Face à la Russie, la Maison-Blanche et le Pentagone sont en mode panique

14/10/2022 (2022-10-14)

[Source : lecourrierdesstrateges.fr]

« La Maison-Blanche et le Pentagone sont en mode panique » — entretien avec Alexandre N

Le mode panique est bien réel

CdS : Quand nous en avons parlé il y a quelques jours, déjà, vous étiez formels : « À Washington, ils sont en mode panique », m’avez-vous déclaré. 

Alexandre N : Pour la Maison-Blanche, la messe est quasiment dite, si j’ose dire : la momie vivante et son entreprise d’embaumeurs lutte de plus en plus contre une démence sénile de moins en moins contrôlable. Voilà ce qu’on trouve par exemple dans un média américain conservateur :

« Je ressens normalement une grande sympathie pour toute personne qui lutte contre la terrible maladie de la démence. Cependant, dans le cas du président Biden, dont le monde entier sait qu’il lutte contre cette affliction, le sentiment que je ressens est plus proche du dégoût.

La raison pour laquelle mon empathie normale fait défaut est que le président Biden lui-même doit savoir qu’il a cette condition… et il ne le reconnaîtra pas et ne fera pas ce qui est le mieux pour le pays et démissionnera. Non seulement le Président Biden le sait, mais aussi sa femme et ses enfants. Il en va de même pour toute personne qui travaille à la Maison-Blanche. En effet, ce doit maintenant être une opération de 24 heures pour les assistants de la Maison-Blanche pour écrire les scripts de téléprompteur et les indications scéniques qu’ils doivent produire pour le président Biden ». 

Qui peut croire sérieusement que l’Amérique est vraiment dirigée par Biden ?

En ce qui concerne le Pentagone, il faut comme d’habitude en revenir à certains fondamentaux. Rappelons d’abord qu’il ne veut absolument pas de confrontation directe avec la Russie, car il sait en être la première victime en cas d’une défaite plus que probable si les choses vont trop loin, ce à quoi il est poussé par le Blob, comme on appelle l’État profond américain.

CdS : Que désignez-vous par là ? 

Alexandre N. Le Blob, par allusion à un célèbre film de la fin des années 1950, où une créature extra-terrestre arrivée sur un météorite s’installe dans une ville américaine et grossit en dévorant tout ce qui passe à sa portée. Nous avons affaire à un ensemble idéologiquement hétérogène de quelques factions d’individus trop riches pour ne pas s’être acheté l’État américain. Et ce Blob force le Pentagoneà faire de la figuration en Ukraine. Celle-ci se résume alors à diriger les opérations sans s’exposer, via une cascade de postes de commandement jusqu’à l’Ukraine.

CdS. Quel rôle joue exactement le Pentagone en Ukraine? 

Alexandre N : Comme on dit dans notre jargon de militaires, il assure le C3I (Command, Control, Communication, Intelligence) effectif et surtout l’approvisionnement des forces. Pour ce faire, il s’appuie sur l’OTAN (un « machin » maintenu en place pour mettre à sa disposition et à la norme américaine tous les supplétifs européens). L’OTAN est toujours commandée par un général américain, et pas du tout par monsieur Stoltenberg, qui est le chargé de relations publiques. 

CdS. Vous faisiez allusion à la CIA

Alexandre N : Oui, le Pentagone doit aussi compter avec la CIA qui fait sa guerre dans son coin, Il faudra que nous y consacrions un entretien propre. Mais disons que la CIA fera tout en tant que véritable « cœur battant » du globalisme pour aggraver le conflit. Voilà qui résume assez la pétaudière qu’est la direction stratégique américaine, une situation qui de fait aide d’ailleurs beaucoup les Russes.

Les Occidentaux font faire la guerre aux Ukrainiens comme en 1914

CdS. Votre analyse, c’est donc que les Américains ne dominent pas autant la situation que ce qu’ils veulent nous faire croire. 

