« Complotisme » et « écoterrorisme » : deux enfumages de la technocratie dirigeante

[Source : piecesetmaindoeuvre.com]

[Illustration : Des activistes de Sea Shepherd abordent un baleinier japonais, en février 2012. (Sipa)]

« Complotistes » (alias « conspirationnistes »), et « écoterroristes » figurent parmi les pires méchants de l’heure, en compagnie des « populistes », des « radicalisés », et de toute la séquelle des « phobes » — des « transphobes » aux « islamophobes »1.

Vous pouvez vérifier sur Gougueule : « Complotisme », 16 pages de références.

« Écoterrorisme », également 16 pages (« Afin d’afficher les résultats les plus pertinents, nous avons omis quelques entrées qui sont très similaires aux 157 entrées actuelles »). 16 pages,157 entrées, à multiplier par des dizaines de livres et des milliers d’unités de bruit médiatique.

« Un mensonge répété mille fois se transforme en vérité »

(punchline attribuée à Joseph Goebbels, le communicant d’Hitler).

Le renouveau de cette « menace complotiste » (après le 11 septembre, l’assassinat de Kennedy, etc.), est évidemment concomitant de l’épidémie de Covid-19, quand partout dans le monde de simples Terriens (et même des scientifiques), s’avisèrent :

  • de discuter l’explication officielle de l’origine du virus (chauve-souris + pangolin + marché populaire de Wuhan) ;
  • de critiquer les mesures dictatoriales prises pour le combattre (conseil de défense, assignation de populations à résidence, interdiction de soins des médecins généralistes, obligation vaccinale, etc.) ;
  • voire, de dénoncer l’emballement techno-totalitaire qui s’engouffrait dans l’occasion (télétravail, télé-enseignement, QR-codes…).

Les curieux peuvent lire Le règne machinal (la crise sanitaire et au-delà)2, une enquête qui a dit sur le vif ce qu’il y avait à dire là-dessus, à telle enseigne que paraissent avec plus ou moins de retard des hommages plus ou moins appuyés, du copiage littéral au pastiche sournois. Ainsi va le ruissellement des idées.

Que toute critique véridique de la technocratie dirigeante soit disqualifiée comme « complotiste » par ses agents (Rudy Reichstadt, Tristan Mendès-France, Antoine Bristielle), et ses agences (« les décodeurs » du Monde, « le vrai du faux » de France-info, Conspiracy Watch) ; que ces idéologues à gages et à subventions s’obsèdent de sectes délirantes et/ou judéophobes afin de dissimuler et de discréditer la critique radicale, voilà un lieu commun par lequel nous sommes passés en 2007 dans « L’invention de la “théorie du complot” », premier chapitre de Terreur et Possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique3. Livre toujours en librairie.
Chapitre toujours en ligne.
Avec la citation culte de Michel Destot, alors ingénieur-maire de Grenoble :

« Faire croire que l’on imposerait un “nanomonde” totalitaire à la population sans débat préalable relève non seulement de la propagande mensongère, mais aussi d’une forme de paranoïa politique bien connue, qui s’appuie sur la théorie du complot, la haine des élites, des élus, des responsables4. »

Le peu de débats qu’il y eut sur l’avènement de ce nanomonde, ou monde-machine, c’est celui que nous avons imposé par nos enquêtes et nos actions depuis l’automne 2000, avec des brûlots tels que Le Laboratoire grenoblois (mars 2002)5, ou Nanotechnologies/Maxiservitude (janvier 2003)6 — d’abord diffusés en tracts et toujours en ligne. Ces brûlots ont servi de texte aux quelques actions menées avec l’aide rechignée et sporadique de quelques jeunes gens qui nous trouvaient bien catastrophistes, ou citoyennistes, ou… etc. Bref, bien rétifs aux diktats du milieu ; mais surtout trop (re) connus pour ce tas de mots par nous édifié et jeté à la face du technogratin, dans toutes les réunions officielles et publiques où nous intervenions, seuls contre la salle. Tu te souviens, Pimprenelle ?

Nous n’avons cessé que lorsque nos esclandres sont devenus une routine attendue et excitante pour les spectateurs qui se poussaient du coude (– Y’a PMO, il va se passer quelque chose !), cependant que nos anarchistes et révolutionnaires de camarades se tassaient et se taisaient dans leurs fauteuils. S’ils nous avaient accompagnés, bien sûr.

Quant aux effets concrets et conclusions de ce débat — ou des opérations de communication qui en furent le contrefeu et la contrefaçon officielle — chacun peut voir par lui-même, vingt ans après, si le progrès du monde-machine en fut retardé d’un instant7. Cependant que les candidats à la cogestion « citoyenne » et « alternative » d’Internet, du nucléaire et de la technopolice (de l’organisation technologique de la cité), continuent de réclamer sempiternellement à l’État ce qu’ils n’ont jamais été capables d’imposer : un vrai débat.

Mais que pourrait être ce « vrai débat » sinon un référendum posé en termes clairs (« Êtes-vous pour ou contre le développement d’une industrie nucléaire ? » — ou de « l’organisation informatique de la société ? », ou de « l’organisation scientifique du monde ? ») — et précédé d’une campagne à égalité de moyens entre opposants et partisans.

