Le Tétralogue — Roman — Chapitre 29

[Voir :
Le Tétralogue — Roman — Prologue & Chapitre 1
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 2
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 3
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 4
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 5
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 6
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 7
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 8
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 9
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 10
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 11
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 12
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 13
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 14
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 15
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 16
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 17
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 18
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 19
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 20
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 21
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 22
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 23
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 24
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 25
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 26
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 27
Le Tétralogue — Roman — Chapitre 28]

Par Joseph Stroberg

29 — Fatigue fatale ?

Les quatre compagnons avaient maintenant quitté la plage et commençaient à s’enfoncer dans une zone de verdure dispersée sur un sol formé d’un mélange de sable et de terre limoneuse mêlées occasionnellement de roches de tailles diverses. S’ils reconnaissaient haut dans le ciel un vol de drugnarns bien gonflés qui passaient lentement devant Matronix, la plupart des autres animaux leur étaient inconnus. Pour l’instant, il s’agissait surtout de petites espèces dont certaines volantes, mais presque toutes se contentaient de sauter, courir, marcher ou glisser sur le sol, selon le cas. Aucun dangereux prédateur n’était visible, ou alors son caractère mortel résidait dans son venin, mais auquel cas, les aventuriers s’en rendraient compte trop tard. Heureusement, de toute manière, aucun des animaux ne semblait enclin à se précipiter vers eux, bien au contraire. Ils s’éloignaient tous plus ou moins rapidement, peu habitués à voir des Véliens dans cette partie du continent. Celui-ci était par ailleurs le moins peuplé, car il était généralement trop chaud et aride, avec nettement moins de ressources alimentaires que sur les trois autres. Les paysages alternaient entre déserts, steppes et maigres savanes, en dehors des quelques bourgades et d’anciennes ruines, souvent de sinistre réputation, comme le labyrinthe de Trinestarn, les catacombes de Luidirn et la Cité de cristal.

Alors que le soir était sur le point de tomber, ils n’avaient toujours pas trouvé de fruits ni d’animaux connus et après leur dernière expérience alimentaire, ils n’étaient pas très chauds à l’idée de nouveaux tests, en dépit de leur épuisement et de leur déshydratation croissants. D’un commun accord, ils se résignèrent donc à dormir pour au moins tenter de récupérer un peu de vitalité. Aucun d’eux ne monta la garde, car ils étaient trop terrassés pour cela et ils pensaient, à tort ou à raison, que pour l’instant ils ne risquaient pas grand-chose de la part des petites créatures environnantes. Plongés profondément dans le sommeil, ils ne pouvaient rien déceler de ce qui se déroulait en même temps dans leur environnement immédiat.

De petits animaux tisseurs à 16 pattes et revêtus de longs poils de couleur sable se rapprochèrent lentement des corps allongés. Leur chemin irrégulier semblait indiquer une certaine forme de prudence, comme s’ils se tenaient prêts à chaque instant à faire demi-tour. Une trentaine de ces animaux qui dépassaient à peine la taille de la main d’un Vélien finirent par toucher les imprudents endormis et se mirent alors rapidement à un ouvrage très particulier. Pendant que la moitié de leurs pattes leur servait pour le déplacement, les autres étaient activement utilisées pour tisser une sorte de toile noirâtre au-dessus de chacun des corps. Celle-ci était produite par leur gueule, et fixée au sol à l’aide d’une substance collante qui émanait de leur arrière-train et s’écoulait sur une large surface, couvrant à la fois les roches, la terre et les plantes rases qui se trouvaient là. Cette glu séchait assez rapidement pour qu’eux-mêmes ne risquent pas de s’y trouver collés. Les fils du tissage étaient suffisamment résistants pour qu’un animal deux fois plus puissant et gros qu’un Vélien ne puisse s’en extraire. La plupart de ceux qui se faisaient prendre finissaient par mourir de soif au bout de quelques jours. Leur corps déshydraté séchait alors rapidement en ce lieu semi-désertique et représentait ensuite une bonne réserve de nourriture carnée. En serait-il se même pour les quatre aventuriers inconscients ?

Après plus d’une heure de cette sorte de danse active au-dessus des Véliens inanimés, ces derniers se trouvèrent totalement et solidement recouverts de cette toile qui absorbait assez efficacement la chaleur, au point que le corps prisonnier pouvait même parfois carrément cuire à petit feu. Les quatre infortunés endormis ne connaîtraient cependant pas ce triste sort, car la saison estivale était à peine commencée et les plus fortes chaleurs ne viendraient pas avant plusieurs jours. En attendant, ils n’étaient pas pour autant tirés d’affaire, comme ils s’en rendraient compte au réveil, du moins s’ils parvenaient à survivre jusque là. Pour l’instant, ils continuaient à dormir, très affaiblis par leur manque de nourriture et de boisson. Et les animaux tisseurs s’étaient retirés à l’écart, à moitié enfouis dans la terre sablonneuse sous les frêles herbacées et attendant patiemment maintenant la mort prochaine de leurs quatre proies. D’autres petits animaux des environs venaient occasionnellement aussi traîner dans le coin, ou peut-être observer aussi leur futur repas. Auraient-ils la chance, l’habileté ou la force d’en tirer quelques morceaux au détriment des tisseurs ? On y trouvait des animaux rampants, serpentiformes ou dottés de nombreuses pattes, selon les cas, des animaux munis d’ailes qui semblaient ne plus être capables de voler en raison d’un corps comparativement trop lourd, des carnassiers dotés d’un venin toxique, ou encore des espèces de plantes mobiles qui se déplaçaient lentement par le biais de lianes temporairement enracinées qui leur servait à se tracter. Celles-là abritaient des colonies d’insectes tout aussi avides de participer à un festin. La petitesse relative de ces derniers était largement compensée par leur nombre. Ils pouvaient réduire un Vélien à l’état de squelette fort bien nettoyé en quelques heures seulement. En retour du service d’hébergement offert par la plante, une moitié de la colonie de bestioles était lentement digérée par des sucs acides qui suintaient des larges pétales spongiformes au nombre d’une quinzaine par tige. Les insectes victimes étaient ceux qui s’enfonçaient dans l’une des innombrables et minuscules cavités d’un des pétales, alors que les autres se contentaient de rester en bordure de ces pièges attirants. Le suc était suffisamment corrosif pour risquer de percer le cuir d’un Vélien si d’aventure celui-ci se risquait à toucher l’un des pétales. Cependant, les quatre actuellement prisonniers du lieu n’auraient peut-être pas l’occasion d’essayer. Au rythme actuel de leur déshydratation, leur mort risquait d’intervenir au cours des toutes prochaines heures.

(Suite : Le Tétralogue — Roman — Chapitre 30)