Alexandre N : Pour faire la guerre — car c’est son métier — mais tout en faisant semblant, le Pentagone doit aussi en revenir à certains fondamentaux. Pour faire la guerre, il faut essentiellement deux armes — le reste suit — : le renseignement et l’artillerie, soit le feu dans la profondeur. La raison en est aussi simple qu’évidente : il est en effet stupide et partant criminel comme l’a montré la guerre de 1914 de s’acharner sur la confrontation purement frontale là où l’ennemi empile ses forces.

CdS. Cette guerre fut en effet moins gagnée dans les tranchées…

Alexandre N : … que du fait du blocus anglais qui affama la population allemande avec le temps (sanctions déjà), ainsi qu’au sabotage de Ludendorff, lorsqu’il compris que c’était « foutu », pour échapper à ses propres responsabilités. 

Il est plus que recommandé pour l’emporter de « taper » prioritairement où se trouve la colonne vertébrale adverse ainsi que son cerveau, soit tout un ensemble de cibles fixes, ponctuelles, dispersées et surtout très molles. C’est l’arrière qui commande l’avant, pas l’inverse. Le contre-exemple historique le plus frappant de cette règle immuable est quand Hitler détourne la stratégie aérienne de Göring (Hermann pour les dames…) en l’obligeant à ne traiter que des cibles parfaitement inutiles stratégiquement comme les grandes villes. Sans cela, la Grande-Bretagne ne pouvait que tomber en 1940 ou 1941. 

Les deux clés: l’artillerie et le renseignement

CdS. Ce que vous nous dites, c’est que, pendant que les Américains envoient des milliers d’Ukrainiens comme de la chair à canon au front, les Russes, eux, ont une autre stratégie.

Alexandre N. Détruire l’ennemi dans sa profondeur arrière économise énormément les munitions en optimisant les gains par des dégâts stratégiques irréparables. Mais pour ce faire, il faut des moyens adaptés de frappe lointaine et précise, mais surtout jumelés à du renseignement performant, autrement dit de « l’intelligence » — pas donné à tout le monde. L’action d’ensemble s’appelle alors un « plan de feu ». Certains persistent encore à croire que c’est l’infanterie qui conquiert, et si possible avec un béret rouge en tête. Mais celui-ci n’est dans les faits que le prolongement du pantalon rouge français de 14. L’infanterie fonctionnellement occupe et contrôle le terrain que d’autres conquièrent pour elle. Ainsi on l’économise. 

CdS. C’est ce que font les Russes. 

Alexandre N : Oui. La structure de fonctionnement de l’effort de guerre est donc le système tangible de la résilience adverse, ce dont le Pentagone est pleinement conscient. Les Américains ne font pas autre chose, ordinairement, que de le détruire d’emblée avec leur armée de l’air, non sans l’avoir préparé avec des sanctions pour affamer la population, de la subversion pour mettre la discorde chez l’ennemi, ainsi que de la corruption pour y disposer d’une 5° colonne. Cerise sur le gâteau, ils enrobent le tout d’un épais brouillard propagandiste, d’abord pour rassurer l’opinion américaine, ensuite pour s’asservir l’opinion européenne, et enfin pour effrayer l’opinion ennemie ou neutre.

CdS. Comment se réalise ce beau schéma sur le théâtre ukrainien? 

Alexandre N : Eh bien d’abord pas très bien parce que les Russes ont attaqué préventivement, détruisant ainsi d’emblée le schéma. Au bilan d’aujourd’hui, les forces ukrainiennes, qui ont, par exemple perdu au moins 5000 blindés depuis le début des hostilités, n’ont plus que de l’infanterie, peut-être encore nombreuse, mais dans un état plus que discutable. Elles disposent encore cependant du très solide dispositif défensif dans la profondeur, élaboré depuis 2014 par l’OTAN sous directives américaines. Mais elles n’ont inversement plus de composante aérienne ce qui les oblige théoriquement à devoir renforcer au maximum leur système maillé de défense antiaérienne (radars, missiles SA, canons d’appoint…). Et c’est là que doivent principalement jouer les Occidentaux.

