Guerre totale et insurrection spirituelle

[Source : arcaluinoe.info]

Par Justino Carneiro

Pour comprendre notre situation, il est essentiel de savoir où nous nous trouvons. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans la position d’insurgés. Des insurgés politiques et métapolitiques, des insurgés spirituels. Cette réalité n’est pas due à notre propre choix, mais à la volonté de l’ennemi qui est à l’offensive depuis des siècles et qui a pris l’ascendant depuis le début du XXe siècle. Je fais référence au meurtre rituel du dernier souverain chrétien orthodoxe légitime en Russie, à la victoire des puissances atlantiques lors de la Première Guerre mondiale, à la création de la Société des Nations — précurseur des Nations unies et des institutions internationales qui lui sont associées — et aux premiers pas officiels vers la création de l’entité sioniste avec la déclaration Balfour adressée à Lord Rothschild.

En tant que chrétien orthodoxe, je comprends ces événements à la lumière de l’enseignement de l’apôtre Paul dans sa deuxième lettre aux Thessaloniciens, où il décrit l’élimination du κατέχον1 — la force qui retient le mystère de l’iniquité (ou de l’anarchie) et l’Antéchrist — marquant le début de l’ère d’apostasie qui conduit au règne de l’Antéchrist. Je ne comprends pas cela de manière métaphorique, mais littéralement. Comme nous le savons, grâce à nos saints Pères et Anciens, qui ont interprété avec autorité les éléments apocalyptiques et eschatologiques de notre tradition révélée, l’histoire de cet éon se déroule en spirale. Nous pouvons donc trouver des modèles spirituels analogues à chaque époque, jusqu’à la fin de l’éon. Cela signifie que la question de l’opération du pouvoir katechontique pour contenir le mystère de l’anarchie ne perd pas son sens à l’époque de l’apostasie déchaînée.

Selon les recherches méticuleuses de Carrol Quigley et d’Antony Sutton, parmi d’autres chercheurs, les instigateurs de ces événements du 20ème siècle peuvent être retracés jusqu’aux cercles établis par l’impérialiste britannique Cecil Rhodes et ses successeurs. Ces cercles, connus sous le nom de « Round Table » (La Table Ronde), étaient étroitement liés à des collaborateurs financiers et industriels américains. Mais leur analyse peut être complétée par des faits qui dépassent les limites de la fin du 19e et du 20e siècle. D’autres auteurs ont démontré l’existence d’un fil continu anglo-sioniste immédiatement antérieur à cette période. Moses Hess, le mentor proto-sioniste de Karl Marx, évoque explicitement dans son livre Rome et Jérusalem (1862) la colonisation de la Palestine par des colons juifs sous la protection des nations occidentales. Il évoque également la création d’une société secrète visant à atteindre cet objectif et mentionne l’infiltration de la franc-maçonnerie par le rabbin Hirsch du Luxembourg comme « moyen d’amalgamer tous les cultes historiques en un seul ».

Hirsch, un philosophe juif hégélien, a établi la première branche de l’Alliance israélite universelle aux États-Unis, fondée à l’origine en 1860 par Adolphe Crémieux, un franc-maçon juif français. La branche américaine de l’Alliance était intimement liée au B’nai B’rith2, alors récemment fondé. Le B’nai B’rith, organisation maçonnique juive alternative fondée à New York, a joué un rôle important dans le déclenchement des troubles civils en Amérique, qui allaient contribuer à sa pleine intégration dans l’alliance atlantique politique et militaire dirigée par la Grande-Bretagne. Cette intégration a marqué l’abandon de la position isolationniste de l’Amérique, telle que définie dans la doctrine classique de Monroe, ce qui a eu des conséquences considérables aux 20e et 21e siècles.

