Face à l’annonce par la Russie d’un vaccin contre le Covid-19, les médias basculent dans le camp des anti-vaccins

26/07/2021 (2020-10-08)

Par Graham Dockery, journaliste irlandais

Source : RT, le 11 août 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

Alors que la Russie déploie sa nouvelle inoculation contre le coronavirus avant des tests cliniques complets, les médias occidentaux ont soudainement bouclé la boucle sur les vaccins. La Russie, semble-t-il, pourrait guérir le cancer, et les médias trouveraient tout de même un moyen de blâmer Poutine.

La Russie a breveté le premier vaccin au monde contre le Covid-19. Le Président russe Vladmir Poutine a annoncé cette percée mardi 11 août, déclarant aux journalistes que sa propre fille avait été vaccinée. Les médecins et les enseignants seront les premiers à recevoir le vaccin, avec un déploiement général prévu en janvier 2021.

Le vaccin est toujours en cours de test, bien que les scientifiques russes se vantent d’avoir des décennies d’expérience dans la lutte contre des virus similaires. Il a passé les deux premières phases de l’essai (sur les singes et les humains), mais le troisième et dernier test placebo est toujours en attente et sera mené parallèlement au déploiement du vaccin sur la base du volontariat.

Forts de ce fait, les médias occidentaux se sont mis à sonner l’alarme. Le New York Times a accusé le Kremlin de « bâcler les tests pour marquer des points de propagande » et a mis en garde contre les dangers des médicaments nouveaux aux tests incomplets. Le Guardian a également mis en garde contre cet effort précipité, ajoutant que « les vaccins pourraient n’être que partiellement efficaces », même après des tests rigoureux. De même, le Washington Post a averti que « les vaccins pourraient être nuisibles ou donner aux gens un faux sentiment de sécurité quant à leur immunité ».

Côté français, citons Le Parisien (« Promettre un remède aussi vite, c’est hyperdangereux… C’est de la com’ ! »), Le Monde (« ‘Il n’y a pas de données connues concernant la qualité, l’efficacité et la sécurité du vaccin russe’, a rapidement réagi une porte-parole du ministère de la santé allemand, rappelant qu’au sein de l’Union européenne ‘la sécurité des patients est la première des priorités’. ‘L’autorisation d’un vaccin en Europe présuppose, outre la preuve de sa qualité pharmaceutique, des connaissances suffisantes tirées des essais cliniques pour prouver l’efficacité et l’innocuité’ »), Le Figaro (« La décision semble très prématurée […] le Pr François Balloux, chercheur à l’Institut de génétique de l’University College London, a jugé ‘inconsciente et insensée’ cette annonce, arguant qu’un vaccin qui n’aurait pas été ‘testé de manière appropriée (…) pourrait avoir des conséquences désastreuses’ »), Libération (« C’est totalement irresponsable […] une décision insensée, et surtout dangereuse […] Un pari fou. Si par chance, l’issue s’avère positive, le procédé pour y parvenir met fin à un consensus médical, historique, centenaire, et accepté par la communauté scientifique qui impose d’être transparent et de respecter un protocole très encadré. […] un pari démagogique, géopolitique et moralement grave. Et terriblement dramatique car cela balaye tous les usages médicaux. »), BFM (« la Russie n’a pas publié d’étude détaillée des résultats de ses essais permettant d’établir l’efficacité des produits qu’elle dit avoir développés. »), LCI (« Un effet d’annonce qui n’a aucun sens […] manipuler une information autour de la vaccination comme le fait Monsieur Poutine est, de mon point de vue, absolument irresponsable. […] Un homme politique comme Vladimir Poutine a la volonté d’apparaître à la pointe de la science, mais ni lui ni son pays ne le sont. »), RTL (« on peut fabriquer un vaccin en quelques mois, mais ce ne sera pas forcément un vaccin efficace et sans effets secondaires. La Russie n’a pas respecté toutes les étapes pour valider son vaccin au plan international. ») 20 Minutes (« Mais c’est quoi cette histoire de vaccin en Russie ? […] un vaccin, cela met généralement une dizaine d’années (!) à être découvert et testé. […] Une fraude des données est donc possible »), Ouest-France (« Il est peu probable que le monde soit sauvé du coronavirus grâce à Spoutnik V. […] avant tout un coup de communication politique […] On ne peut pas dire que la recherche biomédicale russe se soit distinguée ces dernières années. »), France Info (« les essais cliniques, effectués dans un délai très court et sur moins d’une centaine de personnes, rendent les spécialistes sceptiques […] ‘Je suis atterrée par ce genre d’annonce’, déplore la virologue du CHU de Lille Anne Goffard. ‘Le développement de ce vaccin se fait en dehors du débat scientifique.’ […] ‘Il faut un temps de surveillance’ pour ‘s’assurer que le vaccin procure une immunité (…) et ne rend pas malades les personnes vaccinées’. […] C’est une boîte de Pandore »), le JDD (« Vrai remède ou effet d’annonce ? […] Un vaccin qui a brûlé les étapes »), etc. Si seulement le Remdesivir faisait l’objet de tant de précautions !