CdS: Et du côté russe? 

Alexandre N. Du côté russe, on note tout d’abord que leur stratégie est des plus irritantes parce qu’illisible, ce qui fait partie de leur force. C’est en effet voulu (maskirovka), mais ce n’est qu’une question de culture : les Occidentaux ne comprennent en fait pas pourquoi les Russes n’agissent pas comme eux-mêmes l’attendent, donc comme ils feraient eux-mêmes. Et là réside toute l’incompréhension de l’arrogance occidentale qui interprète cela comme une preuve de faiblesse et les pousse à la surenchère… qu’attendent en fait les Russes. 


[Source : lecourrierdesstrateges.fr]

Par Édouard Husson

La Russie et l’arme hypersonique : les aléas de la « stratégie du fort au fou »

[NDLR La Maison-Blanche et le Pentagone peuvent avoir des raisons de paniquer, si l’on tient compte aussi de ce qui est évoqué dans l’article suivant.]

Le Courrier des Stratèges a entretenu ses lecteurs plusieurs fois du phénomène central de la guerre d’Ukraine — et donc le moins discuté par les Occidentaux : l’avance que la Russie possède dans la maîtrise et le développement des armes hypersoniques. Je me suis entretenu il y a quelques jours sur le sujet avec mon ami Alexandre. Doté d’une immense culture historique et stratégique, cet ancien officier français a l’amour du pays chevillé au corps. Lui qui connaît bien la Russie, son histoire militaire, enrage de voir comme nos actuels dirigeants passent à côté des événements actuels. Alexandre m’a invité à la campagne. Et nous avons parlé durant des heures sur les guerres mondiales, la Russie bolchevique et celle d’aujourd’hui, la Guerre froide, les États-Unis, la dissuasion nucléaire. Avec l’accord de mon ami stratège, je reproduis un moment de notre conversation, celui où nous avons évoqué la révolution militaire hypersonique. J’ai reproduit tels quels les propos d’Alexandre, sans rien filtrer. Il a trop vu les hommes et leurs conflits pour s’embarrasser de précautions oratoires. Évidemment, tous ceux qui n’ont comme sources d’information que les communiqués du Ministère de la Défense ukrainien et comme analyse à disposition que les experts invités sur les plateaux de télévision « mainstream » seront surpris, voire choqués… mais la réalité de notre époque n’est-elle pas choquante ?

La dissuasion du fort au fou

EH : J’ai le sentiment que l’armée russe se hâte lentement parce qu’elle a l’immense sécurité que lui procure l’arme hypersonique, pour laquelle elle est en avance sur les Américains et même les Chinois. L’utilisation de missiles hypervéloces à la mi-mars en Ukraine n’était-elle pas une façon de dire aux États-Unis: même si vous en doutiez, nous maîtrisons ces armes nouvelles. Et nous disposons d’une avance stratégique sur vous. Donc traitons

Alexandre : D’un côté vous avez raison ; mais il ne semble pas que les militaires occidentaux aient perçu la portée de ce message. C’est quelque chose que nous devons avoir en tête.

Quand de Gaulle prend le nucléaire français en main (les recherches ont démarré dès 1945), il fait élaborer une doctrine d’emploi par le général Ailleret (dont j’ai toujours pensé que la mort dans un accident d’avion en 1968 n’était pas accidentelle ; il a pu être assassiné par les Américains).

La doctrine nucléaire française, dite à l’époque « stratégie du faible au fort », consistait simplement à disposer d’une capacité dissuasive suffisante face à l’URSS autant qu’aux USA.