Parallèlement à ces développements américains, l’Alliance israélite universelle et le B’nai B’rith allaient plus tard participer à la destruction de l’Empire ottoman, aux génocides arménien et grec et à la fondation de l’État national turc moderne. Les Jeunes-Turcs3 ont été créés dans les années 1890 par Emmanuel Carasso, un responsable du B’nai B’rith italien et grand maître d’une loge maçonnique italienne, qui comptait parmi ses membres tous les principaux dirigeants des Jeunes-Turcs. Rappelons que Jérusalem a été sous l’empire ottoman jusqu’en 1918. Dans ces conditions, il n’est pas difficile de deviner à quelle société secrète Moses Hess faisait allusion.

Si l’on remonte encore plus loin, on constate que le plan de Hess perd de sa nouveauté. Dans cette direction, nous passons de machinations de nature politique à une dimension plus occulte. Après la fondation, en 1717, de la Grande Loge maçonnique de Londres, une série de hauts grades maçonniques ont été progressivement créés. L’origine de bon nombre de ces degrés était entourée de mystère. L’explication la plus déroutante de la création des hauts grades a été rendue célèbre par une dispute concernant la création du Rite de la Stricte Observance par le Baron Karl Gotthelf von Hund, qui prétendait avoir été initié à l’origine à ces rites par les « Supérieurs Inconnus ». Ce Rite, transmis par les Supérieurs Inconnus, a établi le lien supposé entre les Templiers et la Franc-maçonnerie. D’autres personnages tristement célèbres comme Cagliostro, créateur de la prétendue « franc-maçonnerie égyptienne », qui aboutira à la création du Rite de Memphis-Misraïm, et Martinez de Pasqually, créateur de l’Ordre des Prêtres Élus de l’Univers et maître de Louis Claude de Saint-Martin, ont revendiqué des origines obscures similaires à leurs rites.

En fait, le remarquable travail de Marsha Keith Schuchard a démontré de manière convaincante que ces Supérieurs Inconnus peuvent être retracés et identifiés comme étant des Juifs sabbatéens et frankistes, au premier rang desquels le kabbaliste Samuel Jacob Falk, également connu sous le nom de Baal Shem de Londres. Toutes ces branches occultes de la franc-maçonnerie sont des créations de kabbalistes juifs sabbatéens, y compris la franc-maçonnerie templière, comme mentionné précédemment. Au-delà de la franc-maçonnerie, ces juifs sabbatéens-franquistes avaient établi des liens avec les ordres chevaleresques de la noblesse européenne. Ils agissaient ensemble en tant que cercle intérieur dirigeant à la fois la franc-maçonnerie et des sociétés secrètes parallèles telles que les Frères asiatiques.

Le sabbatéisme a été le premier grand mouvement messianique juif qui a eu un impact massif sur les Juifs européens. Il a été créé par les disciples de Sabbataï Tsevi4, qui vivait dans l’Empire ottoman et qui s’est proclamé Messie juif en 1666. Il a ensuite apostasié vers l’islam, une décision qui a conduit non seulement à la doctrine de ses disciples selon laquelle l’apostasie du judaïsme accomplit le judaïsme, mais aussi à la doctrine et à la pratique de la « rédemption par le péché ». Essentiellement, il croyait qu’en augmentant et en intensifiant le péché, l’arrivée du Messie juif pouvait être hâtée.

Cette pratique était une variante de l’idée kabbalistique antérieure du tikkun olam, la « rectification du monde ». Selon cette vision, au commencement, Dieu, qui était lumière infinie, s’est contracté afin de produire un espace sombre pour créer le monde. Mais les vaisseaux5 originels se sont brisés et leurs éclats sont devenus des étincelles de lumière piégées dans l’obscurité matérielle. La rectification du monde est décrite comme la libération de cette lumière de la matière par des actes rituels. Selon une interprétation de cette pratique, antérieure au concept de rédemption par le péché, on pensait que séparer le saint du monde créé, privant ainsi le monde physique de son existence même, conduirait à la destruction de l’univers matériel. Cet acte visait à restaurer tout à l’état originel d’avant la catastrophe cosmique. Une apostasie totale et une guerre métaphysique totale contre la Création étaient déclarées. Dans l’interprétation sabbatéenne, l’élan messianique juif acquiert une forme antinomique. L’intensification du péché et de l’anarchie est devenue la méthode privilégiée pour hâter la venue du Messie, à son tour identifié à l’état final dans la réparation d’un monde déchu.

