Allocution du Colonel français (CR) Alain Corvez au Forum Syndical International de Damas.


[Source : Le Saker Francophone]


Par Alain Corvez − Le 8 Septembre

Les
observateurs objectifs des événements tragiques de Syrie savent tous
qu’il ne s’agit pas d’une crise sociale interne à cette vieille nation
du monde arabe, connue pour sa tradition ancienne de cohabitation
harmonieuse entre ses multiples communautés, juives, musulmanes et
chrétiennes, mais du déploiement de l’impérialisme occidental, dirigé
par l’alliance américano-sioniste, à laquelle s’agrègent ses vassaux
européens et arabes, pour renverser un gouvernement qui n’a pas accepté
de se soumettre à ses exigences.

Cet impérialisme du mal dissimule plus ou moins ses visées derrière
de sempiternelles fausses allégations de protection des populations ou
de lutte contre un terrorisme barbare qu’il a lui-même créé et,
s’affranchissant des règles internationales, justifie ses interventions
militaires, directes ou par des factions complices, sous de faux
prétextes, utilisant une presse complice pour faire accepter ses
exactions.

Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, les États-Unis sont atteints d’un « hubris », d’une démesure, qui les persuade, du moins leurs dirigeants, qu’ils sont la « nation indispensable, la nouvelle Jérusalem », qui doit guider le monde vers le destin unique du « mode de vie américain.»

Il me semble que Donald Trump a compris l’erreur d’une telle
conception opposée à la réalité d’un monde multipolaire qui se met en
place inéluctablement: ses discours de campagne de 2016 le prouvent.
Mais s’il s’efforce de se libérer des forces qui l’empêchent d’appliquer
son programme et qui le menacent quotidiennement depuis son élection.
Il doit en permanence donner des gages d’obéissance à ces évangélistes
et sionistes pour ne pas être menacé de destitution ou subir d’autres
avanies plus radicales, ces derniers le rappelant constamment à leur
conception de la suprématie de l’Amérique et du dollar. D’où ses
déclarations et décisions contradictoires, parfois à quelques heures
d’intervalle seulement.

Les drames de notre époque proviennent en grande partie de ce fait : la
première puissance mondiale n’est pas dirigée par son gouvernement mais
par des groupes de pression plus ou moins officiels, notamment celui
des sionistes associés aux évangélistes, et propage ses désordres
internes à l’ensemble du monde
.

Son deuxième mandat devrait être différent car certaines déclarations de dirigeants, comme certains votes des assemblées, semblent indiquer que la majorité de l’importante diaspora juive américaine , convaincue depuis longtemps que le puissant mais minoritaire AIPAC influence le gouvernement et le Congrès et décide de la politique étrangère, estime que ce soutien indéfectible à la politique israélienne extrémiste dessert la politique américaine, et même celle d’Israël, et entendrait maintenant ne plus laisser ces fanatiques, puissants mais minoritaires, imposer leurs vues contraires aux intérêts des États-Unis.

On sait que l’intervention militaire de la Russie en Syrie, a été
initiée en septembre  2015 à la demande du gouvernement syrien en
difficulté, au moment où les augures occidentaux ne donnaient plus au
Président Bachar el Assad que quelques jours ou quelques semaines avant
d’être renversé par les islamistes. Elle a rapidement rétabli la
situation et, sans les manœuvres dilatoires occidentales, aurait déjà
permis d’en finir avec les hordes sauvages qui terrorisent encore les
populations civiles dans la région d’Idlib et sur les rives Est de
l’Euphrate, hordes protégées par les forces occidentales qui n’ont pas
encore reconnu leur défaite.

On sait que le Hezbollah est intervenu dès le début des événements,
jugeant que le Liban était directement menacé par les actions
islamistes, à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières.

On sait aussi que l’Iran dont l’action déterminante a été d’un grand
secours à l’Armée syrienne, est intervenu parce qu’il se savait la cible
suivante d’une «coalition occidentale» agissant au profit d’Israël.

L’entente entre l’Iran, le Liban, la Russie et la Syrie se fonde sur
des intérêts stratégiques communs qui dépassent les personnalités au
pouvoir à Téhéran, Beyrouth, Moscou ou Damas et nécessite une
coordination de leurs géopolitiques qui n’a rien à voir avec les humeurs
que certains journalistes croient déceler chez les uns ou les autres.

Les Occidentaux et leurs alliés arabes saoudiens, émiratis  et
qataris, associés aux Turcs ont, dès le début, alimenté les terroristes
de diverses obédiences en argent, matériel et armement, ajoutant des
sanctions économiques qui pénalisent d’abord le peuple syrien et
contreviennent totalement aux droits de l’homme qu’ils prétendent
défendre. Ils espéraient une révolte contre le gouvernement qui, non
seulement ne s’est pas produite,  mais a soudé les Syriens derrière
leurs dirigeants car ils avaient bien compris quelle était la source de
leurs malheurs.