Reprenant cette image, on peut alors qualifier la stratégie russe contre les États-Unis de « stratégie du fort au fou » : les Russes sont en effet militairement les plus forts, mais en même temps les Américains ont désormais perdu toute faculté leur permettant de réagir rationnellement, d’où la nécessité pour les Russes de devoir adapter leur ancienne stratégie qui était alors « du fort au fort ».  

EH: Y a-t-il des précédents? 

A: Cette stratégie du fort au fou n’est pas vraiment nouvelle puisque c’est celle qui s’est imposée quand le fou était faible, c’est-à-dire un terroriste tchétchène ou syrien.

Le problème actuel pour les Russes réside donc dans le fait que le fou est également fort.

L’arme hypersonique

EH: Comment faire dans ce cas ?

A: La logique impose d’abord d’acquérir une supériorité militaire irréversible, laquelle est bien désormais obtenue par la détention non partagée de la technologie missile hypervéloce.

Pour rappel, l’hypervélocité a pour effet militaire de détruire toute profondeur stratégique, ce qui permet aux Russes d’affirmer sans se tromper qu’ils sont capables de détruire les États-Unis simplement avec 4 missiles Sarmat.

EH: C’est ce que montre une simple carte, comme celle reproduite par Le Parisien au début de la guerre (voir ci-dessus).

A: Oui, exactement. Mais la carte est fausse en ce qu’elle omet les bombardiers stratégiques et les sous-marins qui font qu’aucun point de la planète n’échappe à une frappe hypervéloce russe. Sauf que même ça, le fou n’est plus en état de le « comprendre ».

Contre l’acteur stratégique “fou”, il faut ouvrir plusieurs fronts 

EH: Qu’est-ce qu’un acteur stratégique « fou » ? Pouvez-vous être plus explicite sur ce point?

A. C’est d’abord un acteur parfaitement hermétique à toute stratégie qui lui est opposée. C’est ensuite et en même temps quelqu’un qui n’en démord pas – au sens littéral, j’ai envie de parler de “bête enragée”, au risque de choquer. 

Combattre stratégiquement le fou nécessite alors de faire appelle à des concepts atypiques.

Le premier consiste à s’attaquer par principe au cerveau du fou. En effet, le cerveau est la première arme de guerre, ce que les militaires, comme par anthropologie, sont le plus souvent incapables de comprendre.

Il faut donc dérégler le plus possible le cerveau d’un tel adversaire en lui opposant des fronts multiples qui l’épuisent…

EH : … un peu comme pour l’Allemagne en 1914 ou en 1941, pays aux velléités conquérantes, mais qui s’est obstiné par deux fois à mener la guerre sur deux fronts simultanés.

A : Exactement. Et cela a été la cause de sa marche systématique au désastre. Entre la Russie et les États-Unis, la stratégie « multifronts » de Moscou, se décline d’abord en une guerre économique calculée, pilotée par Sergueï Glaziev entre autres, mais surtout basée sur l’affrontement des perceptions entre « économie politique » à l’Est et « science économique » à l’Ouest, la seconde étant comme on le sait parfaitement « bidon ». À titre d’exemple, rappelons simplement que les experts occidentaux ont répété que la Russie ne fabriquait pas cette ressource absolument vitale que sont les puces électroniques. C’était juste manquer un point essentiel : la Russie tient bien ceux qui en fabriquent au travers de son monopole des gaz rares tels que le néon, l’argon ou l’hélium. 

Un autre front, c’est le rôle impénétrable de la Chine comme force en apparence de seconde ligne, mais en fait prête à ouvrir un second front dans le Pacifique si les Américains commettent une erreur. De ce point de vue là, ceux-ci essayent en fait de reproduire le schéma ukrainien en Asie du Sud-Est, avec pour l’instant peu de succès

La guerre de l’information fait aussi partie de cette stratégie multifronts avec un succès presque total pour la Russie…

EH: Ce n’est pas ce que pensent nos pays….

