout ce que tu mors se recouvre du croûte noirâtre ; le poison de ta vengeance fait tournoyer l’âme ! Je vous parle donc par paraboles, qui vous feront tournoyer l’âme , prédicateurs de légalité que vous êtes ! Vous n êtes que des tarentules et, en secret, vous êtes assoiffés de vengeance ! » « Les tarentules ont un autre objectif ajoute Nietzsche : « nous voulons exercer notre vengeance sur tous ceux qui ne sont pas semblables à nous; Volonté d’égalité, tel devra désormais être le nom de la vertu… Vous, prédicateurs de l’égalité,… vos plus secrètes convoitises de tyrannie s’emmitouflent donc de parole de vertu. » C’est une bonne description de Robespierre mais aussi de nos bons socialistes qui décernent les prix de vertu et les anathèmes.

Le livre nous offre aussi sur un plateau Heidegger pour qui l’homme dans le monde moderne est assimilé à un animal spécial (raisonnable) mais animal quand même, dont la vie se déroule dans la sphère de l ‘utilité. Notre société est donc utilitariste et  régie par quatre idoles essentielles, l’égo, l’argent, la masse et la téchnique. Les quatre faux prophètes adorent, selon des proportions variées ces quatre idoles.

Blot nous donne aussi les armes de Kierkegard, Hayek 

et quelques autres philosophes bien ancrés, eux dans le réel comme Jean Patocha mort dans les prisons communistes « Nous sommes les proies de prophètes antithétiques, dont les uns prêchent le défoulement des désirs, les autres la discipline et la soumission absolue, les deux sont deux aspects d’une seule et même chose. »

L’idéologie contemporaine et ses 4 M  selon Blot, matérialisme, massification, mafiosisation et mortalisation pèse sur notre temps. Nos contemporains doivent savoir qu’il n’y a d’espoir de salut sans respect des racines et de la terre, sans respect de la divinité et  sans respect des autres . Ce qui signifie retrouver le sens de l’honneur.

« Pour reprendre le vocabulaire du poète Hölderlin, l’homme a besoin d’une terre et d’un ciel (des racines et des ailes?) afin de pouvoir se situer dans un monde. Faute de monde c’est « l’immonde » qui risque de l’emporter. »

Anne Brassié

Les faux prophètes . Yvan Blot. ed Apopsix .