Dans son livre Land and Sea, Carl Schmitt, dans son style acéré, a écrit, je cite :

« L’histoire du monde est l’histoire des guerres menées par les puissances maritimes contre les puissances terrestres ou continentales et par les puissances terrestres contre les puissances maritimes. »

Et il ajoute :

« Selon les interprétations médiévales des cabalistes, l’histoire du monde est un combat entre une puissante baleine, le léviathan, et un animal terrestre non moins fort, le béhémoth, représenté imaginairement sous la forme d’un taureau ou d’un éléphant. (…) Selon les cabalistes, le béhémoth tente de déchiqueter le léviathan avec ses cornes et ses dents, tandis qu’à son tour, le léviathan s’acharne à boucher la bouche et les narines de l’animal terrestre avec ses rabats et ses nageoires, afin de le priver de nourriture et d’air. Il s’agit là d’une illustration graphique, que seule l’imagerie mythologique peut traduire, du blocus auquel une puissance maritime soumet une puissance terrestre en lui coupant les vivres afin de la faire mourir de faim. À la fin, les deux adversaires s’entre-tuent. Mais les cabalistes poursuivent en disant que les Juifs observent solennellement la fête millénaire “La fête du Léviathan”. »

Enfin, dans une variation sur ce même thème dans un autre livre, il ajoute l’observation suivante, je cite :

« Ce “massacre rituel” mutuel est pour eux licite et “casher”, et ils mangent donc la chair des peuples massacrés et s’en nourrissent. »

C’était une caractéristique typique de la guerre maritime que de viser directement ou indirectement la population civile de l’ennemi, contrairement aux scénarios plus classiques de la guerre terrestre où deux armées s’affrontent. Selon Schmitt, la guerre maritime contient un élément éminemment désagrégeant. Contrairement à une puissance terrestre occupante, une puissance maritime qui impose un blocus n’a aucun intérêt à établir l’ordre et la sécurité dans le territoire ennemi. La force de blocus reste distante et absente. Son intérêt pour les conditions du pays soumis au blocus est purement négatif et vise uniquement à perturber et à détruire l’ordre existant. Même dans les cas où une puissance maritime occupe effectivement le territoire ennemi après la restitution, l’élément de désagrégation inhérent à la puissance maritime demeure. Pour Schmitt, il s’agit là d’un trait caractéristique de l’impérialisme britannique en tant que force de délocalisation et de déterritorialisation. La relation avec le territoire occupé est toujours subversive. Et la subversion peut aussi prendre la forme d’une infiltration et d’une déstabilisation interne du territoire et de la population de l’ennemi.

L’une des nouveautés techniques du XXe siècle en matière de guerre a été l’émergence de la guerre aérienne. La guerre aérienne présente certaines similitudes structurelles avec la guerre maritime, mais dans ce cas, le facteur destructif augmente considérablement. La guerre aérienne indépendante rompt le lien entre la force qui exerce la puissance et la population touchée, plus encore que ne le fait un blocus naval. Dans le cas d’un bombardement aérien, il y a une coupure absolue entre le personnel militaire dans les airs et la terre, ainsi que ses habitants, en contrebas. Avec les bombardements aériens, il devient pratiquement impossible de distinguer les cibles militaires des cibles civiles.

Mais un élément encore plus caractéristique et nouveau de la guerre du XXe siècle est la guerre des gaz, introduite lors de la Première Guerre mondiale. Jusqu’alors, la guerre, telle que décrite par Clausewitz et pratiquée par Napoléon, consistait à attaquer d’abord les fonctions vitales de l’adversaire. L’utilisation de gaz toxiques a marqué le passage de la guerre classique à la guerre totale. Dans ce nouveau paradigme de la guerre, l’idée principale n’est plus de cibler le corps de l’ennemi, mais son environnement. L’objet de l’attaque devient les conditions mêmes de la vie. Ce trait particulier marque le passage technique à la guerre totale. L’atmosphère elle-même devient une arme.

