Le prochain gâchis d’argent en France sera dans le militaire !

Par Jean-François Geneste

Le conflit ukrainien bat son plein et a démontré la faiblesse occidentale dans un affrontement classique et avant tout terrestre. Nous manquons de tous types de matériels ! Pour autant, est-ce grave ? Comme déjà dit dans d’autres articles, nous pouvons avoir une vue stylisée du continent eurasiatique comme suit : une Russie centrale avec 146 millions d’habitants flanquée à l’est de 1,5 milliard de Chinois et à l’ouest de 500 millions d’Européens. Les lois de la thermodynamique s’appliquant, de manière générale, au genre humain, et le vide ne remplissant jamais le plein, la seule zone à risque dans un tel cas est le centre qui, bien qu’étant un empire, n’est pas celui du milieu.

Or, l’OTAN est en train d’entrer dans une lourde stratégie de production de matériels militaires, la plupart technologiquement obsolètes, en jouant à se faire peur en fantasmant une invasion russe qui ne surviendra jamais. Nous allons donc dilapider potentiellement des sommes considérables alors que notre économie est déjà exsangue et pour quel résultat ? Stocker des équipements qui ne serviront jamais ?

Or, qu’est notre armée aujourd’hui ? Écartons la dissuasion nucléaire qui, bien évidemment, a un caractère particulier. Pour le reste, la France possède une force néocoloniale qui vise à se projeter sur des théâtres impliquant des États faibles et sous dépendance, essentiellement en Afrique. Est-ce là ce que nous voulons et dont nous avons besoin ? Nous avons vu récemment une érosion, c’est un euphémisme, de notre influence sur ce continent. Peut-être serait-il temps de changer de stratégie, non ? Et peut-être une démarche intelligente ne passerait-elle pas nécessairement ou pas exclusivement par la rubrique militaire ? Allez savoir !

Nous venons de prouver, en quelques lignes, bien plus claires que de longs et inutiles livres blancs sur la défense, que nous n’avons pas d’ennemis réellement identifiables à ce jour. Nous avons des rivaux économiques, mais ce n’est pas la même chose.

Il y a néanmoins une composante importante de notre sécurité qui n’est pas assurée de façon satisfaisante. Notre pays a la deuxième surface maritime mondiale et ses eaux ne sont pas correctement protégées. En réalité, elles sont pillées par des États tiers. Il serait donc urgent de se doter des moyens ad hoc pour maîtriser ces vastes espaces qui font de notre nation l’une des plus riches au monde. À condition toutefois d’avoir conscience de cela, ce qui nous interroge au regard des décisions des gouvernements successifs. Ainsi, un plan bien pensé, avec des équipements en rupture et préparant une authentique vision de l’avenir pourrait et même devrait être une opportunité largement justifiée d’investir massivement.

La politique menée ces dernières décennies, par la France, a été désastreuse en matière industrielle. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater la part du secteur secondaire dans le PIB ; une vraie descente aux enfers qui a des conséquences sur le niveau intellectuel de la population, laquelle n’a plus de culture de ce type, ce qui est un grave handicap dont la plupart des acteurs n’ont de plus pas idée. Un gouvernement responsable devrait avoir comme priorité de nous réindustrialiser. Or les lois de l’OMC et de l’Europe n’ont eu pour autre but que de nous précipiter dans l’abîme de l’indigence, de la dette et de la vacuité jusque dans l’enseignement. Des crédits militaires seraient les bienvenus, car échappant aux Fourches caudines des accords signés par les traîtres successifs qui nous ont amenés ici, en nous permettant des développements vertueux et de renouer avec notre histoire puisque nous sommes l’un des rares peuples qui a construit la société d’aujourd’hui lors de la période de la Renaissance notamment. Cela impliquerait une prise de risque, la recherche de ruptures, la vision de ce que nous voulons que le monde de demain soit et que la France se pense, à nouveau, comme une grande puissance. Parce que ce statut qui, actuellement, semble être réservé aux vastes contrées physiques que sont la Russie, les États-Unis, la Chine et l’Inde devrait pouvoir trouver son pendant dans la capacité d’une civilisation qui, par sa culture seule, serait apte à tenir le haut du pavé. Encore faut-il concevoir que cela est possible et en avoir la volonté. C’est ce qui se passa pour nos ancêtres. Pourquoi ne pas renouer avec notre destin ? Nous avons une des meilleures langues et, issus de nos rangs, nous avons eu parmi les plus talentueux savants. [NDLR Sans compter les nombreux artistes et surtout les nombreux saints.]

Ainsi, utiliser les budgets militaires pour reconstituer notre positionnement stratégique mondial devrait être la priorité. J’avais déjà écrit cela en 2007. Et j’avais même montré que ce n’est pas incompatible de la préparation d’un conflit de haute intensité de manière efficace s’il devait y en avoir un, ce qui, encore une fois, est très peu crédible aujourd’hui sauf à soutenir les jusqu’au-boutistes de Washington qui sont de grands malades.

En attendant, en lieu et place, nous tournons la gigantesque manivelle, bien trop lourde pour nous de la production de masse de matériels trop sophistiqués, inutiles et obsolètes qui va nous ruiner un peu plus et de façon tout à fait superflue. Cela n’est pas sans nous rappeler cet excellent roman de Dino Buzzati intitulé le désert des tartares dans lequel le « héros », nommé à la sortie de l’école à un poste-frontière, espère toute sa vie l’attaque de l’ennemi qui n’éclate pas pendant que ses camarades de promotion font, eux, carrière, et viennent le remplacer pour chercher la gloire quand la guerre est enfin déclarée alors que lui doit être rapatrié sanitaire, car il a mal vieilli en rongeant son frein.