Petite étoile

[Source : Lola Swann ~ « Comment naissent les étoiles »
https://lolaafleurdemots.wordpress.com/2022/07/12/comment-naissent-les-etoiles/]

Par Lola Swann

Petite étoile est née
Une nuit de janvier
Le visage poupin
Les joues roses à croquer

Dans ses traits l’on perçoit
Une expression d’antan
Les beaux yeux, le minois
D’une étoile née avant

Cette étoile la berce
Juste avant de dormir
Lui raconte des histoires
Fait éclore son rire

Petite étoile grandit
Sous un ciel ténébreux
Son étoile adorée
Bientôt bannie des dieux

Petite étoile l’efface
Pour ne pas avoir mal
Peu à peu elle oublie
Celle qui l’a tant chérie

Peu à peu elle oublie
Sa douce voix, son sourire
Se remémore seulement
Qu’un jour elle est partie

Petite étoile ne sait
Ou ne veut plus savoir
Qu’un cœur pour elle jamais
N’avait battu si fort




Liberté

[Source : Comment naissent les étoiles]

Par Lola Swann

Liberté,

Le mot jadis revendiqué,
Tu, désormais.

Trois syllabes qu’on ose
À peine susurrer,
Les lèvres dissimulées
Sous l’inopportun bleuté.

La voix fragilisée,
Voilée,
Comme fautive d’exister.

Le Mal s’est installé, silence s’il vous plaît.

Cachez donc ce visage
Que l’on ne saurait voir,
Ne gardez que vos yeux
Peut-être pour pleurer.

De sourires il n’y a plus
Autant les camoufler,
De larmes, s’il y a ;
On ne les verra pas.

Restez bien à l’abri
Dans votre maison mauve,
N’invitez pas d’amis
Ne risquez pas leur vie.

Pas de câlins non plus,
Toute étreinte bannie,
Embrassade maudite,
Et passions interdites.

Au diable l’amour, seule compte la vie.

Assignation à résidence,
Mangeons, dormons, buvons en chœur,
Tchin-tchin la belle survivance !
Bénis soient donc nos bons sauveurs.

L’homme se meurt, Nature revit,
Silence d’or, trésor précieux,
Quand l’homme dort, Nature sourit ;
La Ballade des oiseaux heureux.

Lisons, chantons, dansons encore,
Échangeons des mots doux d’amor,
Et promenons-nous dans les bois
Pendant que police n’y est pas.

Rassurons-nous,
Ne pleurons pas :
La Terre, de tourner
Ne s’arrêtera.
Et nul ne saurait
Trop longtemps nous priver
Ni de consommer,
Ni de travailler.

Là est notre joyeuse destinée,
Pourvu que nous soyons dotés
Du nouvel accessoire branché,
Bleu cobalt, marine ou givré.

Rassurons-nous,
Ne pleurons pas :
Nos bons sauveurs
Nous ont laissé
Chère à nos cœurs
L’amie TV :
Petit écran joli,
Loisir jamais aboli.

Si pleins d’abnégation, regardons-là ;
Une cuiller pour maman, une cuiller pour papa,
Ne l’éteignons jamais, rêvons d’elle la nuit,
Hypnose en marche, et jusqu’à l’infini.

Pensée toute prête à consommer,
Révolution moderne,
Tellement plus amène
Qu’une pensée à fabriquer soi-même.

Liberté, à notre insu, par le Mal est dérobée.

Mon âme brisée en mille éclats,
Elle me clame de garder la foi,
Mais effrayé, je ne l’entends pas,
Volume à fond, voix de la raison.

La peur fusionne avec les cœurs,
Compassion en hibernation,
Je ne pleure plus ni même ne crie,
Fier, j’obéis, sers mon pays.




Les Yeux moroses

[Source : Orpheline]

Par Lola Swann

Petite fille son regard pose
Là-bas sur l’homme aux yeux moroses,
Celui qu’elle croise chaque matin
Et qui timidement tend la main.

Maman jamais ne le regarde :
Droit devant vite les très grands pas.
Comme un fantôme il s’évapore
Reprenant place dans le décor.

Petite fille, elle en est sûre,
A déjà vu une ou deux fois,
Un peu de cœur, un peu d’espoir
Dans le fin fond du regard noir.

Il est tout seul, il est tout blême ;
Un « non » ça fait beaucoup de peine.
Il dit des mots qu’on n’entend pas,
Pleure des larmes qu’on ne voit pas.

Un beau matin à l’aube rose,
Se sont éteints les yeux moroses.
La main tendue, recroquevillée,
Le mal invisible envolé.