Dans plusieurs médias, le message était le même. Le vaccin russe n’est pas digne de confiance, n’est guère plus qu’un coup de propagande et pourrait même être un complot néfaste du Kremlin pour inciter l’Occident à sortir son propre vaccin non testé avant la date prévue.

Il est indubitable que la course au vaccin est une question de fierté nationale pour la Russie. Même le nom de ce vaccin, Spoutnik V, fait référence au premier satellite lancé dans l’espace, un énorme coup de propagande de course spatiale pour l’Union soviétique. De même, les articles ont raison lorsqu’ils soulèvent des inquiétudes quant à l’efficacité des vaccins. Comme l’a souligné le Guardian, même les injections testées le plus rigoureusement peuvent être au mieux inefficaces ou au pire avoir des effets secondaires horribles. Ce n’est pas pour rien que le vaccin promis à l’Europe par AstraZeneca fait l’objet d’une clause impérative selon laquelle aucune poursuite contre le laboratoire ne sera possible en cas d’effets nocifs du vaccin. On se demande pourquoi les médias et responsables politiques restent muets à ce sujet.

Pourtant, avant la percée russe, ces mêmes médias étaient de véritables évangélistes du vaccin. « Les vaccinations sauvent des vies, protègent nos enfants et sont l’une de nos plus grandes réalisations en matière de santé publique », lit-on dans un éditorial du New York Times en mars dernier. Ses auteurs, qui comprenaient l’Administrateur de la santé publique des États-Unis, ont démenti les craintes d’effets secondaires et ont exhorté le public à s’unir derrière les campagnes de vaccination du gouvernement. « La méfiance à l’égard d’un vaccin contre le coronavirus », écrivait le journal en juillet, « pourrait mettre en péril l’immunité généralisée. »

Pour être honnête, ce dernier article a soulevé des inquiétudes quant au développement rapide des vaccins, cette fois en s’en prenant au Président Donald Trump et à son projet de recherche « Operation Warp Speed » au lieu de Poutine, mais à peine deux mois plus tôt, le Times décrivait l’effort occidental de lancer un vaccin « en un temps record » en signe d ‘« espoir » au milieu de la pandémie.

Idem pour le Guardian, dont les journalistes se sont moqués la semaine dernière des « mamans blanches de la classe moyenne de Pinterest » qui croient aux théories du complot sur les vaccins, et un mois plus tôt, des experts ont déclaré que même un vaccin imparfait serait « considéré comme un succès ».

Tout comme ce professeur d’Oxford qui a déploré le fait qu’un vaccin britannique efficace pourrait conduire à une dangereuse montée de la fierté nationale, il semble que les médias occidentaux ne supportent pas de voir un vaccin fabriqué par la Russie inverser la tendance contre le coronavirus. Imaginez ça ? La Russie de Poutine, abhorrée comme coupable d’ingérence électorale, d’empoisonnement d’espions et de responsable de l’élection de Trump, qui constitue une épine dans le flanc de l’ordre libéral, livrerait au monde le vaccin qui le sauverait de la peste redoutée ?

Inutile de dire qu’il y aurait beaucoup de dépit dans les quartiers cossus de Londres et de New York (sans parler de Paris).

Bien sûr, ce sont les premiers jours. Tout vaccin potentiel sera toujours un pari, et alors que les essais se poursuivent parallèlement à son déploiement limité, l’efficacité de Spoutnik V n’a pas encore été prouvée. L’effort russe peut à la fin ne mener à rien, et si c’est le cas, au moins les commentateurs de Londres et de New York auront de quoi se réjouir, et tant pis pour la pandémie !

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