A. En effet, alors que l’Occident s’imagine avoir isolé la Russie, c’est en fait celle-ci qui a isolé l’Occident du reste du monde. Si on rappelle que l’Occident ne représente que 12 % de la population mondiale, il a bien d’ores et déjà perdu la guerre de l’opinion. Malgré menaces et chantages, il n’y a pas de pays « non occidentaux » qui aient adhéré aux sanctions. 

Tout ceci permet alors de resituer stratégiquement la place réelle du conflit en Ukraine qui consiste simplement — moyennant une stratégie contingente d’attaque préemptive — à attirer les Européens dans un piège dont ils ne savent plus comment sortir.

S’en prendre aux caractéristiques essentielles de l’ennemi

Néanmoins, ces stratégies restant dans le domaine du rationnel ne peuvent suffire à « bloquer la bête enragée ». Aussi faut-il avoir recours à autre chose que la stratégie, auquel cas la seule option possible consiste à s’attaquer à ce que j’appellerai la “biologie” ou “les caractéristiques essentielles” de l’ennemi.

Pour le comprendre, simplement suffit-il d’en revenir à la façon dont les Inuits tuent le loup : « Les Inuits indigènes vivaient avec les loups. Les loups sont féroces, travaillent en meute et ne font pas de prisonniers. Ils se mangent entre eux s’ils ont suffisamment faim. Les loups sont également de grands prédateurs. Un loup moyen mesure entre 1,5 et 2 mètres de long et pèse plus de 180 livres.

Se mesurer à eux en tête-à-tête est une bataille perdue d’avance.

Sachant cela, les Inuits ont mis au point une stratégie pour tuer ces bêtes. Le plan était simple : prendre un couteau, le tremper dans du sang, le congeler et l’attacher à un poteau.

Les loups aiment l’odeur du sang. Cela signifie qu’il y a un repas potentiel dans les parages. L’odeur du sang attire le loup vers le couteau gelé. De là, le loup lèche le sang gelé sur le couteau. Chaque léchage fait fondre l’exosquelette hydraté, rapprochant la langue du loup de la lame du couteau. Il n’a pas fallu longtemps pour que le couteau fonde, exposant la lame tranchante. À ce stade, chaque léchage coupe la langue du loup, ce qui la fait saigner.

Mais le hic, c’est que le loup ne pouvait pas faire la différence entre son propre sang et le sang gelé sur le couteau.

Pour le loup, cela ne faisait que goûter plus de sang. Ce qui l’a motivé à en lécher encore plus !

Vous pouvez extrapoler ce qui se passe ensuite. Le loup continue à lécher, inconscient de sa propre perte de sang. Avec le temps, le loup meurt avec une langue ravagée et un estomac vide ».

EH : C’est frappant. Quelles sont dans le cas présent « les caractéristiques essentielles » des États-Unis actuels, si je suis bien votre raisonnement provocateur ?

A : Je vois trois composantes de la politique américaine qui sont aussi des fragilités essentielles des États-Unis : il y le mythe de la puissance militaire américaine, le dollar (de papier) et le soutien indéfectible à Israël via principalement le diktat des néo-cons (ou straussiens, c’est selon).

EH: Prenons-les dans l’ordre. Tout d’abord, ce que vous appelez le mythe de l’armée américaine… 

A : Contrairement à ce que les stratèges de plateaux télévisés s’imaginent, il est hors de question que l’armée américaine affronte directement l’armée russe, car le risque d’une humiliation, même tactique et savamment médiatisée, ferait s’écrouler le mythe de cette puissance qui n’en demande pas tant depuis les avatars du F-35, du Patriot, du Zumwalt… et la liste est longue.

EH: On voit aussi venir le jour où la suprématie incontestée du dollar n’existera plus !   

: on sait la dédollarisation en marche et que c’est la Chine qui donnera tôt ou tard le coup de grâce : sans dollar de référence, il n’y a plus d’Amérique et celle-ci ne contrôle pas le phénomène. Le coup de Poutine de faire payer le pétrole en roubles relève bien du génie !

