La crise États-Unis/Iran à la lumière du Soleil Levant

[Source : Le blog de Moïra Forest]

Auteur : Gearóid Ó Colmáin

Nous
l’avons prédit depuis longtemps : les États-Unis allaient
finalement fabriquer de toute pièce une crise massive internationale
pour provoquer une guerre contre l’Iran. La série entière de
guerres qui ont découlé du 11 septembre et les révolutions
factices pendant les deux dernières décennies sont de simples
préludes à la destruction à venir de l’Iran.

Désormais,
le Japon se retrouve au centre d’une crise internationale qui
s’amplifie après que les Américains ont accusé l’Iran de l’attaque
de deux pétroliers dans le Golfe d’Oman, l’un étant propriété de
la Norvège et l’autre du Japon.

La Norvège a été un médiateur important dans les négociations entre l’Iran et l’Occident et Oslo, bien qu’étant membre de l’OTAN, poursuit souvent  des politiques étrangères indépendantes. Mais dans cet article, je veux me focaliser sur l’engagement du Japon dans cette crise. Quel rôle peut jouer le Japon dans la guerre des États-Unis contre l’Iran ?

Mike
Pompeo :  » nous avons menti – nous avons triché – nous avons
volé  » 

Le
secrétaire américain Mike Pompeo a dit à CBS News hier que les
États-Unis sont certains que l’Iran est derrière les attaques.
C’est le même homme qui a récemment admis qu’en tant que directeur
de la CIA, il a menti de façon répétée. N’importe qui avec un
minimum de connaissance dans les relations internationales sait que
la CIA est une machine à fabriquer des mensonges, qu’elle a vendu
des guerres d’agression sur une base mensongère et que son but tout
entier est de contrôler la perception des masses pour protéger son
élite de bailleurs de fonds. La CIA a toujours haï les citoyens
américains autant que leurs faux ennemis étrangers.

Mais
alors, qu’est-ce que les États-Unis sont en train de planifier
maintenant ? En premier, considérons le nouvel échiquier
géopolitique et ses « impératifs stratégiques » pour
emprunter une expression de feu Zbigniew Brzezinski. Les États-Unis
ne contrôlent plus le Moyen-Orient, ils ne contrôlent plus
l’Amérique latine. Les États-Unis ont perdu le contrôle de sa
propre économie et essayent désespérément sous la présidence
Trump de reprendre contrôle sur sa propre industrie alors que la
Chine continue d’étendre son influence à travers le monde. Le
gouvernement américain sous la présidence de Trump ne contrôle
même pas l’Amérique.

L’Iran,
fauteur de trouble dans le monde entier ?

Donc,
revenons à Pompeo. Que dit-il maintenant ? Il dit que les États-Unis
« savent » que l’Iran est derrière les attaques dans le
Golfe Persique et que les États-Unis n’ont pas besoin d’autorisation
pour utiliser la force. C’est ce qu’il a dit dans son interview avec
CBS : les États-Unis peuvent bombarder et détruire n’importe quel
pays dans le monde si ses intérêts sont menacés ; ses intérêts
étant les intérêts de la cabale financière qui contrôle son
gouvernement et dirige sa politique. On appelle cela la cabale
d’Israël. Ce que dit Pompeo c’est que les États-Unis et Israël
sont au-dessus de la loi. Israël est sa propre loi et attaquera
n’importe qui, n’importe où, n’importe quand à n’importe quel coût.
Nous devons au moins être reconnaissants à Pompeo de rendre les
choses officielles.

Pompeo
a dit aussi : « c’est un régime qui cause beaucoup d’ennui dans
le monde entier ». Considérons maintenant cette affirmation
pendant un moment.

Est-ce
que l’Iran a attaqué les Américains le 11 septembre 2001 ? Est-ce
que l’Iran a envahi et occupé l’Afghanistan ? Est-ce que l’Iran a
envahi et occupé l’Irak ? Est-ce que l’Iran a déclenché la guerre
en Libye ? Est-ce que l’Iran a déclenché la guerre en Syrie ?
Est-ce que l’Iran a déclenché la guerre factice contre le
terrorisme ? Est-ce que l’Iran a envahi et bombardé plus de 50 pays
depuis la Deuxième Guerre Mondiale, dont la majorité étaient des
démocraties, en les remplaçant par des régimes dictatoriaux ? Non.
Alors, à quoi se réfère Pompeo ? Il se réfère aux États-Unis
d’Amérique !

Les
Japs sont de retour !

