Après la bombe atomique, ils nous concoctent une dystopie pire que 1984

[Source : Réseau International]

Auteur : Paul Craig Roberts

Je pensais être seul à me soucier des conséquences économiques désastreuses de la robotique, mais Clarity Press me réconforte un peu maintenant, en publiant The Artificial Intelligence Contagion
de David et Daniel Barnhizer. Les coauteurs de ce livre étant avocats,
ça nous en dit long sur la raison dêtre de la profession d’économiste.

L’inquiétude entourant la robotique et
l’intelligence artificielle, est le fait de scientifiques qui craignent
que les robots tueurs super intelligents prennent le pas sur les
humains, plus limités et moins doués. Ils n’ont peut-être pas tort, mais
ce genre de soucis découle probablement d’idées ou de vues inabouties
sur l’esprit, la conscience et la créativité. J’aimerais que Michael
Polanyi soit toujours avec nous ; il battrait en brèche la propension à
vouloir doter les machines d’intelligence artificielle.

Les coauteurs mentionnent brièvement ces
menaces ainsi que celles qui sont bien réelles et déjà là, celles des
gouvernements dotés de moyens de surveillance et de contrôle intrusifs,
permis par la révolution numérique et l’intelligence artificielle. Les
mises en garde de Stephen Hawking, Nick Bostrom et Elon Musk, contre une
super intelligence immortelle, comme divine, au mieux amorale et au
pire immorale, qui prendrait en charge notre destin, ne sont que
spéculations. En revanche, l’impact économique négatif de la robotique
est déjà là. Ainsi, les coauteurs se focalisent surtout sur l’énorme
bouleversement économique qui résulterait de rendre les travailleurs
inutiles.

J’ai découvert dernièrement que des
machines intelligentes permettent aussi bien de remplacer les
magasiniers, que les employés des usines qui fabriquent les
transpalettes servant à manipuler les caisses et les boîtes. Comme ces
machines intelligentes sont elles-mêmes fabriquées par des robots, les
ouvriers fabriquant des transpalettes sont eux aussi inutiles.

D’après le dernier rapport sur l’emploi,
les entrepôts font travailler 1 192 000 magasiniers. À la différence du
travail avec les transpalettes, les nouvelles machines intelligentes
sont incapables d’améliorer la productivité du travail. En permettant de
se passer d’humain pour travailler, la machine ne fait que remplacer la
main-d’œuvre. Au lieu d’aller dans les salaires, chaque dollar
passerait dans les bénéfices des propriétaires d’entrepôts. C’est la
grande différence entre les innovations antérieures, qui amélioraient la
productivité et le niveau de vie des gens, et l’innovation de
l’intelligence artificielle robotique, qui élimine le besoin de
travailleurs humains et les rend inutiles.

La robotique ne sera pas mise en œuvre
partout à la fois ; ça se fera par étapes. Les 1,2 million de
magasiniers évincés chercheront un autre job. Les plus chanceux en
trouveront. Les autres rejoindront les rangs du chômage, jusqu’à ce que
découragés, ils se retrouvent en marge de la société, et sortent des
statistiques du chômage. Les recettes fiscales locales et fédérales
diminueront à cause des emplois perdus, mais les indemnités de chômage
et les autres prestations sociales gonfleront. Avec des revenus limités
ou inexistants, il y aura 1,2 million de personnes de moins dans la
vente au détail. Les ventes de voitures, de maisons, de restaurants, de
vêtements et de divertissements déclineront. Les recettes fiscales de la
masse salariale, les cotisations de sécurité sociale et
d’assurance-maladie seront amputés de l’apport de 1,2 million de
travailleurs, tout comme les cotisations de retraite. La sécurité
sociale et l’assurance-maladie de la main-d’œuvre active et retraitée,
sont financées par le travail actuel. Comme la robotique éliminera la
main-d’œuvre active, les recettes fiscales de la masse salariale
s’étioleront.