EH: Reste alors le soutien à Israël….

A. Sous cet aspect, force est de constater que les observateurs occidentaux s’interdisent de corréler les événements militaires et diplomatiques entre la crise ukrainienne et celle du Moyen-Orient. Or cette corrélation est quasi totale si on veut bien rappeler que la Russie – à rebours de ce que pensaient les Américains – vient d’y renforcer ses moyens militaires, en apparence pour y taper à loisir sur la toupie ottomane, histoire que celle-ci continue à bloquer l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN. « Discorde chez l’ennemi », aurait dit de Gaulle.

Si on se borne à consulter l’actualité, on observe que le Premier ministre israélien est en train d’alerter sur un risque d’effondrement de son pays, ce n’est pas seulement une figure rhétorique: il y a aussi l’expression d’une peur très réelle.

EH: Les Israéliens d’origine “soviétique” sont un million et de trop fortes tensions entre les États-Unis et la Russie pourraient mettre à mal les équilibres du pays, voire bloquer le système politique. La guerre de Syrie a en outre placé les Israéliens dans une situation inédite. L’affrontement entre les chiites et un sunnisme radical, celui de Daech, aurait arrangé le pays. Or, les Russes sont intervenus; ils ont donné à l’ennemi juré d’Israël, la Syrie d’Assad, une chance de survie, et ils ont marginalisé en partie l’influence diplomatique américaine dans la région. Israël est devenu dépendant de la Russie, qui met des conditions à tout soutien…

A: De mon point de vue, il est absolument clair que la Russie joue habilement d’une pression indirecte sur la sécurité de ce pays pour montrer aux néocons qu’eux aussi ont un front faible, suffisant en tout cas pour les faire le cas échéant s’écrouler à l’intérieur de l’Amérique.

EH : De l’est de la Méditerranée au Golfe persique, les Russes sont en mesure « d’occuper » les Américains, en les empêchant de s’impliquer autant qu’ils le voudraient en Ukraine. Les Russes le font aussi avec l’Arabie Saoudite, qui s’est rapprochée d’eux. Et qui participe par ailleurs à la dédollarisation en envisageant des transactions pétrolières en yuans… On retrouve la stratégie « multifronts ».

A : Le jeu particulièrement subtil, complexe et contingent qui conduit ce vaste affrontement ne peut qu’échapper au commun qui préfère aller voir les dernières productions d’Hollywood. Mais pendant ce temps, c’est tout le mental occidental qui est visé, l’idée étant de le faire s’écrouler le moment venu par effet… de sidération.

La conclusion — pour l’instant partielle — de ce point de la situation globale, disons par prudence élémentaire que rien n’est vraiment joué, mais cependant que la Russie — qui est loin d’être seule — contrôle majoritairement le momentum de la manoeuvre globale et que les Américains ne sont qu’en réaction, une réaction de surcroît « biologique » signifiant par là qu’elle n’est que prévisible.

EH : Ce que vous dites n’est pas rassurant : s’ils sont aussi prévisibles, les Américains peuvent-ils pratiquer autre chose que la fuite en avant ?  

A : Notre problème vient aussi de ce que l’Europe, elle n’existe de ce point de vue tout simplement plus, réduite qu’elle est en l’état actuel en une meute russophobe, dont chaque élément pris individuellement est parfaitement impuissant.

La seconde conclusion est donc que tout se joue entre la Russie et les Etats-Unis. Et comme “le fou” semble ne pas comprendre ce que signifie la dissuasion “du fort”, il est à redouter que tôt ou tard les fusées parlent. Partant, j’estime que le but principal de la stratégie russe du fort au fou consiste à toujours être en mesure de provoquer “la sidération” par l’arme hypervéloce – même avec de simples charges conventionnelles.

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