Nous
avons tous vu des films sur la Seconde Guerre Mondiale qui décrivent
les Japonais comme étant cruels, des tyrans sans coeur qui
réduisaient en esclavage les peuples d’Asie. Bien que réelle sous
bien des aspects, c’est néanmoins une vision partiale et basée sur
des préjugés au sujet des objectifs géopolitiques complexes du
Japon pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Depuis
leur défaite militaire, les Japonais ont été assujettis à la
puissance américaine. Ils n’ont que rarement sinon jamais été en
désaccord avec la politique américaine en Asie, mais ces dernières
années, la troisième puissance économique mondiale tend ses
muscles. Le Japon se remilitarise et révise son histoire, en
particulier, son rôle pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le Japon
se voit comme un libérateur de l’Asie de l’influence pernicieuse du
colonialisme britannique. Selon la vision japonaise, l’Asie a été
largement colonisée par la Grande-Bretagne et la France à cause de
la faiblesse des nations asiatiques. Le Japon se présentait comme un
défenseur de la race mongoloïde contre la dominance des Caucasiens.
Je ne cherche pas à défendre l’impérialisme japonais, mais il est
important de comprendre que tous les pays qui ont participé dans les
deux guerres mondiales ont ce qu’on peut considérer être des
raisons légitimes pour leurs actions et les nations vaincues ne
peuvent jamais écrire leur propre histoire.

Ce
nouveau rôle affirmé du Japon dans la région cause des problèmes
multiples avec la Chine.

Tant
que le Japon en reste au révisionnisme historique pour menacer la
Chine, les États-Unis ne sont pas concernés, mais permettre au
Japon de s’armer de nouveau et ne pas sanctionner la résurgence de
son nationalisme signifie qu’il y a toujours un risque que le Japon
échappe aux griffes des États-Unis.

Dans
de récents conflits, la diplomatie japonaise, de plus en plus
indépendante, est revenue au premier plan.

Pendant
la déstabilisation du Myanmar en 2017, lorsque des groupes
islamistes aidés par les oligarques de l’Arabie Saoudite et de
l’Occident, on lancé une campagne de terreur dans le nord de l’état
de Rakhine – des attaques dont les médias internationaux ont fait
porter la responsabilité aux victimes – les Japonais ont refusé de
condamner et isoler Naypyidaw. Au contraire, ils ont discrètement
rejoint la Russie et la Chine en soutenant le gouvernement birman
dans sa tentative d’éteindre la crise.

Pendant
la Seconde Guerre Mondiale, la Birmanie a été une cible stratégique
clé des tentatives de l’Empire du Japon d’expulser les Britanniques
d’Asie. Les relations du Japon avec les Birmans sont restées
cordiales, en dépit de l’hostilité américaine et européenne.

Ces
dernières années, le Japon a organisé des conférences avec des
nations africaines et n’a pas caché son ambition de rivaliser avec
les investissements chinois sur le continent.

La
visite récente de Shinzo Abe à Téhéran a été une tentative de
la part de Tokyo de faire la médiation dans le conflit entre l’Iran
et les États-Unis. Depuis la direction du Premier ministre Yukio
Hatoyama (2009 – 2010), le Japon cherche à focaliser à nouveau sa
politique loin du centrisme américain et vers de plus en plus de
liens avec les nations asiatiques. Le gouvernement de Hatoyama a fait
des gestes importants dans le but d’avoir de meilleures relations
avec la Chine. Bien que le nationalisme renaissant de Shinzo Abe a
sans aucun doute aggravé les relations avec la Chine, cela pose
aussi des problèmes pour les États-Unis parce que cela ne cible pas
seulement la Chine. 

La contradiction dans la politique étrangère japonaise a été mise en relief il y a quelques années par l’ancien ministre des Finances Shoici Nakagawa, qui était un proche de Abe. Il était profondément suspicieux envers la Chine et radicalement pro-Taïwan, mais il était autant suspicieux envers les États-Unis. Il a aussi suggéré que le Japon devait acquérir des armes nucléaires. Nakagawa était l’un des quelques officiels Japonais importants à avoir publiquement condamné les bombardements atomiques sur Nagasaki et Hiroshima par les États-Unis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Les
États-Unis sont le seul pays à avoir utilisé des armes nucléaires
pour assassiner une population. Le lancement de bombes atomiques au
Japon a été justifié sur la base que c’était le seul moyen
d’arrêter la guerre, mais les Japonais tentaient de négocier la
paix avec les États-Unis depuis 1943 sans succès. Les États-Unis
étaient déterminés à utiliser les bombes atomiques pour montrer
aux Soviétiques qui étaient vraiment les nouveaux maîtres du
monde.

La
délocalisation de l’industrie américaine en Asie a signifié que le
Japon, bien qu’en déclin, a néanmoins gagné en stature. Avec une
base industrielle forte et une population largement homogène, le
Japon a encore le potentiel pour jouer un rôle dominant dans
l’intégration asiatique à condition qu’il maintienne de bonnes
relations avec les nations exportatrices de pétrole et de gaz.

