Biélorussie : Roman Protassevitch opposant fabriqué et néo-nazi

[Source : Vu du Droit]

Par Charles Meyer

Le détournement de l’avion Ryanair vers Minsk et l’arrestation de Roman Protassevitch permet d’assister une fois de plus à un jeu de rôle classique. Le moins que l’on puisse dire c’est que si détournement il y a pour permettre une arrestation, c’est simplement de la piraterie. Et le fait que les États-Unis, l’Allemagne et la France (coucou Assange, coucou Snowden, coucou Benbella…) n’aient aucune leçon à donner n’empêche pas cette qualification.

Cela étant, le scénario habituel s’est mis en place. Les agents américains BHL et Glucksman (les plus rapides) se sont précipités sur tous les plateaux pour relayer la propagande de la CIA . Nos gauchistes à nous qu’on a, se sont comme d’habitude scrupuleusement alignés sur les positions américaines. Mention spéciale quand même pour Jean-Luc Mélenchon. Un petit aventurier néonazi, a été immédiatement intronisé comme martyr de la liberté. Et naturellement Macron, jamais en retard pour s’aligner sur les USA, en a fait des tonnes en mode roquet qui jappe.

Sur le fond j’invite à prendre connaissance de l’interview de l’interview d’Arnaud Dubien qui montre que l’affaire est un peu plus compliquée qu’on ne le présente.

Concernant le palmarès de l’admirateur du troisième Reich, Olivier Berruyer a fait le boulot. C’est édifiant.

J’ai demandé à Charles Meyer qui suit attentivement ce qui se passe en Europe centrale de nous donner son avis sur deux points. L’impasse politique et stratégique que constitue la création artificielle par les USA, servilement suivis par l’UE, d’opposants en carton. Et le danger de ce soutien que l’Occident apporte ainsi au développement de ce néo-nazisme raciste et antisémite particulièrement inquiétant.

Régis de Castelnau

La Biélorussie, c’est comme la Russie et la vie : c’est compliqué, parfois. Soyons clairs, on n’a pas besoin de défendre les vertus de la politique pensée à Minsk. Mais juste de comprendre que derrière un sujet d’actualité qui couvre une situation politique interne et géopolitique, se trouvent des individus pour lesquels on discerne mal les raisons qui conduisent à des soutiens inconditionnels qui fleurissent en Europe ou aux Etats-Unis. Pas plus qu’Alexeï Navalny, Roman Protassevitch n’échappe à une règle bien connue de la politique intérieure des pays de l’est : il n’y a pas pire remède que les opposants qui sont fabriqués de l’extérieur. Depuis quelques jours, on s’agite autour du cas de Protassevitch.

Soyons tout aussi clairs : il ne s’agit pas de priver celui-ci des droits qui seraient reconnus à d’autres ou de cautionner des tortures ou des châtiments qui lui seraient infligés par le régime de Loukachenko.  Mais simplement de nous déterminer sur le point de savoir si l’on défend les droits fondamentaux d’un citoyen biélorusse, ou la démarche politique d’un opposant. Et ce n’est pas du tout la même chose.

Protassevitch a droit au respect de son intégrité et de sa vie. Mais nous avons droit, aussi, de nous questionner sur sa démarche politique et de savoir, puis de comprendre comment ce jeune homme est devenu un militant et sympathisant néo-nazi. On ne parle pas d’extrême droite ou de « droite extrême », mais bien de néonazisme. Comme Navalny, ses accointances idéologiques le placent au cœur des dispositifs politiques et paramilitaires dont la Doctrine est la pureté de la race, l’élimination physique de l’ennemi russe, l’antisémitisme et surtout, l’adoration du Troisième Reich. Il faut comprendre que la mouvance néonazie en Europe de l’Est est beaucoup plus puissante et infiltrée qu’elle ne l’est ailleurs. Roman malgré sa jeunesse, en est un bon exemple. Et je vous assure qu’il n’y a nul besoin de noircir le tableau.

Roman Protassevitch fait partie de cette génération baignée dans le culte nationaliste du post soviétisme qui, d’année en année, a mené à la constitution de véritables corps francs en Europe de l’est, à l’image du bataillon Azov. C’est la raison pour laquelle on le retrouve il n’y a pas trois ans en arrière, manifestant au sein des tristement célèbres « blocs noirs » bien connus pour rassembler dans les rues la fine fleur de l’idéologie fasciste, la référence au fascisme ayant ici, pour une fois, un sens et ne dérangeant pas les grands mots.

C’est aussi la raison pour laquelle Protassevitch fait non seulement partie des manifestations de Maïdan à Kiev en 2014, mais qu’il sympathise à la même époque avec plusieurs membres du détachement de Pahonia. Pahonia est une organisation armée biélorusse qui a combattu aux côtés du bataillon Azov. Ces deux milices partagent clairement la même fascination pour le Troisième Reich, réunissent des néo -nazis venus de toute l’Europe et militent clairement pour une société raciale qu’ils rêvent de rétablir par les armes.

Il ne s’agit pas de faire comme certains de Protassevitch un néo-nazi irrécupérable ou un criminel de guerre, de la même manière que lorsqu’on dénonce l’islamisme d’un ou d’un tel, il ne s’agit pas non plus de prétendre à un déterminisme absolu ou à l’évocation systématique du djihadisme. Il s’agit de comprendre. En l’occurrence, on ne peut nier que Protassevitch fréquente les milieux néo- nazis et des chaînes de radio telles que « Belsat », dont l’idéologie est clairement documentée par le positionnement des animateurs qui est dépourvu de la moindre équivoque. On ne peut nier la participation de Protassevitch à des événements et un engagement dépourvus de la moindre équivoque. Pas plus qu’on ne peut nier les liens qu’entretiennent Protassecitch et Lobov, ou d’autres néo-nazis notoires. Je ne m’étendrai pas ici sur le rôle joué par des pays comme la Pologne et l’imprégnation évidente de l’idéologie fascisante que recycle ce pays, mais il y aurait aussi beaucoup à dire sur ceux qui ont encouragé, endoctriné et instrumentalisé des jeunes comme Protassevitch.

On peut tout à fait demander humanité et respect de la personne de Roman Protassevitch. Mais cela ne doit pas impliquer, comme on le lit trop souvent, de faire de lui l’opposant fantasmé qui représenterait face à Loukachenko celui qui porte les valeurs de la Démocratie. Ne soyons pas naïfs, la confusion qui s’opère en Occident entre les droits fondamentaux individuels des opposants médiatisés et la valeur du message qu’ils portent, est une confusion inacceptable en ce qu’elle ne rendra jamais service aux Peuples de cette Europe tantôt oubliée, fantasmée, perdue et qui se cherche au milieu de forces politiques et géopolitiques qui les instrumentalisent de toute part.