Il faut dire et répéter que ces terroristes, s’inspirant de
dévoiements divers de l’islam, commettent des crimes odieux,
insoutenables, même pas bestiaux car les animaux ne se comportent pas
ainsi, dont ils diffusent des images de propagande de grande qualité
grâce à des moyens sophistiqués de communication que des firmes
occidentales leurs fournissent. Leurs commanditaires sont multiples et
l’on assiste parfois à des combats entre bandes rivales pour des raisons
conjoncturelles, mais prônant toujours l’installation d’un régime de
terreur islamique à Damas.

Grâce à la diplomatie russe, seule capable de parler à tous les
protagonistes de la crise, Moscou est parvenu à constituer une entente
fragile mais positive entre elle, l’Iran et la Turquie dont les intérêts
ne sont pourtant pas tous identiques, mais qui a permis des avancées
substantielles au cours de rencontres à Sotchi et Astana, amenant Ankara
à limiter son soutien à certaines factions terroristes.
Moscou joue une partition délicate, cherchant à donner des garanties de
sécurité à Israël, pays où environ un million de ses ressortissants se
sont installés, c’est tout dire, et poursuivant des échanges difficiles
avec les responsables américains, bien qu’il sache parfaitement que
ceux-ci font tout pour empêcher la réussite de la solution russe.

Mais les Américains sont en perte d’influence localement. Leurs
trahisons successives des Kurdes, comme leurs bombardements désastreux
des rives Est de l’Euphrate les rendent maintenant indésirables même de
la part de leurs anciens alliés. La Turquie dont la question kurde est
une obsession existentielle, malgré ses positions souvent ambiguës a
intérêt à conserver l’appui russe que Moscou lui propose et ne fait
aucune confiance aux États-Unis. Elle cherche, par différentes
manœuvres, à diviser les kurdes dans les trois autres pays qui en
abritent une communauté importante mais ne peut que constater que
celles-ci préfèrent majoritairement rester fidèles aux gouvernements
centraux de Damas, Bagdad et Téhéran.

Je veux dire ici aux Syriens qui m’écoutent que de nombreux Français
éduqués sont hostiles à la politique d’ingérence et d’alignement sur les
objectifs odieux des États-Unis. Ni le peuple français, ni les  peuples
européens n’ont été consultés sur cette politique.  Quand on voit les
dommages  humains considérables de cette politique états-unienne contre
l’Iran, avec des sanctions portant sur des produits de première
nécessité comme les médicaments; les dégâts économiques pour les
entreprises françaises et européennes, il serait temps que la France et
l’Europe réalisent enfin que les États-Unis ne sont plus un modèle ou un
allié fiable, mais un rival brutal qu’aucun principe éthique n’arrête,
pas même les règles internationales entérinées par l’ONU.

L’opinion publique française me semble de plus en plus se réveiller
et dénoncer les excès dramatiques d’un atlantisme devenu fou. Il lui
reste à convaincre ses dirigeants, empêtrés dans des crises internes et
au sein de l’Union Européenne, objets de pressions voire de chantages,
que leur propre intérêt est de sortir de cette idéologie, car elle est
néfaste et pernicieuse.

Les sanctions contre la Syrie doivent être supprimées au plus vite,
d’abord pour alléger les souffrances du peuple, ensuite pour préparer le
retour inéluctable de cet important pays arabe dans le concert des
nations où son rôle est attendu et se précise de plus en plus. Sous la
conduite de ses dirigeants auréolés de la victoire contre le terrorisme,
le peuple syrien pourra alors reconstruire son pays détruit par le
complot occidental, avec toutes les qualités qu’on lui connaît de
courage et d’ingéniosité, aidé par les alliés puissants qui ne l’ont
jamais abandonné comme la Russie, la Chine, l’Iran et bien d’autres.

Alain Corvez

Né le 24 juillet 1941
Marié  – 4 enfants

Officier supérieur (ER)
Conseiller en stratégie internationale

Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr

  • Conseiller en Relations Internationales au Ministère de l’Intérieur (1989-1994)
  • Conseiller du Général commandant la Force des Nations Unies au Sud Liban (FINUL) (1988-1989)
  • Commandant en second du 94éme Régiment d’infanterie motorisée (1986-1988)
  • Au Ministère de la Défense Suivi de la concurrence mondiale économique, scientifique et technique (1983-1986)
  • A l’Ambassade de France en Zambie (missions en Afrique australe (1980-1983)
  • Spécialisation en relations internationales Carrière d’officier d’infanterie (1976-1978)
  • Membre du Cercle d’Etudes et de Recherches du Général Pierre Marie Gallois (+)
  • Membre du Forum pour le France présidé par l’ambassadeur Pierre Maillard
  • Vice-président du Cercle ARAMIS
  • Ancien Secrétaire général de la Convention de la Fondation Charles de Gaulle
  • Secrétaire Général de la Fondation de la France Libre
Distinctions
  • Chevalier de la Légion d’Honneur
  • Officier de l’Ordre National du Mérite
  • Croix de la Valeur Militaire

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