Où l’on verrait peut-être « la population » répondre par un oui franc et massif à un projet de « nanomonde totalitaire », conforme aux objectifs, aux intérêts et aux plans de la technocratie dirigeante, qui n’a jamais eu besoin de « comploter » pour les imposer, mais seulement de faire des commissions, des programmes, des budgets et des lois, au vu et au su de tous ceux qui se donnaient la peine de lire les rapports officiels ou les comptes-rendus du Monde. La « théorie du complot », c’est — une fois pour toutes — celle que les idéologues policiers de la technocratie ont inventée, afin d’en accuser la critique radicale, écologiste et anti-industrielle.

Nous voici donc, nous Pièces et main d’œuvre, et tous ceux qui partagent nos idées issues de l’enquête critique8, désignés comme « complotistes », et par suite comme « écoterroristes » potentiels par ceux qui détiennent le monopole légal de la parole autorisée et du « faux sans réplique » (oui, Debord. Commentaires sur la société du spectacle, 1988). Le monopole légal des fake news pour reprendre leur vocabulaire. Car le mauvais n’est pas la confection et la propagation de faussetés, mais l’usurpation en la matière des prérogatives du sociologue Gérald Bronner ou des spécialistes de l’Association française pour l’information scientifique (Afis)9.

Si le « complotiste » pense mal, l’« écoterroriste » agit mal. A fortiori s’ils sont réunis dans la même personne qui, s’étant persuadée de la nuisance radicale du smartphone, s’en va incendier une antenne de téléphonie mobile.

Ce n’est pas non plus d’aujourd’hui qu’un ministre de l’intérieur et son chœur de haut-parleurs éructent à tous les échos cette accusation d’« écoterrorisme » contre des manifestants décidés à occuper le site d’une future centrale nucléaire (Malville, 31 juillet 1977), ou d’un futur pillage d’eau. Ici, l’accusation s’inverse d’elle-même et joue comme un aveu. On ne voit guère de pires « écoterroristes » que ceux qui assèchent la terre et y répandent la radioactivité.

Il est donc logique que dans le monde réellement renversé, les machinistes fassent pendre les briseurs de machines, comme en Angleterre lors du mouvement luddite (1811-1812)10 ; que les nucléaristes dénoncent les écosaboteurs Françoise d’Eaubonne et Gérard Hof, après l’attentat contre la centrale de Fessenheim, le 3 mai 197511 ; que les technologistes et les industrialistes invectivent les membres du Gang de la clé à molette (Edward Abbey, 1975)12, tous ces adeptes de l’action directe et de la légitime défense qui firent sauter tant de machines et de locaux dans le sillage du mouvement antinucléaire13 ; avant que les activistes d’Earth First, aux États-Unis, ne passent à leur tour à l’écosabotage (1980), suscitant la traque et de grandiloquentes alarmes du FBI.

C’est de quoi nous avons traité en janvier 2009 dans À la recherche du nouvel ennemi14, quand huit ans après la World War on Terrorism, « les attentats à l’anthrax » commis par un scientifique de Fort Detrick et les alertes au « bioterrorisme », en France même, on vit l’écrivassier Jean-Christophe Rufin (Le Parfum d’Adam), et la journaliste du Monde Isabelle Mandraud, construire la figure de « l’écoterroriste » à l’aide de « récits bien documentés15 ».

C’est que « les ingénieurs de la survie » comme dit Charbonneau (Le feu vert, 1980), les technocrates du Green New Deal et de « la transition écologiste », ne peuvent tolérer d’opposition effective au redéveloppement du nucléaire, ni au rationnement des « ressources ». Chacun le sait depuis la mort de Rémi Fraisse à Sivens (26 octobre 2014), sinon depuis celle de Vital Michalon à Malville (31 juillet 1977) sous un déluge de 3000 grenades OF. Tout le monde le sait sauf les chefs, les organisateurs, toujours avides de puissance et d’exhibition. De défier l’État et son armée sur son terrain, en manœuvrant leur contre-armée sous la direction de leur contre-État, au moyen de leurs derniers joujoux de contre-technologie numérique (smartphones et messageries cryptées). Faut que ça saigne. Rien de tel qu’un martyr pour susciter l’union sacrée autour de ceux qui l’ont envoyé « au casse-pipe », comme il se dit autour de Sainte-Soline. Et d’autant mieux si le martyr était volontaire et « savait ce qu’il faisait ». La puissance et la gloire de l’Organisation, sa mainmise sur le mouvement écologiste, exigent des sacrifices humains. Mais il est vrai que ces « écologistes » — là ne sont pas « technophobes », ni anti-industriels. Ils veulent juste une autre machine.

« Eh bien, oui, je le répète à la face du monde ; toute “organisation” ne profite et ne profitera jamais qu’aux organisateurs ! Voilà ce que je veux “conter” encore avant de mourir. Tous ceux qui veulent faire de l’homme la bête d’un troupeau, sont ses assassins. »

Panaït Istrati, Vers l’autre flamme16

Pièces et main d’œuvre
Grenopolis, le 12 avril 2023