Ce que crée l’Homme et le sens de la mesure

Par Joseph Stroberg

S’appuyant
notamment sur une extrapolation abusive d’une certaine
interprétation d’expériences de mécanique quantique (selon
l’école
de Copenhague
), certaines personnes en viennent à considérer
que l’observateur influence (ou même crée) le monde juste par sa
manière de l’observer. Et une partie d’entre elles croient alors
qu’elles sont Dieu. Ce sont des théories et des croyances comme
les autres, mais certaines d’entre ces théories et croyances sont
fortement déconnectées de la réalité objective. En d’autres
termes, elles relèvent bien davantage d’illusion mentale que de
réalisme. Concernant l’être humain et ce qu’il peut créer, si
nous ne souhaitons pas nous contenter de fabulations et
d’élucubrations, nous gagnons à acquérir et surtout à démontrer
un certain sens de la mesure et des proportions.

Pour évaluer sa
place et ses capacités dans l’univers, l’Homme peut commencer
par la considération de sa taille par rapport à ce dernier. Un être
humain mesure en général un peu moins de deux mètres et parfois un
peu plus, alors que la planète Terre elle-même a un diamètre
d’environ 12 750 000 mètres, soit 6 millions de fois plus. Ceci
est approximativement la proportion de tailles entre l’Homme et un
virus. Et donc, d’un certain point de vue, l’être humain est un
virus pour notre planète. Celle-ci est elle-même
proportionnellement un virus de notre système solaire. Le Système
solaire est à son tour un virus dans notre galaxie, la Voie lactée.
Et cette dernière est un virus dans l’univers. Autrement dit, en
comparaison de tailles, l’Homme est un virus de virus de virus de
virus de l’univers ! Il resterait à savoir s’il s’agit d’un
virus pathogène ou non.

En ce qui concerne
le pouvoir créateur de l’être humain en comparaison de l’entité
éventuellement à l’origine de l’univers (et que l’on nommera
« Dieu » pour simplifier), nous pouvons en avoir une idée
en observant ce qu’il a pu déjà réaliser ou causer
individuellement et collectivement sur la Terre. Individuellement et
par exemple, est-ce qu’un être humain peut changer le climat, que
ce soit juste en l’observant ou encore par un éventuel pouvoir
paranormal ? Est-ce qu’il peut, sans usage de machines ni de
bombes, créer un tremblement de terre ou l’empêcher ? Est-ce
qu’il peut ralentir ou accélérer la rotation de la planète, ou
la faire changer d’orbite ?… À toutes ces questions, il semble
bien que la réponse soit « non ».

Bien sûr,
collectivement, en s’unissant en assez grand nombre autour d’un
but ou d’un projet commun, l’Homme est parvenu à créer des
bombes thermonucléaires susceptibles de créer des tremblements de
Terre et des tsunamis. Il a pu aussi créer HAARP et des sites
similaires dans le but de tenter d’influencer le climat et y
parvenir dans une petite mesure. Cependant, l’Humanité est encore
loin de disposer d’énergie, de ressources et de capacités
suffisantes pour accomplir des choses telles qu’un déplacement
orbital de la Terre. Et juste en observant l’orbite planétaire,
elle n’y est bien sûr pas parvenue.

Si l’Homme est si
petit et si faible dans l’Univers, comment peut-il avoir
l’outrecuidance de se prendre pour le créateur de ce dernier ou
pour son égal ? Eh bien, il a au moins la capacité de se créer
tout un univers intérieur, et notamment une représentation plus ou
moins fantaisiste ou plus ou moins réaliste de la réalité
objective. Et dans cette représentation interne, il peut très bien
jouer à Dieu, même si dans les faits il se comporte bien davantage
et le plus souvent comme un apprenti sorcier ou comme un enfant
immature (voir aussi : la
vue, la vision et la vie
).

Dans la pratique, le
pouvoir créateur de l’être humain est généralement concentré
sur son environnement immédiat : sa famille, son travail, sa
maison, sa voiture, ses loisirs, etc. Selon la représentation
interne qu’il se fait de cet environnement, il s’y comporte de
manière plus ou moins cohérente, constructive et mature, ou au
contraire incohérente, destructrice ou immature. Il crée notamment
ses relations interpersonnelles en fonction de cela. Selon ce qu’il
pense et croit, il favorise alors tels événements humains, locaux
ou plus généraux, que tels autres. Si par exemple, il craint sans
cesse de se faire voler, il finira par attirer un voleur qui viendra
concrétiser sa crainte, ne serait-ce que par influence télépathique.
On peut ainsi dire que d’une certaine manière et jusqu’à un
certain point, « l’énergie suit la pensée », ce qui
traduit l’idée que l’énergie mentale et émotionnelle déployée
dans telle direction par un individu finira probablement par y
produire un effet concret. Mais pour cela, il faut soit une énergie
mentale (ou émotionnelle) très puissante, soit entretenir longtemps
la pensée dans la même direction. La « pensée magique »
ne suffit pas. Croire par exemple que l’on amènera la paix dans un
milieu professionnel ou social juste en se pensant lumineux et
puissamment pacifique est-il en effet suffisant pour le produire
effectivement ? En particulier, comment un seul individu
pourrait-il contrecarrer simplement les désirs et volontés
adverses, alors qu’il peut très bien faire face à d’autres
êtres humains disposant d’un même genre de potentiel mental et
psychique ou d’une volonté aussi puissante ?

Combien même la
pensée magique serait effective et permettrait en théorie de
concrétiser facilement de grands rêves, dans la pratique, elle
devrait composer avec des pensées magiques contrariantes. Et plus
une société s’éloigne des lois et principes universels et
naturels, en les remplaçant par des éthiques élastiques et des
artifices au gré de ses fantasmes, plus elle devient chaotique,
chacun tirant dans sa direction particulière selon ses intérêts
immédiats et matérialistes et selon ses humeurs. Au contraire, pour
qu’un noble but se matérialise, il est nécessaire de réunir un
nombre suffisant d’individus motivés dans le même sens et
suffisamment mûrs pour faire passer au second plan leurs émotions
et intérêts particuliers, au profit de la collectivité. Et ceci
serait d’autant plus facile s’ils se branchaient tous sur leur
nature spirituelle connectée automatiquement au divin ou à la
source créatrice universelle.

L’Homme devient un
puissant créateur seulement à partir du moment où il est capable
de fonctionner en synergie avec ses semblables pour concrétiser un
projet commun qui va dans le sens de l’évolution (surtout celle de
la conscience). En dehors de cela, il se fait plutôt des illusions.
Une étincelle est bien plus efficace dans la flamme qu’isolée.
Une goutte d’eau solitaire n’aura jamais la puissance d’un
fleuve. L’être humain est à la fois une goutte d’eau, un
élément de matière malléable (émotionnellement, mentalement et
psychiquement), et une étincelle du feu cosmique (une Conscience en
mouvement dans la matière, pour la détruire ou pour y créer). Mais
il n’est individuellement ni le fleuve ni la flamme. Autrement dit,
il n’est pas Dieu et gagne à rester humble face à l’immensité
et la beauté du cosmos.