Le
12 mars 2017, le roi saoudien Salman Ben Abdoulaziz Al Saoud a visité
Tokyo, la première visite d’un chef d’état saoudien depuis 5
décennies. Les deux pays ont signé plusieurs accords de haut niveau
qui ont ouvert l’économie saoudienne à l’investissement high-tech
japonais en échange d’accords d’exportations lucratifs vers le
Japon.

En
2017, le roi Salman d’Arabie Saoudite a visité Tokyo où le Joint
Vision 2030 a été inauguré. Alors que l’Arabie Saoudite soutient
un vaste programme de privatisation, le Japon est gagnant en devenant
un partenaire majeur dans la diversification de l’économie
saoudienne.

Bien que les Saoudiens ont été accusés d’être de possibles suspects dans l’attaque du Golfe d’Oman, les responsables sont bien plus sûrement les États-Unis et Israël. L’éminent clerc chiite irakien Moqtada Ben Sadr a visité Jeddah en Arabie Saoudite en avril 2017 où il a rencontré le prince Mohammed Ben Salman avec un projet pour améliorer les relations saoudiennes avec l’Irak et l’Iran chiites. Cela suggère que les Saoudiens cherchent probablement à apaiser les tensions avec l’Iran.

Depuis
le désastre de Fukushima en 2011, le Japon est devenu de plus en
plus précaire en matière de sécurité énergétique. Le désastre
de Fukushima a accentué la dépendance du Japon au pétrole
moyen-oriental, les forçant ainsi à plus se conformer avec les
politiques américaines envers les pays de cette région.

George
Friedman, le directeur de Stratfor, un think tank américain proche
de la CIA, croit que le Japon va finalement s’échapper du contrôle
américain et pourrait même devenir un ennemi des États-Unis. En
tant que puissance maritime majeure, le Japon est central pour le
contrôle américain sur la région du Pacifique. La nécessité du
Japon d’accroître les investissements dans les économies en
développement rentre en conflit avec l’économie de guerre
permanente des États-Unis et d’Israël. Le Japon ne veut clairement
pas d’une autre guerre majeure au Moyen-Orient, car elle pourrait
avoir un impact dévastateur sur le coût énergétique et la
sécurité.

La
culture de paix et de résistance de l’Iran

Lorsque
je filmais mon documentaire « The Culture of Resistance »
pour Press TV en 2017, j’ai visité le Musée de la Paix à Téhéran
où j’ai interviewé une femme japonaise qui s’est installée à
Téhéran après avoir expérimenté les horreurs des bombes
nucléaires américaines dans son pays. Elle s’est mariée à un
Iranien et est restée en Iran toute sa vie. Le Japon a une petite
idée de ce que sont les bombes nucléaires, les gens qui les
fabriquent, et pourquoi elles sont utilisées. Le Musée de la Paix
de Téhéran est dédié aux victimes des guerres soutenues par les
États-Unis contre l’Iran où des armes chimiques ont été
utilisées, fournies par l’Allemagne et la France avec le soutien
total des États-Unis. Les États-Unis n’hésiteraient pas à larguer
encore des bombes.

L’ancien
conseiller en sécurité nationale américaine Zbigniew Brzezinski a
dit au Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis en
2007 qu’une guerre pourrait être déclenchée, « par des
provocations en Irak ou un acte terroriste attribué à l’Iran qui
plonge une Amérique isolée dans un bourbier s’étendant et
s’accentuant et finalement parcourant l’Irak, l’Afghanistan et le
Pakistan. »

Patrick Clawson a dit au Washington Institute en septembre 2012 que si l’Iran refusait de céder à la pression américaine, une opération sous faux drapeau pourrait être envisagée pour déclencher une guerre.

Personne
ne croit les mensonges de Mike Pompeo sur les attaques contre les
pétroliers, mais ce que la guerre en Irak a prouvé, c’est que les
néocons ne se préoccupent plus si le public les croit ou non. Ils
ont seulement besoin d’un article en couverture. Le gouvernement
japonais a dit ne pas être convaincu que l’Iran est derrière les
attaques contre les pétroliers. Les provocations américaines
pourraient provoquer un embrasement si la Chine et le Japon
resserrent les liens avec l’Iran. S’il y a une chose sur laquelle la
Chine, le Japon et l’Iran s’accordent, c’est que les États-Unis
n’ont pas le droit de bombarder n’importe quel pays quand cela leur
chante. Le Président Trump adore les frontières. L’armée
américaine devrait se concentrer sur la protection de ses propres
frontières et laisser le reste du monde tranquille. 

Article original :  http://www.gearoidocolmain.org/the-usiran-crisis-in-the-light-of-the-rising-sun/

Rétroliens : https://reseauinternational.net/la-crise-etats-unis-iran-a-la-lumiere-du-soleil-levant/