Le Front Populaire, la grande illusion historique de la gauche

[Source : bvoltaire.fr]

[Illustration : le Premier ministre français Léon Blum (1872 – 1950) fait une émission de radio, France, 7 mars 1937.
PHOTO : Getty Images/Keystone]

Par Éric de Mascureau

L’Histoire est un éternel recommencement. La NUPES est morte, vive le Front populaire ! Mais que fut, réellement, ce Front populaire ?

Face à la montée des mouvements d’extrême droite en France, et surtout en réaction à la journée du 6 février 1934, le Parti communiste français (PCF), le Parti radical (PR) et la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) prennent la décision d’agir. Afin d’appuyer leur demande et leur réforme contre le fascisme, ils font appel à la rue. Ainsi, entre 1934 et 1936, on compte plus de 1 000 manifestations, dont 45 % sont d’ordre politique et la moitié menée par la gauche. Cependant, ces événements de rue ne suffisent pas. L’idée, mais surtout le besoin de s’unir commence à émerger dans les esprits. Le PCF, en réalité aux ordres de Moscou, veut profiter de ce chaos ambiant pour s’imposer comme le leader de la gauche en France. Maurice Thorez fait ainsi semblant d’abandonner l’idée de la lutte des classes au profit de la bataille contre le fascisme pour, en réalité, tenter d’éclipser et faire disparaître tous les sociaux traîtres que sont notamment les bourgeois du PR. Ces derniers, quant à eux, ont besoin de ces alliances, notamment avec la SFIO, pour renouer avec la classe ouvrière qui se méfie d’eux. Le ver est déjà dans la pomme, avant même que ne naisse officiellement le Front populaire.

La victoire législative des gauches

Au terme de longues négociations et à l’aube des législatives de 1936, le Front populaire est créé. Les grandes idées défendues par cette alliance de circonstance sont le désarmement et la dissolution des ligues jugées dangereuses, la liberté syndicale, la lutte contre la déflation et la baisse du chômage. Pour les élections, chaque parti de gauche peut présenter son propre candidat au premier tour, mais au second, chacun doit obligatoirement apporter son soutien au vainqueur afin de garantir une majorité à l’Assemblée nationale.

Au terme de la campagne, le 3 mai 1936, la victoire du Front populaire est éclatante, mais elle est surtout celle du PCF, qui profite grandement de cette union. Ainsi, les communistes passent, dans l’Hémicycle, de 10 députés à 72, les socialistes de la SFIO de 97 à 149 et le grand perdant de l’alliance qu’est le PR de 160 à 111. Fort de son nombre majoritaire de sièges, la SFIO prend la tête du gouvernement à laquelle le Président Lebrun appelle Léon Blum, qui devient la figure du Front populaire.

Le Front populaire au pouvoir : du rêve à la désillusion

À ce sujet — 6 février 1934, l’entrée en agonie de la IIIe République

Après avoir formé son gouvernement auquel les communistes refusent de participer, le considérant trop bourgeois, Blum lance ses grandes réformes, celles dont la gauche avait toujours rêvé. Les accords de Matignon prévoient, ainsi, de nombreuses décisions économiques et sociales qui font la gloire du Front populaire auprès des masses ouvrières. Parmi elles : les congés payés, la semaine de 40 heures, la hausse des salaires et la reconnaissance du droit de participation à un syndicat. Léon Blum réforme également l’Éducation nationale en y imposant la pratique du sport, dont le ministère est fondé en 1936.

Ces réformes ont néanmoins un coût que n’avait pas anticipé le président du Conseil. S’ensuivent une inflation des prix, un ralentissement de l’économie dû aux grèves et aux congés payés, ainsi qu’une baisse seulement partielle du chômage. Une situation telle qu’en février 1937, Léon Blum est contraint de stopper son programme. Malgré les oppositions des communistes, jugeant cette décision trop favorable au capital et au patronat, il décide de réduire la dépense sociale afin de faire revenir les capitaux en France et de relancer l’armement face à une Allemagne de plus en plus belliqueuse. Ces choix sonnent alors le glas du Front populaire.

La rupture et l’échec

La situation internationale va entériner la fin de l’union de la gauche, qui se déchire sur les questions de la guerre d’Espagne et doit faire face au changement des forces politiques. De 30 000 membres en 1933, le PCF en comptait 308 000, quatre ans plus tard. Son influence sur les masses prolétaires s’est accrue et son soutien au gouvernement se remplace par une critique permanente. Le PR finit aussi par être divisé sur la question même du maintien du Front populaire, dont certains voudraient la dissolution afin d’éviter de se voir totalement éclipser par le PCF.

La lutte permanente contre les droites amène aussi ces dernières à s’unir dans de nouveau groupes politiques, comme le Parti social français (PSF) ou encore le Parti populaire français (PPF). Cette structuration de la droite et l’extrême droite est un échec du Front populaire, qui relance ainsi un fort clivage droite-gauche.

Face à la situation, des grèves sont mises en place et des accusations de fascisme sont faites contre le gouvernement de Blum, qui finit par démissionner en juin 1937. Hitler profite de cette instabilité politique pour faire main basse sur l’Autriche puis sur la Tchécoslovaquie. Ces événements aboutissent aux négociations des accords de Munich en 1938 menées par Daladier, dont les décisions prises provoquent la rupture définitive du Front populaire en avril 1938.

Ainsi, au terme de deux ans d’existence politique et malgré ces promesses illusoires faites aux masses, sous couvert de lutter contre un autre courant politique, le Front populaire n’a pas su redresser économiquement notre pays, s’est laissé corrompre par les pions serviles aux ordres du totalitarisme soviétique de Moscou et a laissé le monstre hitlérien agir librement en Europe. Beau bilan que celui du Front populaire qui demeure une référence majeure dans l’histoire de la gauche.