Dès lors, il n’y a plus de limites à l’accélération et à l’intensification de la militarisation de l’environnement. De la guerre chimique, on est passé à la guerre biologique, à la guerre génétique, à la guerre électromagnétique et à la guerre neurologique. Et au-delà, à la cyberguerre, à la guerre de l’information, à la guerre psychologique et mentale et, bien sûr, à la guerre spirituelle.

À l’ère de la guerre totale, en tant que mobilisation totale de tous les médias psychophysiques, la destruction s’autodétruit et devient construction négative, contre-construction. Le ciblage de l’environnement l’explicite, il fait de ce qui était naturellement donné, comme l’air, un objet de manipulation techniquement contrôlable. Toute la nature devient en principe techniquement mobilisée et militarisée. L’apostasie totale de la nature débouche sur une contre-nature technocratique totalitaire.

Face à cet assaut total, toutes les solutions sociales, économiques, politiques et morales sont totalement impuissantes.

Cette contre-nature reconstruite négativement — « rectifiée » — prend l’apparence d’une nouvelle création, d’une recréation de l’ensemble de la population humaine mondiale comme dommage collatéral, comme objet inévitable d’une guerre totale. Sa nouvelle composition chimique, biologique, électromagnétique, neurologique, psychologique et spirituelle constitue son propre nouveau corps contre-nature. Et même un nouveau sang. Le corps de l’Antéchrist.

Y a-t-il une chance pour un quelconque pouvoir katéchistique à l’ère de l’apostasie ?

Saint Gabriel de Géorgie, le fou du Christ, Saint Sophrony d’Essex et Iustin Parvu de Roumanie, trois saints hommes du 20ème siècle, nous ont laissé le même message. Citons en particulier l’aîné Iustin :

« Il est très important de savoir comment prier (…). Il faut travailler la prière de l’intérieur (…). Aujourd’hui, plus que jamais, les laïcs doivent prier du fond du cœur, car ce sera notre seul salut. C’est dans le cœur que se trouve la racine de toutes les passions et c’est là que nous devons diriger nos luttes (…). Si nous ne prions pas à partir du cœur, nous ne pourrons pas soutenir les attaques psychologiques, car le malin a caché des méthodes de lavage de cerveau qui nous sont inconnues (…). Il y aura de grandes tromperies et seul le Saint-Esprit nous donnera le discernement dont nous avons besoin pour nous sauver. Priez pour ne pas être trompés ! Ce n’est que par la prière que nous pouvons recevoir le Saint-Esprit. »

Mais en tant que chrétiens orthodoxes, nous savons qu’il n’y a pas de prière sans communion au corps et au sang du Christ. L’Église est le Corps du Christ, son Organisme Théantropique pur, saint et immaculé.

« Je vous le dis en vérité, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, il n’y a pas de VIE en vous. » (Jean 6,53)

Et nous savons, comme le dit l’Évangile, qu’« à partir de ce moment-là, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et ne marchèrent plus avec lui ».

Mais ce n’est pas métaphorique, ce n’est pas abstrait. C’est réel, physiologique, corporel. Les démons, qu’ils soient de leur propre volonté ou convoqués par les agents mondialistes de la conspiration du non-être, ne peuvent qu’exploiter nos passions. Ils instillent les passions par des suggestions mentales et prennent ensuite le pouvoir sur l’homme par le biais de la pensée passionnelle somatisée. La nouvelle contre-physiologie rend pratiquement impossible la résistance à leurs provocations noétiques.

Mais nous avons le corps du Christ. Réjouissez-vous toujours, priez sans cesse. Ce n’est que par la prière que nous pouvons recevoir l’Esprit Saint.

Telle est notre insurrection spirituelle.

Justino Carneiro

Justino Carneiro est chercheur universitaire à l’Institut de philosophie de l’Université de Porto, au Portugal. Il était auparavant professeur assistant de biopolitique dans le cadre du master d’histoire, de relations internationales et de coopération de l’université de Porto et termine actuellement son doctorat sur la théologie politique en tant que système métaphysique.