Tant
que le dollar sera la monnaie de réserve mondiale, le gouvernement
fédéral pourra imprimer l’argent manquant des cotisations de sécurité
sociale et d’assurance-maladie. Mais comme de vastes régions du monde
(Russie et Chine) ont déjà été poussées à se passer du dollar, à cause
des sanctions dues justement à son usage, cela veut dire que le dollar
perdra un jour son rôle de monnaie de réserve. Que ferons-nous après,
quand un nombre jamais vu de millions de gens attendront leurs pensions
et soins médicaux de la Sécurité sociale, et qu’il n’y aura plus de
main-d’œuvre pour payer les charges sociales ?

Ce genre de questions, et il y en a bien
d’autres, devrait être le centre d’intérêt principal de tout
économiste ; sauf que ça n’améliorerait rien, puisque les économistes
néolibéraux sont endoctrinés et incapables de penser. En tout cas, le
fait que ça n’inquiète aucunement les économistes, montre leur manque de
raison d’être et de compétence.

Il y a plusieurs années, j’avais fait
remarquer qu’avec la législation et les pratiques en cours,
l’intégralité du PIB reviendrait à la poignée de détenteurs de brevets
de robotique et d’intelligence artificielle. Les autres n’auraient pas
de revenu. Ce genre de situation est irréalisable du fait que plus
personne n’ayant d’emploi et de revenu pour acheter la production
automatisée, les brevets ne pourraient rien rapporter à leurs
propriétaires. À ce dilemme évident que j’avais soulevé, aucune réponse
n’a été apportée.

Une façon pour nous de comprendre ce
dilemme, serait que l’intelligence artificielle est nécessaire à ceux
qui nous apportent cette révolution, puisqu’ils sont eux-mêmes dépourvus
d’intelligence. En effet, est-il intelligent de vouloir remplacer les
humains ? Qu’y a-t-il d’intelligent dans le fait d’avoir des chaînes de
production robotisées, quand personne n’a les moyens d’acheter ce que
fabriquent les robots ?

Eh bien, pourrait-on nous raconter, nous
obligerons les propriétaires de robots à payer des charges sociales sur
les recettes de leurs ventes. Nous assurerons le maintien du circuit
économique en mettant les brevets au service de la société, en envoyant à
chacun le chèque de sa part de PIB, et patati et patata…

Mais quel est le but de ce binz ?
Pourquoi se passer de main-d’œuvre humaine ? Que gagneront les
possesseurs de robots, puisque plus personne n’aura les moyens d’acheter
leurs marchandises ? S’il n’y a plus de consommateur à l’autre bout du
circuit économique, faire des économies de coûts de production grâce à
la robotique et à l’intelligence artificielle, est singulièrement
loufoque. Quand pour aider les populations remplacées par la robotique,
les brevets devront être mis au service de la société, à quoi aura servi
la révolution robotique ?

Les coauteurs de The Artificial Intelligence Contagion
se rendent compte que des humains à la conscience et à l’intelligence
limitées, se sont découverts une passion intellectuelle dans la mise en
œuvre de leur autodestruction, et c’est bien ce dont il s’agit avec
l’intelligence artificielle. Les armes nucléaires, par exemple, sont des
inventions démentielles, pondues par des pauvres d’esprit, puisque leur
usage courant ne peut que détruire toute vie sur la planète. Une arme
de fin du monde est une arme inutile.

Même chose pour la robotique et
l’intelligence artificielle. Que vise la fabrication de menaces d’États
policiers et de suppression de toute raison d’être pour l’existence
humaine ? C’est au-delà du démentiel. Ceux qui en sont responsables sont
les pires gredins que le monde ait portés. Et malgré cela, l’admiration
du public suscitée par tous les avantages qu’ils apportent, font se
délecter ces destructeurs de l’humanité.

Lisez The Artificial Intelligence Contagion et dites-moi ce que ce livre vous apporte.

Paul Craig Roberts

Original : www.paulcraigroberts.org/2019/05/07/are-you-ready-for-a-worse-dystopia-than-1984/

Traduction Petrus Lombard